Les signes annonciateurs de la mort et la rumeur de la guerre

La scรจne du pique-nique comme acmรฉ du bonheur

La scรจne qui reflรจte le mieux lโ€™enfance heureuse dont bรฉnรฉficient un temps les garรงons de La Maison des bois est sans aucun doute celle du pique-nique de lโ€™รฉpisode 3. Nous lโ€™avons dit, un montage parallรจle fait alterner les scรจnes au bord de la riviรจre et celles des mรจres que personne nโ€™attend. Celles-ci ne sont pourtant pas tournรฉes au mรชme moment puisque le pique nique est filmรฉ en juin pour des raisons mรฉtรฉorologiques alors que le tournage se dรฉroule dโ€™aoรปt ร  novembre 1969. On sent dโ€™ailleurs la joie que les acteurs ont ร  se retrouver dans le cadre extraordinaire de la campagne au soleil. La scรจne reflรจte le bonheur dโ€™une famille qui le temps dโ€™une aprรจs-midi oublie le conflit, comme le souligne Marguerite : ยซ On est bien ici, on oublie quโ€™il y a la guerre ยป. Cela fait notamment le bonheur dโ€™Hervรฉ qui, ร  cause des lettres quโ€™il a dรฉchirรฉes, peut profiter lui aussi dโ€™un dimanche en famille sans รชtre jaloux de ses camarades auxquels les mรจres rendent habituellement visite.
Pialat sโ€™attarde comme nous lโ€™avons dit prรฉcรฉdemment ร  reprรฉsenter un bonheur collectif, qui nโ€™existe que sโ€™il est partagรฉ, ici par lโ€™ensemble de la famille. Tous partent donc un matin, coiffรฉs de chapeaux de paille, en calรจche en chantant en choeur ยซ Son voile qui volait au vent ยป. Marcel qui ne voulait pas quโ€™Hervรฉ monte sur son vรฉlo, cรจde au caprice de lโ€™enfant, ce dont se souviendra Jeanne avant de mourir. Tous ensemble, ils vont chanter, manger et jouer pendant les longues heures de cette aprรจs-midi ensoleillรฉe. Ils saluent au passage le bedeau ร  vรฉlo sur la route, qui en profite pour boire ร  leur santรฉ avant de les rejoindre. Pendant que Marcel cherche un coin pour pรชcher et pique-niquer, Hervรฉ et Michel jouent sur le pont. Leurs chemises blanches se reflรจtent dans lโ€™eau. Dans ce cadre naturel, les scรจnes sont รฉclatantes de lumiรจre. La bande sonore est essentiellement composรฉe des bruits de la faune et de la flore environnante. Rien dans le dรฉcor ne peut indiquer un contexte historique particulier, si ce nโ€™est une รฉpoque vague ร  laquelle renvoie les costumes. Ici plus quโ€™ailleurs, on sent que le rรฉalisateur filme le bonheur dโ€™un temps paisible sโ€™รฉcoulant lentement, hors de lโ€™agitation du monde. Ce temps de loisir et dโ€™oisivetรฉ vient presque faire offense ร  celui auquel se rattache la guerre, un temps minutรฉ par lโ€™industrie et centrรฉ sur lโ€™efficacitรฉ. Les repรจres historiques se rรฉfรฉrant aux batailles et ร  lโ€™avancรฉe des combats sont ici dissous au profit de ceux imprรฉcis des saisons. Alors que la famille sโ€™installe au soleil dans lโ€™herbe verte, prรจs dโ€™un bras dโ€™eau, Albert annonce ยซ Voilร  M. Saulquin ! ยป Sans y prรชter attention, Pierre Doris appelle lโ€™acteur par son vrai nom. La limite entre le rรฉel et la fiction semble alors presque dรฉfinitivement abolie. Cโ€™est dans cette rรฉpรฉtition anhistorique du quotidien que met en scรจne Pialat, quโ€™est possible lโ€™annulation de cette frontiรจre oรน ยซ fiction ยป et ยซ rรฉalitรฉ ยป deviennent des notions sans pertinence.
Le cinรฉaste sโ€™attarde en effet encore une fois, sur un moment simple dโ€™un quotidien ร  la campagne. On retrouve Albert allongรฉ de tout son long en train de dormir au soleil. Bernard Bรฉnoliel commente : ยซ En tรชte du cortรจge, Albert, le pรจre de famille (Pierre Doris comme on ne lโ€™a jamais revu), garde-chasse de son รฉtat, guรจre plus heureux avec les braconniers que ce pauvre Schumacher de La Rรจgle du jeu mais jovial et bon comme le pรจre Poulain (Renoir luimรชme) de Partie de campagne76. ยป En effet, la rรฉfรฉrence ร  Une partie de campagne (1946) de Renoir est explicite. Peut-รชtre plus quโ€™au pรจre Poulain, cโ€™est ร  Monsieur Dufour que ressemble Albert. Il est dโ€™ailleurs allongรฉ dans lโ€™exacte mรชme position lors de sa sieste. Martine Giordano, la monteuse du feuilleton, explique quโ€™elle et Pialat sont allรฉs faire des repรฉrages sur les bords du Loeng, oรน sโ€™est tournรฉ le film de Renoir. Lโ€™endroit ne fut finalement pas retenu car les lieux avaient changรฉ et les scรจnes seront tournรฉes ร  Gambais. Martine Giordano ajoute que mรชme le nom des poissons citรฉs par les personnages, est identique ร  ceux du film. La rรฉfรฉrence ร  Jean comme ร  Auguste Renoir sera รฉgalement prรฉsente dans le Van Gogh (1991) du cinรฉaste mais elle sera alors conรงue en dรฉcalage, la vision du peintre รฉtant ร  lโ€™opposรฉ de celle de Renoir. Dans le feuilleton, elle sโ€™entend plutรดt comme un hommage. Pialat fait rรฉfรฉrence au cinรฉma dโ€™entre deux-guerres, de Duvivier par exemple, et ร  lโ€™idรฉe retrospective dโ€™une รฉpoque bรฉnie oรน rien ne manquait. Alors quโ€™Albert se rรฉveille, on lui ressert ร  boire. Le couple des parents se regarde avec amour et sโ€™embrasse.
Puis le pรจre demande ร  sa fille un baiser, avant de soupirer ยซ Ah ce quโ€™on est bien ยป.
Lโ€™enivrement et la bรฉatitude semblent, ร  premiรจre vue, absolus. Le rรฉalisateur profite de la scรจne pour faire รฉgalement une peinture discrรจte des deux adolescents. Marguerite semble ennuyรฉe par lโ€™absence de son amoureux alors que Marcel, qui pouvait sortir avec ses copains voir des filles, dit ร  sa mรจre ยซ Je suis mieux avec toi. ยป La sรฉquence continue par un plan sur lโ€™eau oรน deux barques se rapprochent du bord. On reconnait le lieutenant et le sergent. Ils accostent et apostrophent la famille avant dโ€™inviter les dames pour une promenade nautique.

Le lieutenant porte dโ€™ailleurs une mariniรจre comme un des canotiers du film de Renoir.

Pendant ce temps, Albert montre aux enfants comment attraper un poisson avec ses mains. ร€ travers ces moments si simples, dรฉpossรฉdรฉs de tout artifice, le rรฉalisateur semble atteindre la reprรฉsentation la plus pure de lโ€™ataraxie que vivent les personnages de La Maison des bois.
Lors des derniรจres scรจnes qui constituent la sรฉquence du pique-nique, Pialat filme la famille Picard accompagnรฉe du bedeau assise en rond pour jouer au ยซ renard qui passe ยป. La camรฉra du rรฉalisateur, une nouvelle fois, sโ€™efface pour laisser vivre ses personnages librement devant elle. Tous rigolent dans le cadre baignรฉ de lumiรจre. Les enfants se courent aprรจs en riant alors que la camรฉra, avec des zooms, tente de suivre lโ€™action qui ne cesse de lui รฉchapper. On voit ensuite Albert qui joue avec Hervรฉ quโ€™il porte ร  bout de bras. Par lร , comme lโ€™รฉcrit Bernard Bรฉnoliel : ยซ [Pialat] laisse voir lร  comme nulle part ailleurs, lui ร  la fausse rรฉputation de misanthrope, son amour รฉperdu des hommes. ยป Le rรฉalisateur leur attribue dโ€™ailleurs tout le mรฉrite de la beautรฉ de ces scรจnes.
Mais cette sรฉquence qui semble dรฉnuรฉe de tout mal, comporte dรฉjร  une part de tristesse notamment ร  travers lโ€™inquiรฉtude des deux femmes. Jeanne ne peut sโ€™empรชcher de penser discrรจtement ร  la guerre. ยซ Moi jโ€™y pense ร  cause de Marcel ยป rรฉpond-t-elle ร  Marguerite. Et le spectateur ne voit quโ€™une triste prรฉmonition de lโ€™appel ร  venir lorsque Marcel la rassure en disant ยซ Dโ€™ici ร  ce que je sois appelรฉ, la guerre sera terminรฉe ยป. Marguerite, quant ร  elle, apparaรฎt effacรฉe pendant toute la durรฉe du pique-nique. Ses yeux semblent parfois se remplir de larmes. ยซ Tโ€™es pas bien avec nous ? ยป lui demande sa mรจre, avant que la jeune fille ne rรฉponde ยซ Bah siโ€ฆ Mais ce nโ€™est pas pareil. ยป ร€ travers ces deux figures fรฉminines, Pialat insรจre en filigrane lโ€™angoisse du lendemain. Ainsi la joie totale et le dรฉtachement quโ€™elle suppose sโ€™avรจrent peut-รชtre appartenir uniquement aux enfants. Grรขce aux personnages des enfants, Pialat dรฉpeint dans La Maison des bois, une vision du monde hรฉdoniste qui ne manque pas de surprendre quand on la compare ร  celle des longs mรฉtrages qui suivront. Comme lโ€™explique Sylvie Pierre : ยซ Le monde de Pialat tout ร  coup, et pour une seule fois, franchement sโ€™illumine, ce qui ne manque pas dโ€™รชtre paradoxal sโ€™agissant dโ€™une fiction situรฉe en pleine guerre, oรน on aurait pu sโ€™attendre ร  ce que Pialat trouve au contraire tout lโ€™espace des cercles de son propre enfer. ยป Dans le feuilleton, les enfants semblent รชtre les garants de la possibilitรฉ dโ€™un bonheur indรฉfectible.

Un bonheur menacรฉ

Dans la premiรจre partie du prรฉsent mรฉmoire, il sโ€™agissait de comprendre tout dโ€™abord comment Pialat fait de La Maison des bois un vรฉritable hymne au bonheur oรน se rรฉvรจle une philanthropie que peu de spectateurs lui connaissent. Ce bonheur ne se donne pas ร  voir dโ€™emblรฉe par son histoire ancrรฉe dans un contexte historique tragique, lโ€™Arriรจre pendant la Grande Guerre, mais il sโ€™installe bien au fur et ร  mesure des sept รฉpisodes par les thรจmes centraux du collectif, de lโ€™ordinaire et de lโ€™enfance. Il รฉtait donc important de souligner dans ces premiers chapitres comment le bonheur filmรฉ avait รฉtรฉ aussi celui de filmer pour ce cinรฉaste qui avait pu sโ€™adonner ร  une mรฉthode nouvelle rassemblant prise unique, mise en scรจne de lโ€™intรฉrieur et improvisation, brouillant sans cesse la frontiรจre entre fiction et rรฉalitรฉ sur le tournage. Lโ€™analyse durant ce premier mouvement sโ€™est terminรฉe par lโ€™รฉtude de la scรจne emblรฉmatique du pique-nique de lโ€™รฉpisode 3, la dรฉfinissant comme acmรฉ de ce bonheur si particulier. Mais cette scรจne centrale reprรฉsente รฉgalement le bonheur sous un deuxiรจme aspect, qui va nous intรฉresser pour cette deuxiรจme partie, celui de lโ€™รฉphรฉmรจre. En effet, comme lโ€™explique Bernard Bรฉnoliel.
Ce bonheur, sโ€™il ressort avec puissance de scรจnes anodines du quotidien de Maman Jeanne et Papa Albert et des trois orphelins de guerre quโ€™ils accueillent ร  la campagne, retentit peut-รชtre รฉgalement car il ne cesse dโ€™รชtre menacรฉ par le conflit qui entoure le village. La condition mรชme de lโ€™existence du pique-nique est crรฉรฉe par un malentendu : le couple ignore tout de la venue des mรจres de Michel et Bรฉbert, car Hervรฉ, jaloux, a dรฉchirรฉ les lettres venant de Paris.
Il y apprenait notamment le remariage de son pรจre et rรฉalisait donc que sa mรจre lโ€™avait dรฉfinitivement abandonnรฉ. Cela annonce dรฉjร  peut-รชtre que ce bonheur nโ€™est vouรฉ quโ€™ร  disparaรฎtre et que sa condition mรชme naรฎt du malheur.
Il sโ€™agit donc dโ€™รฉtudier ici comment la guerre va elle aussi, au fur et ร  mesure des รฉpisodes, mettre ร  mal le collectif et faire de la maison des bois un dernier rempart fragile contre la cruautรฉ du monde. En effet, si Pialat rรฉalise l’oeuvre la plus joyeuse de sa carriรจre, on voit sโ€™enraciner pourtant dรฉjร  les thรจmes quโ€™il ne cessera dโ€™approfondir par la suite comme celui du manque dโ€™affection, de la mort ou de la solitude. Nous questionnerons donc cette reprรฉsentation complexe dโ€™un bonheur existant peut-รชtre uniquement par le mal qui lโ€™environne et qui le conditionne.

Un bonheur minรฉ par la guerre

Sylvie Pierre รฉcrit ยซ Les diffรฉrents plans dans lesquels se dรฉploie cette fiction nโ€™admettent aucune focalisation uniforme, ou fรฉdรฉratrice, sur โ€œle mal qui est faitโ€ dans cette histoire de guerre. ยป Si Pialat ne filme pas directement la Premiรจre Guerre mondiale, il en filme les effets destructeurs sur le destin des habitants de lโ€™Arriรจre, qui semblent pourtant si รฉloignรฉs au dรฉbut du feuilleton des horreurs du Front. La mort arrive avec du retard, par lettres postales. La guerre menace ce coin de paradis et sโ€™inscrit en filigrane dans le quotidien des habitants. Elle infiltre les plans par des dรฉtails anodins, comme une discussion au goรปter ou une photographie. On entend les bruits des canons au loin et les soldats sont appelรฉs. La guerre se rapproche et ne cesse de dรฉfier lโ€™รฉquilibre fragile quโ€™avait pourtant instaurรฉ La Maison des bois. Il sโ€™agit dans ce chapitre dโ€™รฉtudier comment le cinรฉaste traite son sujet, semant les signes dโ€™un malheur ร  venir, et contribuant par lร  ร  renforcer lโ€™intensitรฉ des moments filmรฉs.

Le motif de la Grande Guerre

Lors des premiers รฉpisodes, la guerre nโ€™apparaรฎt pas frontalement pour les personnages comme pour le spectateur. Elle reste un horizon lointain que chacun semble percevoir de maniรจre plus ou moins vive. Dans lโ€™รฉpisode 1 par exemple, les enfants jouent ร  la guerre en tirant ร  la courte paille pour savoir qui sera ยซ le Boche ยป dans le jardin ensoleillรฉ derriรจre la maison. Aprรจs que Michel sโ€™est emparรฉ du drapeau franรงais et est allรฉ prรฉvenir les filles dans la cuisine de sa victoire, il remet finalement ร  Hervรฉ et Bรฉbert la lรฉgion dโ€™honneur. Papa Albert quant ร  lui, sโ€™offre une imitation burlesque de prรฉsentation des armes devant les enfants, dans lโ€™รฉpisode 4, renouant pour lโ€™acteur avec la vedette de cabaret quโ€™il redevient chaque soir lorsquโ€™il rentre ร  Paris au volant de sa Mercedes. La guerre semble ici lointaine, inoffensive ou du moins prรฉtexte ร  lโ€™amusement. Cela est vrai dans la fiction comme sur le tournage, puisque dans la sรฉquence qui suit celle du jeu des enfants du premier รฉpisode, la camรฉra traverse le camp dโ€™aviation suivant Papa Albert dans son devoir de rรฉserviste. On peut alors apercevoir Pialat lui-mรชme dรฉguisรฉ en aviateur, riant avec dโ€™autres figurants, et traversant ร  pied le plan. La camรฉra quitte ensuite Albert pour se concentrer sur le dรฉchargement dโ€™une voiture pleine de provisions alimentaires, avant de rentrer avec le soldat ร  lโ€™intรฉrieur de la rรฉserve. Le spectateur comme le personnage est surpris du canular quโ€™a manigancรฉ Albert, dรฉguisรฉ avec un manteau de fourrure, canular quโ€™il appelle ยซ Le retour du poilu ยป. La camรฉra est alors complice de cette farce, bon enfant, et sโ€™invite dans cette ambiance dรฉcontractรฉe et chaleureuse oรน les militaires se blaguent en buvant du vin pour lโ€™anniversaire de lโ€™un dโ€™entre eux. On imagine que lโ€™ambiance devait รชtre similaire sur ce grand plateau en plein air, pour les acteurs comme pour le metteur en scรจne. La guerre dans ces premiers temps de la fiction, reste avant tout un jeu.
Ce ton que Pialat fait ressortir dans ces premiers รฉpisodes, nโ€™est pas sans รฉvoquer lโ€™article polรฉmique de Sartre, mรชme si celui-ci a รฉtรฉ รฉcrit au cours de la deuxiรจme Guerre Mondiale : ยซ Nous nโ€™avons jamais รฉtรฉ aussi libres que sous lโ€™Occupation allemande ยป. Le philosophe y explique que lโ€™exposition permanente au danger ne cesse de rappeler le caractรจre mortel et vulnรฉrable de chacun. Chaque action ou pensรฉe quelle quโ€™elle soit a donc un poids plus important quโ€™en temps de paix. La libertรฉ est dโ€™autant plus chรฉrie. ยซ Tout est permis si cโ€™est sur le plan de la libertรฉ ยป ajoute-t-il. Tout devient action et engagement contre lโ€™oppression subie. Ainsi la scรจne du pique-nique peut sโ€™entendre en tant quโ€™offense et revendication contre la guerre. Mais comme Jeanne, le spectateur ne peut sโ€™empรชcher de sโ€™inquiรฉter pour lโ€™avenir de ces personnages. Comme lโ€™affirme Matthieu Darras : ยซ [โ€ฆ] le spectateur est aussi dans le suspense de ce qui va arriver aux personnages. Cโ€™est ร  cela, que servent ces moments de vรฉritรฉ : sโ€™attacher au sort de la communautรฉ de la Maison des bois. ยป Pialat aborde le sujet mรชme de la guerre par des dรฉtournements multiples, imitant le mouvement de celle qui sโ€™insinue doucement dans la vie des habitants de lโ€™Arriรจre sans qu’ils y prennent vรฉritablement garde. Pour observer le traitement que le cinรฉaste fait de son sujet, il est intรฉressant dโ€™en comprendre la genรจse. Il peut sembler original, lโ€™annรฉe suivant mai 1968, pour Pialat de choisir de traiter de la guerre 14-18. Cela le place en marge du cinรฉma et surtout de ses contemporains de la Nouvelle Vague. Pialat confie en effet au micro de Claude Jean Philippe en 1979 sur France Culture : ยซ 68 ne mโ€™a pas donnรฉ beaucoup de boutons. […] Moi je suis restรฉ ร  la guerre 14 (rires) donc jโ€™รฉtais dans le sujet. ยป Laurent Vรฉray explique de plus, que si la Premiรจre Guerre mondiale est traitรฉe dans le cinรฉma dans ces annรฉes, cโ€™est de maniรจre ยซ critique, anticonformiste, avec une tendance affirmรฉe ร  la transgression (de 1947 ร  1989), voire ร  lโ€™antimilitarisme, surtout ร  partir de 1957 avec Les Sentiers de la gloire88 de Stanley Kubrickยป. Regard critique qui nโ€™apparaรฎtra pas si explicitement dans La Maison des bois. Si le sujet est quelque peu original pour le cinรฉma, il ne lโ€™est pas pour la tรฉlรฉvision comme lโ€™affirme Dominique Campet.
Isabelle Veyrat-Masson ajoute quant ร  elle, quโ€™ยซ en France, au cours des annรฉes 1960-1970, […] la tรฉlรฉvision ne propose quโ€™une โ€œconception indolore de lโ€™Histoire.โ€ ยป La tรฉlรฉvision exclut en effet des programmes, un grand nombre de sujets dรฉrangeants. Selon Laurent Vรฉray, ยซ Aprรจs la violence paroxysmique de la Seconde Guerre mondiale, lโ€™horreur de la Shoah, les sรฉquelles laissรฉes par la pรฉriode de lโ€™Occupation, la rรฉfรฉrence ร  la Grande Guerre devient moins รฉvidente, voire insensรฉe. ยป Mais cโ€™est รฉgalement ร  cause de cela et dโ€™un certain contrรดle plus ou moins autoritaire de la censure, que la rรฉfรฉrence au premier conflit mondial trouve un sens nouveau, cherchant dans la rรฉsurgence de ce passรฉ un รฉclairage plus significatif sur le prรฉsent et contribuant ร  un nouveau cinรฉma pacifiste. Dans ce contexte et respectant sรปrement le formatage quโ€™impose le petit รฉcran, la maniรจre dont Pialat rend compte de cette vie si particuliรจre de lโ€™Arriรจre et de la violence quโ€™elle subit devient alors plus intelligible. Mais ce nโ€™est pas la seule raison. Si le scรฉnario nโ€™est certes pas le sien, ce thรจme lui tient ร  coeur. En effet, ร  quatorze ans, le cinรฉaste a lui-mรชme vรฉcu lโ€™exode, en 1939 avec ses parents, รฉvรฉnement dont il dit avoir toujours voulu faire un film. Pascal Mรฉrigeau prรฉcise : ยซ En 1940, Pialat, lui aussi, a รฉtรฉ dรฉplacรฉ, il nโ€™a pas quittรฉ ses parents, mais il sโ€™est retrouvรฉ ร  la campagne, en Auvergne, loin de Montreuil, loin de la ville, il sait quโ€™il va pouvoir ressusciter ses propres souvenirs, il sent quโ€™il va รชtre en accord avec cette histoireยป, ou encore : ยซ La grande boucherie de 14-18, le pays saignรฉ ร  blanc, des enfants sans pรจre et, pour certains, sans mรจre, transportรฉs dans un milieu qui nโ€™est pas le leur, auprรจs des petites gens qui a priori ne leur sont rien, quelque part dans la campagne de France, tout est de nature ร  lโ€™attirer. ยป Pialat sait que par la longueur qui lui est accordรฉe (sept fois environ cinquante minutes), il va pouvoir traiter les diffรฉrentes consรฉquences du conflit dans plusieurs intrigues entremรชlรฉes, dans la vie de ces petites gens. Comme le confirme Laurent Vรฉray : ยซ La Grande Guerre contient une formidable brassรฉe de destins glorieux ou tragiques oรน se mรชlent lโ€™individuel et le collectif. Elle permet dโ€™exprimer des espoirs et des craintes. Dโ€™oรน la place exceptionnelle quโ€™elle occupe au cinรฉma. ยป
Si Pialat รฉvite donc toute reprรฉsentation frontale du conflit avec les scรจnes habituelles de tranchรฉes par exemple, il sโ€™agit bien pour lui de montrer une violence seconde qui arrive par ร -coups, ร  retardement. Comme lโ€™explique Bernard Bรฉnoliel.
Prenons pour exemple cette scรจne de lโ€™exode sur laquelle sโ€™ouvre lโ€™รฉpisode 5. Alors quโ€™on suit cinq soldats sur une charrette en train de traverser les champs, la camรฉra effectue un lรฉger panoramique et nous montre le canon quโ€™ils tirent derriรจre eux. La musique de Ravel, ยซ Trois beaux oiseaux de Paradis ยป, est ici remplacรฉe par une musique de bataillon trรจs rythmรฉe par les caisses claires qui entament lโ€™air militaire de la garde rรฉpublicaine. Tout le gรฉnรฉrique dรฉfile alors en police blanche sur le plan fixe dโ€™un coucher de soleil rouge de mauvais augure.
La camรฉra balaye dans la scรจne suivante, une rue encombrรฉe de nuit oรน chaque habitant essaye de charger les charrettes de valises, malles ou matelas. Le dรฉpart de ces civils nous est montrรฉ comme hรขtif et le brouhaha mรชle des bruits dโ€™animaux et d’enfants. Le plan suivant nous montre cette fois-ci la rue au petit matin. Des femmes, enfants et vieillards se mettent en marche portant difficilement ce quโ€™ils tentent de prรฉserver. Les soldats et surtout le canon quโ€™ils tirent, les frรดlent en sens inverse et roulent vers les combats que les villageois fuient. Sโ€™ensuivra le long plan fixe dโ€™un chemin entre les champs oรน dรฉfilent en silence habitants, animaux et charrettes pendant que les bombardements se font entendre en fond sonore. Le front invisible nโ€™a jamais alors paru aussi prรจs. La reconstitution de lโ€™รฉvรฉnement est sobre et la mise en scรจne astucieuse se passe de commentaires supplรฉmentaires de la part du cinรฉaste. Comme le dit Sylvie Pierre ยซ un exode est rapidement รฉvoquรฉ dans lโ€™un des รฉpisodes, et avec quelles force et sobriรฉtรฉ de drame on voit quโ€™il sโ€™agit dโ€™une agitation de dรฉmรฉnagement malaisรฉ et forcรฉ, imposรฉe aux hommes, aux bรชtes (vaches, chรจvres, chiens rรฉcalcitrants ร  tels remuements de charrettes), aux meubles et aux literies. ยป La monteuse du feuilleton, Martine Giordano ajoute, impressionnรฉe par le choix de chaque visage des figurants que lโ€™on voit durant lโ€™exode : ยซ [Pialat] a du choisir chaque visage. Ils nโ€™ont pas un mot de texte, on les voit passer et on y croit tout de suite, les gens, les animaux. ยป

Les signes annonciateurs de la mort et la rumeur de la guerre

Si le scรฉnario de La Maison des bois est pratiquement รฉcrit au jour le jour par Maurice Pialat et Arlette Langmann, il nโ€™en reste pas moins consciemment construit, incorporant des indices de la mort ร  venir mais qui ne cesse dโ€™รชtre relรฉguรฉe au hors-champ. Comme le dit Pascal Mรฉrigeau : ยซ Le film dรฉlaisse sans cesse la ligne de force du scรฉnario, pour nโ€™y revenir que par mรฉgarde, รฉpousant ainsi les contours dโ€™une chronique, celle dโ€™un pays bouleversรฉ par une guerre dont pourtant ne lui est donnรฉ ร  percevoir que la rumeur. ยป Cette rumeur de la guerre et de la mort ne cesse de peser sur le sort des habitants de ce petit village de lโ€™Oise et de sโ€™accentuer au cours des รฉpisodes. Pialat renoue alors, au fur et ร  mesure des รฉpisodes, avec un รฉlรฉment fondamental de lโ€™histoire du feuilleton tรฉlรฉvisรฉ : le suspens qui retient le spectateur. Lโ€™originalitรฉ du cinรฉaste est dโ€™incorporer cet รฉlรฉment ร  la vie quotidienne aux scรจnes anodines et non de le rรฉserver ร  des scรจnes ร  teneur dramatique forte. Si la nouvelle de la mort de Marcel, le fils de Jeanne et Albert, nโ€™intervient qu’ร  la fin de lโ€™รฉpisode 5, la scรจne ne vient pas rompre un bonheur qui jusque lร  se trouvait exclusif et certain : elle nโ€™est que la confirmation de son caractรจre ambivalent. La barbarie, sous une forme รฉdulcorรฉe ou suggรฉrรฉe, nโ€™est donc pas absente de La Maison des bois. Le feuilleton tisse par lร  des liens รฉtroits avec les autres films du cinรฉaste. Michel (Michel Tarrazon) a notamment gardรฉ des similitudes avec le personnage quโ€™il jouait dans Lโ€™Enfance nue (1968). Michel poursuit cette mรชme cruautรฉ envers les animaux, car si Raoul jetait un chat du haut des escaliers, Michel dans lโ€™รฉpisode 2, tente de donner la pie dโ€™Hervรฉ ร  manger au chien. Dans le mรชme รฉpisode, il nโ€™oublie pas de rappeler ร  Bรฉbert que son lapin a fini dans son assiette : ยซ Tiens Bรฉbert, tu le reconnais, cโ€™est Kiki ton lapin. On le bouffe. ยป Et lโ€™on remarque alors dรฉjร  la singularitรฉ du cinรฉaste : ne jamais omettre la noirceur inhรฉrente au genre humain.
La Maison des bois nโ€™est donc pas pour autant la ยซ maison du bonheur. ยป Le feuilleton sโ€™ouvre en effet, lors du premier รฉpisode, sur lโ€™annonce de la mort de la marquise, Madame de Fresnoy. Un homme vient prรฉvenir lโ€™instituteur en pleine classe que la voiture de cette derniรจre sโ€™est renversรฉe. Les enfants courent voir lโ€™accident avant quโ€™on ne les repousse. Alors quโ€™ils prennent leur goรปter que prรฉpare Maman Jeanne, qui sera aussi la mรจre nourriciรจre dans Loulou, Hervรฉ annonce la nouvelle. Et Jeanne lui rรฉpond ยซ Tu vois personne nโ€™est ร  lโ€™abri du malheur. ยป Sโ€™ensuit alors une discussion des trois enfants sur le sujet de la mort. On aurait sans doute imaginรฉ plus gai pour un goรปter. Mais ร  la question de Michel ยซ Tu lโ€™as vue la marquise ? ร‡a tโ€™a rien fait ? ยป, Bรฉbert rรฉpond naรฏvement ยซ Si รงa mโ€™a fait ยป. Pialat nous montre alors que la mort fait partie de la vie des ces enfants, quโ€™elle plane au-dessus dโ€™eux en ces temps de guerre oรน la confiture est rationnรฉe. Cโ€™est notamment ce qui fera dire ร  Jean Narboni que Pialat possรจde ยซ un trait commun ร  une sorte de courant ethnographique du cinรฉma franรงais, cruel et exact. ยป Dโ€™entrรฉe, comme toujours chez Pialat, ยซ Le mal est fait. ยป La maison peut รชtre alors vue dโ€™aprรจs Elodie Issartel, comme ยซ une maison hantรฉe. Hantรฉe par le front dโ€™oรน lโ€™on revient, dโ€™oรน lโ€™on (re)part et disparaรฎt, une maison hantรฉe par la perte, les revenants et les spectres [โ€ฆ] (Lโ€™origine scandinave du mot hanter, heimta signifie โ€œconduire ร  la maisonโ€.) ยป Pourtant mรชme hantรฉe, la maison reste un foyer protecteur, comme nous le verrons dans le chapitre suivant, car la mort est toujours repoussรฉe dans le hors-champ. On aperรงoit la charrette de la marquise renversรฉe dans le ravin mais non le corps, comme on nโ€™apprend la mort de Marcel par le biais dโ€™une lettre quโ€™apport Birot, le maire.

La guerre entre dans le champ

La mort entoure La Maison des bois mais elle reste toujours hors-champ, contrairement ร  la guerre qui se rend visible par diffรฉrents dรฉtournements. Franรงois Chevassu รฉcrit : ยซ Le contexte socio-politique reste toujours prรฉsent. Mรชme si on รฉvite tout didactisme, au profit de son insertion quotidienne ร  partir dโ€™un รฉvรฉnement, dโ€™une phrase, dโ€™une leรงon dโ€™histoire ou de morale. ยป En effet, la guerre est รฉvoquรฉe quotidiennement par les personnages et ses effets sโ€™inscrivent ร  lโ€™image dรจs lโ€™รฉpisode 2. Ce dernier sโ€™ouvre sur lโ€™intรฉrieur du bistrot, nous sommes dans la salle attenante au bar, filmรฉe en plan large, oรน des soldats jouent au billard alors quโ€™un autre est assis et discute avec sa mรจre. La camรฉra sโ€™attarde premiรจrement sur les deux joueurs, quโ€™elle centre dans le cadre. On les entend alors รฉvoquer leur chance : alors que certains retournent au front, eux sont รฉpargnรฉs. Un des soldats explique que sa mรจre travaillant au ministรจre de la guerre en tant que femme de mรฉnage, a rรฉussi ร  le faire rester ร  lโ€™Arriรจre. Mais tout le monde nโ€™a pas cette chance et certains nโ€™รฉchapperont pas ร  leur sort. La camรฉra pivote ร  droite et effectue un zoom sur le soldat attablรฉ. Celui-ci est habillรฉ avec son uniforme de poilu et รฉcoute les recommandations de sa mรจre contre le froid. Il tente de la rassurer, lui promettant son retour alors quโ€™elle se met ร  pleurer. Au premier plan, la partie de billard continue sur laquelle la camรฉra revient une fois comme pour se dรฉtourner pudiquement de la mรจre, la laisser ร  sa douleur. ยซ On y reste pas tous. Faut bien que cela finisse un jour. ยป lui dit-il. Puis il finit par se lever et partir. Le cinรฉaste fait un lรฉger zoom sur la mรจre seule qui se rassoit et commence ร  pleurer. La mise en scรจne est sobre, la sรฉquence de trois minutes ne contient que trois plans et se dรฉroule sans musique. Lโ€™intensitรฉ dramatique est ailleurs. Elle est dans ce dรฉpart vide de sens pour cette mรจre. La douleur apparaรฎt, sensible, sur son visage et sonore, dans la voix finalement peu sincรจre du soldat. Sylvie Pierre commente : ยซ Cรฉzanne peint. Non, cโ€™est Pialat qui filme en volume cette merde de sรฉparation. Cโ€™est marchรฉ dedans, pas autour. Cโ€™est grand. ยป En effet, au dรฉtour de deux affiches dโ€™รฉpoque accrochรฉes au mur et dโ€™un costume, Pialat nous montre sans moralisme mais de maniรจre acerbe que la guerre brise des destins. Et alors que lโ€™รฉpisode 2 sโ€™ouvre sur un dรฉpart et une absence ร  venir, il se termine par un retour : celui des blessรฉs quโ€™une ambulance amรจne au chรขteau du marquis pour manger un repas et se reposer un temps.
Les enfants prรฉvenus courent voir le triste spectacle, puis ralentissent et le silence se fait. La camรฉra suit la marche des enfants dans un travelling lent vers la gauche et nous fait dรฉcouvrir lโ€™รฉtendue de la scรจne. Pas un bruit ne se fait entendre : chaque soldat est blessรฉ, avec bandeaux ร  la tรชte ou plรขtres, et regarde dans le vide en attendant la soupe que distribue le marquis. Ce dernier demande aux enfants de partir puis son regard sโ€™arrรชte quelques secondes sur un cadavre quโ€™on transporte en civiรจre. La sรฉquence se termine, toujours en silence, sur lโ€™intรฉrieur dโ€™une ambulance oรน un soldat, le visage ensanglantรฉ, reรงoit une perfusion sommaire par un camarade. Un gros plan se fait sur son visage hagard. Puis les ambulances repartent de nuit sous le regard du marquis, pas une parole ni un mot dโ€™encouragement nโ€™est prononcรฉ. Le gardien fermera ensuite la grille du chรขteau. Et le gรฉnรฉrique dรฉfile sur fond noir sur la musique de Ravel. Cโ€™est lโ€™absence de son qui marque ici lโ€™absence de vie ou dโ€™espoir.
La guerre est entrรฉe physiquement dans le village et dans champ de la camรฉra et personne ne peut maintenant lโ€™ignorer.

 

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Table des matiรจres

Introduction
Premiรจre partie : un bonheur dรฉrobรฉ
Chapitre I. Un bonheur liรฉ au collectifย 
I.1. La communautรฉ de La Maison des bois
I.2. La vie des petites gens face ร  lโ€™Histoire
Chapitre II. Un bonheur liรฉ ร  lโ€™ordinaire
II.1 La vie familiale au premier plan
II.2 Esthรฉtique du quotidien et de lโ€™intime
Chapitre III. Un bonheur liรฉ ร  lโ€™enfance
III.1 Une veine comique et une lรฉgรจretรฉ de ton
III.2 Lโ€™รฉcole : du rire aux larmes
III.3 La sรฉquence du pique-nique comme acmรฉ du bonheur
Deuxiรจme partie : un bonheur menacรฉ
Chapitre IV. Un bonheur minรฉ par la guerre
IV.1 Le motif de la Grande Guerre
IV.2 Les signes annonciateurs de la mort et la rumeur de la guerre
IV.3 La guerre entre dans le champ
Chapitre V. La Maison des bois, rempart fragile contre la mort
V.1. Le miracle de la maison
V.2 Un รฉquilibre fragile
V.3 La disparition des enfants
Troisiรจme partie : un bonheur perdu
Chapitre VI. Un lieu perdu
VI.1. La fin dโ€™un monde
VI.2 Un lieu vouรฉ ร  disparaรฎtre
VI. 3 Le retour impossible
Chapitre VII. Un temps perdu
VII. 1 Une jeunesse sacrifiรฉe
VII. 2 Un temps de la libertรฉ
VII. 3 Un temps poรฉtique : celui de la nostalgie
Chapitre VIII. Un monde hors du temps
VIII. 1 Un temps sรฉriel
VIII. 2 La crรฉation dโ€™un monde
VIII. 3 Lโ€™universalitรฉ
Conclusion
Bibliographie

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