Les rôles de l’intervenant de l’OPE

Les rôles de l’intervenant de l’OPE

Rôle d’évaluation

L’intervenant en protection de l’enfance possède deux casquettes; il doit à la fois évaluer et à la fois s’assurer de la mise en œuvre des mesures. Le premier rôle est omniprésent : évaluer le besoin de l’enfant doit être permanent puisqu’on parle de « protection » de l’enfant. Les intervenants reçoivent ainsi des mandats d’enquête sociale de la part :

Du tribunal : il s’agit en réalité de faire une photographie de la situation de l’enfant, en tenant compte des compétences parentales, des milieux de vie, du développement de l’enfant, etc. afin de vérifier si les réponses que les parents offrent à l’enfant sont adéquates et correspondent au besoin de l’enfant. Ainsi, des questions précises sur la garde, l’autorité parentale, la contribution d’entretien, etc. sont évoquées. Suite à cela, le travailleur social va faire des propositions de mesures à l’autorité compétente, en l’occurrence le tribunal.

De l’APEA : les mandats reçus de la part de l’APEA sont déterminés en fonction d’une inquiétude d’un professionnel, d’un enseignant, d’un voisin, d’une demande de soutien d’un parent, etc. Les sujets abordés sont les suivants : négligences, problèmes éducatifs, suspicion de maltraitance, etc.

APEA et autorité pénale : Si les faits sont avérés, par exemple un parent frappant à plusieurs reprises un enfant, il y a souvent un double signalement : à l’APEA et à l’autorité pénale, qui peut régler elle-même la situation ou mandater l’APEA pour mener une enquête ou mettre en place une mesure de protection.

Rôle de mise en œuvre des mesures 

Le deuxième rôle de l’intervenant à l’OPE, tout aussi important que le premier, consiste à mettre en œuvre les mesures (droit de regard et d’information, curatelle éducative, surveillance des relations personnelles, etc.). Si le parent ne collabore pas, la possibilité de demander à l’autorité d’exhorter les parents à la médiation est possible. Pour revenir à la notion de collaboration, les intervenants n’en ont pas donné une définition claire. Toutefois, je peux relever une part de subjectivité importante. Pour Raphaël, il n’est pas primordial de collaborer. Si le parent ne veut pas collaborer, Raphaël lui dira qu’il n’y a pas d’obligation à le faire, mais qu’il va quand même devoir contrôler, par le biais de l’école, du champ médical, en voyant les enfants, etc. Quant à Baptiste, lorsqu’il parle de collaboration, il reprend les termes suivants : « mettre en place les choses que je vous demande », faute de quoi il ira demander à l’autorité de mettre d’autres mesures de protection. « Les choses demandées » et non réalisées peuvent consister à : ne pas se présenter aux rendez vous, ne rien mettre en place pour pallier à la mise en danger de son enfant, refuser de faire des démarches relatives à son enfant (ex : l’amener chez le pédiatre), ne pas se soumettre à des démarches imposées (ex : tests pour contrôler la consommation), etc.

Baptiste, intervenant de l’OPE, relève déjà ici un paradoxe de leur rôle: «Dans tous ces mandats, il y a L’EVALUATION de l’enfant qui est faite. C’est peut-être un peu paradoxal. On est là pour aider les parents, mais on est d’abord là pour s’assurer que l’enfant est protégé de tout ça. On va pouvoir aider jusqu’à un moment où on aura un problème, c’est-à-dire si l’enfant est mis en danger.»

Séparation des rôles
Ayant vécu personnellement la séparation des rôles au Québec, soit l’évaluation et la mise en œuvre des mesures, je me suis demandée si le cas était le même ici en Suisse. Baptiste m’informe qu’il y a une volonté depuis quelques années de séparer l’évaluation de la mise en œuvre des mesures, mais que pour différentes raisons, les moyens pour le faire manquent. Parfois, poursuivre une évaluation peut avoir du sens s’il y a un lien de confiance qui a été créé avec le parent. Cependant, séparer les rôles est plus clair pour les parents. Quant à Victor, qui lui travaille dans un autre office de protection que Baptiste, il considère qu’il existe deux secteurs : évaluation et mesures. Après avoir fait les enquêtes, la mesure passe à une autre personne. Autrement dit, l’intervenant à l’OPE travaille toujours sous mandat. « C’est ce qui nous permet d’être dans de l’aide contrainte », exprime Laurence.

Enjeux de l’aide contrainte

L’accompagnement de l’adulte 

En règle générale, il ressort de ces entretiens que la priorité n’est non pas mise sur l’accompagnement du parent, mais sur l’enfant, car c’est lui le bénéficiaire de l’action. Bien que le soutien du parent soit important, il passe quand même après l’intérêt de l’enfant. Alors que le principe d’autodétermination et le principe de décider et d’agir sont l’un de nos principes fondamentaux, ils passent alors en second plan. La vision de Baptiste en est un exemple : « Le projet de l’enfant, en fonction de l’évaluation, est imposé aux parents. C’est après qu’on va inclure le parent. » De ce fait, un enjeu au niveau de la priorisation des besoins peut être ici relevé. Lorsque je questionne Baptiste sur la capacité réelle du parent à changer, il me répond qu’il n’est pas vraiment important de savoir pour lui si le parent est capable de changer ou non. « On met le focus sur l’enfant et pas de savoir si la personne veut réellement changer. Ce qu’on va regarder, c’est les faits. Moi je vais me concentrer si les réponses du parent sont adéquates pour les besoins de l’enfant. De savoir si le parent est capable de changer, ce n’est pas ça qui est vraiment essentiel pour nous.» Tous sont d’avis que l’intervention se centre sur l’enfant et pas sur les parents.

D’autre part, la question de savoir s’il est possible de responsabiliser des personnes sous contrainte, adulte ou enfant, est nuancée. Mais l’une des valeurs primordiales des travailleurs sociaux n’est-elle pas justement de responsabiliser les gens afin de tendre vers l’autonomie ? De manière objective, il ressort qu’il est possible de les responsabiliser. Malheureusement, dans certaines situations, des parents n’y parviendront pas. Cela arrive que des parents ne prennent pas les bonnes décisions, qu’ils n’assument pas leurs responsabilités ou qu’ils aient un trop-plein de difficultés. En parallèle, le choix de la personne d’adhérer ou non au projet est ambigu, car il sait que s’il ne collabore pas, son enfant lui sera au final retiré. Tout l’enjeu ici consiste à accompagner l’adulte, qui au fond ne l’est pas réellement, mais plutôt contraint à l’accepter.

Le mandat 

Un enjeu persiste également dans le mandat de l’intervenant en protection de l’enfance. D’un côté, il contraint les parents à collaborer et de l’autre côté, il est lui-même contraint par l’autorité. « Nous on est tenu d’exécuter la mesure et les parents sont tenus de venir ici » (Victor). La contrainte existe ainsi dans les deux sens.

La relation

Entre l’intervenant et le parent
La relation qui est créée entre le professionnel et le parent dans une relation d’aide ou d’accompagnement n’est pas la même que dans une intervention dans un contexte d’aide contrainte. Pour trois personnes sur quatre, l’aide contrainte a un impact important sur la relation, alors que pour Victor il n’y en a pas. Laurence explique que la relation professionnelle est différente que dans un service de relation d’aide. « Le parent ne nous remercie pas. Il n’y a pas la même relation de confiance. Quand ils viennent ici, ils ne peuvent pas tout nous dire, ils se mettent des barrières. On n’est pas dans une relation très vraie par moment. Mais lorsque les parents acceptent les décisions, c’est aussi qu’il y a un lien. Mais ça ne sera jamais autant proche que dans un service de relation d’aide », c’est-à-dire où la personne vient de son plein gré demander de l’aide. La collaboration est ainsi plus compliquée, car il faut faire face à des tensions. La volonté de la personne à venir se confier à un intervenant n’est pas présente, ou peu. « Il est difficile pour le parent de venir parler à un assistant social, ça peut être même honteux. Pour certains parents c’est impossible de concevoir que leur enfant soit placé, et ça leur renvoie à leur propre souffrance, leurs propres difficultés. » D’un point de vue systémique, la relation est caractérisée par une relation de pouvoir, ce qui exerce une grosse pression sur le système familial. En d’autres termes, il s’agit d’une contrainte à la relation.

Entre l’intervenant et l’enfant
Alors qu’il arrive que l’enfant remercie le professionnel de l’avoir aidé, il peut aussi lui adresser des reproches, notamment le fait de se retrouver en institution par sa faute. Baptiste affirme alors que le conflit est tout le temps présent, que ce soit avec le parent ou l’enfant. Et lorsque les parents n’ont pas le même avis que leur enfant, il sera impossible de contenter à la fois le parent et l’enfant, ce qui aura forcément une incidence. « Cette aide contrainte va amener à un moment où on ne sera pas d’accord avec l’avis des gens à qui on est censé apporter notre aide » (Baptiste). Il prend l’exemple d’une adolescente qui souhaite être placée en institution, alors que ses parents y sont opposés. Après une évaluation, l’intervenant va prendre une décision, qui ira dans le sens de l’un ou de l’autre, mais forcément pas des deux.

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Table des matières

1. INTRODUCTION 
1.1 Thématique
1.2 Mes motivations
1.3 Problématique et question de recherche
1.4 Objectifs de la recherche
1.4.1 Objectifs du cadre théorique
1.4.2 Objectifs empiriques
1.4.3 Objectifs personnels
2. CADRE CONCEPTUEL 
2.1 LA PROTECTION DE L’ENFANCE
2.1.1 Evolution de l’image de l’enfant
2.1.2 Contexte juridique
2.1.2.1 Droit international
2.1.2.2 Droit national suisse
2.1.2.3 Droit cantonal (valaisan)
2.1.3 Protection de l’enfance
2.2 L’AIDE CONTRAINTE
2.2.1 La contrainte
2.2.2 Relation d’aide et aide contrainte
2.2.3 Les alternatives possibles face à l’aide contrainte
2.2.4 Une aide piégée
2.2.5 Une aide paradoxale
2.2.6 Stratégies d’intervention
2.3 L’ACCOMPAGNEMENT
2.3.1 L’accompagnement-visée et l’accompagnement-maintien
2.3.2 L’accompagnement de projet et le projet d’accompagnement.
2.3.3 Le projet pour, et non le projet de
2.3.4 Conditions de l’accompagnement
2.3.5 Le lien d’accompagnement : entre échange contractualisé et échange par le don
2.3.6 L’accompagnement : une notion en tension chargée d’ambiguïtés
2.4 LA RELATION D’AIDE
2.4.1 Les tensions de la relation d’aide
2.4.1 Une notion de pouvoir
2.4.2 Trouver leurs propres solutions
2.5 Synthèse
3. DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE
3.1 Terrain d’enquête
3.2 Echantillon de recherche
3.3 Techniques de récolte de données
3.4 Risques spécifiques à la démarche
4. ANALYSE DES DONNEES 
4.1 Introduction
4.1.1 Méthode d’analyse des données
4.2 Les rôles de l’intervenant de l’OPE
4.2.1 Rôle d’évaluation
4.2.2 Rôle de mise en œuvre des mesures
4.3 Enjeux de l’aide contrainte
4.3.1 L’accompagnement de l’adulte
4.3.2 Le mandat
4.3.3 La relation
4.3.4 Impacts sur le professionnel
4.3.5 L’éthique du travailleur social
4.3.6 Impacts sur le bénéficiaire
4.4 Moyens et outils des intervenants face à l’aide contrainte
4.4.1 Ressources institutionnelles
4.4.2 Au niveau relationnel
4.4.3 Au niveau temporel
4.4.4 Au niveau méthodologique
4.4.5 Au niveau systémique
4.5 Vision de l’aide contrainte par les intervenants de l’OPE

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