La contribution de la libéralisation financière sur la croissance n’a cessé d’occuper une place prépondérante dans le débat économique. La littérature économique tend à souligner les effets positifs d’un secteur financier libéralisé et développé sur l’économie réelle. A titre d’exemple : le développement du secteur financier était déterminant dans l’industrialisation des pays tels que l’Angleterre et l’Allemagne . Ce secteur était un acteur clé dans la mobilisation des capitaux nécessaires pour le financement des projets d’investissement. Depuis les années 80 et à travers le Programme d’Ajustement Structurel, le FMI et la Banque Mondiale ont décidé d’instaurer des reformes financières dans les pays en développement à l’instar de l’Afrique Subsaharienne . En effet, l’un des éléments principaux de ces reformes est la politique de libéralisation financière qui a mis fin aux politiques keynésiennes de relance basées sur l’application d’un taux d’intérêt à un niveau très bas pour encourager les investissements. Avec cette politique, les économies en développement ont adopté des instruments indirects de contrôle monétaire et les taux d’intérêt ont été déterminés par le marché. Les crédits à l’économie devaient pouvoir se diriger vers les investissements les plus productifs et rentables. Tout l’enjeu de la politique de libéralisation financière était de permettre aux banques d’assurer leur rôle d’intermédiaire financier pour permettre le développement économique.
L’importance de la libéralisation financière dans la croissance économique, revue des littératures
Les rôles d’une finance libéralisée et développée dans la croissance économique
Définition
Selon le FMI, la libéralisation financière est définie comme un processus de démantèlement de toute forme de contrôle réglementaire quantitatif ou qualitatif à caractère restrictif instaurée par l‘État sur les structures institutionnelles, les instruments et les activités des agents dans différents segments du secteur financier, non seulement au niveau interne mais aussi à l‘échelle internationale . Ces politiques visent à améliorer l‘efficience du système financier, à réduire les risques liés aux variations de change et de taux d‘intérêt, et à satisfaire de nouveaux besoins de financement. Un système financier libéralisé se caractérise par un triple mouvement de libéralisation du secteur financier interne, d‘ouverture des marchés financiers et du compte de capital. Toujours en se basant sur la méthodologie définie par Kaminsky et Schmukler (2003), on distingue :
– La libéralisation du compte de capital qui comprend l‘abandon du contrôle sur les emprunts étrangers, les flux de capitaux étrangers et les opérations de change.
– La libéralisation du secteur interne, qui concerne essentiellement le secteur bancaire qui comprend la libéralisation des taux d‘intérêt débiteurs et créditeurs, et des crédits, la réduction ou la suppression des réserves obligatoires, et les mesures destinées à renforcer la concurrence.
– L‘ouverture des marchés financiers qui englobe la suppression des restrictions sur les titres pour les résidents et les étrangers, le rapatriement du capital, des intérêts et des dividendes.
Les Origines de la relation entre finance et croissance
Le lien qui existe entre la finance et l’économie réelle ne date pas d’hier, en effet, certains auteurs comme A. Smith en 1776 et Schumpeter en 1912 ont analysé ce lien à travers les rôles des banques considérés comme intermédiaires financiers. A. Smith, dès le XVIIIème siècle, insiste sur le rôle joué par les banques dans la facilitation des affaires commerciales, le développement et la prospérité de l’industrie du pays . Il précise : « Ainsi toute augmentation ou diminution dans la masse des capitaux tend naturellement à augmenter ou à diminuer réellement la somme de l’industrie, le nombre de gens productifs, et par conséquent la valeur échangeable du produit annuel des terres et du travail du pays, la richesse et le revenu réel de tous ses habitants. ». A cette époque là, Adam Smith sentait déjà ce lien qui existe entre la circulation des marchandises, du revenu des travailleurs, des rentes et les banques. Cette somme d’argent détenue par certaine personnes qu’il appelle « masse de capitaux » agit comme un moteur qui propulse toutes les activités économiques. Ces capitaux doivent être gérés parcimonieusement et c’est là qu’entre en jeu les banquiers qui repartissent ces ressources de manière rationnelle, si l’on peut dire.
En 1912, Schumpeter avait mis l’accent sur le rôle primordial des banquiers et le financement des entrepreneurs . Selon lui, cela encourage l’innovation technologique, l’accumulation de capital et par la même occasion stimule la croissance économique. Son analyse affirme que le développement financier stimule la croissance à travers l’accroissement du taux d’investissement et à travers l’allocation du capital pour des projets productifs. Pour que cela puisse se faire, il recense cinq fonctions principales des intermédiaires financiers :
❖ Couvrir les risques, faciliter les transactions financière et diversifier les actifs :
Généralement, les consommateurs ont une préférence pour la détention des actifs liquides, alors que de son coté, les entreprises sont demandeuses de fonds à long terme pour leurs investissements. A cet effet, les intermédiaires financiers se chargent de faire coïncider ces deux préférences, à priori divergentes. Ils transforment les actifs liquides en actifs de long terme pour ceux qui veulent stabiliser leurs ressources. En d’autres termes, ils offrent des dépôts liquides aux ménages et choisissent un mélange approprié d’investissements liquides et illiquides. Les banques procurent une assurance contre tous les risques de liquidité pour l’épargnant et donnent des opportunités de financement aux projets rentables.
❖ Acquérir des informations sur les projets et allouer de façon optimale des ressources :
Pour Schumpeter, un système financier efficace stimule la croissance tout en réduisant les coûts de transaction, donc le capital sera alloué aux projets les plus rentables. En effet, les épargnants sont incapables d’évaluer les entreprises dans lesquelles ils désirent investir. C’est là que l’intermédiaire financier entre en jeu et se substitue à chacun des épargnants pour évaluer ces opportunités d’investissement. En plus, la relation de confiance qui existe entre la banque et l’entreprise pourra davantage améliorer la qualité de l’information mise à la disposition des épargnants et les inciter à déposer un plus grande somme d’argent. Bref, la réduction des coûts de l’information contribue à convertir une plus grande part de l’épargne en investissement et favoriser la croissance.
❖ Surveiller les entrepreneurs et contrôler des entreprises
Les banques ont le devoir de surveiller les entrepreneurs et s’assurer qu’ils gèrent l’entreprise dans l’intérêt des créanciers. Cela pour éviter que l’entrepreneur puisse être tenté de gérer sa carrière personnelle et, de favoriser ses propres intérêts suite à une éventuelle asymétrie d’information. Par exemple, il peut être tenté de dissimuler des informations sur le rendement réel de l’investissement. Pour pallier ces difficultés auxquelles les banquiers sont confrontés, des contrats financiers doivent être établis pour réduire les coûts de et renforcer une relation de confiance à long terme.
❖ Mobiliser l’épargne :
Les intermédiaires financiers offrent une possibilité de dépôts aux ménages, ils leur permettent de diversifier leurs portefeuilles dans un placement liquide. La mobilisation de l’épargne a donc un impact positif sur l’allocation des ressources, elle stimule l’innovation technologique, améliore le volume de l’accumulation du capital et affecte favorablement la croissance économique. Par contre, il n’y a pas de consensus car la réduction de ces risques pourrait réduire le niveau d’épargne de précaution des ménages sur le marché et donc frapper de plein fouet le taux de croissance.
❖ Faciliter l’échange des biens et services :
De manière évidente, les intermédiaires financiers facilitent la spécialisation, l’innovation technologique et la croissance. La spécialisation accroît la productivité du travail et engendre un plus grand besoin de transactions. Ces transactions étant coûteuses, les contrats financiers susceptibles de réduire ces coûts favorisent une plus grande spécialisation, une augmentation de la productivité et la croissance économique.
|
Table des matières
Introduction
PARTIE I : L’IMPORTANCE DE LA LIBERALISATION FINANCIERE DANS LA CROISSANCE ECONOMIQUE, REVUE DES LITTERATURES
Chapitre I : Les rôles d’une finance libéralisée et développée dans la croissance économique
1- Définition
2- Les Origines de la relation entre finance et croissance
3- Impact positif du développement financier sur la croissance
A- Les premières contributions
B- Analyse du développement financier dans le modèle de croissance endogène
4- La théorie de la libéralisation financière
A- Présentation du modèle
B- Les bienfaits de la libéralisation financière sur la croissance
C- Les méfaits de la répression financière sur la croissance
Chapitre II : Les théories critiquant la libéralisation financière
1- La négligence du problème d’imperfection des marchés
2- Les effets néfastes de l’élévation des taux d’intérêt proposée par les néolibéraux
3- Incompatibilité de la théorie de la libéralisation financière à la situation économique des PED
4- Problème de mesure de l’épargne
5- Critique de Lucas
6- L’apparition des crises et de l’instabilité financière
PARTIE I I : ETUDE EMPIRIQUE DE L’IMPACT DE LA LIBERALISATION FINANCIERE SUR LA CROISSANCE
Chapitre I : Analyse approfondie du faible impact de la libéralisation financière sur la croissance économique en Afrique subsaharienne
Section I : Construction et résultats du modèle
1- Présentation du modèle
A- Détails sur les variables à utiliser
A1- Les variables indicateurs du développement financier
A2- Les variables de contrôle
B- Choix de l’échantillon
2- Méthode d’estimation
A- Le test d’homogénéité des coefficients ou test de Fischer
B- Le test de détection d’effets interindividuels d’Hausman
3- Résultats et interprétations économique du modèle
4- Conclusion tirée du modèle
Section I I : Les facteurs explicatifs du faible impact de la libéralisation financière sur la croissance en Afrique subsaharienne
1- Existence de crises bancaires chroniques
2- Faiblesse de la rémunération de l’épargne et du niveau de profondeur financière
3- L’absence de concurrence dans le secteur bancaire
4- Un marché boursier très peu développé
5- Non respect de la régulation prudentielle
6- Des privatisations difficiles
7- Le fardeau de la dette extérieur
8- La corruption et la fragmentation ethnolinguistique
Chapitre II : Quelques recommandations pour une libéralisation financière réussie
1- Au niveau du secteur bancaire
2- Au niveau macroéconomique
3- Au niveau institutionnel
Conclusion
Références Bibliographiques
Annexes