Les premiers réseaux électriques se sont développés à la fin du XIXème siècle et ont marqué un pas vers la démocratisation d’une forme d’énergie nouvellement domestiquée par l’humanité : l’électricité. Ils acheminent l’électricité d’une centrale de production vers les consommateurs situés aux alentours, puis au fil des décennies ces réseaux sont progressivement interconnectés grâce à l’adoption de standards communs de fréquence et de tension. Aujourd’hui à l’échelle mondiale l’électricité représente 19.3 % de la consommation finale d’énergie, contre 9.4 % en 1973, et elle provient à 64.2 % de la transformation de ressources fossiles. Cette électricité est consommée à 42 % par l’industrie, à 26.9 % par le secteur résidentiel et à 21.5 % par le secteur des services [10]. Toutefois, différents phénomènes sont à l’origine d’un basculement du bouquet énergétique vers une production décarbonée. D’une part, la déplétion progressive des ressources fossiles augmente les coûts d’exploitation des gisements [9]. D’autre part, la maturité technologique croissante des énergies renouvelables augmente leur compétitivité [70]. En parallèle, les liens de causalité entre la crise climatique actuelle et les gaz à effet de serre émis par la combustion de ressources fossiles ont déclenché dans les pays occidentaux des mécanismes d’investissements et de subventions pour favoriser l’émergence des énergies renouvelables [23, 60, 129].
Ainsi, en Europe, l’énergie électrique est issue pour moitié des sources décarbonées que sont le nucléaire (25 %), l’éolien (11.4 %), l’hydro-électricité (10.4 %), le PV (3.8 %) et la géothermie (0.2 %) [125]. Dans son “2030 Climate and Energy Policy Framework” adopté en 2014, l’Europe s’est engagée à atteindre 32 % d’énergies renouvelables dans sa consommation finale d’énergie. Pour y parvenir, elle prévoit de produire en 2030 54 % de sa consommation d’électricité à partir de sources renouvelables, ce qui nécessite une augmentation importante de ces moyens de production [21].
Les réseaux de distribution dans un contexte de transition énergétique
Les réseaux électriques apparaissent à la fin du XIXème siècle pour acheminer l’électricité depuis les lieux de production vers les lieux de consommation. Au fil des décennies, ils se sont répandus, interconnectés et standardisés, jusqu’à aboutir au système électrique que nous connaissons aujourd’hui. Afin de limiter l’impact environnemental des activités humaines, des transformations fortes doivent avoir lieu dans ce système électrique. L’arrêt progressif des centrales thermiques, la diminution du poids relatif du nucléaire et la pénétration croissante des ENR représentent de nouveaux défis pour le système électrique français. En effet, les modes de production évoluent et perdent en contrôlabilité, la consommation accueille de nouveaux usages de l’électricité et les réseaux de transport et de distribution doivent s’adapter pour garantir un approvisionnement de qualité. En sus, les réseaux électriques font face à un changement de modèle fonctionnel où l’électricité ne circule plus uniquement de la haute tension vers la basse tension, mais aussi dans l’autre sens, du fait de l’installation croissante de systèmes de production décentralisés.
Production, distribution et consommation électrique en France
Si l’accès à l’électricité est considéré dans les pays les plus développés comme un besoin fondamental et un droit, la fourniture à tous les usagers et à tout instant d’une électricité de qualité résulte d’un système complexe. L’utilisation d’électricité nécessite en effet sa production, son transport et ses différentes transformations, afin qu’elle arrive sur son lieu de consommation avec la tension, l’intensité et la fréquence requises pour son utilisation. Nous nous intéresserons ici au cas de la France et verrons quelles infrastructures de production, de transport et de contrôle permettent la fourniture d’électricité à différents types de consommateurs.
Modes de production d’électricité
L’électricité est produite majoritairement de manière industrielle, dans des centrales électriques transformant les énergies primaires en électricité. L’utilisation de machines thermiques entraînant des générateurs électriques est prépondérante. Celles-ci peuvent être alimentées en combustible fossile ou organique, ou par fission nucléaire. Elles transforment alors la chaleur obtenue par la combustion ou la fission de cette matière première en énergie mécanique, mettant ainsi en marche un générateur qui produit par induction un courant électrique. Des modes de production d’électricité exploitant directement l’énergie mécanique naturelle sont aussi utilisés : c’est le cas par exemple de la production hydroélectrique ou éolienne. Enfin, la géothermie utilise la chaleur de la Terre pour mettre en mouvement une turbine et un alternateur et l’énergie PV utilise l’effet photoélectrique pour transformer l’énergie solaire radiante en électricité.
En France, la fission nucléaire s’ajoute à la fin des années soixante aux modes de production basés sur la combustion de ressources fossiles et sur l’exploitation du potentiel hydroélectrique. L’utilisation de l’énergie éolienne pour la production d’électricité débute quant à elle au début des années 2000 et la production PV apparait quelques années plus tard. en termes de puissance installée et d’énergie produite [118]. L’énergie nucléaire représente une part importante de ce bouquet électrique, avec près de 50 % de la puissance installée et plus de 70 % de l’énergie produite. Avec une production annuelle de 538 TWh et une consommation annuelle brute de 474 TWh en 2019, la France produit un excédent d’énergie, exporté vers les pays voisins.
Transport et distribution d’énergie électrique
Traditionnellement, l’électricité est produite de manière centralisée dans des centrales électriques de forte puissance et acheminée vers les consommateurs à l’aide d’un réseau de transport et de distribution. Ce réseau triphasé s’échelonne en différents niveaux de tension :
Très Haute Tension Transport de l’électricité à 400 kV sur de grandes distances et pour l’interconnexion avec les pays voisins et à 225 kV pour la répartition nationale.
Haute Tension ou HTB Transport de l’électricité à 150 kV, 90 kV et 63 kV pour la répartition régionale .
Moyenne Tension ou HTA Distribution de l’électricité à 20 kV depuis les postes source vers les postes de distribution ou vers les consommateurs industriels .
Basse Tension Distribution de l’électricité à 230 V ou 400 V depuis les postes de transformation vers les consommateurs non industriels .
Cet échelonnement en différents niveaux de tension s’explique par les pertes liées au transport de l’électricité : le passage du courant dans un câble conducteur provoque l’échauffement de celui-ci par effet Joule et donc une déperdition d’énergie. Ces pertes en ligne étant proportionnelles à la longueur du câble et inversement proportionnelles au niveau de tension employé, l’utilisation des hauts niveaux de tension permet de limiter les pertes lors du transport de l’électricité sur de longues distances.
Les installations de transport, de distribution et de transformation de l’électricité sont soumises à des contraintes techniques afin d’assurer leur fonctionnement dans les domaines d’utilisation prévus et d’éviter l’endommagement du matériel ou l’apparition de phénomènes physiques indésirables. Ainsi, la fréquence est ajustée à l’échelle globale en équilibrant production et consommation en temps réel, afin de la maintenir à sa valeur nominale (50 Hz±0.5 Hz en Europe). En revanche, la tension est ajustée à l’échelle locale de manière à éviter une usure prématurée des équipements en cas de surtension et un mauvais fonctionnement des protections électriques et de certains appareils de consommation en cas de sous-tension. L’intensité est également surveillée pour ne pas dépasser durablement les limites thermiques admissibles par les équipements électriques. Le non-respect de ces contraintes peut, dans les cas les plus graves, entraîner des incidents techniques de grande ampleur, tels que des black-outs, comme celui de septembre 2003 en Italie [96] ou celui de 2012 en Inde [108].
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Table des matières
Introduction
Contexte énergétique
Objectifs
Plan du mémoire
1 Les réseaux de distribution dans un contexte de transition énergétique
1.1 Production, distribution et consommation électrique en France
1.2 Transition énergétique : objectifs et scénarios pour le réseau électrique
1.3 Impact de la production photovoltaïque sur le réseau basse tension
2 État de l’art
2.1 Contrôle des réseaux électriques et impact de la production renouvelable
2.2 Outils et méthodes pour le pilotage de la consommation résidentielle
2.3 Positionnement de la thèse
3 Modélisation d’un micro-réseau pilotable
3.1 Modèles physiques et modèles réduits
3.2 Implémentation d’un banc de test virtuel
3.3 Présentation du micro-réseau étudié
4 Gestion de la consommation à J-1 : plages d’usage d’appareils électriques
4.1 Formalisation du problème
4.2 Contraintes
4.3 Objectifs d’optimisation
4.4 Applications
5 Gestion intra-journalière de la consommation : contrôle du chauffage électrique
5.1 Formalisation du problème de comportement thermique des bâtiments
5.2 Formalisation des signaux de modification de température consigne
5.3 Objectifs
5.4 Applications
Conclusion générale