L’évolution de cette population dans les universités
Comme mentionné précédemment, le nombre d’étudiants inscrits au service de soutien aux étudiants en situation de handicap dans les universités a progressé de façon remarquable ces dernières années. La figure 1 montre l’évolution des étudiants en situation de handicap par type de clientèle dans l’ensemble des universités au Québec. Depuis les huit dernières années, le nombre d’étudiants faisant partie de la clientèle émergente a plus que quintuplé (Association québécoise interuniversitaire des conseillers aux étudiants en situation de handicap [AQICESH], 2010, 2013, 2014). En effet, le nombre d’étudiants est passé de 1089 en 2006-2007 pour atteindre 6364 en 2013-2014.
L’augmentation observée s’explique, d’une part, par le dépistage plus précoce des TA, des TDNH et des TSA dans le parcours des étudiants (primaire, secondaire), par de meilleurs outils d’évaluation, et d’autre part, par la plus grande accessibilité aux études postsecondaires due aux politiques ministérielles en oeuvre pour contrer la discrimination (Bonnelli et al., 2010; Dubé et Senécal, 2009). Il semblerait toutefois que seulement 1 % des étudiants divulguent volontairement leur handicap pour une prévalence d’étudiants ayant une situation de handicap d’environ 10 % (Fichten, Jorgensen, Havel et Barile, 2006). Plusieurs raisons peuvent expliquer les conclusions de Fichten et son équipe, entre autres choses, la peur de stigmatisation et des préjugés envers la différence qui persiste encore, l’absence de diagnostic officiel, la nonacceptation de leur limitation et même le désir de se prouver qu’ils peuvent réussir sans mesure d’adaptation (Ducharme et Montminy, 2012). Dans la clientèle émergente, la classe d’étudiants la plus populeuse regroupe les étudiants ayant un TA (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie) qui incluait, avant 2005, les étudiants ayant un TDA/H. Ces deux populations ont connu et connaissent toujours une augmentation fulgurante à un point tel que l’AQICESH a tenu à leur attribuer leur propre catégorie respective aux fins de statistiques. Ils représentaient plus de 40 % de la population totale en situation de handicap, en 2013, sans compter les étudiants qui ont une déficience multiple de TA et de TDA/H.
Les services de soutien offerts
À leur début, vers 1989 et jusqu’à tout récemment, les services d’accueil et d’intégration aux personnes handicapées des universités proposaient des mesures d’accommodement telles que l’accessibilité architecturale, l’interprétariat, l’accompagnement ainsi que la transformation du matériel en grand format ou en braille (Ducharme et Montminy, 2012). Avec l’arrivée de la clientèle émergente, les services d’accueil et d’intégration ont changé d’appellation pour devenir les services de soutien aux étudiants en situation de handicap. Ces services ont diversifié les mesures d’accommodement qui réduisent l’effet des obstacles sur l’apprentissage, comme du temps supplémentaire pour les examens, la passation de ceux-ci dans un local isolé, l’utilisation d’outils ou de logiciels technologiques adaptés, etc. (Bonnelli et al., 2010). De tout temps, ces services et ces mesures d’accommodement font une différence manifeste pour les étudiants, qui ont d’ailleurs émis des commentaires très positifs à ce sujet (Association québécoise interuniversitaire des conseillers aux étudiants ayant des besoins spéciaux [AQICEBSf, 2008; Bonnelli et al.). Ces mesures sont considérées par les étudiants et les professionnels comme essentielles pour pallier leurs limitations (Bonnelli et al.; Fichten et al. , 2006; Wolforth et Roberts, 2010). Elles sont même un «facteur d’intégration d’une importance capitale)} (Émond, Dugas et Sarrazin, 2006, p. 24). Bien que les étudiants soient en général satisfaits des services d’accueil et d’intégration, de l’attitude des professeurs, des chargés de cours et des membres du personnel non enseignant dans les établissements universitaires, ils dénotent «le besoin d’une plus grande sensibilisation de la communauté universitaire à leur réalité )} (AQICEBS, 2008, p. 30; Bonnelli et al. , 2010, p. 18).
Le manque de ressources et d’expertise
Certains établissements sont dépassés par l’arrivée massive de la clientèle émergente, car l’expertise sur la situation des étudiants ayant des besoins particuliers est limitée et les ressources sont jugées insuffisantes (CRÉPUQ, 2010). Dans les services adaptés des établissements, on assiste à un manque de ressources humaines pour répondre au nombre grandissant de cette population en émergence. Tous s’interrogent à savoir si les pratiques et les mesures proposées s’avèrent efficientes et sont probantes à la réussite des étudiants en contexte universitaire (CRÉPUQ, 2010). Force est de constater que plusieurs universités ont du mal à suivre la cadence, puisque trop peu de ressources humaines spécialisées sont en place (CRÉPUQ, 2010; Ducharme et Montminy, 2012; Réseau de l’Université du Québec, 2014). Le manque de formation, d’information et de perfectionnement des intervenants et des professeurs est soulevé (Bonnelli et al. , 2010; CRÉPUQ; Ducharme et Montminy).
De plus, les mesures adaptatives et les services d’aide à la réussite de l’étudiant tels que le tutorat par les pairs et les ateliers de formation ne suffisent plus pour cette population aux besoins importants. L’organisation de services reliés aux besoins d’accompagnement (Réseau de l’Université du Québec, 2014), au tutorat adapté (Dubé et Senécal, 2009; Landry et Goupil, 2013), à l’embauche d’orthopédagogues, à l’élaboration d’ateliers spécifiques sur la gestion du temps et les stratégies d’étude sont autant d’aspects à envisager (Ducharme et Montminy) et exigent du temps ainsi que des ressources humaines et financières (Fédération des cégeps, 2006). Un nombre important de recommandations ont été formulées en ce sens et adressées au MELS afin de s’assurer d’une meilleure réponse aux ·besoins manifestés par ces nouveaux types de clientèles (Fédération des cégeps, 2004; Bonnelli et al.; Ducharme et Montminy; Réseau de l’Université du Québec).
De plus, les services de soutien aux étudiants en situation de handicap dans les universités desservent uniquement les étudiants détenant un diagnostic ou un certificat médical, les autres étudiants ayant des difficultés sont dirigés aux services d’aide à la réussite qui ne possèdent pas l’expertise et peuvent se trouver facilement démunis devant les difficultés d’apprentissage inhérentes de cette population (Raymond, 2012). Actuellement, tous les intervenants du milieu qui répondent aux étudiants en situation de handicap s’efforcent de penser aux besoins spécifiques des étudiants ayant un TA et un TDAlH et de créer une offre de services s’y rattachant. Ces étudiants représentent la plus grande proportion de la clientèle émergente (Dubé et Senécal, 2009; Ducharme et Montminy, 2012), soit plus de 60 % de cette clientèle, et ce, sans compter les étudiants possédant des handicaps multiples dont l’un d’eux appartient à l’une ou l’autre de ces limitations (AQICESH, 2014).
Les préjugés envers les étudiants en situation de handicap La CRÉPUQ (2010), dans son mémoire intitulé l’Accès à l’éducation et l’accès à la réussite éducative dans une perspective d’éducation pour l’inclusion, fait état des préjugés et discours entretenus par le milieu universitaire à l’égard des étudiants en situation de handicap. Elle mentionne, entre autres, la validité des diplômes souvent considérés « à rabais », le questionnement quant à la faisabilité de leur projet d’étude à l’université, les nombreux efforts en matière de mesures d’accommodement à déployer en vain, et le doute persistant quant à la possibilité de se trouver un emploi. De même, en ce qui concerne les stages de formation, des craintes sont présentes notamment concernant le danger d’erreurs que ces étudiants peuvent commettre et pouvant compromettre la vie ou la sécurité des clients ou des patients (Ducharme et Montminy, 2012). Selon Sowers et Smith (2004), ces craintes sont d’ailleurs injustifiées puisqu’aucun cas n’a encore été recensé à ce sujet. Les professeurs réfractaires s’interrogent sur les nombreux enjeux concernant le respect des finalités des programmes (Philion 2012) et entretiennent des idées préconçues à l’égard des mesures d’adaptation, qu’ils considèrent comme étant des privilèges accordés à ces étudiants (Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec [COPHAN], 2013).
Leurs propos traduisent également très souvent une ambivalence entre les besoins de ces étudiants au profit des besoins des autres étudiants (Marchand, 2011) ce qui, pour eux, pose un défi supplémentaire de gestion de classe ainsi qu’un sentiment d’iniquité envers les autres étudiants (Ducharme et Montminy, 2012). Des études sur les attitudes du corps enseignant en enseignement supérieur (Vogel, Leyser, Wyland et Brulle, 1999) et leur perception en regard des étudiants ayant une situation de handicap (Baker, Boland, et Nowik, 2012) révèlent que les enseignants qui ont des connaissances en matière de droit des personnes handicapés, en regard de la nature des handicaps et de leur impact sur les apprentissages ont une opinion plus positive à leur égard. De plus, on remarque que l’attitude adoptée des enseignants est souvent reliée à la nature du handicap. Keefe (cité dans Wolforth et Roberts, 2010). Sowers et Smith (2004) exposent que celle-ci est plus favorable envers les étudiants vivant avec un handicap plus traditionnel (déficience motrice, visuelle, auditive) qu’à l’endroit des étudiants ayant un handicap non visible. Wolforth et Roberts reprennent Keefe et soulignent que le trouble de santé mentale se classe bon dernier.
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Table des matières
REMERCIEMENTS
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
LISTE DES ABRÉVIATIONS, DES SIGLES ET DES ACRONyMES
RÉSUMÉ
INTRODUCTION
L’HISTORIQUE
CHAPITRE 1 LA PROBLÉMATIQUE
1.1 Les lois et politiques en vigueur servant de cadre de référence dans l’obligation
d’accommodement des étudiants en situation de handicap
1.2 Le portrait des universités et de la population en situation de handicap
1.2.1 L’évolution de cette population dans les universités
1.2.2 Les services de soutien offerts
1.2.3 Le manque de ressources et d’expertise
1.2.4 ~es préjugés envers les étudiants en situation de handicap
1.3 Les difficultés auxquelles tout étudiant est confronté au postsecondaire
1.3.1 Les difficultés inhérentes aux étudiants ayant un trouble d’apprentissage ou un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité
1.4 Le problème et les questions de recherche
1.5 Les retombées de la recherche
1.6 La pertinence de la recherche
CHAPITRE Il LE CADRE DE RÉFÉRENCE
2.1 Le trouble d’apprentissage et le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité
2.2 Les troubles d’apprentissage ou troubles spécifiques des acquisitions scolaires
2.2.1 Les manifestations relatives aux troubles d’apprentissage
2.3 Le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité
2.3.1 Les manifestations relatives au trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité
2.3.2 Le trouble déficitaire de l’attention chez l’adulte
2.4 Les impacts des troubles d’apprentissage et du trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité sur les apprentissages et sur la vie
2.5 Les stratégies d’apprentissage
2.5.1 Les stratégies dites cognitives
2.5.2 Les stratégies dites métacognitives
2.5.3 Les stratégies dites de gestion des ressources
2.5.4 Les stratégies dites affectives
2.6 Le profil personnel de stratégies d’apprentissage et l’étudiant dit « à succès »
2.7 Les stratégies d’apprentissage et la réussite scolaire
2.8 Les études sur la réussite des étudiants ayant un trouble d’apprentissage ou un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité
2.9 Les objectifs de recherche
CHAPITRE III LA MÉTHODOLOGIE
3.1 Le type de recherche
3.2 Les caractéristiques du milieu et la sélection des participants
3.3 Les outils de collecte de données
3.4 Le traitement et l’analyse des résultats
3.5 La déontologie
CHAPITRE IV L’ANALYSE DES RÉSULTATS
4.1 Le portrait global des participants
4.1.1 Benoit
4.1.2 Béatrice
4.1.3 Caroline
4.1 .4 Flavie
4.1.5 Pascale
4.2 Les habitudes et les stratégies d’apprentissage dans différents contextes d’utilisation
4.2.1 Les habitudes et les stratégies d’apprentissage de Benoit
4.2.1.1 Les habitudes de lecture de Benoit
4.2.1 .2 Les habitudes de Benoit en contexte d’étude, de travail et d’examen
4.2.1.3 Les habitudes de travail de Benoit lors des cours
4.2.1.4 Les habitudes de Benoit en contexte d’étude en vue d’un examen
4.2.1.5 Les habitudes de Benoit en contexte de passation d’examen
4.2.1.6 Les stratégies cognitives de Benoit
4.2.1 .7 Les stratégies métacognitives de Benoit
4.2.1.8 Les stratégies de gestion des ressources de Benoit
4.2.1.9 Les stratégies affectives de Benoit
4.2.1 .10 La synthèse des stratégies de Benoit
4.2.2 Les habitudes et les stratégies d’apprentissage de Béatrice
4.2.2.1 Les habitudes de lecture de Béatrice
4.2.2.2 Les habitudes de Béatrice en contexte d’étude, de travail et d’examen
4.2.2.3 Les habitudes de travail de Béatrice lors des cours
4.2.2.4 Les habitudes de Béatrice en contexte d’étude en vue d’un examen
4.2.2.5 Les habitudes de Béatrice en contexte de passation d’examen
4.2.2.6 Les stratégies cognitives de Béatrice
4.2.2.7 Les stratégies métacognitives de Béatrice
4.2.2.8 Les stratégies de gestion des ressources de Béatrice
4.2.2.9 Les stratégies affectives de Béatrice
4.2.2.10 La synthèse des stratégies de Béatrice
4.2.3 Les habitudes et les stratégies d’apprentissage de Caroline
4.2.3.1 Les habitudes de lecture de Caroline
4.2.3.2 Les habitudes de Caroline en contexte d’étude, de travail et d’examen
4.2.3.3 Les habitudes de travail de Caroline lors des cours
4.2.3.4 Les habitudes de Caroline en contexte d’étude en vue d’un examen
4.2.3.5 Les habitudes de Caroline en contexte de passation d’examen
4.2.3.6 Les stratégies cognitives de Caroline
4.2.3.7 Les stratégies métacognitives de Caroline
4.2.3.8 Les stratégies de gestion des ressources de Caroline
4.2.3.9 Les stratégies affectives de Caroline
4.2.3.10 La synthèse des stratégies de Caroline
4.2.4 Les habitudes et les stratégies d’apprentissage de Flavie
4.2.4.1 Les habitudes de lecture de Flavie
4.2.4.2 Les habitudes de Flavie en contexte d’étude, de travail et d’examen
4.2.4.3 Les habitudes de travail de Flavie lors des cours
4.2.4.4 Les habitudes de Flavie en contexte d’étude en vue d’un examen
4.2.4.5 Les habitudes de Flavie en contexte de passation d’examen
4.2.4.6 Les stratégies cognitives de Flavie
4.2.4.7 Les stratégies métacognitives de Flavie
4.2.4.8 Les stratégies de gestion des ressources de Flavie
4.2.4.9 Les stratégies affectives de Flavie
4.2.4.10 La synthèse des stratégies de Flavie
4.2.5 Les habitudes et les stratégies d’apprentissage de Pascale
4.2.5.1 Les habitudes de lecture de Pascale
4.2.5.2 Les habitudes de Pascale en contexte d’étude, de travail et d’examen
4.2.5.3 Les habitudes de travail de Pascale lors des cours
4.2.5.4 Les habitudes de Pascale en contexte d’étude en vue d’un examen
4.2.5.5 Les habitudes de Pascale en contexte de passation d’examen
4.2.5.6 Les stratégies cognitives de Pascale
4.2.5.7 Les stratégies métacognitives de Pascale
4.2.5.8 Les stratégies de gestion des ressources de Pascale
4.2.5.9 Les stratégies affectives de Pascale
4.2.5.10 La synthèse des stratégies de Pascale
CHAPITRE V LA SYNTHÈSE ET L’INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS
5.1 La synthèse du parcours scolaire des participants
5.2 L’interprétation des résultats reliés au parcours et à certaines stratégies
5.2.1 Le parcours des participants
5.2.2 Les facteurs déterminants
5.2.2.1 L’impact du diagnostic et des mesures adaptatives sur la réussite
5.2.2.2 Les déterminants menant à la motivation, à la réussite et aux aspirations professionnelles
5.3 La synthèse des résultats relatifs aux stratégies d’apprentissage
5.3.1 La connaissance des stratégies d’apprentissage
5.3.2 L’utilisation des stratégies d’apprentissage
5.3.2.1 Les stratégies d’apprentissage en lecture
5.3.2.2 Les stratégies d’apprentissage en général
5.3.2.3 Les stratégies d’apprentissage lors des cours
5.3.2.4 Les stratégies d’apprentissage lors de l’étude
5.3.2.5 Les stratégies d’apprentissage privilégiées en situation d’examen
5.3.2.6 Les types de stratégies d’apprentissage privilégiées
5.3.2.7 Les stratégies d’apprentissage peu privilégiées
5.4 L’identification des stratégies d’apprentissage : lien avec l’étudiant à succès
5.4.1 De nombreuses stratégies connues
5.4.2 Des stratégies d’apprentissage utilisées et comparables à l’étudiant à succès
CONCLUSiON
6.1 Les perspectives
6.2 Les limites de la recherche
RÉFÉRENCES
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