Les représentations relatives à la désignation des nombres

Partie theorique

Notre système de numération

Notre système actuel de numération est appelé décimal car il utilise seulement dix symboles, les chiffres arabes 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, pour écrire les nombres. Ce système de numération est très performant car avec uniquement dix symboles, nous pouvons effectuer une infinité de possibilités de nombre.
Il procède toujours par groupement de dix (10 unités forment une dizaine, 10 dizaines forment une centaine, etc.) : c’est une numération en base 10.
De plus, selon sa position, le symbole indique une valeur particulière. Chaque position successive vers la gauche indique une valeur dix fois plus importante que celle juste à droite. Étant donné que dans notre système de numération, les chiffres n’ont pas la même valeur selon leur position dans l’écriture du nombre, on dit que c’est également un système de numération de position.

Les difficultés liées au langage

Les confusions langagières

Il existe une confusion entre les termes employés dans le vocabulaire courant et le domaine mathématique des notions de chiffre et de nombre.
Un chiffre est tout d’abord un caractère, un symbole utilisé pour représenter un nombre tandis qu’un nombre exprime une valeur pouvant représenter des grandeurs, des quantités, des positions, etc. Il peut être qualifié de différentes manières : un nombre peut être pair, impair, décimal, complexe, entier, cardinal, ordinal, premier, etc.
Pourtant dans le langage courant, le nom chiffre peut aussi désigner le montant ou le total d’une somme. C’est par ce sens qu’on en vient parfois à confondre chiffre et nombre, puisque ce sens de chiffre désigne une valeur qui est exprimée concrètement par un nombre. Il faudrait mathématiquement parler de nombres et non de chiffres : les nombres clés pour l’Europe, les nombres de l’actualité mondiale, les nombres relatifs au chômage, à l’emploi, aux scandales financiers… Néanmoins des expressions telles que « le chiffre d’affaires, les chiffres de la population, le chiffre des dépenses… » sont ancrées dans le langage courant et évoquent clairement pour tous des montants numériques.
Cette confusion peut constituer un obstacle à la compréhension pour les élèves.

Le concept de nombre

D’après les programmes, « la construction du nombre s’appuie sur la notion de quantité, sa codification orale et écrite, l’acquisition de la suite orale des nombres et l’usage du dénombrement. »

La définition d’un nombre

Un nombre est un concept mathématique qui permet de se représenter ou d’imaginer une quantité et peut s’écrire avec des chiffres, des mots ou une lettre (π) et également d’ordonner ou nommer des éléments par une numérotation.
Ce sont trois aspects fondamentaux du concept de nombre naturel. Dans un premier temps, l’aspect cardinal qui est mobilisé lorsque les nombres représentent une quantité ensuite dans un second temps, l’aspect ordinal du nombre pour exprimer un rang ou bien une position d’un élément dans un ensemble et pour finir l’aspect nominal afin de désigner ou d’identifier un élément dans un ensemble (le dossard 8).

Les représentations relatives à la désignation des nombres

Les nombres interviennent sous différentes formes dans l’environnement de l’enfant dès l’école maternelle. Nous pouvons distinguer trois représentations :
 analogique (les doigts, les constellations, matériel de numération,…)
 verbale (mot exprimé oralement [s?̃ k] ou par écrit « cinq »)
 symbolique (5 : en numération arabe – V : en numération romaine) « La capacité à passer d’un mode de représentation à un autre est une marque des progrès réalisés par les élèves dans leur maîtrise de la numération décimale. »
Au fur et à mesure que les élèves avancent dans leur scolarité, l’objectif est de faire évoluer ces différentes représentations. Il faut leur faire prendre conscience que les nombres sont liés les uns avec les autres, c’est-à-dire un nombre peut avoir différentes écritures :

La construction du nombre au cycle 2

Le principe de la numération décimale est à construire dès le CP. Comme l’une des premières utilisations du nombre est de désigner une quantité, il est légitime de privilégier, dans un premier temps, la tâche de dénombrement terme à terme aux groupements puis aux échanges.
Une procédure de dénombrement consiste à regrouper les éléments par paquets successifs de dix, d’abord les paquets de dix, puis les paquets de paquets de dix, etc. Cette organisation traduit la signification de la position de chacun des chiffres dans l’écriture d’un nombre. « L’introduction et l’utilisation du groupement par dix et de la règle d’échange dix contre un sont une étape longue et difficile dans l’apprentissage des nombres chez les élèves. Ces derniers ont beaucoup de mal à concevoir que dix unités d’un certain ordre deviennent une nouvelle unité mais qui n’a plus la même valeur. »
Il est indispensable d’avoir fait et défait des paquets de dix objet s pour comprendre ce qu’est une dizaine, qui sera désignée par « paquets de dix » le temps nécessaire pour ensuite introduire le terme « dizaine ».

Le nombre zéro

Notre système de numération étant de type positionnel, nous utilisons le chiffre zéro afin de coder l’absence de groupements d’un certain ordre. Par exemple, dans 401 le « 0 » signifie qu’il n’y a pas de paquets de dix isolés. Il a un rôle très important car si nous l’enlevons, le nombre ne serait plus le même. Le zéro en tant que nombre permet d’exprimer une absence de quantité, il représente « le vide »,

Les enjeux de l’apprentissage de la numération

L’apprentissage des nombres naturels et du système de numération décimale est un objectif essentiel à l’école primaire. « Au cycle 3, l’élève devra franchir une nouvelle étape dans l’abstraction et entrer dans une généralisation des principes de la numération étudiés jusqu’alors, en utilisant des puissances de dix de plus en plus grandes et de moins en moins signifiantes (10 ou 100 « parlent » mieux que 10 000 ou 100 000…). Cette étape est décisive et elle n’a rien d’évident ou de naturel. »
Des lacunes ou une mauvaise compréhension de notre système de numération peuvent empêcher les élèves d’accéder à la compréhension de savoirs importants comme justifier les procédures de comparaison des nombres, les techniques de calcul ou, plus tard, l’écriture à virgule des nombres décimaux.
Donc nous pouvons affirmer qu’une mauvaise construction du système de numération est la cause d’une grande partie des difficultés des élèves au cycle 3.

Analyse des constats en fonction du cadre theorique

En période 1, début septembre, j’ai commencé tout d’abord la séance de numération par une dictée de dix nombres ne dépassant pas les unités de mille dans le but de consolider les acquis antérieurs (des révisions de CE2). Cette séance de consolidation devait permettre aux élèves de raviver des savoirs étudiés, supposés acquis, mais qui, pour certains auront besoin d’être « revisités » car je me suis trèsvite rendue compte qu’Eva avait des difficultés à écrire les nombres en chiffres.
Lorsque je dictais le nombre « mille-quarante », elle écrivait le nombre suivant «140» mais encore quand je dictais le nombre « quatre-mille-huit », l’élève était complètement perdue et elle ne savait pas du tout comment elle devait écrire le nombre donc elle s’est résignée à mettre une croix (cf Annexe 1). Nous remarquons dans cette production d’Eva que les nombres qu’elle n’a pas réussi à écrire sont les nombres : 1040, 1070 (elle écrit 170), 2010 (elle écrit 210) et 4008 où elle ajoute une croix.
L’obstacle repéré dans la numération orale est qu’elle ne maitrise pas la numération de position, c’est-à-dire la valeur positionnelle de chaque chiffre dans un nombre et le codage pour marquer l’absence de groupements d’un certain rang par un zéro .
La notion de groupements successifs par dix est reprise à l’occasion d’une situation de dénombrement d’une grande collection d’objets. J’ai proposé un exercice d’entrainement qui provient du livre Cap Maths – CM1 du guide de l’enseignant sur une fabrication de crayons. Cet exercice consiste à ranger des crayons dans des pochettes de dix crayons et les pochettes dans des cartons de 10 pochettes qui représentent les valeurs respectives des dizaines et des centaines. (cf Annexe 2).
Il s’agit ici de permettre aux élèves de revoir le lien entre la position d’un chiffre dans un nombre et la valeur qu’il représente mais également de distinguer chiffre et nombre de dizaines, de centaines dans un nombre.
Comme mon élève ne maitrise pas la valeur positionnelle des chiffres dans un nombre, il lui est très compliqué de comprendre l’intérêt du regroupement par 10 et par conséquent elle ne maitrise pas non plus les égalités du type 1 centaine = 10 dizaines = 100 unités.
Dès la première question, elle se retrouve bloquée car elle ne fait pas la relation entre le nombre de pochettes qui peuvent être remplies et le chiffre des dizaines (35 crayons). Je lui propose donc de résoudre ce problème en effectuant la manipulation avec ses crayons pour qu’elle puisse comprendre et elle a alors trouvé la réponse.
Lorsqu’elle est passée à la question 2, elle s’est de nouveau retrouvée bloquée car le nombre de crayons est considérablement plus grand (250 crayons) donc elle ne pouvait plus passer par la manipulation. Comme on lui demande le nombre de pochettes, c’est-à-dire le nombre de dizaines et le nombre de caisses qui correspond au chiffre des centaines, elle est dans l’incapacité de résoudre cette question. « Au cours du cycle 3, certains élèves ont toujours des difficultés à voir dans les écritures chiffrées autre chose que les « chiffres » qui le composent : dans 4 537 par exemple, ils sont capables de repérer que 5 est le chiffre des centaines, mais ne parviennent pas à envisager 5 comme la « trace » de 500 . » Cette difficulté engendre également qu’ils ne sont pas capables, pour un nombre donné, de déterminer le nombre de dizaines, de centaines…On peut donc dire que, si les élèves n’ont pas compris comment fonctionnait notre numération, ils ne peuvent accéder à la représentation experte qui permet de traduire un problème.
Pour continuer de se familiariser avec les nombres, j’ai proposé aux élèves de travailler sur leur comparaison. « À l’entrée au CM1, les élèves devraient être capables de comparer les nombres, en utilisant une procédure implicite ou explicite. »
Cependant je me heurte toujours au même problème de cette élève qui se révèle également dans cet apprentissage. Par exemple dans la comparaison de ces deux nombres : « 1 637 et 1 642 », elle me dit que le nombre 1637 est le nombre le plus grand car 7 est plus grand que 2. Eva remarque bien que les deux premiers chiffres sont identiques (le 1 et le 6) mais ne maitrisant pas la valeur des chiffres dans un nombre, elle compare donc les unités et estime que ce sont ces dernières qui ont le plus de « poids ». Nous lisons les nombres de gauche à droite mais pour savoir chaque valeur des chiffres dans un nombre, il nous faut commencer par la droite.

Les remediations apportees

L’objectif est de mettre en place des situations qui permettent de donner du sens à la numération décimale et plus particulièrement par la manipulation.

Le matériel de numération

Le matériel de numération que j’ai emprunté à ma collègue de CP est composé de nombreux petits cubes blancs en plastique représentant les unités, de plusieurs barres rouges striées en dix pour représenter les dix unités soient des dizaines et de quelques plaques rouges striées également laissant apparaître les 100 unités pour représenter les centaines (cf Annexe 3).

Les cartes de numération

J’ai fabriqué des cartes de numération en me basant sur le matériel Montessori. Ce sont des cartes qui se superposent en laissant apparaître chaque chiffre du nombre.
Il a été construit de manière à ce que chaque chiffre ait une couleur attribuée en fonction de sa position dans le nombre et également qu’au-dessus de chacun il y ait la représentation de sa valeur en nombre.
Le jeu de cartes au tout début allait jusqu’aux unités de mille uniquement (nombre étudié au niveau CE2), ensuite il a évolué au progrès de l’élève et au vu des programmes de cycle 3 (cf Annexe 4).
De plus j’ai fait le choix de mettre pour les unités simples des couleurs qui correspondent à mes feutres Velléda. Mon but est de faire du lien entre ce que je fais en APC et en classe grâce à un repère visuel dû au code couleur. Lorsque j’utilise les termes unité/dizaine/centaine, je représente mon propos à l’aide du code couleur.
Ce matériel permet de travailler la numération de position : unités, dizaines, centaines, etc et de faire le lien entre l’écriture en chiffres du nombre et la lecture de ce nombre.
Mon élève estime que dans un nombre tel que « 102, le zéro ne sert à rien on ne l’entend pas » donc cet outil est aussi une nécessité pour mettre en évidence l’importance de coder la place de l’absence d’un groupement.
Deux activités ont été proposées avec ce matériel :
Pour la première, j’ai décidé de faire plus particulièrement de l’oral. L’objectif était que l’élève me dicte à voix haute les écritures chiffrées des nombres dans le but de lui faire comprendre le lien avec la valeur positionnelle des chiffres.
Cette séance de remédiation s’est faite en 2 étapes. La première étape consistait à ce que l’élève me lise le nombre écrit en chiffres que je lui imposais avec les cartes de numération. Pour la deuxième étape, je lui demandais de me dire la valeur de chacun des chiffres pour ensuite vérifier ces propos en enlevant chacune des cartes qui étaient superposées.
L’objectif de la deuxième activité était de retrouver le nombre en utilisant des cartes qui donnent uniquement des indications positionnelles sur les chiffres. De plus j’ai rajouté au dos de ces cartes, la réponse et également la décomposition comme avec les cartes de numération.

Analyse des progres d’Eva

Les trois dispositifs présentés ont permis soit de déclencher, soit de stabiliser les connaissances. Cependant le premier matériel n’a pas été concluant pour les raisons évoquées tandis que le deuxième a permis de déclencher un début de compréhension et la cible a permis de stabiliser les connaissances sur notre système de numération décimale. Nous allons pouvoir le remarquer à travers l’analyse de ses progrès.
À la fin de la première période, j’ai pu constater une nette amélioration de la compréhension de notre système de numération pour Eva. Le codage d’un groupement absent par un zéro lors de la dictée de dix nombres est présent comme les nombres « 2003 – 9090 – 3303 – 5027 – 4040 – 8809 – 1066 – 1101 – 5007 etc… » (cf Annexe 6 – série 18 et 19). Nous pouvons dire que l’élève a acquis cette compétence : écrire des nombres en chiffre donné par sa désignation orale, car elle est capable sur deux séries différentes de n’effectuer aucunes erreurs sur les nombres. Ce progrès correspond au moment où j’ai effectué les ateliers Montessori donc je peux valider que ce matériel a été plus bénéfique pour Eva.
En plus de pouvoir observer les progrès d’Eva grâce aux traces écrites, il y a aussi son comportement qui a changé. Elle est devenue plus enthousiaste face à cette discipline, elle prend plaisir à comprendre et à apprendre, ce qui développe chez elle une motivation intrinsèque.
Dès le début de la seconde période, j’ai mis en place la séance avec la cible qui m’a permis en APC d’aller jusqu’aux centaines de mille pour les nombres. Nous pouvons encore observer les progrès d’Eva à travers une autre dictée de dix nombres. Les nombres comme « 205 400 – 150 900 – 130 042… » sont correctement écrits en fonction de ce qui a été dictés. (cf Annexe 8 – série 12). Nous pouvons donc affirmer que ce dernier dispositif a été encore plus bénéfique pour cette élève car les notions ont été stabilisées.
J’aimerais finir cette analyse sur l’effet de mon action sur les autres élèves. J’ai pu remarquer que certaines difficultés qu’avait Eva se retrouvaient chez d’autres élèves.
Donc cette remédiation personnalisée a servi aussi pour certains élèves.

Conclusion

Maintenant je comprends pourquoi Eva ne comprenait pas et surtout j’ai pu lui venir en aide pour qu’elle puisse dépasser ses difficultés. Plus généralement, maintenant je sais comment mieux venir en aide aux élèves qui auraient des difficultés en numération.
Cette évolution s’est faite grâce aux diverses lectures sur la didactique des mathématiques qui m’ont permis d’approfondir mes connaissances de la discipline et des contenus à enseigner afin de construire des séances adaptées et mettre en place des dispositifs d’aides pour certains élèves.
Ma compréhension des difficultés des élèves est devenue plus fine et ma capacité à proposer des dispositifs plus appropriés a évolué, c’est-à-dire ajuster les remédiations au plus proche des besoins des élèves.
Je suis capable de mieux de comprendre comment les élèves apprennent, d’anticiper les prérequis et les procédures, de repérer les obstacles ou erreurs possibles des élèves.
Lors de la 3 ème période, j’ai commencé à leurs apprendre la technique opératoire de la multiplication à deux chiffres. Lors du passage à la dizaine lorsqu’il fallait rajouter un zéro à la deuxième ligne, Eva s’est demandé pourquoi on rajoute un zéro. J’ai repassé, sans dire un mot, en rouge le chiffre des dizaines et également le zéro, elle a de suite dit d’elle-même « on multiplie le nombre par le chiffre des dizaines ».
Il est nécessaire d’être parfaitement au clair avec la signification de la position des chiffres dans l’écriture des nombres pour bien comprendre et maitriser les techniques de calcul. Une très bonne maîtrise de la numération est indispensable pour construire les algorithmes opératoires et les utiliser avec efficacité.
On peut donc dire que, si les élèves n’ont pas compris comment fonctionnait notre numération, ils ne peuvent accéder ni aux techniques opératoires et ni à la représentation experte qui permet de traduire un problème.
Pour conclure une bonne connaissance de la didactique des savoirs enseignés est nécessaire, dans toutes les matières, afin de pouvoir les enseigner, d’anticiper les écueils ou les difficultés des élèves et de pouvoir leur venir en aide correctement.

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Table des matières

Introduction 
I- Partie théorique
A) Notre système de numération
B) Les difficultés liées au langage
a) Les confusions langagières
b) La désignation verbale des nombres
C) Le concept de nombre
a) La définition d’un nombre
b) Les représentations relatives à la désignation des nombres
c) Les différentes utilisations des nombres
D) Les difficultés liées à l’acquisition du concept de nombre
a) Le dénombrement à la maternelle
b) La construction du nombre au cycle 2
c) le nombre zéro
E) Les enjeux de l’apprentissage de la numération
II- Analyse des constats en fonction du cadre théorique 
III- Les remédiations apportées 
A) Le matériel de numération
B) Les cartes de numération
C) La cible
IV- Analyse des progrès d’Eva 
Conclusion 
Bibliographie 
Annexes

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