Les ressources attribuées à la médiation culturelle

La médiation de la danse

En préambule, notons que la médiation des arts de la scène et en particulier de la danse est soutenue à tous les échelons des politiques publiques, ainsi que par les associations et fondations spécifiques telles que l’Association vaudoise de danse contemporaine ou Reso Danse. Pour cette partie de présentation théorique, nous nous appuierons en particulier sur les actes du colloque qui s’est tenu à la Manufacture les 19 et 20 novembre 2010 et qui ont été publiés par les soins de la haute école sous la direction d’Anne-Catherine Sutermeister. Ces actes de colloque s’inscrivent dans la vision de la médiation culturelle soutenue par la loi fédérale sur l’encouragement de la culture et celle de notre ouvrage de référence Le temps de la médiation, à savoir « une manière de dynamiser la démocratisation culturelle » (Sutermeister, 2011, p. 4) dans toute la complexité du concept, ainsi que « d’explorer avec créativité les potentialités qu’offre cette activité et de contribuer ainsi à défendre une culture exigeante et stimulante » (ibid., p. 9). Notons en plus que ces actes de colloque fournissent une étude approfondie des politiques culturelles en faveur de la médiation culturelle dans les cantons de Vaud et de Genève. Selon Emmanuel Wallon, « il convient avant tout d’analyser pour chaque art les dispositifs particuliers imposés par ses vecteurs, ses codes et ses supports, car l’originalité et l’efficacité des médiations procèdent d’abord de l’identité des disciplines » (ibid., p. 17).

Il est cependant très succinct dans l’explicitation de l’identité qui serait spécifique aux arts de la scène, ne citant que la présence, la participation et la rencontre, ainsi que l’adresse, l’assistance et la séance. Marie-Christine Bordeaux s’interroge également dans ces actes de colloque sur la question des spécificités entre les actions destinées au patrimoine et celles aux arts scéniques. Pour la danse, elle note trois spécificités principales : la constitution encore en chantier de l’histoire de la danse ; « l’emploi quasi permanent des langages artistiques dans la médiation », en l’occurrence l’utilisation du médium dansé lui-même, qui implique ainsi des « déplacements de la danse » ; enfin, le lien avec les « danses à pratiquer » qui sont un pont vers les pratiques spontanées. Elle note que, dans sa médiation, « la danse se déploie assez facilement dans des situations peu cadrées, inventives, souvent expérimentales » (ibid., p. 31) de par les caractéristiques susmentionnées.

En outre, du fait de la potentielle absence de l’oeuvre (les publics de la médiation des arts scéniques n’étant pas forcément les mêmes que ceux des spectacles et l’oeuvre scénique étant éphémère par nature), elle propose de parler de « médiation intransitive » (ibid., p. 33). Pour le groupe de travail du Projet Danse de Pro Helvetia, Sonia Meyer (alors secrétaire générale de l’Association vaudoise de danse contemporaine) défendait en 2006 la médiation de la danse comme un outil pour « améliorer la reconnaissance sociale de la danse », mais également à un niveau supérieur développer « un impact positif sur le tissu social », ainsi que pour « améliorer l’accès à la danse » qui est vue « comme art du mouvement, mais aussi comme langage » et « pour accroître la demande » en formant les spectateurs de demain, c’est-à-dire en les rendant autonomes et exigeants, et enfin « pour réduire les disparités régionales » en étendant l’offre culturelle. La danse « est non seulement une discipline artistique, mais aussi et surtout un moyen d’expression engageant, en lien avec l’évolution de la société » (Meyer, 2006, p. 2).

Conservation versus valorisation

Il existe à la CSD, comme dans toutes les institutions patrimoniales, une tension entre les deux pôles de la conservation et de la valorisation4. En effet, la mission de conservation pour les générations futures implique des mesures (préservation de la lumière, des manipulations, etc.) incompatibles avec celle de la valorisation (exposition, consultation, etc.). Au quotidien, une balance des intérêts est effectuée pour chaque document et objet. Notre ouvrage de référence Le temps de la médiation publie dans une de ces rubriques « Changement de perspective » la prise de position de l’OFC concernant cette tension : « La médiation culturelle peut être du ressort de l’Office fédéral de la culture, pour autant qu’elle soit étroitement liée aux propres mesures d’encouragement (art. 23, al. 1, LEC). Dans la pratique, cela s’applique par exemple à la préservation du patrimoine culturel (art. 10 LEC); préserver, ce n’est pas que collectionner et restaurer des biens culturels, mais aussi, et avec la même légitimité, les étudier, les cataloguer et en faire la médiation. » (Mörsch, 2015, p. 29).

Cette tension est débattue dans la Politique d’action culturelle et scientifique de la CSD comme impératif à prendre compte afin que les deux extrêmes de la chaîne ne conduisent pas la tension à une rupture, c’est-à-dire une destruction irréversible des objets eux-mêmes destinés à la valorisation ou de l’autre côté une mise au secret des collections rendant vaine l’action de conservation : « Il existe une contradiction fondamentale dans les missions des institutions patrimoniales : d’un côté, la conservation pérenne des fonds et collections commanderait de ne pas sortir les objets et documents les constituant, tandis que de l’autre côté, cette conservation perd toute justification si ces mêmes objets et documents sont maintenus dans le secret des locaux de conservation. Cette contradiction est résolue quotidiennement en opérant dans chaque situation une balance des risques et bénéfices. Ainsi, la CSD se positionne en faveur d’une mise à disposition raisonnée mais résolue de ses fonds et collections, dans le respect de leur intégrité et de leur pérennité. Toutes les actions entreprises dans le cadre de la présente politique prennent en compte cet aspect essentiel : la sauvegarde matérielle et intellectuelle des biens culturels de l’humanité est indissociable de leur diffusion auprès des générations contemporaines et futures. Cet engagement moral et déontologique définit de manière élargie l’objet du présent document. » (CSD, 2017, pp. 4-5. Cf. Annexe A, pp. IV-V.).

Les ressources attribuées à la médiation culturelle

La tension entre les deux pôles de la conservation et de la valorisation à la CSD est également palpable dans les ressources en personnel affectées. Le coeur de métier est clairement entendu comme celui de la conservation (archiviste, bibliothécaire, conservatrices spécialisées7) et aucun poste n’est dédié entièrement à ce qui est entendu sous le terme de valorisation. Cette seconde mission est mise en oeuvre par toutes les employées parmi les tâches de leur cahier des charges respectif, à titre secondaire. Notons en outre qu’aucun poste budgétaire n’est intitulé ni dédié officiellement à la valorisation de manière pérenne. Les missions de valorisation sont accomplies sous forme de projets pour lesquels des demandes de financement sont réalisées. Il est crucial ici de remarquer que les subventions reçues pour ces projets vont en partie financer et garantir une part des salaires des postes fixes de l’institution, le subventionnement par les autorités publiques du budget de fonctionnement n’étant pas suffisant.

Extrapolons au paysage des institutions culturelles dans leur ensemble. Le mode de financement par projet que nous venons de décrire n’est pas propre à la CSD, mais au contraire généralisé à la plupart des institutions. Nous tenons ici à souligner les failles de ce mode de financement dicté par l’économie de la culture, à savoir l’obligation de développer des projets pour recevoir des financements sur dossier, les subventions publiques étant insuffisantes à couvrir le budget global des institutions. En créant des projets, notamment de médiation culturelle, qui seront taillés (souvent même surdimensionnés) en fonction des critères de sélection des subventionneurs et non des besoins très spécifiques à chaque institution, les institutions peuvent ainsi compléter leur budget. C’est donc un écueil prévisible qui va consister à utiliser en partie ces subventions pour l’accomplissement des missions quotidiennes des institutions, et non en entier pour la réalisation du projet. Ce projet n’étant réalisé qu’avec une part seulement de l’argent reçu, ses objectifs définis seront d’autant plus difficiles à atteindre.

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Table des matières

DÉCLARATION SUR L’HONNEUR
RÉSUMÉ
INTRODUCTION
1. La médiation culturelle et de la danse en Suisse
1.1. La médiation culturelle
1.2. La médiation de la danse
2. La médiathèque de la Collection suisse de la danse
2.1. Définitions
2.2. Conservation versus valorisation
2.3. Les publics-cibles
2.4. Les ressources attribuées à la médiation culturelle
2.5. La médiation culturelle à la CSD
3. Analyse des actions de médiation à la CSD
3.1. Catalogue d’actions
3.2. L’atelier Corps & Graphie
3.3. La performance Histoire en corps
4. Pour une méthode appliquée de conception d’action de médiation
4.1. Danse et écriture
4.2. Exemple d’application de la méthode
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE A
Collection suisse de la danse (2017) : Politique d’action culturelle et
scientifique
ANNEXE B
Schémas : le triangle de la médiation et la circulation des oeuvres
ANNEXE C
Catalogue des actions culturelles et scientifiques de la CSD de 2011 à 2017
ANNEXE D
L’atelier Corps & Graphie à la Nuit de la lecture 2017
ANNEXE E
Histoire en corps : Programme de soirée

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