Les mutations de l’information scientifique
Les sciences semblent devenir à la fois trop complexes et trop spécialisées et l’écosystème lié à la diffusion de l’information scientifique impose de nouvelles contraintes au journalisme scientifique. Claessens parle ainsi de dictature du chiffre « le chiffre est supposé donner, per se, une valeur objective et scientifique à l’information » (Claessens, 2009, pp. 104-118). Claessens note que la communication scientifique dans les médias est souvent beaucoup plus liée à une communication de résultats chiffrés, plutôt qu’une véritable approche critique du cheminement scientifique. On sera plus sensible aux effets d’annonce, aux résultats inédits qu’au compte rendu des tâtonnements liés à la recherche. Latour et Woolgar (2005) se sont d’ailleurs intéressés à cette construction du fait scientifique, qui efface les traces de tâtonnements et ne met l’accent que sur les résultats destinés à être publiés. Dans une enquête sociologique autour de la production des faits scientifiques, ils montrent que le cheminement des scientifiques souvent réduit à une démarche linéaire, est elle-même une « imposture » selon les termes des chercheurs, une reconstruction par le scientifique.
Le mélange des genres informationnels et de divertissement, sous couvert de vulgarisation et de démocratisation des savoirs scientifiques contribue également à la création d’un climat d’incertitudes. L’émergence de l’infotainemnt (Cottier, 2003) en science, notamment à la télévision pose le problème de la simplification à outrance , de la traduction d’un discours scientifique, de sa mise en histoire au lieu de prendre en compte le caractère complexe et le cheminement non-linéaire de la démarche scientifique (Chervin, 2003) (Lelu & Eastes, 2011). La culture scientifique est « vendue » comme ludique, simple et active.
Il existe également un certain vivier de sujets qui font les unes médiatiques ou le bonheur des réseaux sociaux. Dans des études autour des médias traditionnels comme le journal télévisé (Chervin, 2003) ou la presse quotidienne (Jacobi, 2005), la science n’apparaît pas toujours comme un thème culturel majeur, mais bien sous forme de news ou de brèves d’actualité. Si la science n’est pas toujours en première page, les études quantitatives montrent que les thématiques scientifiques sont cependant très présentes en filigrane dans des sujets de société touchant à la technique, aux innovations notamment dans les domaines de la vie quotidienne (Jacobi, 2005).
Le rapport entre les médias et la science remonte aux années 1950, où les médias traditionnels apparaissaient comme une vitrine de la science, relayant avec beaucoup d’enthousiasme les grandes avancées scientifiques, notamment la course à l’espace (1949-1970). Les relations science/médias se sont ensuite dégradées après 1975 avec l’apparition des grandes crises scientifiques et notamment les catastrophes industrielles écologiques des années 1980. Les médias sont alors devenus l’incubateur des discours revendicatifs sur l’évaluation des risques en science en pointant notamment le double langage des scientifiques qui d’un côté vantent les vertus de la science et des progrès techniques, mais réfutent une utilisation dangereuse ou une attitude responsable (Claessens, 2009 ; Klein, 2016). A partir des années 2000, on assiste à une période de confusion, la médiatisation mondiale des catastrophes naturelles engendre une méfiance du public vis-à-vis de la science, les médias favorisant un discours fataliste et dénonciateur des abus de la science.
Le modèle de l’information scientifique, incertaine et fluctuante, et les modes de communication de la culture scientifique contribuent ainsi à l’émergence d’une certaine méfiance par rapport à la science. Nous pouvons alors nous interroger sur les conséquences de ces changements au niveau notamment du public juvénile. Quel rapport les jeunes entretiennent-ils avec la culture scientifique et technique ? Comment s’informent-ils ?
Les jeunes et les sciences : pratiques et expériences informationnelles
D’après les sondages (CAS, 2014), les jeunes s’intéressent aux sciences. Néanmoins, il s’avère que si de nombreux jeunes avouent être intéressés par les sciences, celles-ci sont souvent perçues par le biais des études et présentent peu d’attraits dans une perspective de formation personnelle.
Intérêt pour les sciences : l’influence du contexte scolaire
Ainsi, l’enseignement scolaire scientifique est perclus de préjugés, Charles Percy Snow en 1951 dénonçait déjà ce phénomène des « deux cultures » qui opposait une culture humaniste et littéraire par rapport à une culture scientifique, souvent fermée, obtuse et éclectique (Snow, 2001). On retrouve d’ailleurs cette idée dans la répartition des filières en France dans le secondaire (CAS, 2014) : la poursuite d’études scientifiques est un choix connoté.
Le bagage scientifique, les connaissances préalables (scientific knowledge) n’est donc pas égalitaire, ce qui peut conduire à des situations d’inconfort, notamment chez les jeunes adultes.
De nombreux programmes de vulgarisation, voire de médiation des sciences ont été mis en place afin de réduire ses obstacles liés aux connaissances préalables à travers notamment les programmes de Public Understanding of Science (RU) ou de mise en culture de la science avec des organismes de vulgarisation comme le Palais de la Découverte en France.
La question du genre est également très présente dans le contexte scolaire : on n’échappe pas aux préjugés qui cantonnent les filles à des aptitudes plus littéraires et artistiques, et les garçons du côté du rationalisme et des sciences. Les jeunes eux-mêmes ont tendance à véhiculer ces représentations stéréotypées. L’image du scientifique, souvent assimilé au savant dans son laboratoire, sorte de génie solitaire à la manière du professeur Tournesol de Hergé est également très orienté. Les femmes apparaissent souvent comme des contre stéréotypes féminins, modernes et sérieuses, à la limite également du caricatural (Chemery & Laurent, 2010).
Chez les plus jeunes, la figure du nerd/ geek, féru de technologie n’a pas bonne presse (Lelu & Eastes, 2011). Pourtant, si ces clichés sont encore répandus y compris chez les jeunes, les études de terrain ne corroborent pas ces préjugés : les filles sont tout autant que les garçons intéressées par les sciences et ont souvent de meilleurs résultats dans les matières scientifiques (CAS, 2014 ; Guenther & Georg, 2016).
D’autre part, le contexte social influence le rapport à l’information : on peut noter une « distribution sociale de l’ ignorance » selon Ungar (2000) en ce qui concerne les connaissances scientifiques. La science est perçue comme plus ou moins complexe. Les individus ne sont pas tous égaux devant l’information puisque certains textes scientifiques sont difficiles d’accès sans un bagage, qu’il soit fourni comme nous l’avons évoqué par la scolarisation ou par un contexte familial. La nécessité de disposer d’un tel bagage peut engendrer des attitudes de protection par rapport à l’information (protective behavior) , par crainte de ne pas pouvoir assumer une confrontation avec des informations inaccessibles ou en contradiction avec des connaissances préalables. Ces attitudes se retrouvent le plus souvent chez les jeunes n’ayant pas fait d’étude scientifiques. (Ungar, 2000). Metzger et Flanagin (2013) mettent également l’accent sur le phénomène de surcharge informationnel : l’esprit n’est pas toujours capable d’assimiler des informations complexes (limited capacity model). Les jeunes publics notamment ont tendance à sélectionner les informations dans une perspective du « principe du moindre effort » , il s’agit d’adapter ses stratégies de recherche pour optimiser le coût cognitif par rapport au résultat souhaité. Il existe donc au sein du jeune public certaines catégories de population plus « frileuses » (personnes n’ayant pas suivi de formation ou de cursus scientifique, personnes à niveau d’étude peu élevé, les filles) qui, par crainte du niveau de technicité et de la complexité des informations scientifiques, choisissent une attitude de repli, voire de rejet de l’information scientifique.
Sciences inquiétantes : entre fascination et manipulation
La science fait rêver et fascine. Brake et Weitkamp (2010) expriment l’idée que l’information scientifique est disséminée entre les sources documentaires / non-fiction (médias, livres) et les sources fictionnelles (romans, films…) qui vont imprégner les jeunes d’une certaine image de la science et du scientifique. En dehors du stéréotype du personnage en blouse blanche dans son laboratoire, la figure du scientifique est souvent assimilée à celle de l’inventeur génial qui connaît l’illumination et souvent associé à la figure du superhéros, désintéressé et motivé par le bien de l’humanité, notamment chez les plus jeunes (Chemery & Laurent, 2010). Ces représentations souvent façonnés par les personnages de scientifiques à la télévision ou au cinéma montrent que les plus jeunes façonnent une représentation idéalisée de la science (Tan, 2015), simple, linéaire, éthiquement et moralement justifiable (Les méchants seront assimilés à des scientifiques, dévoyés, des savants fous). La confrontation avec la réalité conduira forcément à une crise de confiance (vers 11 ans) (Takashi & Tandoc, 2016) qui impactera les représentations de la science. Le rêve spatial, la fascination pour les étoiles conduisent à une lecture naïve et à une confusion des innovations technologiques réelles et fictives. Les jeunes se construisent des imaginaires de la science et du scientifique qui nourrissent leurs besoins affectifs (affective needs ) là où ils devraient faire un pas de recul pour s’affirmer dans leurs besoins cognitifs.
Si la science fascine les plus jeunes, elle possède également un côté obscur. Les questions éthiques des sciences appliquées sont souvent sur le devant de la scène. Il existe en effet toujours un versant militaire aux avancées de la science, et les découvertes scientifiques ne sont plus toujours perçues dans l’espace public comme des avancées dédiée au progrès de l’humanité : De nombreux sujets inquiètent (le nucléaire, les OGM…) (CAS, 2014) et le pas est vite franchi vers des dérives idéologiques. La diffusion de récits liés aux théories du complot, aux frontières de la science imputant une origine intentionnelle à certaines maladies (le cancer de Chavez, les polémiques autour de la vaccination) ou des sociétés malveillantes derrière certaines dérives technicistes (Harambam & Aupers, 2015) ont contribué à une vision inquiétante de la science. La neutralité même des scientifiques est remise en cause jusqu’à les assimiler à des « marchands de doute » dévoyés par les grandes corporations. Oreskes et Conway (2012) dénoncent les « biais d’information » de certains résultats qui par, des trajectoires argumentatives complexes (mise en valeur de certaines recherches, omission, interprétation aléatoire) s’inscrivent dans une optique idéologique (l’affaire des Tabacco papers favorables aux industries du tabac). Goldberg (2003) s’est intéressé à la perversion du discours scientifique, qui sous couvert d’études, de manipulations chiffrées et de démonstration pseudoscientifique devient l’argument indémontable d’une information orientée, ce qu’il dénonce comme l’émergence d’une « bad science » dévolue à des intérêts économiques. Ses mises en garde véhémentes à destination du grand public en ont fait l’un des « lanceurs d’alerte » (whistleblower) le plus médiatiques et l’un des plus controversés. Au niveau de l’éthique, les sphères conspirationnistes se prévalent du « syndrome de Galilée » qui implique que les adhérents à une pseudo-théorie la considèrent presque toujours comme révolutionnaire, et en outre s’estime persécutés (Binet, 2002). Les théoriciens de la conspiration ne sont pas intéressés par la falsification, mais sélectionnent des informations clefs pour confirmer leurs théories en remplaçant les liens de corrélation par des liens de causalité. C’est le « paradoxe des évidences » (Harambam & Aupers, 2015). On assiste ainsi à une remise en cause quasi systématique des grandes découvertes scientifiques depuis la théorie de l’évolution jusqu’à la rotondité de la terre. Ainsi Carl Sagan, astronome et scientifique, en 1979, évoquait déjà le paradoxe lié aux théories du complot en science : « Le fait que l’on se soit moqué de certains génies ne veut pas dire que tous ceux dont on se moque sont des génies.
Nous nous sommes moqués de Christophe Colomb, de Fulton, des frères Wright. Mais nous nous sommes aussi moqués de Bozo le clown. ». Son travail de décryptage autour des pseudosciences est aujourd’hui toujours d’actualité. Fondateur du scepticisme scientifique, il cherche à promouvoir la science et à soumettre à des méthodes scientifiques (recherches empiriques, reproductibilité) les disciplines pseudoscientifiques . Les sites de décodage et de “The fact that some geniuses were laughed at does not imply that all who are laughed at are geni uses. They laughed at Columbus, they laughed at Fulton, they laughed at the Wright brothers. But they also laughed at Bozo the Clown.” Carl Sagan Broca’s Brain, éd. Random House, 1979. p64 des informations scientifiques s’inspirant de cette position philosophique sont désormais nombreux sur Internet. L’Agence Science-presse a elle-même ouvert une rubrique Décodage de rumeurs (Science-Presse, 2016). Les théories conspirationnistes souvent présentées comme des théories scientifiques, notamment grâce à l’exemplarité des données et un argumentaire spécifique (« le mille-feuille argumentatif ») ont cependant souvent plus d’affinité avec des croyances métaphysiques voire religieuses (Bronner, 2013 ; Harambam & Aupers, 2015).
Science et fiction
Toute découverte scientifique est un récit : on occulte tout le raisonnement scientifique pour raconter une découverte, une aventure scientifique souvent sous forme de contes naïfs mettent en scène des éléments de culture populaire (la pomme de Newton, la mouette d’Einstein) (Lelu & Eastes, 2011). On réécrit l’histoire scientifique à travers des histoires de grands hommes les Great Mens qui s’affichent comme un archétype idéalisé dus scientifique qui ne sera jamais égalé (Brake & Weitkamp, 2010) , ce qu’ Etienne Klein (2010) appelle « des « histoires de science» (par exemple des histoires de découvertes célèbres), hors de tout esprit de sélection, avec comme seul but de leur ouvrir l’esprit et de « mettre la science en culture » dès le plus jeune âge. » (Besnier, 2010). Michel Serres, philosophe des sciences, s’est lui-même attelé à la mise en discours de l’histoire des sciences à travers le « Grand récit de l’Univers » (Grison, 2011).
Dans son article Knowledge, ignorance et the popular culture : climate change versus the ozone hole, Ungar (2000) avance l’idée de l’importance de l’influence de l’imaginaire collectif, ce qu’on appellera aussi la culture populaire sur l’élaboration d’une culture scientifique. Malgré une couverture médiatique similaire, la sensibilisation à certains problèmes scientifiques comme la couche d’ozone trouvera un écho plus favorable chez le grand public que par exemple le problème du réchauffement climatique. Ungar démontre en effet l’influence de l’imagerie populaire (l’image du bouclier protecteur) favorisera la compréhension et donc l’intérêt du Debunkage = déboulonner, démonter. Le débunkage est un exercice qui consiste à prendre des déclarations et à montrer en quoi elles sont erronées ou notamment dans le cas de discours idéologiques ou liés aux pseudosciences. public, alors que le phénomène du réchauffement climatique parait plus lointain dans sa représentation et dans le temps et ne suscite pas la même réception.
Dispositif méthodologique
Notre recherche porte de façon générale sur l’engagement des élèves dans la constitution d’une culture scientifique (scientific literacy) dans une perspective sociale et éducative.
Dans ce cadre théorique, notre problématique porte plus spécifiquement sur les usages par les jeunes lors des expositions intentionnelles ou accidentelles à l’information scientifique et les jugements de validité qui en découlent. Comment les jeunes s’informent-ils sur les sciences ?
Quels jugements émettent-ils sur les informations scientifiques ?
Le choix du qualitatif
Analyse exploratoire
En analysant les travaux existants et en nous basant sur nos propres intuitions, nous avons choisi de travailler cette thématique par une approche qualitative. Il semble en effet que l’axe principal de recherche porte sur les représentations sociales des jeunes et leur rapport à la science. Si nos recherches bibliographiques ont permis de soulever un certain nombre d’interrogations, il s’agit bien ici de comprendre les phénomènes d’accès et d’appréhension de l’information plutôt que de formuler des hypothèses sur les conditions de ces usages de l’information scientifique (Seurrat, 2014). La complexité du statut de l’information scientifique notamment ses liens avec un contexte sociologique nous ont poussés à nous interroger sur la construction d’une culture scientifique commune (Latour & Woolgar, 2005). Pour y parvenir, il fallait à la fois considérer le fond (la culture scientifique préalable) et la forme (les mécanismes cognitifs à l’œuvre dans la compréhension et l’analyse des informations scientifiques), le tout ancré dans un contexte d’influence (le statut scientifique de la fiction).
L’approche inductive s’est donc naturellement imposée dans la logique de combler un manque existant plutôt que de confirmer des hypothèses qui auraient pu se dégager lors de nos recherches bibliographiques. Il s’agit d’orienter une approche compréhensive plutôt que critique (Colliot-Thélène, 2004). Il s’agit moins de travailler sur le général, de chercher à expliciter par des « lois », mais de s’inscrire dans une tradition orientée vers les sciences humaines et notamment la sociologie pour chercher à expliquer par des « raisons », des contextes d’influences internes ou externes. Ce qui nous intéresse dans ce projet, ce n’est pas de travailler sur le sens des causalités au sens où on pourrait les comprendre dans une approche orientée autour des sciences de la nature, mais bien de se poser en tant qu’observateur, à cerner des expériences humaines.
Méthode de collecte des données
Contexte
La collecte de données est une étape délicate qui nécessite un cadre théorique rigoureux : Charmillot évoque quatre axes à prendre en considération : la prise en compte du contexte sociologique et historique (pôle théorique), les relations entre individu et collectif (pôle épistémologique) une réflexion autour de la forme, la présentation formelle de la recherche aux participants le choix des outils de collecte et d’analyse (pôle technique) (Charmillot, 2007).Une attention particulière a été portée à la posture du chercheur dans le cadre de cette recherche. Si les entretiens ont été réalisés en milieu scolaire, ils ont toujours été présentés non pas une évaluation, mais comme un travail de recherche. L’approche qualitative n’est pas de pourvue de limites : les conditions de l’entretien, (lieux, temps, présentation…) en font un dispositif souvent ressenti de façon moins objective qu’une approche quantitative (par le biais d’une enquête dirigée). L’influence du lieu et le statut du chercheur (professeur-documentaliste) ont sans aucun doute eu des répercussions sur les jeunes enquêtés. Néanmoins, il nous semble que les élèves interrogés sont des acteurs au sens où l’entend Bernard Lahire (Olivesi, 2013), c’est-à-dire qu’ils ne sauraient pas être réduits à une approche mécaniste, mais au contraire qu’ils s’affirment comme multi-identitaires et capables de convoquer différentes attitudes par rapport au contexte. Ce serait réduire les publics à « un public » et faire preuve de généralisation abusive, pour arriver à des conclusions plaisantes, positives ou consensuelles. Or, le choix de l’approche inductive est également déterminé par cette nécessité de ne pas voir le public adolescent comme une masse, mais de prendre en compte leurs caractéristiques et leurs activités par rapport à un public passif, selon les théories des effets forts (Hypodermic needle de Lasswell ). C’est donc bien le choix d’une approche singulière visant à l’appréhension d’un phénomène qui guide notre étude (Colliot-Thélène, 2004).
Identification du groupe
En nous basant sur les travaux de Takashi et Tandoc , nous avons choisi de concentrer notre étude sur les étudiants de classe de 3ème et de 2nde.
En reprenant les apports des études que nous avons présentées supra sur le rapport des sciences et des jeunes, il nous a semblé pertinent de nous concentrer sur une classe d’âge afin de limiter les paramètres à prendre en compte. Le passage du collège au lycée nous semble un cap intéressant, car les élèves sont mis en situation d’étudiants (Ils passent l’examen du DNBI (brevet) à la fin de l’année ou commencent le lycée). Nous nous sommes également basé sur les travaux de Tan (2015) qui a travaillé sur des élèves plus jeunes, ayant encore une vision « magique » de la science et qui ne font pas toujours systématiquement une analyse raisonnée mais se basent sur des intuitions pour évaluer une information scientifique. Giordan (2005) explique ainsi « Le questionnement (scientifique) baisse dramatiquement: les jeunes élèves de 5-6 ans se posent d’innombrables questions sur leur environnement ou leur propre corps. Progressivement cette attitude s’étiole et en fin de scolarité obligatoire, elle a complètement disparu… ». Il nous semble également que cette classe d’âge est pourvue d’un bagage scientifique assez conséquent pour permettre une approche réflexive de certaines thématiques. Nous avons donc choisi de conduire des entretiens semi guidés pour l’exploration de notre question de recherche : Comment les jeunes s’informent-ils sur les sciences ? Quels jugements émettent-ils sur les informations scientifiques ?
Les procédures
Ainsi un soin particulier a également été apporté à la présentation du projet qui s’est fait par le biais du directeur de l’établissement scolaire. L’accueil des jeunes enquêtés ainsi que l’introduction et la présentation des entretiens ont également fait l ’objet d’une préparation réfléchie.
Les contraintes épistémologiques liées à la représentativité des jeunes enquêtés seront prises en compte lors de la caractérisation des entretiens : la nationalité, la langue maternelle, la catégorie socio-professionnelle sont répertoriées par le biais d’un tableau synoptique afin de donner un panorama de l’horizon culturel des jeunes enquêtés. Il est certain que les échanges autour de ce projet ou le statut familier du chercheur influenceront les réponses (besoin de personnalisation ou de conformité, « effet de halo »). Il ne s’agit pas tant d’écarter la « subjectivité » du dispositif, ce qui est impossible, mais de la maîtriser de manière contrôlée (Lejeune, 2014). Néanmoins dans le cadre d’une réflexion autocritique, ces données seront prises en compte dans les limites de notre dispositif. Les entretiens ont été retranscrits dans la plupart des cas immédiatement après leurs réalisations grâce à un enregistrement audio et ont été réécoutés lors de leurs analyses ultérieures. Pour des raisons linguistiques, certains entretiens se sont déroulés en anglais, les jeunes enquêtés étant plus à l’aise avec les nuances et revenant naturellement à leur langue maternelle (Lexi, Conan et Boba).
Des pratiques informationnelles en ligne
Un accès majoritairement numérique : Internet
Lors des entretiens réalisés autour des pratiques informationnelles des jeunes en ce qui concernait les informations scientifiques, la question des modalités d’accès est majoritairement lié au numérique et notamment Internet. En effet, l’ensemble des jeunes interviewés disent utiliser Internet pour s’informer sur les sciences. Ces pratiques ne font cependant pas l’objet d’une analyse approfondie de la part des jeunes enquêtés en tant qu’utilisateur. Internet apparait commune nébuleuse d’informations, sans précisions spéciales. Lando affirme s’informer sur Internet, mais reste vague dans le descriptif de ces pratiques : « Je ne sais pas trop. Je me tiens au courant par Internet, je pense. Je regarde des sites si on a parlé de thèmes qui m’intéressaient en cours ou si j’ai entendu parler de quelque chose. » (Lando, Garçon, 14 ans, 3ème , Australie)
L’utilisation de Google Search comme outil de recherche d’accès revient également systématiquement dans les entretiens (11 occurrences sur 11 entretiens) : Google apparait comme un portail qui permettrait un accès universel et immédiat à l’ensemble des connaissances scientifiques. Ada et Han insistent sur le fait que Google permet ensuite une sélection personnelle par rapport aux critères d’intérêt ou de fiabilité, mais reste un accès privilégié. « Je tape le sujet (sous Google) je regarde un peu le site pour voir s’il a l’air fiable ou je regarde des vidéos qui m’intéressent. » (Ada, Fille, 14 ans, 3ème, USA).
La question de « l’intéressant » revient également régulièrement au cours des entretiens. « Je regarde (des sites de science) quand je tombe dessus par hasard. Je commence par aller sur Google puis je clique sur les liens qui me paraissent intéressants. » (Han, Garçon, 14 ans, 3ème, Fr) L’identification des sources utilisées (noms des sites, catégories, sites personnels) ne fait pas l’objet d’une attention particulière chez les jeunes enquêtés : « Parfois pas tout le temps je consulte des sites Internet mais en fait, je ne sais pas vraiment les noms. » (Leia, Fille, 15 ans, 2nde, France)
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Table des matières
Résumé
Introduction
I. Etat de la question
1. Le statut de l’information scientifique : les conditions du doute
1.1 La question de la vérité scientifique
1.2 Diffusion et enjeux de la communication scientifique
1.3 Les mutations de l’information scientifique
2. Les jeunes et les sciences : pratiques et expériences informationnelles
2.1 Intérêt pour les sciences : l’influence du contexte scolaire
2.2 Actualités scientifiques et besoins immédiats
2.3 Territoires numériques et sources alternatives
3. Les sciences et les jeunes : perceptions et jugements
3.1 Sciences inquiétantes : entre fascination et manipulation
3.2 Science et fiction
3.3 Ça ressemble à de la science
II. Dispositif méthodologique
1. Le choix du qualitatif
3. Méthode de collecte des données
2.1 Contexte
2.2 Identification du groupe
3 Déroulement et procédures
3.1 Le guide d’entretien et le corpus
3.2 Les procédures
Tableau synoptiques des jeunes enquêtés
III. Présentation et analyse des résultats
1. Des pratiques informationnelles en ligne
1.1 Un accès majoritairement numérique : Internet
1.2 Evaluation et validation des sources
1.3 L’Influence prédominante des images et de la narration
2. Des pratiques contrastées : entre scolaire et privé
2.1 Les sciences, un concept scolaire
2.2 Des usages familiaux et personnels
3. Sciences et culture populaire
4.1 Influence de la fiction
4.2 CSI effect
4.3 Des représentations fantasmées de la science
IV. Discussion
1. Les sciences et la culture jeune
1.1 Déplacement des sources d’informations en science et crédibilité de surface : le vernis scientifique
1.2 L’imaginaire du geek
1.3 La science comme vision du monde: une mythologie personnelle
2. Limites méthodologiques
3. Implications professionnelles et théoriques
3.1 L’histoire des sciences et l’épistémologie
3.2 Education à l’imagerie scientifique
3.3 Un travail autour des controverses socio-scientifiques
Conclusion
Annexe 1 : Eléments de précision autour de l’analyse des entretiens
Bibliographie
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