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Ecosystème complexe
Plus qu’un support physique, le sol crée une mosaïque d’habitats connectés, qui est à l’origine de la distribution hétérogène de la biodiversité et de l’activité microbienne (Ranjard and Richaume, 2001 ; Tarlera et al., 2008 in Young et al., 2008). Ainsi, le sol est un écosystème à l’interface de la lithosphère, de l’atmosphère, de l’hydrosphère et de la biosphère dont la complexité est le principal déterminant de sa diversité (Young et al., 2008). Cependant, les relations entre l’hétérogénéité de distribution des micro-habitats et les fonctions du sol sont encore mal connues.
Le sol est un milieu où tous les domaines du vivant sont représentés. Un gramme de sol peut contenir 6000 génomes bactériens, plusieurs mètres d’hyphes fongiques et un grand nombre d’animaux (Fortuna, 2012). Les organismes du sol peuvent être classés selon leur taille. La macrofaune regroupe les organismes de l’ordre du centimètre tels les enchytréides, vers de terres et macro-arthropodes. La mésofaune regroupe les organismes de l’ordre du millimètre tels les micro-arthropodes, collemboles et mites. La microfaune regroupe les organismes de l’ordre de 10-100 micromètres tels les nématodes et protozoaires. Enfin, les microorganismes regroupent les bactéries et les champignons. Le sol peut abriter plus de 109 bactéries par gramme représentant 4000 à 7000 génomes différents. Les organismes du sol peuvent également être classés en grands groupes fonctionnels :
– Les décomposeurs, ou ingénieurs chimiques, principalement microbiens, sont impliqués dans le recyclage de la MOS et les cycles biogéochimiques.
– Les microrégulateurs, appartenant principalement à la microfaune, régulent les populations microbiennes par prédation.
– Les ingénieurs du sol, comprenant des organismes de la macrofaune et de la mésofaune, participent à la structuration du sol et à la dégradation de la matière organique fraiche (MOF) arrivant au sol.
La distribution spatiale des microorganismes et de leur activité a été décrite à des échelles allant de l’individu au paysage (Maron et al., 2011). Elle résulte de l’influence de paramètres environnementaux mais également de paramètres intrinsèques à la communauté microbienne (Ettema and Wardle, 2002 in Young et al., 2008). Une analyse géostatistique de la distribution de PLFA a montré que des sous-ensembles des communautés et leur capacité à utiliser différents substrats étaient spatialement organisés en patch de différentes tailles (Ritz et al., 2004 in Young et al., 2008).
Les contraintes de diffusion des cellules microbiennes et de la faune sont considérées comme les principaux déterminants de la diversité, de la distribution et des interactions entre groupes fonctionnels. Les ingénieurs du sol, tels les vers de terre, peuvent ingérer les microorganismes du sol. Il a été supposé que le contact avec le mucus des vers de terre, riche en éléments, permettait d’activer les bactéries en dormance dans le sol. Ce contact peut se passer dans le tube digestif ou sur les parois des galeries des vers de terre et induirait une augmentation de la respiration microbienne (Bernard et al., 2012). La présence de protozoaires et nématodes entraine un changement de la composition des communautés bactériennes, ce qui implique qu’il existe une prédation sélective des bactéries. Les nématodes et protozoaires bactérivores présentent différents modes de prédation et d’ingestion des cellules bactériennes (Rønn et al., 2012). Les protozoaires sont capables de capturer les bactéries passivement par interception directe, par filtration ou par l’élaboration de pièges ou activement par prédation des bactéries présentes à la surface des pores (Rønn et al., 2012). Les nématodes ingèrent les bactéries par aspiration et filtrage de la solution du sol et ont la capacité de dégrader physiquement les amas de bactéries et la paroi des cellules (Rønn et al., 2012). Ainsi la prédation contribue à la régulation des populations bactériennes. Cependant, l’intensité de prédation dépend de la texture du sol (Ranjard and Richaume, 2001).
Les nématodes semblent pouvoir se nourrir de protozoaires. Il a été observé que la prédation de protozoaires pouvait avoir une importance dans le transfert de la biomasse bactérienne vers les niveaux trophiques supérieurs quand les nématodes sont dans l’impossibilité d’atteindre ou d’ingérer les bactéries (Rønn et al., 2012).
En raison de la structuration du sol, les interactions entre groupes fonctionnels sont concentrées dans des micro-habitats tels que la rhizosphère qui est riche en matière organique labile provenant de la rhizodéposition (exsudation racinaires, cellules de la coiffe, racines sénescentes…). Ces rhizodépôts stimulent la biomasse et l’activité microbienne à la surface des racines et font que la rhizosphère est une zone d‘activité microbienne et d’interactions entre groupes fonctionnels (Bonkowski, 2004). La communauté activée par les exsudats racinaires est typiquement constituée de bactéries à croissance rapide entrant en compétition avec les plantes pour les nutriments et immobilisant les nutriments. Mais ce désavantage pour les plantes est temporaire puisque l’augmentation des populations bactériennes attire les prédateurs qui contrôlent fortement ces populations. La prédation mène à une re-minéralisation des nutriments provenant de la biomasse microbienne, les rendant ainsi à nouveau disponibles pour les plantes (Bonkowski, 2004).
Dans ce travail de thèse nous nous sommes restreints aux décomposeurs car ils sont à la base des transformations des matières organiques et donc au cœur des réactions de recyclage du carbone (C) et des nutriments.
Les services écosystémiques fournis par le sol
Les sols étant des systèmes dynamiques, ils génèrent une multitude de fonctions soutenant plusieurs services écosystémiques. Les services écosystémiques peuvent être définis comme des flux bénéfiques découlant des atouts naturels et remplissant les besoins humains (Adhikari and Hartemink, 2016). Ceux rendus par le sol dépendent des processus du sol et de ses propriétés physico-chimiques et biologiques ainsi que de l’interaction entre compartiments minéral et biologique du sol (Adhikari and Hartemink, 2016; Jónsson and
Davíðsdóttir, 2016; Dominati et al., 2010). Relativement peu d’études ont lié les propriétés des sols aux services écosystémiques en zone Africaine (Adhikari and Hartemink, 2016; Jónsson and Davíðsdóttir, 2016; Dominati et al., 2010).
Le Millenium Ecosystem Assessment (2005, MEA) a regroupé les services écosystémiques en 4 catégories : les services (i) de support, (ii) d’approvisionnement, (iii) de régulation, et (iv) culturels. Les sols sont à la base de la fourniture de la plupart de ces services (Adhikari and Hartemink, 2016; Jónsson and Davíðsdóttir, 2016; Dominati et al., 2010).
Les processus du sol permettent notamment la maintenance de l’équilibre dynamique supportant la fourniture de plusieurs services écosystémiques (Dominati et al., 2010). Ils fournissent un réservoir de biodiversité qui favorise la résilience du sol aux perturbations. Le développement des sols fournit notamment les couches arables du sol, environnement physique nécessaire à l’agriculture. Le sol permet également la régulation du recyclage des nutriments qui maintient ainsi sa fertilité via les échanges d’éléments minéraux entre ses composantes abiotiques et abiotiques. Enfin, les sols abritent une partie du cycle de l’eau et fournissent ainsi une réserve en eau potable. Les sols fournissent également des services de régulation (Adhikari and Hartemink, 2016; Jónsson and Davíðsdóttir, 2016; Dominati et al., 2010). Le sol permet le contrôle biologique des parasites et maladies via compétition, prédation et parasitisme. Il permet également la régulation du climat et des émissions de gaz à effet de serre. Le sol a une capacité de stockage et rétention d’eau qui réduit l’impact des inondations, sècheresses et de l’érosion. La biodiversité du sol joue également un rôle important dans la décomposition et dégradation de la MO mais aussi des composés toxiques. Les sols fournissent également des services d’approvisionnement (Adhikari and Hartemink, 2016; Jónsson and Davíðsdóttir, 2016; Dominati et al., 2010). Le pouvoir tampon et la capacité de filtration du sol sont des services cruciaux les réserves d’eau potable souterraines et de surface. Les sols fournissent un support physique pour les infrastructures urbaines, l’agriculture et l’élevage. Ils sont également utilisés directement par l’homme comme une source de matière première pour les constructions urbaines ou les médicaments. Enfin, les sols fournissent des services culturels et esthétiques tels que le maintien des archives géologiques, écologiques et archéologiques (Adhikari and Hartemink, 2016; Jónsson and Davíðsdóttir, 2016; Dominati et al., 2010). Plusieurs études ont notamment souligné le rôle important des sols dans plusieurs services écosystémiques tels que la séquestration de carbone et le support de la sécurité alimentaire (Lal, 2004 in Adhikari and Hartemink, 2016). Cependant, comme pour toute ressource naturelle, la formation et la dégradation du capital sol évolue avec le temps (Dominati et al., 2010) faisant ainsi du maintien de sa durabilité un des enjeux planétaires actuels.
Dans ce travail de thèse, nous nous sommes concentrés sur les services de régulation du climat et de fertilité des sols via le stockage de carbone (C) et le recyclage des nutriments. Ces deux services sont notamment liés à l’activité des organismes du sol mais également aux propriétés physico-chimiques du sol. Le sol peut agir comme source mais également comme puits de carbone via le stockage de C organique. L’amélioration du stock de matière organique (MO) dans les sols permettrait d’augmenter sa fertilité en favorisant le recyclage des nutriments ainsi incorporés avec le carbone.
Les enjeux actuels
Le sol est fondamental, non renouvelable à l’échelle humaine et irremplaçable car il gouverne la productivité végétale et maintient les cycles biogéochimiques grâce à la dégradation des composés organiques par les microorganismes. Cependant, il est soumis à la pression croissante du changement de la couverture végétale et des pratiques agricoles (Smith et al., 2016). La déforestation a causé en moyenne 25% de perte de carbone du sol. Entre 2000 et 2010, la déforestation a principalement touché les régions tropicales et le déboisement dans ces régions émet 3 fois plus de carbone par tonne de production annuelle que dans les régions tempérées (Smith et al., 2016). La population mondiale a dépassé 7 milliards d’habitants en 2016. Pour nourrir correctement une telle population, la production végétale destinée à l’alimentation des hommes et du bétail devra doubler dans l’ensemble du monde. Les terres aujourd’hui exploitées représentent environ la moitié des terres arables et les techniques durables sont sous-utilisées. La production végétale devra ainsi tripler dans les pays en développement, voire quintupler en Afrique pour assurer la sécurité alimentaire (Mazoyer, 2008). Pour cela, l’activité agricole devra être étendue et durablement intensifiée sans porter atteinte à l’écosystème. Le sol étant un bioréacteur structurellement dynamique, son fonctionnement pourrait, en principe, être optimisé pour atteindre des objectifs de production en influençant sa dynamique et plus particulièrement celle des éléments nutritifs (Young et al., 2008). La durabilité des agrosystèmes passe ainsi par une gestion « écologique » de ces systèmes. Il est ainsi nécessaire de passer à des pratiques agricoles tenant compte du fonctionnement et de l’équilibre dynamique des écosystèmes pour renforcer la résilience des agrosystèmes. De plus, passer de monocultures à des polycultures, des systèmes agroforestiers ou des rotations de cultures renforcera la résilience des agriculteurs et des communautés rurales face aux aléas climatiques (Altieri et al., 2015). Ce changement a été initié avec l’agroécologie et l’ingénierie écologique permettant l’exploitation et l’optimisation des processus écologiques fournissant des services écosystémiques (FAO, 2014 ; Altieri et al., 2015).
Un des principaux enjeux actuels est également la mitigation du changement climatique. Les activités humaines sont responsables d’une augmentation des teneurs en gaz à effet de serre dans l’atmosphère. L’instabilité climatique et météorologique affectera l’approvisionnement et l’accès à la nourriture, altérant ainsi la stabilité économique et sociale des états. Les sols jouent un rôle important dans la régulation du climat car ils représentent un stock de 2400 Gt de carbone (C) stocké sous forme de matière organique (IPCC, 2013). Ainsi, en fonction de leurs propriétés, du climat ou de l’usage des terres, les sols peuvent libérer du CO2 dans l’atmosphère ou se comporter comme un puits de C (Lal, 2004; Bradford et al., 2016). Un des leviers majeurs pour stopper l’augmentation de la concentration de CO2 atmosphérique serait d’accroître, à l’échelle mondiale le stock de C dans le sol de 0,4 % (Paustian et al., 2016). C’est dans cet optique que le gouvernement français a proposé, lors de la COP21, l’initiative « 4 pour 1000 pour la sécurité alimentaire et le climat » (http://4p1000.org/). Cette initiative a pour objectif d’agir au niveau mondial pour un meilleur stockage du C dans les sols agricoles (Freibauer et al., 2004; Minasny et al., 2017). Une augmentation du stock de C organique des sols permettrait ainsi de lutter contre l’augmentation d’émission de gaz à effet de serre (Bradford et al., 2016) mais serait également bénéfique pour la fertilité des sols, à condition que la MO stockée soit une matière organique évoluée riche en nutriments (Batjes and Sombroek, 1997; Minasny et al., 2017).
Ces enjeux nécessitent une amélioration des connaissances mondiales sur les sols pour comprendre l’effet des changements d’usage et des changements climatiques sur les propriétés du sol à l’échelle planétaire (Smith et al., 2016). Ils nécessitent également l’implication locale des agriculteurs, de leurs savoirs, savoir-faire et besoins. L’agriculture traditionnelle est un réservoir de savoirs et savoir-faire qui pourraient aider les agrosystèmes modernes à résister aux aléas climatiques. D’autant plus dans les pays des zones tropicales et en développement qui souffriront plus et plus rapidement des effets du changement climatique sur leurs productions végétales à cause de conditions agro-climatiques, socio-économiques et technologiques défavorables.
L’Agroécologie
Environ 38% des terres émergées est utilisée pour la production alimentaire, faisant ainsi de l’agriculture l’activité humaines perturbant la plus grande surface des terres émergées (Wilson and Lovell, 2016). Des pertes de sol sont constatées dans plusieurs paysages agricoles et la qualité des sols restants tend à diminuer. Pour contrecarrer ces pertes, l’agriculture moderne est devenue dépendante des intrants (énergie fossile, fertilisants) et des monocultures de variétés génétiquement sélectionnées pour leurs rendements sont propagées à travers le monde. Or il a été observé que cette uniformité génétique des cultures à l’échelle du paysage a rendu les cultures plus sensibles aux aléas climatiques et aux ravageurs entrainant, dans l’Histoire, plusieurs crises alimentaires (Altieri et al., 2015). De plus, ces pratiques agricoles entrainent une dégradation des écosystèmes et des contraintes sociales (Gliessman, 2014 in FAO 2014). Dans ce contexte, l’agroécologie est apparue comme une alternative à l’agriculture conventionnelle dès les années 1920.
Le terme d’agroécologie est apparu dans la littérature scientifique dans les années 1930 et faisait référence aux études scientifiques des interactions biologiques entre les monocultures et les différents composants des agrosystèmes à l’échelle de la parcelle (Sicili, 2014). C’est dans les années 1960 que l’agroécologie s’est progressivement élargie pour englober une approche interdisciplinaire des agrosystèmes liant les considérations agronomiques, écologiques, socio-économiques et politiques (Gliessman, 2014 in FAO 2014). Mais c’est durant les années 1980, qu’apparaissent les premiers programmes de recherche promouvant les pratiques agroécologiques dans les pays développés et en développement, notamment au Mexique et en Amérique du Sud (Gliessman, 2014 in FAO 2014).
L’agroécologie a été définie comme un domaine où la science, la pratique et les mouvements sociaux convergent. La définition la plus communément utilisée pour l’agroécologie est « l’application de concepts et principes écologiques pour concevoir et gérer des agroécosystèmes durables ». Pour cela, l’agroécologie est basée sur plusieurs principes remettant le fonctionnement des écosystèmes au cœur des processus de production où la nature est considérée comme un support de la production (Sicili 2014). Parmi ces principes, on compte le recyclage et l’utilisation optimale des matières organiques et énergies de l’exploitation, l’utilisation des fonctions écologiques et des synergies de l’agroécosystème, la diversité spécifique et génétiques des cultures et l’utilisation de variétés locales. L’objectif de l’agroécologie est de faire des agrosystèmes des systèmes durables équilibrant viabilités économique et écologique. Plusieurs systèmes agricoles traditionnels offrent un éventail de gestions des systèmes favorisant la résilience des agroecosystèmes telles que le non-labour, le mélange de cultures, les jachères, l’intégration agriculture-élevage (IAE) et l’agroforesterie (Gliessman, 2014 in FAO 2014). Le non-labour, ou le labour minimum, permet d’améliorer la structure des sols. Le mélange de cultures permet de favoriser la biodiversité du sol. La mise en place de jachère ou de cultures de couverture permet le renouvellement des stocks de nutriments dans les sols. L’IAE permet l’utilisation optimale des MO favorisant ainsi le recyclage des nutriments. L’agroforesterie permet le maintien et l’amélioration de la structure et de la fertilité des sols. Ainsi les pratiques agroécologiques soutiennent la sécurité alimentaire en permettant aux agriculteurs de stimuler et diversifier leurs production, de stabiliser les rendements et de diminuer la dépendance aux intrants.
Cependant, l’intégration des connaissances et savoir-faire des agriculteurs locaux n’est pas suffisante en agroécologie. Une bonne connaissance des processus sous-jacents est également nécessaire pour proposer des pratiques adéquates aux contextes et attentes locales. Les avantages de l’expansion de l’agroécologie à travers le paysage incluraient une plus grande agrobiodiversité et ainsi une plus grande résilience climatique (Altieri et al., 2015).
Plusieurs stratégies agroécologiques peuvent être appliquées au niveau de l’exploitation pour réduire la vulnérabilité aux changements climatiques et pour améliorer la production de biomasse tout en stockant du carbone dans les sols (Fig.1 ; Altieri et al., 2015 ; Derrien et al., 2016).
La première est la gestion du stock de matière organique du sol (MOS). La MOS est essentielle au bon fonctionnement des processus écologiques car elle favorise l’activité biologique et de bonnes caractéristiques physiques et chimiques ; elle est la source d’énergie de l’écosystème. Elle améliore la rétention d’eau dans les sols mais aussi l’agrégation des sols de surface et favorise une biodiversité pouvant influencer la productivité du sol (Altieri et al., 2015). Le stockage et la stabilisation de C dans les sols agricoles dépendent en premier lieu des usages des 30 premiers centimètres des sols (Derrien et al., 2016). Ainsi, l’intensité de prélèvement des végétaux (récoltes, pâturages, etc.) peut également être compensée par l’apport de matières organiques exogènes tels que les déjections animales, les composts ou les résidus de cultures.
Le choix des espèces végétales cultivées a également un effet sur la qualité chimique des MOS. Cela modifie les processus sous-jacents au cycle du C dans les sols ainsi que la stabilité de cette MOS. Par exemple, l’association de légumineuses et de graminées favorise le stockage de carbone dans le sol. De plus, la mise en œuvre de pratiques permettant le maintien d’un couvert végétal permettrait d’augmenter les entrées de MO au sol et ainsi les entrées de C (Derrien et al., 2016).
Les pratiques d’agroforesterie, combinant arboriculture et cultures vivrières, permettent la réduction de l’érosion du sol et du lessivage des nutriments et pesticides, la séquestration de carbone, l’amélioration de la qualité du sol et le maintien de la biodiversité du sol. De plus, l’agroforesterie peut fournir aux exploitants agricoles des sources complémentaires de revenus telles que la production de fruits ou de bois de chauffe (Wilson and Lovell, 2016).
Conclusion
Le sol est un écosystème qui a longtemps été considéré comme un simple support des activités humaines. Il a été géré sans prise en compte de tous les compartiments qui le constituent, de sa complexité et de son fonctionnement impliquant une grande diversité biologique. Le sol est de plus fortement perturbé par l’activité humaine et l’agriculture représente la plus grande surface des terres émergées exploitées pour leurs services écosystémiques. L’agriculture a longtemps été pratiquée en s’affranchissant des capacités du sol pour en tirer des services écosystémiques. Cela a ainsi entrainé une perturbation de l’équilibre fonctionnel des sols, une érosion accrue entrainant une perte rapide du carbone stocké dans les sols. Le sol est le compartiment de la biosphère contenant le plus de carbone avec un stock de 2500 Gt de C dont en 1500 Gt présents sous forme organique et 950 Gt sous forme inorganique. Ainsi, une déstabilisation même partielle de ce stock peut entrainer des variations conséquentes des concentrations atmosphériques en gaz à effet de serre (CO2 notamment). De plus, la conversion de sols « naturels » en sols agricoles entraine, en moyenne, une diminution du stock de carbone de 60% dans les sols des régions tempérées et d’au moins 75% dans les sols des régions tropicales (Lal, 2004). Ainsi, l’objectif actuel des agronomes et des chercheurs est de trouver les pratiques agricoles qui vont permettre une augmentation des stocks par la stabilisation du carbone dans les sols. Pour cela, il est nécessaire de comprendre la dynamique des MOS et de connaître les mécanismes conduisant à leur humification.
Matière organique : élément central de l’écosystème sol
Définition et rôle
La matière organique du sol (MOS) est constituée de composés très divers allant des débris et matériaux végétaux, encore reconnaissables à l’œil nu, aux petites molécules du type acides carboxyliques, protéines, acides gras, etc. (Lützow et al., 2006 ; Lehmann and Kleber, 2015). La composition de cette MOS est dépendante des entrées en végétaux, dont la nature et la fréquence sont déterminées par le couvert et les pratiques agricoles en parcelles cultivées. La nature de la MOS est également le résultat et de la décomposition microbienne, les microorganismes étant à l’origine de la dynamique de transformation de ces résidus végétaux en MO évoluée communément appelée humus. Comme déjà énoncé précédemment, la MOS est la forme principale de stockage de carbone dans le sol (1550 Gt C) ; elle a donc un rôle majeur dans la régulation du climat (Derrien et al., 2016 ; Agren, 2010). Mais la MO évoluée, qui en compose la grande majorité, est également riche en N et P, ce qui lui confère un rôle de réservoir en nutriments pour les plantes et donc un rôle central dans la fertilité du sol. La MOS sous sa forme humifiée se complexe avec les minéraux, et notamment les argiles, pour donner des complexes argilo-humiques qui confèrent au sol sa structure et sa résistance à l’érosion. Enfin la diversité physique et biochimique de ses composés génère une diversité de micro-habitats permettant d’abriter une multitude de microorganismes spécialisés dans la décomposition de chacun de ces composés.
Nature et composition
La MOS englobe la matière organique vivante (organismes du sol, racines de végétaux…), la matière organique fraiche (MOF), constituée de résidus végétaux et d’exsudats racinaires, et la matière organique évoluée (MOE) composée de résidus microbiens, de matériaux végétaux non reconnaissables et de substances humiques (Kögel-Knabner, 2002; Schaeffer et al., 2015). Elle forme ainsi un continuum constitué d’un large spectre de matériaux organiques (Fig. 2), issus de la litière et des produits microbiens, de différentes structures moléculaires (Knicker, 2011; Cotrufo et al., 2013; Thiessen et al., 2013) et qui sont à différents étapes de décomposition (Lehmann and Kleber, 2015; Schaeffer et al., 2015).
La MOS dérivée de la matière végétale est constituée à 50% de C. Ce carbone y est présent sous de nombreuses formes chimiques allant des composés solubles à faible poids moléculaire à des lipides insolubles et des monomères à des polymères complexes (Cotrufo et al., 2013). La MOS dérivée des microorganismes du sol est principalement constituée de protéines, lipides et chitine fongique mais également d’azotes non protéiques, polysaccharides et composés aromatiques (Kallenbach et al., 2016). Dans le sol, la MO correspond à un continuum d’état entre la MO labile riche en carbone à signature végétale, et la MO évoluée riche en N et P à signature microbienne. La MO labile est principalement constituée de composés à faible poids moléculaires qui sont rapidement déstabilisés par les microorganismes. A l’opposé, la MO évoluée est principalement constituée de composés à fort poids moléculaires et à structures complexe qui sont lentement déstabilisés par les microorganismes. Ainsi, le turnover de la MOS dépend notamment de sa qualité.
dynamique
La décomposition des résidus végétaux par les microorganismes entraine l’évolution de la MO depuis une matière organique fraiche jusqu’à sa stabilisation sous une forme communément appelé humus. Au fur et à mesure de cette décomposition, les métabolites et matériaux cellulaires liés à l’anabolisme microbien sont relâchés dans le sol à la mort des cellules et y sont soumis à leur tour à la décomposition (Cotrufo et al., 2013; Lehmann and Kleber, 2015). Cependant, sous l’action de phénomènes physiques, une part de ces résidus microbiens se complexent peu à peu pour donner à très long terme une matière organique sans structure et très récalcitrante, de type colloïdale, qui est l’humus. Ainsi, l’humus a principalement une signature microbienne, qui lui confère cette richesse en N et P ; il est caractérisé par un désordre moléculaire qui ralentit considérablement sa décomposition par les enzymes et requiert de l’énergie. Cette récalcitrance constitue la voie biochimique de stabilisation de la matière organique dans le sol. La MOS peut également être physiquement protégée de la décomposition via l’occlusion dans des agrégats ou par encapsulation hydrophobique (Dungait et al., 2012; Cotrufo et al., 2013). Cela rend ainsi la MOS inaccessible aux enzymes extracellulaires et engendre des contraintes environnementales limitant l’activité microbienne. En effet, quand un résidu végétal est incorporé au sol, les microorganismes à sa surface commencent leur travail de décomposition et sécrètent des exopolysaccharides qui vont les protéger de l’environnement extérieur mais également agréger des particules minérales pour former des micro-agrégats (Six et al., 2000 ; Oades 1984 in Six et al., 2004). La décomposition se continue à l’intérieur de ces micro-agrégats jusqu’à ce que les microorganismes soient limités par les conditions environnantes. La stabilité structurale du micro-agrégat empêchant tout apport nouveau venant de l’extérieur (O2, nutriments…), la MOS est donc physiquement protégée de la décomposition. La récalcitrance biochimique et la protection physique permettent une stabilisation de la MOS sur le moyen terme (Dungait et al., 2012; Cotrufo et al., 2013). Enfin la MOS peut être protégée de la biodégradation en raison de ses caractéristiques chimiques et sa capacité d’adsorption sur les minéraux du sol. Ce mécanisme est lié à la quantité et la qualité des limons et argiles présents dans le sol. Ceux-ci peuvent emprisonner la MO entre leurs feuillets de phyllosilicates et à plus forte raison dans les sols acides. Ce mécanisme permet ainsi une stabilisation physico-chimique, sur le long terme, de la MOS dans des complexes organo-minéraux.
Minéralisation et/ou séquestration
La décomposition de la matière organique entrant dans le sol comprend plusieurs étapes de dégradation des molécules organiques sous l’action de la faune du sol et des microorganismes. Cette dégradation progressive des molécules organiques entraine la formation de molécules organiques stables accompagnée d’une la libération de CO2 dans l’atmosphère et de molécules inorganiques dans la solution du sol. Ce processus est la minéralisation. Les molécules inorganiques libérées peuvent ensuite être assimilées par les plantes, adsorbées sur la phase minérale du sol, perdues par lessivage ou être incorporées dans la biomasse microbienne et ainsi réintégrer la matière organique vivante du sol. Ainsi, la minéralisation ne mène pas systématiquement au déstockage de carbone ou d’éléments minéraux.
L’humification est la formation de molécules organiques complexes et stabilisées dans le sol durant la décomposition de MOS. Dans les sols bien aérés, les molécules stables sont obtenues via la déstabilisation oxydative de la part labile de la matière organique du sol entrainant ainsi la polymérisation et la recombinaison de molécules organiques complexes. Ce processus d’humification conduit à un stockage dans le sol d’azote et de phosphore sous forme organique stabilisée dans le sol.
La séquestration de carbone et d’éléments nutritifs est donc le résultat de l’équilibre entre minéralisation et immobilisation dans la biomasse (Hättenschwiler et al., 2011). Cette immobilisation dans la biomasse microbienne entraine ainsi une séquestration sur le long terme car les dérivés microbiens ayant subi une déstabilisation oxydative sont plus réfractaires à la minéralisation que les dérivés végétaux de type cellulose ou même lignine. En effet, Kallenbach et al. (2016) ont pu montrer que la formation de résidus microbiens augmentait l’hétérogénéité chimique de la MOS, augmentant ainsi son potentiel de stabilisation physique et ses interactions avec les argiles. Cette hétérogénéité de la MOS est dépendante de l’efficience d’utilisation du carbone (CUE) de la communauté microbienne (Kallenbach et al., 2016). L’humification de la MO est donc couplée également à sa minéralisation. Un déterminant de la minéralisation peut faire diminuer la minéralisation et la séquestration, augmenter les deux, ou diminuer l’un et augmenter l’autre s’il joue sur la CUE des communautés microbiennes. Il a ainsi été montré qu’une hausse de la température augmentait la décomposition de la MOS par les microorganismes mais également la formation de matière organique dérivée de matériels microbiens (Bradford et al., 2016). Une autre étude a montré qu’une hausse de température diminuerait dans un premier temps l’efficience d’utilisation microbienne du carbone issu de la matière organique récalcitrante, entrainant ainsi une perte de carbone par respiration. Par contre, à long terme cette hausse de la température entrainerait plutôt une augmentation de la CUE microbienne pour le carbone de la MOS récalcitrante, favorisant à nouveau l’incorporation dans la biomasse microbienne et ainsi la séquestration dans les sols (Frey et al., 2013).
Conclusion
La matière organique du sol (MOS) participe au maintien de la structure du sol, de sa fertilité et de la biodiversité du sol. Elle constitue également un stock de carbone organique de 1550 Gt de C. La MOS englobe la MO vivante, la MO fraiche, et la matière évoluée. Elle forme ainsi un continuum de nombreuses formes organiques allant des matériaux végétaux intacts aux acides carboxyliques issus de la litière et des produits microbiens. La composition chimique de tous ces éléments déterminerait le turnover de la MOS et la décomposition de la MOF en MO stabilisée par les microorganismes. Les propriétés physico-chimiques de ces composés organiques et de la phase minérale du sol déterminent différents types de protection de la MO dans le sol (physique, chimique et biochimique). La protection biochimique est le résultat de la décomposition microbienne principalement réalisée par des métabolismes hétérotrophes. L’humification de la MO est donc couplée à sa minéralisation sous forme de CO2. Ainsi, la compréhension et la gestion du devenir de la MO dans les sols passent également par la compréhension des déterminants de la minéralisation ou de la séquestration de la MO dans les sols.
Les déterminants de la minéralisation de la MO et/ou de la séquestration
Les différents types de déterminants
La minéralisation de la matière organique du sol est le résultat de l’action des enzymes secrétées par les décomposeurs. L’intensité de cette minéralisation est ainsi déterminée par l’influence de différents facteurs sur l’allocation des ressources dans la production d’enzymes ou la croissance microbienne et sur les populations microbiennes elles-mêmes. Ces déterminants sont de différents types, physiques, biologiques ou biochimiques et ont été classées de différentes façons dans la littérature selon leurs modes d’influences.
La minéralisation est notamment sous l’influence des facteurs qui déterminent la biomasse microbienne. Ces déterminants peuvent exercer un contrôle « top down » ou « bottom up ». Les prédateurs des microorganismes, tels que les protozoaires ou les nématodes bactérivores, exercent un contrôle « top down » sur la biomasse microbienne en agissant sur la mortalité microbienne. Ces déterminants ont ainsi un effet négatif sur la minéralisation de la MOS. La disponibilité en ressources et les conditions physico-chimiques du sol exercent quant à eux un contrôle « bottom up » sur la biomasse microbienne en agissant sur sa croissance. Ces déterminants ont ainsi un effet positif sur la minéralisation de la MOS.
Les différents facteurs influençant la minéralisation peuvent aussi être classés en déterminants abiotiques et biotiques. Les déterminants abiotiques regroupent les conditions physico-chimiques du sol influençant la minéralisation tels que les teneurs en éléments minéraux, la texture du sol, le pH, la teneur en eau du sol, les quantité et qualité de la MOS ou la composition minérale du sol. Les déterminants biotiques regroupent quant à eux les facteurs biologiques influençant la minéralisation, tels que la biomasse microbienne, la composition et la diversité des populations microbiennes, les interactions avec les autres organismes.
Les déterminants de la minéralisation peuvent enfin être classés en déterminants proximaux ou distaux. Les facteurs définis comme déterminants proximaux sont tous les facteurs ayant une influence directe sur la minéralisation ou les acteurs qui la réalisent. Parmi ces déterminants proximaux, on compte essentiellement les conditions physico-chimiques des sols, la disponibilité en ressources ou les interactions biotiques. Les facteurs définis comme déterminants distaux sont les facteurs ayant une influence indirecte sur la minéralisation ou les acteurs via un effet sur les déterminants proximaux. Le climat (Taylor et al., 2017), l’usage des terres, la teneur en CO2 du sol sont typiquement des déterminants distaux de la minéralisation via leurs effets sur la teneur en MO et les conditions physico-chimiques du sol.
Les déterminants proximaux
Parmi les déterminants proximaux influençant directement les acteurs de la minéralisation, la teneur en eau dans le sol modifie l’équilibre entre croissance et survie des microorganismes (Manzoni et al., 2012). De plus, lorsque les sols sont saturés en eau, l’anaérobiose conduit à différentes voies métaboliques. La disponibilité en nutriments dans le sol est également un déterminant proximal de la minéralisation car elle détermine fortement l’efficacité des métabolismes des microorganismes qui doivent maintenir leur ratio C:N:P (Manzoni et al., 2010, 2012; Kirkby et al., 2014). Ainsi, les besoins en éléments minéraux sont des déterminants de la séquestration ou de la perte de carbone via la respiration microbienne. Zang et al. (2016) ont montré que l’apport de fertilisants azotés dans un sol rhizosphérique prélevé sous un champ de blé réduisait fortement la minéralisation de la MOS. La forte disponibilité en azote, dans ces sols riches en rhizodépôts, aurait entrainé un changement de voie d’acquisition d’azote par les microorganismes décomposeurs. Les microorganismes seraient ainsi passés de l’extraction d’azote présent dans la MOS à l’utilisation des nutriments disponibles dans le sol. La qualité des matières organiques du sol est également un déterminant proximal de la minéralisation car la minéralisation de différents substrats requière différentes voies métaboliques. De plus, l’activité microbienne est également limitée par la disponibilité en carbone dans les substrats, qui rentre à la fois dans la biosynthèse des macromolécules et des tissus et aussi dans la fourniture d’énergie pour cette biosynthèse (Hättenschwiler et al., 2011; Manzoni et al., 2012).
La composition de la communauté microbienne a également un effet sur la dégradation des macromolécules organiques car la dégradation de la matière organique est le résultat de l’activité de nombreuses populations microbiennes et certaines enzymes sont produites par un nombre restreint de microorganismes (Waldrop et al., 2000).
Les interactions biotiques entre les microorganismes et leurs prédateurs constituent également un déterminant proximal de la minéralisation (Crowther et al., 2015). En effet, les prédateurs exercent un contrôle top-down sur les acteurs de la minéralisation diminuant ainsi leurs biomasses et leurs activités de minéralisation. Cependant, la prédation sélective de certaines bactéries permet également l’augmentation du turnover de la biomasse microbienne et un relargage des nutriments contenus dans les cellules bactériennes (Bonkowski, 2004). Ce nouvel apport de nutriments favoriserait les microorganismes restant et entrainerait l’augmentation de leur activité de minéralisation.
Les déterminants distaux : Le climat, les usages et pratiques culturales
Il existe également des déterminants, dits distaux, qui ont un effet indirect sur la minéralisation en agissant sur un ou plusieurs déterminants proximaux. Ils sont d’ailleurs souvent intégrateurs de l’effet de nombreux déterminants proximaux.
Climat
La température et la pluviométrie font partie de ces déterminants distaux car leur effet sur la minéralisation de la matière organique se fait à travers leur influence sur les acteurs de la minéralisation et sur leur environnement. De plus les effets du climat sur la minéralisation dépendent de la taille du stock de carbone dans les sols (Allison et al., 2010; Crowther et al., 2016).
La hausse de la température accélère les réactions enzymatiques et augmente la consommation de carbone par les microorganismes (Hagerty et al., 2014). Certains pensent que dans les sols riches en carbone, cette accélération de la décomposition dépasserait la vitesse de stockage et conduirait ainsi à une perte de carbone. Dans les sols à faible stocks de carbone, une hausse de la température n’entrainerait que de faibles pertes de carbone pouvant être compensées par la croissance végétale et la stabilisation (Allison et al., 2010; Hagerty et al., 2014; Crowther et al., 2016). La hausse de la température entrainerait également une accélération du turnover microbien probablement liée à l’augmentation de l’activité des prédateurs ou le changement de la composition de la communauté microbienne (Hagerty et al., 2014). Cependant, malgré les nombreuses études sur l’effet du réchauffement climatique sur le cycle du carbone, il n’y a pas de consensus sur l’ampleur du déstockage de carbone (Hagerty et al., 2014; Bradford et al., 2016). A court terme, la décomposition serait donc accélérée à cause d’une augmentation de l’activité enzymatique et de la biomasse des décomposeurs et peut-être également à cause de la baisse de l’efficacité d’utilisation du carbone (CUE). En effet, le coût énergétique du maintien de biomasse devrait augmenter avec la température (Allison et al., 2010; Crowther et al., 2016). Cependant, cette réponse de la décomposition est souvent transitoire. Sur le long terme, une hausse des températures entrainerait une atténuation de la respiration microbienne due à leur acclimatation thermique (Allison et al., 2010; Bradford et al., 2016). Cette acclimatation thermique serait liée à trois facteurs : (1) un changement de structure des communautés de décomposeurs, (2) un changement de leur biomasse et leur physiologie, et (3) un changement de quantité et de qualité de la MOS (Knorr et al., 2005; Hartley et al., 2007; Blagodatskaya et al., 2016).
La pluviométrie exerce un effet indirect sur la minéralisation de la matière organique en influençant la disponibilité en eau dans les sols et la croissance de la couverture végétale. Dans la littérature, il a été montré qu’une augmentation de l’humidité du sol entrainait une augmentation de l’émission de CO2 provenant du stock de carbone labile (Wan et al., 2007; Garten et al., 2008). En effet, l’augmentation de la teneur en eau dans les sols permet la diffusion des substrats et de l’oxygène, favorisant ainsi l’activité microbienne (Wan et al., 2007). A l’échelle globale, les effets du changement climatique sur les stocks de carbone pourraient être plus importants sur les écosystèmes soumis à des climats froids et de hautes latitudes (Bradford et al., 2016; Crowther et al., 2016).
Usage et pratiques
L’usage des terres et les pratiques agricoles ont également un impact indirect sur la minéralisation via leurs effets sur les décomposeurs microbiens et sur leur habitat. Par exemple, il a été montré que la présence de prairies entrainait un ralentissement de la décomposition des MO via la réduction des échanges d’eau et de gaz entrainant une intensification de la formation de l’humus (Guo and Gifford, 2002). La présence de plantes de couverture dans les systèmes dits « sous couverture végétale » (SCV) entrainerait un apport supplémentaire de matière organique, notamment via les exsudats racinaires, permettant ainsi d’augmenter le stockage (Poeplau and Don, 2015). Dans les parcelles cultivées, moins de matière organique retourne dans le sol (Guo and Gifford, 2002). Le labour affecte la plupart des microorganismes et leurs fonctions de minéralisation en réduisant la diversité microbienne et en perturbant la formation de réseaux de mycélium fongique (Vukicevich et al., 2016). De plus, le labour entrainerait la destruction des agrégats protégeant la MOS conduisant ainsi à une accélération de la minéralisation par rapport au stockage (Guo and Gifford, 2002).
Les monocultures intensives endommagent également les stocks de carbone alors qu’une diversité des cultures favoriserait le stockage via l’effet positif de la production d’exsudats de qualités différentes sur la diversité microbienne (Guo and Gifford, 2002; Vukicevich et al., 20 2016). Les exsudats facilement décomposables, notamment ceux produits par les légumineuses, influenceraient la physiologie microbienne et favoriseraient les acteurs des premières étapes de la minéralisation. Ces derniers accumuleraient ainsi le carbone dans leur biomasse puis leur nécromasse constituerait un pool de matière organique complexe et récalcitrante à la minéralisation (Kallenbach et al., 2015, 2016).
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Table des matières
Liste des abréviations
Liste des figures
Liste des tableaux
Chapitre I : Introduction générale
I. Le sol : une boîte noire à explorer
I.1. Définition
I.2. Milieu hétérogène
I.3. Ecosystème complexe
I.4. Les services écosystémiques fournis par le sol
I.5. Les enjeux actuels
I.6. L’Agroécologie
I.7. Conclusion
II. Matière organique : élément central de l’écosystème sol
II.1. Définition et rôle
II.2. Nature et composition
II.3. dynamique
II.4. Minéralisation et/ou séquestration
II.5. Conclusion
III. Les déterminants de la minéralisation de la MO et/ou de la séquestration
III.1. Les différents types de déterminants
III.2. Les déterminants proximaux
III.4. Les déterminants distaux : Le climat, les usages et pratiques culturales
III.5. Conclusion
IV. Les décomposeurs : acteurs de la transformation de la MO dans le sol
IV.1. Physionomies
IV.2. Métabolismes
IV.3. Répartition spatiale
IV.4. Diversité génétique
IV.5. phylogénie
IV.6. Vers une classification plus fonctionnelle des microorganismes
IV.7. Conclusion
V. Le PE : mécanismes générateurs, conséquences et hypothèses
V.1. Un phénomène intriguant : le « Priming Effect »
V.2. Mécanismes générateurs
V.3. Conséquences sur la séquestration du carbone et le recyclage des nutriments
V.4. Hypothèses de travail
V.5. Conclusion
VI. Le Contexte de Madagascar
VI.1. Diversité de paysages, climats et production végétales
VI.2. L’insécurité alimentaire
VI.3. Agriculture des Hauts plateaux
VI.4. Le projet CAMMiSolE
VI.5 Objectifs et réalisation de ce travail de thèse
Chapitre II : Soil microbial diversity drives the priming effect along climate gradients – A case study in Madagascar
I. Introduction
II. Materials and methods
II.1. Experimental site and soil sampling
II.2. Soil characterization
II.3. Molecular analyses of soil bacterial and fungal communities
II.4. Soil microcosm set-up and priming effect assessment
II.5. Total CO2 and 13C-CO2 measurements
II.6. Statistics
III. Results
III.1. Soil physicochemical properties
III.2. Abundance and diversity of bacterial and fungal communities
III.3. C-mineralization
IV. Discussion
IV.1. Stoichiometric decomposition vs nutrient mining
IV.2. Microbial actors of C-mineralization processes
IV.3. Climatic determinants of C-mineralization activities
V. Conclusion
Transition entre chapitre II et chapitre III
Chapitre III : The priming effect generated by stoichiometric decomposition and nutrient mining in cultivated tropical soils: actors and drivers
I. Introduction
II. Materials and methods
II.1. Soils sampling
II.2. Physiochemical characterization
II.3. Incubation conditions
II.4. CO2 and 13CO2 measurements
II.5. DNA extraction, quantification and molecular analyses of soil bacterial communities
II.6. Statistical analyses
III. Results
III.1. Soil biotic and abiotic parameters
III.2. Effect of soil type, substrate quality and incubation time on substrate mineralization (SM), PE and nutrient recycling
III.3. Relationships between soil characteristics, C mineralization activities and nutrient cycling
III.4. Implication of bacterial phyla in substrate mineralization and the PE
IV. Discussion
IV.1. Glucose-induced PE generation mechanisms
IV.2. Mechanisms generating a crop residue induced PE
V. Conclusion
Transition entre chapitre III et chapitre IV
Chapitre IV : Land use and agricultural practices drive C-mineralization activities through bacterial biomass and key fungal families in Madagascar
Highlands.
I. Introduction
II. Materials and methods
II.1. Soil sampling strategy
II.2. Soil characterization
II.3. Molecular analyses of soil bacterial and fungal communities
II.4. Soil microcosm set-up and priming effect assessment
II.5. Total CO2 and 13C-CO2 measurements
II.6. Statistics
III. Results
III.1. Soil characteristics
III.2. Microbial communities’ properties
III.3. Microbial actors of C-mineralization processes
III.4. Land use influence on C-mineralization processes
III.5. Correlations between biotic, abiotic soil characteristics and C-mineralization processes
III.6. Influence of agricultural practices on soil characteristics and C-mineralization processes
IV. Discussion
IV.1. Importance of microbial communities in C dynamic in agricultural soils
IV.2. Determinants of microbial communities
IV.3. How agricultural practices can drive C-mineralization activities
Chapitre V : Discussion et conclusion
I. Les acteurs du PE : bactéries vs champignons
I.1. Guilde des opportunistes
I.2. Guilde des décomposeurs
I.3. Guilde des mineurs
II. Les déterminants proximaux
III. Les déterminants distaux
III.1. Le climat
III.2. Les usages et pratiques agricoles
IV. Quelles sorties appliquées pour ce travail ?
V. Limites
Références bibliographiques
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