Les sites naturels sacrés en milieu marin et côtier : point des connaissances

Les sites naturels sacrés en milieu marin et côtier : point des connaissances

Les questions relatives aux sites naturels sacrés dans la conservation de la biodiversité ont été abordées dans le cadre de nombreux travaux scientifiques en particulier sur les sites naturels terrestres tels que les forêts et les bosquets sacrés. Ces travaux ont traité des avantages de ces lieux reliés à un système de croyances, mais aussi à une organisation sociale qui renvoie à un certain contrôle des ressources naturelles. En effet, les recherches sur le sujet ont commencé à êt re développées dans les années 1960 avec notamment les travaux de ADAMS sous l’égide de l’UNESCO. L’intérêt des études a connu un véritable essor en 1997, avec l’UNESCO dans le projet intitulé « S acred sites, Cultural integrity and Biological Diversity ». C’est ainsi qu’en septembre 1998, un colloque international consacré aux sites naturels sacrés particulièrement sur la diversité culturelle et biologique fut organisé par le Muséum National d’Histoire Naturelle, le CNRS et l’UNESCO. Dans ce colloque il a été question de prendre en compte les faits de géographie culturelle pour la préservation du patrimoine biologique. En 2001, f ut adopté la Déclaration universelle sur la diversité culturelle, et où les pays membres ont reconnu l’importance de la diversité culturelle en tant que racine de développement et sa nécessité pour les hommes, comme la biodiversité l’est pour la nature.

La problématique des SNS est devenue mondiale et les études sur ce thème se s ont multipliées. En Afrique, des études ont été réalisées au Bénin, Burkina Faso et Togo par JUHE-BEAULATON (2006) sur les enjeux politiques, économiques et sociaux des SNS. A travers cette étude JUHE-BEAULATON met en exergue l’importance tant culturelle, écologique, économique que politique des forêts sacrées dans ces régions. Au Maroc nous notons les travaux faits par TAÏQUI et al. (2009) portant sur la conservation des sites naturels sacrés au Maroc et leur incompatibilité avec le développement socio-économique. Cette étude est une contribution au développement de la base des données spatiales des sites sacrés au niveau de la Province de Larache située au sud-ouest de Tétouan. Elle est centrée sur l’analyse de la densité des sites sacrés et leur niveau de conservation en relation avec les caractéristiques socio-économiques et le niveau de développement humain des collectivités locales. Au Sénégal, particulièrement en Basse Casamance dans le département d’Oussouye, BADIANE a mené en 2006 une étude sur les pratiques culturelles et gestion des ressources forestières des Diolas notamment dans la localité d’Oussouye. Dans son étude, il a tenté de démontrer comment cette ethnie a pu préserver les ressources naturelles forestières par des méthodes traditionnelles de gestion.

En revanche, les études sur les sites naturels sacrés marins et côtiers sont rares voire absentes. Cette rareté de productions scientifiques fait que leur connaissance est faible. Toutefois, nous pouvons noter l’étude qui a été faite par WEIGEL et al (2002) en Guinée Bissau notamment dans l’Archipel des Bijagos qui révèle comment l’ethnie bijagos à travers des pratiques socio-culturelles, est parvenue à préserver la diversité biologique et donc les ressources naturelles de nombreux endroits. Au Sénégal, DUMEZ et al. 2000 sous l’égide de l’UNESCO dans le cadre du programme sur l’Homme et la biosphère (MAB) de l’UNESCO a fait une étude sur l’île de Teuguene située au large du village de Yoff, un quartier de la banlieue dakaroise qui a la réputation d’être « sacré ». En Casamance, CHABI (2009) dans son mémoire intitulé « caractérisation des savoirs locaux et des modes traditionnels de gestion des ressources marines et côtières à Pointe Saint Georges et au petit Kassa » a mis en exergue l’importance des savoirs locaux dans la gestion des ressources naturelles marines et côtières. Elle s’est surtout intéressée aux pratiques et connaissances traditionnelles de gestion des ressources naturelles de ces localités. Mais, à propos des SNS marins et côtiers proprement dit au Sénégal, la seule étude existante à notre connaissance est celle réalisée en 2010 par la FIBA dans le cadre de l’étude sous-régionale d’Identification et de caractérisation des SNS côtiers et marins en Afrique de l’Ouest. Au Sénégal l’étude a été réalisée à Sangomar et dans le Petit Kassa. Ainsi, le SNS dénommé Karem Hounouha localisé dans le Petit Kassa entre les villages de Haer et de Bakassouk est un des sites pilotes retenu. Ce SNS est un bois sacré qui fut créé pour des besoins essentiellement religieux et culturels. Il sert de lieu de culte (lieu d’initiation pour la circoncision) et est d’une grande importance pour la conservation de la biodiversité.

De ces travaux nous pouvons retenir une tendance positive à une croissante reconnaissance de l’importance des pratiques et savoir-faire traditionnels dans la préservation de la biodiversité en général et des ressources naturelles en particulier. En conséquence la particularité de notre étude réside dans la caractérisation des sites naturels sacrés marins et leur participation à la conservation des ressources naturelles en milieu marin et côtier dans les deux sites.

Les sites naturels sacrés et la conservation de la biodiversité

La question des SNS est tout à fait essentielle lorsqu’on traite de conservation de la biodiversité et des ressources naturelles en particulier. La sacralisation des sites permet la protection des espèces et de leurs habitats. Elle permet également le maintien des fonctions et des services des écosystèmes. En conséquence, les SNS remplissent une fonction vitale pour la biodiversité par le biais de pratiques traditionnelles qui favorisent sa préservation.

L’Homme en général a toujours tiré l’essentiel de ses ressources pour sa subsistance dans le milieu naturel. Pour continuer à exploiter durablement ces différentes ressources les communautés locales, à travers les connaissances traditionnelles, ont développé des stratégies endogènes de protection et de conservation des ressources. C’est ainsi que beaucoup de lieux (terrestre et marin) furent ainsi déclarés sacrés et protégés par des lois coutumières. Ceci a permis pendant longtemps leur préservation ainsi que celle de la biodiversité associée à ces sites.

Dans beaucoup de régions du monde ces pratiques traditionnelles des peuples autochtones ont contribué pendant longtemps à la conservation de la diversité biologique des écosystèmes dont elles dépendent. En Afrique notamment en Guinée Conakry, SOW (2003) révèle qu’existe au sein des différentes structures traditionnelles de la dite région, des pratiques culturelles qui ont, par le passé, contribué activement au maintien de la biodiversité des écosystèmes dont elles sont tributaires. En effet, à propos de ces pratiques culturelles et la conservation de la biodiversité en Guinée, les traditions, les coutumes, les tabous et les croyances des communautés locales influent pour beaucoup sur la sauvegarde de la biodiversité. Ces croyances ont pendant longtemps constitué une composante importante dans l’utilisation rationnelle des ressources naturelles. Elles ont de ce fait participé ainsi à la préservation de la biodiversité des écosystèmes forestiers au Togo (WALA et al 2003). Toujours dans ce même ordre d’idée KOKOU K. et al (2007) ont montré que dans cette région (Togo) la diversité des plantes trouvées dans les forêts sacrées est plus importante que celles trouvées dans les communautés de végétation environnantes. Les pratiques endogènes des communautés locales et la sacralisation de ces forêts ont donc permis de protéger beaucoup de plantes menacées par les actions anthropiques. D’ailleurs selon ces chercheurs beaucoup de plantes ne se rencontrent plus dans les paysages anthropisés ou se font de plus en plus rares de nos jours du fait de la diminution des croyances religieuses traditionnelles. C’est le cas des espèces devenus endémiques comme Adenia cissampeloides, Capparis thonningii, Millettia thonningii, Tapinanthus warneckei recensés dans les forêts littorales du Dahomey et qui ont une large conséquence au Togo. Le caractère sacré de ces forêts fait qu’elles remplissent des fonctions écologiques importantes, leur conservation dépend des rites, des pratiques et des interdits qui les régissent (JUHE-BEAULATON 2006). En Côte d’Ivoire, GOME (2003) parle du patrimoine écologique vital des forêts sacrées à cause des interdits qui les entourent. Dans le Sud-Est ivoirien l’étude faite par DUCHESNE (2002) sur l’évolution du contrôle des ressources naturelles a mis en exergue les pratiques endogènes des paysans anyi visant à préserver la végétation de la forêt ainsi que la terre des hameaux de culture précisément les champs, appartenant aux bosons. En effet selon les croyances anyi, le monde naturel terrestre et aquatique appartient aux bosons qui sont des créatures invisibles envoyées par le Dieu du Ciel. Ceux-ci se chargeaient de faire respecter les règles d’accès et les limites à ne pas dépasser. Les cultivateurs qui passaient outre les mises en gardent risquaient des morsures de serpent.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE, PRESENTATION DE LA ZONE D’ETUDE, MATERIELS ET METHODES
1. ETAT DES CONNAISSANCES
1.1. CADRE CONCEPTUEL
1.2. LES SITES NATURELS SACRES EN MILIEU MARIN ET COTIER : POINT DES CONNAISSANCES
1.3. LES SITES NATURELS SACRES ET LA CONSERVATION DE LA BIODIVERSITE
2. PRESENTATION PHYSIQUE DE LA ZONE D’ETUDE
2.1. CARACTERISTIQUES DU MILIEU PHYSIQUES
2.1.1. Limites géographiques de l’AMPc du petit Kassa et de l’APAC du Mangagoulack
2.1.1.1. Le Petit Kassa
2.1.1.2. L’APAC de Mangagoulack
2.1.2. Hydrographie
2.1.3. La végétation
2.1.4. La diversité faunistique
3. APERÇU SUR LE CLIMAT
4. ASPECTS HUMAINS ET ACTIVITES SOCIO-ECONOMIQUES DE LA ZONE D’ETUDE
4.1. LES CARACTERISTIQUES DEMOGRAPHIQUES
4.2. ACTIVITES SOCIO-ECONOMIQUES
4.2.1. L’agriculture
4.2.2. Exploitation forestière
4.2.3. L’élevage
4.2.4. La pêche
4.2.5. Autres activités
4.3. LES CARACTERISTIQUES RELIGIEUSES ET CULTURELLES
5. METHODOLOGIE
5.1. MATERIEL D’ETUDE
5.2. METHODES DE L’ETUDE
5.2.1. Revue documentaire
5.2.2. La phase de terrain
5.2.3. L’échantillonnage
5.2.4. Collecte de données
5.2.4.1. Les enquêtes formelles
5.2.4.2. Les focus-groupes
5.3. TRAITEMENT DE L’INFORMATION
DEUXIEME PARTIE : LES RESULTATS ET DISCUSSION
1. RESULTATS
1.1. ETUDE DES SITES
1.1.1. Caractéristiques des sites naturels sacrés du Petit Kassa et de Mangagoulack
1.1.2. Situation géographique et présentation des sites naturels sacrés
1.1.2.1. Petit Kassa
1.1.2.2. C.R. de Mangagoulack
1.1.3. Etat de conservation des SNS étudiés
1.2. LES PRATIQUES TRADITIONNELLES LOCALES DE CONSERVATION DES SNS ETUDIES
1.2.1. Gestion et gouvernance des sites naturels sacrés
1.2.1.1. Sites intégrés dans une aire protégée officiellement reconnue
1.2.1.2. SNS non situés dans une aire protégée officiellement reconnue
1.2.2. Gestion des Conflits
1.2.2.1. Appartenance des SNS
1.2.2.2. Exploitation de la ressource
1.2.3. Menaces
1.3. LES RESSOURCES MARINES COTIERES
1.3.1. Dégradation des ressources naturelles marines et côtières de la zone d’étude
1.3.2. Potentiel faunique marin et côtier
1.3.3. Importance socio-économique
2. DISCUSSION
2.1. PARTICULARITES DES SNS DU PETIT KASSA ET DE MANGAGOULACK
2.1. ROLE ECOLOGIQUE ET SOCIO-CULTUREL DES SITES NATURELS SACRES
2.1.1. Rôle écologique des sites naturels sacrés marins étudiés
2.1.2. Rôle socio-culturel des sites naturels sacrés marins étudiés
2.2. IMPLICATIONS POUR LA GESTION DURABLE DES RESSOURCES COTIERES ET MARINES
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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