Les sciatiques paralysantes sont des sciatiques dont l’allure clinique et étiologique les font entrer dans le cadre de la sciatique vertébrale commune, mais au cours ou au décours desquelles survient du même côté que la sciatique une paralysie des muscles de la jambe, portant essentiellement sur les mouvements d’abaissement ou de relèvement du pied et des orteils, et créant une impotence fonctionnelle appréciable. La fréquence des sciatiques paralysantes est estimée à 1 ou 2 % des sciatiques en général et 14 à 15% des sciatiques radiculaires confiées aux chirurgiens avec un pronostic fonctionnel réservé même après une intervention en urgence [18, 24]. Peu fréquente avant 30 ans, c’est une affection qui frappe généralement les sujets en pleine activité socioprofessionnelle. En effet et depuis 1999, la sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 est reconnue maladie professionnelle ayant comme agent causal professionnel les vibrations transmises au corps entier ou le port de charges [68]. Il s’agit d’une pathologie invalidante et très coûteuse. En 1987 la Caisse Primaire de l’Assurance Maladie de la Haute-Vienne a répertorié 4500 dossiers de sciatiques dont 583 traités chirurgicalement ce qui représente hors indemnités et versements de pensions d’invalidité un coût total de plus de 5 millions d’euros, les arrêts de travail en grèvent largement le coût [86]. La sciatique paralysante est une urgence thérapeutique imposant un diagnostic précoce. L’étude clinique détaillée du mode d’installation de la paralysie et des symptômes subjectifs et objectifs, aboutit à la distinction de plusieurs sous-groupes, dont les caractères influent sur la décision thérapeutique et provoquent la discussion pathogénique. Ces sciatiques constituent un problème d’actualité par leur retentissement socioéconomique et leurs implications médico-légales. Leur pathogénie, encore imparfaitement élucidée, et leur prise en charge non codifiée représentent un pôle d’attraction.
HISTORIQUE
L’histoire de la sciatique commune commence avec l’anatomiste italien DomenicoCotigno, qui en 1764 rapporte à la souffrance du nerf sciatique des douleurs qui partent de la fesse, descendant derrière la cuisse et la jambe pour aller jusqu’au pied. La sciatique était une névralgie [29]. Un siècle après, Trousseau, Landouzy et Lasègue distinguaient les sciatiques en névralgie et névrite selon l’intensité de l’atteinte nerveuse et les caractères symptomatiques accompagnants à savoir les troubles trophiques. Ils décrivaient la sciatique comme une maladie du nerf secondaire à une compression ou une inflammation du voisinage [81] . Au début du 20ème siècle, la sciatique, maladie tronculaire, devient maladie radiculaire. En effet Déjerine [29] a constaté que certaines sciatiques s’accompagnent de zones d’insensibilité cutanées dessinant les territoires des racines de la 5ème lombaire et de la 1éresacrée. La sciatique n’est plus une névralgie ni une névrite, c’est une radiculite. En 1918, Sicard [29] suggéra pour la première fois la sciatique comme une affection de cause vertébrale (à la partie extra-durale de la racine nerveuse).Cette conception fut officiellement présentée en 1920 dans la thèse de son interne J.Forestier. Par la suite, les travaux anatomiques de Schmorl et Androe ont permis à certains auteurs entre 1928 et 1933 comme Ott , Andersson , Elsberg (1931), Alajouanine et PetitDutaillis la reconnaissance de la hernie postérieure du disque intervertébral dans la pathogénie des sciatiques [83]. En 1934, la publication de Mixter et Barr [81, 17, 73] a aidé à établir le rôle éminent de la chirurgie discale dans le traitement de la sciatique ; ils ont utilisé la laminectomie et une voie transdurale bien qu’une approche plus limitée au canal rachidien avait déjà été proposée par l’italien Bonomo (1902), inconnu pour beaucoup. Lowe, de la Mayo Clinique (1937 39) a introduit l’approche extradurale interlamaire tandis que Caspar et Yasargil (1977) ont appliqué les concepts de la microchirurgie à la procédure. Les dernières avancées sont représentées par la voie percutanée et les techniques endoscopiques [83]. L’approche mini-invasive postérieure du rachis lombaire a débuté en 1964 par l’injection de chymopapaïne dans le disque. En 1975 Hijikata et al. [4] inventèrent la nucléotomie percutanée. La microendoscopie lombaire pour discectomie a été développée par M. Smith et K. Foley en 1997 [4]. L’honneur revient à Stanislas de Sèze (1939-1940) [29] d’avoir isolé la sciatique paralysante comme une complication sévère de la sciatique commune dès lors que la découverte de la pathogénie discale a expliqué de façon rationnelle les deux variétés topographiques des douleurs sciatiques.
Dans les décennies suivantes, les progrès notables de la sémiologie clinique et radiologique vont rendre aisé dans la plupart des cas le diagnostic de sciatique discale. Pour les sciatiques non discales elles ont bénéficié de l’apport des techniques d’opacification ; utilisant des produits de contraste comme le Lipiodol, le metrizamide ou encore le Lopamidol et de l’avènement de nouvelles méthodes « non invasives » (TDM et IRM) d’une totale innocuité et d’une exploration plus précise.
ANATOMIE
La colonne vertébrale est une chaîne osseuse articulée, résistante et d’une grande flexibilité. Elle est formée:
● d’une colonne mobile de 24 vertèbres libres: 7 cervicales, 12 dorsales ou thoraciques, 5 lombaires,
● et d’une colonne fixe, constituée de 5 vertèbres sacrées soudées, et de 4 à 6 vertèbres coccygiennes également fusionnées entre elles.
Vue de profil, la colonne vertébrale n’est pas rectiligne mais décrit une courbe.
Description de la vertèbre lombaire
Les vertèbres lombaires (L1 à L5) sont les vertèbres les plus grandes et les plus robustes. Une vertèbre lombaire comprend : le corps, les pédicules, les lames, l’apophyse épineuse, les apophyses transverses ou apophyses costiformes, les apophyses articulaires, le canal vertébral.
Les apophyses épineuses sont courtes, horizontales, en forme de «hachette». Les apophyses transverses sont longues (costiformes) et étroites, surtout dirigées vers le dehors et légèrement vers l’arrière. Les apophyses articulaires supérieures, dirigées en arrière et en dedans, forment des trochoïdes (articulations creuses). Les apophyses articulaires inférieures sont orientées en dehors et un peu en avant.
Les particularités de L5
C’est la vertèbre de la charnière lombo-sacrée. Elle a des caractéristiques en rapport avec une situation mécanique très particulière : Le corps est le plus gros de toutes les vertèbres; il est plus haut en avant qu’en arrière. En vue de profil, on dit qu’il est cunéiforme (enforme de trapèze). Les apophyses transverses sont courtes et trapues; leurs extrémités donnent insertion au faisceau inférieur du ligament ilio-lombaire. Les apophyses articulaires inférieures sont plus écartées; elles sont orientées en dehors et surtout en avant pour s’accrocher aux apophyses supérieures du sacrum.
Le disque est plus épais. Cette vertèbre permet d’adapter le rachis sus-jacent aux changements de posture.
Les moyens d’union des vertèbres entre elles
Ce sont les disques intervertébraux et les ligaments vertébraux.
Les disques intervertébraux
Le disque intervertébral est l’élément essentiel de l’amphiarthrose intervertébrale. Il représente 33 % de la hauteur de la colonne lombaire. C’est un fibrocartilage en forme de lentille biconvexe interposée entre les corps vertébraux. Le disque intervertébral est divisé en trois parties bien distinctes :
– les plaques cartilagineuses adjacentes aux corps vertébraux et donnent insertion au disque. Chaque plaque est épaisse d’environ 1 mm, plus mince en son centre où elle est perméable et sert de voie d’échange aux fluides entre l’os sous-chondral et le nucleus. Constituée de cartilage hyalin en regard du plateau vertébral, sa structure devient fibro-cartilagineuse en regard du disque en raison des fibrilles de l’annulus qui la traverse.
– le noyau central ou nucleus pulposus de structure molle en forme de sphère de 1,5 à 2 cm de diamètre et de consistance gélatineuse très hydratée (90%d’eau chez l’enfant, 80 % chez l’adulte et 70 %,Parfois moins, chez le sujet âgé). Sa situation est excentrique en arrière du centre géométrique du corps vertébral. Il apparaît en coupe comme une masse amorphe, blanche, peu brillante.
– et l’annulus fibrosus, véritable structure capsuloligamentaire entourant et protégeant le nucleus pulposus. Il contient 60 à 70 % d’eau, pourcentage relativement stable avec l’âge. Il est formé de lamelles concentriques plus nombreuses à la partie antérieure du disque intervertébral qu’à la partie postérieure. Le nombre de lamelles concentriques est entre 7 à 15 formant un angle de 30° par rapport au plan du disque.
Constitution histochimique du disque
L’organisation et la composition des macromolécules du disque régissent son comportement mécanique. Le collagène, les protéoglycanes et l’eau représentent 90 à 95% de la matrice extracellulaire discale. Les fibres de collagène représentent l’armature fibreuse résistante du disque, l’ancrent aux corps vertébraux et maintiennent les cellules et les proteoglycanes dans la matrice. Les macroagrégats de proteoglycanes représentent 5 à 15 % du poids humide. Ils assurent la pression osmotique qui attire l’eau dans le disque et lui permettent de garder son épaisseur et sa forme lorsqu’il est soumis à de fortes contraintes en compression.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I-HISTORIQUE
II-ANATOMIE
II –1 Description de la vertèbre lombaire
II -1.1. Les particularités de L5
II-2 Les moyens d’union des vertèbres entre elles
II-2.1Les disques intervertébraux
II-2.2Les ligaments vertébraux
II-3.Le canal radiculaire lombaire et trou vertébral lombaire
II-4. L’espace épidural
II-5. Les racines nerveuses lombosacrées
III-PHYSIOLOGIE
III-1 Rôle du rachis
III-2 Dégénérescence discale
IV- RAPPEL ETIOPATHOGENIQUE
IV-1. La Sciatique Discale
IV-2. Pathogénie des paralysies dans les sciatiques discales
V- DIAGNOSTIC
V-1.Aspects cliniques
V-1-1. Interrogatoire
V-1-2. L’examen physique
V-1-3. La sciatique paralysante
V-2 Formes cliniques
V-2-1. Formes évolutives: Sciatiques parésiantes
V-2-2. Formes topographique
V-3 Examens paracliniques
V-3-1. Bilan biologique
V-3-2. Imagerie
V-4 DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
VI- TRAITEMENT
VI-1. Buts
VI-2. Moyens
VI-3. Indications
VII- Complications de la chirurgie lombaire
VII-1.Séquelles à court terme
VII-2.Séquelles à long terme
PATIENTS & METHODES
I-CADRE D’ETUDE
II-POPULATION D’ETUDE
III-CRITERES D’INCLUSION
IV-CRITERES D’EXCLUSION
V-RECUEIL DES DONNEES
VI-SAISIE ET ANALYSE DES DONNEES
RESULTATS
I- DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES
II- ANTECEDENTS
III- ETUDE CLINIQUE
IV- EXAMENS PARACLINIQUES
V- TRAITEMENT
VI- EVOLUTION
DISCUSSIONS
I-DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES
II-ETUDE CLINIQUE
III-EXAMENS COMPLEMENTAIRES
IV-TRAITEMENT
V-EVOLUTION
CONCLUSION