Les signaux non stationnaires

LES SIGNAUX NON STATIONNAIRES 

Contexte

Le traitement des signaux est l’un des maillons essentiels de la science expérimentale contemporaine. Par exemple, en physique la récente détection d’ondes gravitationnelles par les interféromètres LIGO et Virgo n’a pu se faire que grâce à des méthodes très évoluées de traitement de signal permettant d’extraire le signal d’intérêt à partir d’une mesure extrêmement bruitée [1]. Dans le domaine biomédical, les signaux captés par des électrocardiogrammes ou des électroencéphalogrammes demandent également de nombreuses étapes de traitement afin d’en extraire les caractéristiques utiles au médecin [65]. Les technologies modernes emploient également de nombreuses techniques issues de cette discipline : les systèmes audios pour obtenir des sons de très haute qualité ou les systèmes optiques pour le traitement d’images photographiques. Le point commun à toutes les applications mentionnées ci-dessus concerne l’allure des signaux traités : ils ont la propriété d’être non stationnaires. Le concept de non stationnarité est défini par opposition à celui de stationnarité. Celui-ci peut être présenté de deux points de vue différents. Premièrement, d’un point de vue mathématique, la stationnarité est bien définie comme une propriété des processus stochastiques. Les processus stationnaires sont ceux dont les propriétés statistiques sont invariantes par translation en temps. En toute rigueur, on ne peut donc pas parler de stationnarité lorsqu’on traite des signaux qui sont des grandeurs mesurées et donc déterministes. Deuxièmement, plaçons-nous d’un point de vue physique. On peut alors définir les signaux stationnaires comme étant ceux produits par des systèmes physiques stables ou ayant atteint un régime permanent. On peut songer, par exemple, au son émis par une trompette lorsqu’une note est tenue. On peut également penser au signal électrique produit par une machine électrique tournant à vitesse constante. Le lien qui est fait entre ces deux points de vue s’établit au niveau de la modélisation des signaux. En fait, on modélise systématiquement les signaux physiquement stationnaires comme étant des réalisations de processus mathématiquement stationnaires. Cette modélisation tient debout dans la mesure où, dans les deux cas, on conserve une propriété d’invariance par translation en temps. Revenons aux exemples du premier paragraphe. Ce sont des signaux non stationnaires car ils sont produits par des systèmes physiques transitoires : l’onde gravitationnelle ne perdure qu’une fraction de seconde tandis que les informations neuronales ou cardiaques évoluent en permanence selon l’état du patient. De manière non rigoureuse, on pourrait définir la non-stationnarité comme le fait de pouvoir « percevoir » des différences sur le signal si l’on décale l’origine des temps d’une valeur arbitraire. La figure 1.1 permet de distinguer visuellement (directement sur les chronogrammes des signaux) la différence entre stationnarité et non stationnarité. Pour cela, la nonstationnarité est introduite en modulant en amplitude un signal stationnaire. On « voit » alors que si nous décalons temporellement le signal de 0,3 secondes vers la gauche, le signal ainsi formé est facilement distinguable du signal non décalé. En effet, les positions des fortes amplitudes dans le signal décalé correspondent aux faibles amplitudes du signal non décalé (et vice versa). En revanche, une fois décalé d’un temps quelconque, le signal stationnaire (à gauche sur la figure) reste très similaire au signal non décalé. Cet exemple illustre un cas particulier de non-stationnarité : la modulation d’amplitude. Il s’agit d’un modèle très simple de non-stationnarité qui ne peut s’appliquer qu’à un faible nombre de signaux. On peut alors définir de nombreux autres types de déformations comme la modulation de fréquence ou la déformation temporelle (que nous définirons dans ce chapitre) qui une fois appliquées à un signal stationnaire le rendent non stationnaire. Comme il n’existe pas de modèle universel de non-stationnarité (si ce n’est par opposition à stationnarité), d’autres types de non-stationnarité peuvent être envisagés, ne s’appuyant pas nécessairement sur un processus stationnaire déformé. Nous nous intéresserons par la suite à des modèles de processus non stationnaires physiquement réalistes .

La stationnarité 

Comme nous l’avons vu dans la section précédente, la stationnarité au sens mathématique est une caractéristique de certains processus stochastiques. Présentons donc d’abord ceux-ci.

Les processus stochastiques 

Dans ce manuscrit, nous manipulerons différentes grandeurs aléatoires. Les variables aléatoires seront notées en lettres capitales tandis que leurs réalisations seront notées en lettres minuscules. On notera pX la densité de probabilité de la variable aléatoire X. Le caractère gaussien des variables et des vecteurs aléatoires sera souvent exploité dans les exemples présentés dans cette thèse. On distingue deux cas : celui où les variables aléatoires gaussiennes sont réelles , et celui où elles sont complexes .

Définitions de la stationnarité

Intéressons-nous maintenant au cadre théorique permettant de définir la stationnarité. Pour cela, nous nous plaçons dans le cadre des processus stochastiques définis précédemment. La stationnarité, définie ci-dessous, permet de décrire une classe de processus stochastiques dont les propriétés sont présentées par la suite.

Définition (Stationnarité au sens strict). Soit X un processus stochastique. X est dit stationnaire au sens strict si pour toute partie finie {t1, . . . , tm} d’instants sur R, et pour tout u ∈ R, les vecteurs aléatoires (X(t1), . . . , X(tm)) et (X(t1 + u), . . . , X(tm + u)) ont la même loi de probabilité.

Des modèles de non-stationnarités

Il faut bien voir qu’il n’existe pas de modèle générique de non-stationnarité, et que chaque modèle que l’on peut proposer n’est adapté qu’à certains types de signaux. Dans la suite, différents modèles de non-stationnarités sont présentés. Deux approches peuvent être distinguées. Dans la première, on modélise des signaux approximativement stationnaires sur des intervalles de temps successifs, de longueurs bien choisies. Dans la seconde approche, on définit des modèles de non-stationnarités plus globaux ; les signaux modélisés sont obtenus en appliquant des déformations brisant la stationnarité à des processus stationnaires.

Des signaux localement stationnaires 

Lorsque X est un processus stationnaire les valeurs de la fonction d’autocovariance RX(t, τ) ne dépendent que du décalage temporel τ et l’on a RX(t, τ) = kX(τ). Les premiers modèles de processus non stationnaires ont cherché à approcher localement les fonctions d’autocovariance de ces processus par des fonctions d’autocovariance de processus stationnaires. Ce sont des modèles non paramétriques. Dans le but d’approcher la formule de Wiener-Khintchine (1.7) permettant d’exprimer l’autocovariance en fonction de la densité spectrale, Silverman [66] a proposé une première définition des processus localement stationnaires. Il s’agit des processus dont l’autocovariance instantanée peut se décomposer sous la forme

RX(τ, t) = R1(t)R2(τ) .

où R1 et un fonction positive et R2 est une fonction d’autocovariance. Le spectre instantané de tels processus, défini au sens la formule (1.12), s’écrit donc

SX(ξ, t) = R1(t)Rˆ2(ξ) .

Cette expression de l’autocovariance instantanée va permettre d’approcher correctement les processus non stationnaires dont la variance instantanée varie lentement par rapport aux variations temporelles du processus-lui même. La fonction R1 modélise, en quelque sorte, la variance instantané de X tandis que R2 modélise l’autocovariance moyenne à horizon court (une fois la variance instantanée corrigée). Ce modèle est analogue à celui des processus localement modulés en amplitude définis plus tard .

ANALYSE DE SIGNAUX LOCALEMENT DÉFORMÉS 

Modèle et objectif

Le modèle de non-stationnarité pris en compte ici sera la combinaison d’une modulation d’amplitude et d’une déformation temporelle. C’est le type de non stationnarité qui a été étudié dans [46]. Par ailleurs, dans [45], on a considéré le cas de la combinaison de la modulation de fréquence avec la déformation temporelle. Auparavant, Clerc et Mallat [14, 15] avaient proposé une méthode d’estimation spectrale pour les processus localement dilatés. Omer et Torrésani [52, 51, 53] ont également étudié indépendamment l’analyse des processus localement dilatés, et celle des processus localement modulés en fréquence. Soit y le signal non stationnaire que nous cherchons à analyser. On le modélise comme une réalisation du processus Y tel que

Y(t) = AαDγX(t) , ∀ t ∈ R , (2.1)

où X est un processus stochastique réel, stationnaire au sens large de spectre SX et de moyenne nulle. Les opérations de déformation temporelle Dγ et de modulation d’amplitude Aα étant définies au chapitre précédent (cf. les définitions 1.16 et 1.18), les fonctions de dilatation instantanée γ0 et d’amplitude instantanée α vérifient les conditions de régularité associées (respectivement données par les équations (1.28) et (1.33)). Nous verrons dans la partie 2.5 que ce modèle est adapté pour représenter divers types de signaux audios comme certaines vocalisations animales (par exemple des dauphins) ou les sons déformés par effet Doppler. L’objectif de l’algorithme d’estimation que nous allons présenter sera donc d’estimer simultanément les fonctions de déformations γ et α, ainsi que le spectre SX du processus stationnaire sous-jacent. Pour ce faire, nous disposons d’une réalisation y du processus non stationnaire Y.

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Table des matières

INTRODUCTION
1 LES SIGNAUX NON STATIONNAIRES
1.1 Contexte
1.2 La stationnarité
1.2.1 Les processus stochastiques
1.2.2 Définitions de la stationnarité
1.2.3 L’analyse spectrale des processus stationnaires
1.3 Analyse spectrale en contexte non stationnaire
1.3.1 Le spectre instantané
1.3.2 Les outils d’analyse : temps-fréquence et temps-échelle
1.4 Des modèles de non-stationnarités
1.4.1 Des signaux localement stationnaires
1.4.2 Des signaux localement déformés
1.4.3 Des signaux localement harmoniques
1.5 Guide de lecture
2 ANALYSE DE SIGNAUX LOCALEMENT DÉFORMÉS
2.1 Introduction
2.2 Modèle et objectif
2.3 Approximation de la transformée en ondelettes
2.3.1 Première approche : une équation de transport
2.3.2 Deuxième approche : un théorème d’approximation
2.4 Estimation et algorithme
2.4.1 Procédure d’estimation
2.4.2 Algorithme
2.4.3 Performances des estimateurs et de l’algorithme
2.5 Résultats numériques
2.5.1 L’ondelette sharp
2.5.2 Estimateurs de référence
2.5.3 Signal synthétique
2.5.4 Application à l’analyse spectrale du son produit par un dauphin
2.5.5 Application à l’estimation de l’effet Doppler
2.5.6 Application à l’analyse d’un son de vent large bande
2.5.7 Application à la synthèse croisée de sons
2.6 Adaptation de l’algorithme à d’autres modèles de signaux
2.7 Bilan
3 SÉPARATION DE SOURCES DOUBLEMENT NON STATIONNAIRE
3.1 Introduction
3.2 La séparation de sources
3.2.1 Position du problème
3.2.2 En contexte stationnaire
3.2.3 En contexte non stationnaire
3.2.4 Indices de performances
3.3 Modèle et objectif
3.3.1 Une classe de signaux non stationnaires
3.3.2 Mélange instantané non stationnaire
3.4 Approximation des transformées en ondelettes
3.5 Procédure d’estimation et algorithme
3.5.1 Réduction de dimension
3.5.2 Procédure d’estimation
3.5.3 Algorithme
3.6 Résultats numériques
3.6.1 Application à un mélange synthétique
3.6.2 Application à un mélange de signaux audios
3.7 Bilan
CONCLUSION

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