Les robinsonnades en littérature de jeunesse contemporaine

Depuis la parution du Robinson Crusoé de Daniel Defoe en 1719, le roman a rencontré un tel succès, un tel engouement, qu’il y a eu non seulement des centaines de rééditions du roman, mais également des centaines de réécritures. Toutes ces réécritures, tant en littérature pour adulte qu’en littérature pour la jeunesse, ont été catégorisées sous l’appellation générique de « robinsonnades ». Ces robinsonnades et la robinsonnade – en tant que genre – ont déjà, en littérature de jeunesse, fait l’objet de plusieurs travaux de recherche et de thèses. La thèse d’Anne Leclaire-Halté par exemple, intitulée Les robinsonnades en littérature de jeunesse contemporaine : genre et valeurs, fait un état des lieux très complet sur le genre de la robinsonnade en proposant l’étude d’un corpus de robinsonnades allant des premières réécritures du roman de Defoe jusqu’aux années 90. Outre le genre de la robinsonnade, les travaux de recherche ont également porté sur l’étude de tel ou tel motif développé dans le roman et repris, sur l’apport de telle ou telle réécriture et la façon dont elle invitait à relire sous un angle nouveau l’œuvre de Defoe.

Robinson et les robinsonnades 

A l’origine de la robinsonnade : le roman de Defoe 

Un roman nouveau ?
Le roman de Daniel Defoe, qui paraît en 1719 et raconte les aventures d’un marin nommé Robinson Crusoé, depuis son départ de la maison paternelle jusqu’à son retour après avoir connu aléas et naufrages, n’est pas le premier dans son genre. En effet, il est des exemples de récits de naufrage et de survie dans les textes les plus anciens, car ils existent depuis que l’homme s’est aventuré sur les eaux pour explorer et conquérir, jouant sa fortune et affrontant les forces impitoyables des tempêtes. Que l’on prenne l’exemple des Mille et une nuits, recueil de contes persans dont il existait déjà des traductions au XVIIIe siècle : Robinson Crusoé n’a-t-il pas beaucoup en commun avec Sindbad le marin, et notamment cette obstination inébranlable qui le pousse à prendre la mer encore et encore, en dépit des tempêtes et des naufrages, des souffrances et des malheurs endurés ? Sindbad, prospère et enfin établi à Bagdad après une vie mouvementée, fait à des hôtes qu’il reçoit le récit des sept voyages qu’il a entrepris, voyages qui l’ont conduit à faire la rencontre de toutes sortes d’îles peuplées d’êtres fantastiques et effrayants. Voici ce qu’il dit au moment où il s’apprête à entreprendre la narration de son sixième voyage : Seigneurs, dit-il, vous êtes sans doute en peine de savoir comment, après avoir fait cinq naufrages et avoir essuyé tant de périls, je pus me résoudre encore à tenter la fortune, et à chercher de nouvelles disgrâces. J’en suis étonné moi-même quand j’y fais réflexion ; et il falloit assurément que j’y fusse entraîné par mon étoile.

Ce fatalisme, cette attirance irrépressible pour des forces qui dépassent l’entendement humain, Robinson Crusoé l’éprouve lui aussi, et il est étonnant de constater à quel point sa situation est proche de celle du marin persan : lui aussi voit le jour dans une famille aisée, au sein de laquelle il pourrait vivre sans souffrances, dans le confort, et pourtant… La mer exerce sur lui un attrait irrésistible, et son témoignage fait écho de façon frappante à celui de Sindbad : Mais mon mauvais destin m’entraînait avec une obstination irrésistible ; et, bien que souvent ma raison et mon bon jugement me criassent de revenir à la maison, je n’avais pas la force de le faire. Je ne saurais ni comment appeler cela, ni vouloir prétendre que ce soit un secret arrêt irrévocable qui nous pousse à être les instruments de notre propre destruction, quoique même nous en ayons la conscience, et que nous nous y précipitions les yeux ouverts.

Le lien entre ces deux textes, même éloignés de plusieurs siècles, ne fait aucun doute : même situation initiale, même désir irrépressible de naviguer conduisant à abandonner la sécurité du foyer familial et d’une situation pourtant confortable, même obstination et persévérance dans ce désir (Robinson lui-même, bien qu’on se souvienne surtout de l’épisode de l’île, se lance dans plusieurs voyages), même impuissance à mettre des mots, à expliquer les raisons qui les poussent, et en dépit de tout, même fin prospère. À ce schéma commun de la narration, s’ajoute encore le fait que le récit de ces deux aventures est pris en charge par un « je » : Sindbad et Robinson racontent tous deux leur propre histoire.

Un roman profondément inscrit dans son temps

L’ancrage social :
L’histoire de Robinson Crusoé est, en plus de se présenter comme le récit des aventures d’un individu, aussi, et à travers lui, l’histoire d’une classe sociale : celle de la bourgeoisie anglaise de l’époque. En effet, Robinson Crusoé est le représentant de cette classe, et il se présente comme tel dès les premières lignes du roman : En 1632, je naquis à York, d’une bonne famille, mais qui n’était point de ce pays. Mon père, originaire de Brême, établi premièrement à Hull, après avoir acquis de l’aisance et s’être retiré du commerce, était venu résider à York, où il s’était allié, par ma mère, à la famille Robinson, une des meilleures de la province .

La famille de Robinson est une famille bourgeoise, ayant prospéré grâce au commerce. Cela a des incidences directes sur la façon dont le récit est mené, et sur l’importance accordée à certains détails, à certaines valeurs qui sont celles auxquelles se réfère le personnage : la question notamment de l’importance du travail qui trouve toute sa place sur l’île où s’est échoué Robinson. Anne Leclaire Halté a fort bien résumé les recherches menées sur ce sujet lorsqu’elle a écrit dans sa thèse : Robinson prend ainsi une dimension exemplaire et devient le représentant des espoirs de la bourgeoisie. De la même manière Jacques Dubois (1996) montre comment l’expérience de l’île est destinée à prouver que la bourgeoisie, qui prend du pouvoir en Angleterre sur le plan économique et convoite le pouvoir politique auquel elle n’a pas encore accès est capable d’exercer une domination éclairée. Si le roman de Defoe met en scène ces aspirations de la bourgeoisie il défend aussi les valeurs de cette classe sociale, et Jacques Dubois note que tous les comportements attribués à la bourgeoisie qui seront ensuite décriés dans les œuvres littéraires, comme la ténacité, le sens pratique, le calcul, le bon sens, la modération, n’y font pas l’objet d’une distance critique mais au contraire y sont présentés comme des qualités. Tous les critiques soulignent que le travail et les compétences techniques sont valorisés dans le roman. Pour Martin Green (1990), l’histoire du naufragé est the entrepreneurial myth dans la mesure où elle fait l’éloge de la libre entreprise.

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Table des matières

Introduction
1. Robinson et les robinsonnades
1.1 A l’origine de la robinsonnade : le roman de Defoe
1.1.1 Un roman nouveau ?
1.1.2 Un roman profondément inscrit dans son temps
1.1.3 Thèmes et motifs
1.2 Naissance de la robinsonnade
1.2.1 Le mythe de Robinson : la possibilité d’une transcendance ?
1.2.2 L’acte de naissance : l’importance de l’intertextualité
1.2.3 Des rapports de plus en plus ténus au texte source ?
1.3 Spécificités de la robinsonnade en littérature de jeunesse
1.3.1 Evolution du regard porté sur l’enfant
1.3.2 Rousseau et Robinson Crusoé : le fantasme d’une éducation « naturelle »
1.3.3 Les robinsonnades comme romans de formation
1.3.4 Le temps de la révolte ?
2. Robinsonnades contemporaines et réincarnations du mythe de Robinson
2.1 L’île dans l’imaginaire enfantin : une approche psychanalytique de la robinsonnade
2.1.1 Solitude de l’île réelle à l’île imaginaire
2.1.2 Le fantasme de la toute-puissance
2.1.3 Robinsonnade : le retour à la réalité
2.1.4 L’île et l’enfant : une passerelle vers la société
2.2 A chaque lecteur sa robinsonnade
2.2.1 Quel lecteur pour quelle robinsonnade ?
2.2.2 Classement du corpus retenu
2.3 La robinsonnade : naufrage d’un genre ?
2.3.1 Place de la robinsonnade dans la production contemporaine
2.3.2 Les vacances à la Robinson : un affadissement du genre ?
2.3.3 Place de la robinsonnade dans une société aux préoccupations nouvelles : de la robinsonnade au catastrophisme ?
Conclusion
Bibliographie

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