Les réseaux radio cognitifs
Introduction
Ces dernières décennies, avec la prolifération des technologies de communication sans fil, la gestion de l’exploitation du spectre radio est devenue un enjeu primordial ; audelà des aspect de partage et de bonne cohabitation entre les différents systèmes de communication, les objectifs de la gestion de la ressource radio seront différents selon les utilisateurs communicant sur le réseau radio à savoir les entreprises de production et de services, ainsi que les utilisateurs grand public. Ce chapitre présente d’une part, les principes de bases des réseaux à radios cognitifs (RRCs) qui sont des réseaux émergeant donnant une possibilité d’accès dynamique et opportuniste au spectre dans le but de l’utiliser d’une manière plus efficace, en partageant son utilisation entre usage licencié et non licencié. Et d’autre part ce nouveau paradigme de communication, son architecture ainsi que les différents modèles d’accès au spectre dans les réseaux radio cognitif.
Évolution des réseaux sans fils
Le mode de communication sans fil ne cesse d’évoluer dans le temps, de la radiodiffusion en passant par la la télédiffusion et la géolocalisation par satellite, pour arriver plus récemment aux technologies de la téléphonie mobile. A l’instar des réseaux filaires, les réseaux sans fils ne nécessitent pas de mise en œuvre complexe et coûteuse pour la mise en place d’inter-connections physiques permettant de relier les différents équipements de communication entre eux ; les ondes radio sont utilisées comme principal support de transmission pour les communications sans fils.
Évolution des réseaux sans fils
Le nombre d’utilisateurs cellulaires au niveau mondial, il en ressort que dans un horizon à court terme, le nombre de souscripteur à un abonnement mobile dépassera la barre des 7 milliard d’abonnés, soit plus que la population mondiale. Selon le rapport de la FCC (Federal Communications Commission) Figure 21 aux USA, le nombre d’équipement cellulaires souscrivant à un opérateur de téléphonique mobile, atteint les 400 millions d’abonnés, soit plus que la population actuelle aux États Unies d’Amérique. En Algérie, l’ARPCE (l’Autorité de Régulation de la Poste et des Communications Électroniques) dans son rapport annuel pour l’année 2017 [8], constate le même engouement pour les technologies de communications mobiles en Algérie qu’au niveau mondial. Elle dénombre plus de 45 millions d’abonnés aux réseaux de communication mobile dépassant ainsi le nombre d’habitant répertorié en Algérie (40 millions d’habitants). Ces abonnements sont répartis entre les différents opérateurs de téléphonie mobile présents sur le territoire national ainsi qu’entre les différentes technologies de communication telles que la GSM, 3G et 4G (Figure 22). La multiplication des technologies sans fil a impliqué une hétérogénéité des terminaux d’émission et de réception ainsi qu’une diversification des techniques de transmission et de codage, ce qui peut entrainer en l’absence de règlementation, une utilisation anarchique du spectre de fréquences avec pour conséquence une augmentation des risques d’interférences entres les différents systèmes communicant. D’où l’obligation de réguler l’accès au spectre radio par des organismes gouvernementaux tells que l’ANF (l’Agence Nationale des Fréquences) et l’ARPCE en Algérie, l’ARCEP (Autorité de régulation des Communications Électroniques et des Postes) en France ou le FCC aux États Unies. Sur le territoire algérien l’ANF est chargée d’attribuer des portions de bandes à : l’ARPCE, Défense Nationale, Sécurité publique et collectivités locales, Audio visuel et Communications.
Évolution des réseaux sans fils
Évolution du nombre d’abonnés aux réseaux de téléphonie mobile GSM, 3G et 4G en Algérie (2000-2017) [8]. que pour le secteur des transports. La mission de l’ANF est de planifier, contrôler et coordonner l’usage du spectre afin d’avoir un accès uniforme à la ressource radio tout en vitant les interférences entre les différents utilisateurs du spectre de fréquence. De manière générale, la règlementation des ondes radio ou fréquences hertziennes concerne les fréquences se situant entre 9 kHz et 300 GHz, cette portion du spectre radio inclue des fréquences dites utilisables pour l’échange de données, communication…etc. Cette bande spectrale est décomposée en plusieurs blocs, chacun dédié à des domaines d’utilisations précis. Comme l’illustre la Figure 23 les bandes de fréquences licenciées (nécessitant une redevance d’utilisation de ces fréquences) est départagée entre une utilisation civile / militaire, l’aviation, et la téléphonie mobile. Seules les bandes ISM ne sont pas sujettes à une licence (gratuité d’utilisation de ses fréquences et aucune autorisation n’est requise auprès des autorités de règlementations spectrales pour leurs utilisations). Cependant, cette gestion statique du spectre a rapidement démontré ces limites par suite de l’avènement des nouvelles technologies de communication sans fil telles que GSM, UMTS, WIFI, LTE,… etc. Certaines bandes fréquentielles se sont retrouvées très vite saturées dans les zones géographiques à forte densité de population et à certaines heures de la journée (busy hour / heures de pointe) [5]. Le fait est aussi, que certaines bandes sont très convoitées, en raison de leurs caractéristiques physiques les rendant particulièrement intéressantes pour l’échange de données, à l’image des bandes VHF et UHF qui bornent la partie supérieure du spectre de radio fréquences, et qui sont bien adaptées à la couverture.
Évolution des réseaux sans fils
Optimisation de l’utilisation spectrale Le rapport du FCC [5] indique que l’occupation de certaines bandes de fréquences licenciées varie entre 15% et 85% ; elles ne sont donc pas uniformément exploitées par les utilisateurs disposant d’une licence pour leurs utilisation. En effet, le spectre radio
est une ressource rare qui s’épuise au fur et à mesure de la multiplication des standards de communication radio ; cette épuisement de la ressource spectrale découle directement du partitionnement statique et rigide de fréquences, et de leurs affectation de manière arbitraire aux différentes technologies, conduisant à une utilisation sous-optimale et non homogène des fréquences [9]. Aussi, avec la politique actuelle de gestion spectrale, il est impossible pour d’autres technologies d’utiliser les plages fréquentielles règlementées, même lorsqu’il n’y a aucune transmission effectuée par des utilisateurs licenciés sur le canal (appelés aussi utilisateurs Primaires).
La Radio Cognitive (RC)
déjà établie. L’idée d’une gestion dynamique avec un accès opportuniste au spectre licencié, part de l’observation qu’il est possible d’exploiter les espaces libres dans le spectre (les espaces blancs ou période d’inactivité sur le spectre licencié). D’autres approches, proposent de transmettre les données d’utilisateurs ne disposant pas de licence (appelés utilisateurs secondaires) en partagent la bande licenciée avec les utilisateurs primaires tout en tenant compte des interférences liées aux communications secondaires (e.g., configuration des puissances d’émission, largeur de bande utilisée). Toutefois, dans la plupart des cas, les utilisateurs primaires ont la priorité d’émettre sur la bande de fréquence, ainsi les utilisateurs secondaires exploitent de manière dynamique les ressources inutilisées par le primaire. Ces nouvelles approches d’allocation et de gestion opportuniste du spectre ont permis d’aboutir à diverses innovations telles que la radio logicielle restreinte (SDR : Software Define Radio, qui est la libération des interfaces radio de toutes contraintes matérielles à l’aide de programmes informatiques). Cette thèse s’inscrit dans ce vaste domaine de recherche que représente l’optimisation de l’allocation des ressources spectrales dans les « Réseaux Radio Cognitifs » (RRCs), dont l’ambition est l’utilisation partagée de la ressource radio par plusieurs systèmes de communication hétérogènes. La section suivante abordera plus amplement les principes de l’approche radio cognitive.
La Radio Cognitive (RC)
Le paradigme radio cognitive (RC) émerge pour la première fois en 1998 dans un article de Mitola présenté lors d’une conférence à la Royal Institute of Technology (Suède). Dés lors, la RC constitua un domaine de recherche très attrayant. Ce qui rend ce concept si attractif, c’est l’idée qu’une interface radio puisse elle-même modifier son comportement en fonction de l’environnement dans le quel elle transmet et ajuster ses paramètres de fonctionnement de manière dynamique et autonome. De ce fait la RC peut être définit comme un nouveau système de communication sans fil dans laquelle un utilisateur peut détecter intelligemment les canaux de communication libres et/ou
occupés, et transmettre sur les canaux inutilisés. Ceci permet d’optimiser l’utilisation des fréquences radio disponibles du spectre tout en minimisant les interférences avec d’autres utilisateurs. Cette capacité d’exploitation en temps-réel des informations disponibles dans son environnement permet l’adaptation de chaque interface radio aux conditions spectrales du moment et offrir une certaine flexibilité d’utilisation du spectre. Toute communication radio cognitive fait intervenir au moins deux éléments principaux.
La Radio Cognitive (RC)
moins pour une longue durée, une plage spécifique de fréquences attribuée par les organismes de régulation du spectre (cités plus haut). Le système primaire est donc prioritaire et possède toutes les autorisations pour émettre dans la bande considérée (e.g., GSM, aviation, communication militaire, etc). — Le second élément est l’utilisateur secondaire (SU) ou utilisateur cognitif ayant pour objectif principal la transmission de données quelque soit leurs types, sur les mêmes bandes fréquentielles que le PU, tout en minimisant la dégradation de la qualité des transmissions de ce dernier. De ce fait, la radio cognitive parait comme étant la solution la plus adéquate au problème de l’encombrement et de sous-utilisation spectrale en permettant le partage du spectre entre PU et SU. Le principe de la radio cognitive, est décrit dans la norme IEEE 802.22, qui suggère une utilisation plus optimale du spectre : un équipement radio dit secondaire pourra à tout moment accéder à des bandes de fréquences licenciées libres c’est-à-dire, non occupées par l’utilisateur primaire (possédant une licence sur cette bande). L’utilisateur secondaire pourra aussi exploiter de manière opportuniste les bandes licenciées sous-utilisées, dont l’utilisateur primaire n’occupe pas toute la largeur de bande. De même, l’utilisateur secondaire peut interrompre une transmission une fois terminée ou lorsqu’un utilisateur primaire souhaitera transmettre sur la même bande (ou occuper toute la largeur du canal). La norme IEEE 802.22 vise à ré-utiliser les espaces vides alloués à la télévision analogique pour les technologies RC. La littérature met en exergue d’autres standards tels que le IEEE-SCC41 (Standards Coordinating Committee 41) pour les réseaux avec un accès dynamique au spectre. Un Réseau Radio Cognitif (RRC) coordonne les transmissions secondaires sur différentes bandes de fréquences et selon différentes technologies en exploitant les bandes licenciées disponibles ou sous-utilisées à un instant et à un endroit donnés. Un RRC peut être structuré ou non (avec ou sans station de base), les nœuds cognitifs ou secondaires ont la capacité d’opérer sur une large gamme de fréquences afin de reconnaitre différents signaux présents dans le réseau et se reconfigurer intelligemment. Mise en œuvre de la Radio Cognitive (RC) L’une des principales caractéristiques de la radio cognitive est la capacité d’adaptation et de reconfiguration des paramètres radio (fréquence porteuse, puissance, modulation, bande passante) en fonction de l’environnement radio, des besoins de l’utilisateur et de l’état du réseau. La radio logicielle est capable d’offrir les fonctionnalités de flexibilité et de reconfiguration inhérentes à l’aspect d’adaptation et de cognition de la radio cognitive. Par conséquent, cette dernière est mise en œuvre l’aide de la radio logicielle. En d’autre terme, la radio logicielle est un ensemble de programmes et de modules im10.
La Radio Cognitive (RC)
La radio logicielle Le principe de radio logicielle a été initialement introduit par Joseph Mitola au début des années 90 [3] qui a définit le type d’interface radio programmable et reconfigurable en utilisant des techniques de traitement du signal sur des circuits intégrés numériques. Plus généralement, la radio logicielle dite « idéale » introduite par Mitola peut être définie comme étant un système de communication radio flexible et adaptatif dans lequel les fonctionnalités de la couche physique, telles que la fréquence de transmission, la largeur de bande et les techniques de modulations jusqu’aux fonctionnalités de la couche application d’une interface radio sont dématérialisées et définies sous forme logicielle. Cette radio est construite autour d’un processeur généraliste (GPP) et de sa mémoire fonctionnant sur des circuits spécialisés (ASIC), qui exécutent les fonctions radio. Les opérations de traitements des signaux radio en émission ou en réception sont effectués de manière numérique (filtrage, décodage, démodulation…) après une conversion en large bande à l’aide de composant électronique programmable (FPGA, Field Programmable Gate Array). Radio logicielle idéale et radio logicielle restreinte Aujourd’hui de nombreux obstacles technologiques rendent l’implémentation du principe de la radio logicielle « idéale » de Mitola non envisageable, notamment la performance.
La Radio Cognitive (RC)
L’évolution par rapport au SDR est que la programmabilité du système est étendue à l’ensemble du système avec une conversion analogique numérique à l’antenne Niveau 4 Ultimate Software Radio
(USR) Cette définition est donnée dans le seul but de comparer les systèmes réels à une référence ultime. Ce système reprogrammable est capable de supporter n’importe quelle donnée de contrôle,
n’importe quelle plage de fréquence, type de modulation… et reconfigurable en quelque millisecondes des convertisseurs à large bande, ainsi que la puissance de traitement des circuits numériques actuels, ne permettent pas d’atteindre les capacités requises pour effectuer les traitements de radio fréquence pour des standards existants tels que UMTS ou GSM/EDGE comme le démontre l’étude de Greifendorf [10]. Une radio logicielle, intégrant toute ou une partie des fonctionnalités matérielles en logiciel, est dite alors radio logicielle restreinte (Software Defined Radio « SDR »). La SDR est en quelque sorte une radio logicielle réalisable selon les restrictions matérielles et technologiques existantes. Ce concept permet aux interfaces de communication radio de s’affranchir des normes matérielles, proposant un système doté d’une haute interopérabilité lui permettant de s’adapter à n’importe quelle bande de fréquence et d’appliquer n’importe quelle modulation tout en utilisant le même support matériel.
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Table des matières
1 Introduction générale
1.1 Contexte
1.2 Problématique
1.3 Contribution
1.4 Organisation du manuscrit
2 Les réseaux radio cognitifs
2.1 Introduction
2.2 Évolution des réseaux sans fils
2.3 La Radio Cognitive (RC)
Mise en œuvre de la Radio Cognitive (RC)
La radio logicielle
Radio logicielle idéale et radio logicielle restreinte
2.4 Fonctions de la radio cognitive
Principe de fonctionnement de la Radio Cognitive
2.5 Cycle de cognition
Phase d’observation
Phase d’orientation
Phase de planification
Phase de décision
Phase d’action
Phase d’apprentissage
2.6 Architecture des Réseaux Radio Cognitifs
Réseaux Cognitifs structurés
Réseaux Cognitifs non structurés
2.7 Avantages des Réseaux RCs et motivations de leur utilisation
2.8 Modèles de partage du spectre dans les Réseaux Radio Cognitifs
Modèle de transmission Overlay
Modèle de transmission Underlay
2.9 Autres classification du partage du spectre dans les RRCs
Partage du spectre centralisé et distribué
Partage du spectre coopératif et non coopératif
2.10 Propriétés fondamentales de la transmission radio
Les ondes radio
Notion de canal radio
Bruit
Propagation
Interférences
2.11 Modèles d’interférence
2.12 Conclusion
3 État de l’art sur l’allocation de la ressource radio dans les réseaux radio cognitifs
3.1 Introduction
3.2 Définition du problème de l’allocation du spectre radio dans les Réseaux RCs
3.3 Critères d’allocation
Interférence / puissance
Maximiser l’utilisation / occupation spectral
Capacité Totale / Débit individuel des SUs
Équité entre les utilisateurs cognitifs
3.4 Approches d’allocation du spectre radio dans les réseaux RCs
Modèle centralisé / distribué
Transmission multi-canaux
Prise en compte des utilisateurs primaires
3.5 Techniques d’allocation des fréquences dans les réseaux RCs
Les méthodes heuristiques
La théorie des graphes
La théorie des jeux
La théorie des enchère
Les algorithmes évolutionnaires
3.6 Conclusion
4 Optimisation de l’allocation radio dans les réseaux cognitifs
4.1 Introduction
4.2 Les algorithmes génétiques
Codage et population initiale
Les opérateurs de reproduction et critères d’arrêt
4.3 Le modèle réseau
4.4 Accès au canal radio
Puissances d’émission et largeurs de bande adaptatives
4.5 Modèle d’interférences Underlay
4.6 Modèle d’interférences Overlay
4.7 Approche évolutionnaire pour l’allocation radio dans les RRCs
4.8 Fonction de fitness (Underlay mode)
4.9 Fonction de fitness (Overlay mode)
4.10 Codage des solutions et initialisation de la population
4.11 Les opérateurs génétiques
4.12 Méthode intuitive pour l’allocation du spectre dans les RRCs
4.13 Conclusion
5 Résultats Expérimentaux de l’Allocation des Fréquences Radio
5.1 Introduction
5.2 Génération aléatoire des nœuds du réseau RC
5.3 Performances du WAGA pour le Modèle Underlay
Adaptation de plusieurs paramètres radio simultanément
Impact du nombre de SUs
Impact du nombre d’utilisateurs primaires
Variation du seuil d’interférence β
5.4 Performances du WAGA pour le modèle Overlay
Adaptation de plusieurs paramètres radio simultanément
Impact de la densité des nœuds secondaires
5.5 Comparaison des résultat d’allocation WAGA / Greedy
Exemple d’allocation gloutonne (greedy) vs WAGA
5.6 Schéma d’allocation détaillé à l’aide de la méthode WAGA
5.7 Évaluation des paramètres génétiques du WAGA
Sélection élitiste et aléatoire
Codage binaire et codage réel
Nombre d’itérations et taille de la population
Pénalisation
Variation du facteur de pénalité
5.8 Conclusion
6 Conclusion et perspectives
6.1 Conclusion
6.2 Perspectives
Bibliographie
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