Les représentations médicales des menstruations à travers les âges

Les représentations médicales des menstruations à travers les âges

Préhistoire

Au cours de la préhistoire, il arrivait fréquemment que les femmes soient mises à l’écart pendant leurs menstruations. Une des hypothèses voudrait que ce soit pour échapper aux prédateurs, attirés par l’odeur du sang et donc pour protéger la tribu (8). Plusieurs anthropologues avancent que cet isolement aurait pu développer une spiritualité chamanique féminine et plusieurs études récentes tendent à montrer que les peintures pariétales des grottes gravettiennes pourraient avoir été réalisées non par des hommes mais par des femmes .

Ce rituel d’isolement aurait perduré durant des siècles. Et encore aujourd’hui, on retrouve dans de nombreuses cultures une mise à l’écart des femmes durant leurs menstruations comme au Népal (10), en Océanie (11), en Inde (12), ou en Afrique  .

L’Antiquité : la pensée médicale sur les menstruations

La médecine ignore l’origine du sang menstruel et le discours médical fait perdurer les croyances populaires et les vieilles superstitions.

Selon Hippocrate , le corps féminin étant plus spongieux que celui de l’homme, la femme aurait une tendance à l’accumulation et donc à la surcharge en sang. L’évacuation périodique s’avèrerait indispensable au maintien de l’équilibre entre santé et maladie ou entre vie et mort. Tout changement, de la texture, couleur, régularité ou quantité, serait à risque de surcharge. L’accumulation de sang ou l’aménorrhée entraînerait de multiples maladies et douleurs et en cas de persistance, la femme risquerait d’être stérile ou de mourir. D’après lui, l’écoulement sanguin aurait une fonction purificatrice et également procréatrice car de même que le sperme serait la semence de l’homme, les menstruations seraient la semence de la femme et le mélange des deux semences, sperme et sang, serait à l’origine de la vie.

Pour Aristote , l’origine des menstruations serait due à une incompatibilité entre le fin calibre des veines de la matrice (utérus) et le sang envoyé en abondance par la grande veine et l’aorte, entrainant un écoulement sanguin ou une hémorroïde dite naturelle. Il expliquerait la régularité de l’écoulement par un phénomène de refroidissement des milieux dû à la disparition de la lune. Contrairement à Hippocrate, il pense que l’état embryonnaire est créé à partir du sperme masculin uniquement, c’est l’homme qui crée la vie. Le sang menstruel n’est que la nourriture permettant le développement de l’embryon, puis lorsqu’il devient insuffisant pour assurer l’alimentation in utero, il est redirigé vers les mamelles et transformé en lait, ce qui expliquerait l’aménorrhée lors de la grossesse et du post-partum. Comme Hippocrate, il pense qu’une aménorrhée serait source de maladies mais que le corps pour se purger trouverait d’autres chemins tels que les épistaxis ou les hémorroïdes .

Dans le folklore populaire, la femme indisposée est nocive et exercerait une influence néfaste sur le monde qui l’entoure, nourriture, animaux et plantes, ayant les mêmes attributs que les sorcières. Ces préjugés seront renforcés par les constatations médicales de Pline l’Ancien , décrivant le sang menstruel comme étant malsain et source de plusieurs maux, entre autres, de la stérilité des champs, de la mort des abeilles et de l’aigreur du vin .

Galien , comme ses prédécesseurs, constate que l’aménorrhée serait source de multiples maladies. En plus, il établit un lien de causalité entre l’aménorrhée et l’hystérie .

Le Moyen Âge : du Ve au XVe siècle

L’ignorance entourant les menstruations est liée à une méconnaissance de l’anatomie. Durant l’Antiquité, le corps humain étant considéré comme sacré, la dissection est interdite par le droit romain. Galien travaillant sur des primates fera valoir qu’ils sont anatomiquement semblables aux humains. Au Moyen Âge, la dissection est entourée d’interdits moraux, légaux et religieux, car disséquer le corps détériore l’âme (19).Les théologiens se servent des sciences pour fonder leurs doctrines religieuses et proclamer des vérités irrécusables. Les savants ne devaient pas essayer de limiter le pouvoir divin, ni établir, à côté du saint dogme, une autre vérité scientifique.

Lors de la procréation, l’on pense que l’utérus se fermait, piégeant le sang menstruel dans la matrice. Une partie seulement y serait conservée, celle consacrée à l’alimentation du fœtus tandis que le reste serait dérivé par deux veines vers les seins, où il serait transformé en lait et mis en réserve à l’intention du nouveau-né. En 590, Grégoire le Grand, 64ème Pape, ordonne  »de s’abstenir de toute cohabitation conjugale jusqu’au sevrage de l’enfant », car l’acte sexuel pendant la lactation serait à risque de faire cailler la réserve de lait maternel mais en pratique, cette interdiction va s’étendre à la période menstruelle. Au Moyen Âge et pendant la Renaissance, cet acte devient répréhensible selon le lévitique et les croyances populaires qui considèrent que les enfants roux et la lèpre sont les résultats de cette transgression (20) (21).

La peur qu’inspirent les menstruations sera relayée par le discours médical, Avicenne déclare que les cheveux d’une femme menstruée, enterrés dans un sol fertile, pourraient se transformer en serpents et Geber que boire du sang menstruel donnerait la lèpre et se baigner dedans tuerait (22).

Au XIIIe siècle, le Pape Honorius IV ordonne la séparation du ministère du prêtre et l’exercice de la médecine rendant les conditions plus favorables à la critique du savoir établi. Mais pour les menstruations, c’est un retour aux représentations Antiques. Barthélemy l’Anglais réactualise les vieilles traditions d’Aristote, de Galien et de Pline l’Ancien, expliquant que les menstrues des femmes seraient une évacuation de superfluités nocives et Arnaud De Villeneuve associe la toxicité du sang menstruel à celui des animaux venimeux . Les scientifiques s’accordent à dire que le sang menstruel provoque des lésions mentales par les vapeurs qu’il génère entraînant le lunatisme (lié au cycle lunaire des saignements), des ensorcellements, amnésies, maléfices, ou encore la stupidité. Il est aussi reconnu que même ménopausée, la femme reste encore dangereuse car les mauvaises humeurs et les vapeurs sont alors émises par leurs yeux (22).

L’apparition de la magie rouge, dans laquelle le sang menstruel sert à la préparation de philtres d’amour ou de désamour, de stérilité et de vengeance, serait rapportée de cette époque.

L’époque Moderne : du XVIe au XVIIIe siècle

Malgré l’indépendance de la médecine au XIIIe siècle et la levée de l’interdiction sur la dissection et de l’étude anatomique, par le Pape Jules II en 1503, certaines théories perdurent. De Vinci, dans ses croquis d’anatomie, dessine la veine entre les seins et le ventre féminin et ce malgré les dissections qu’il pratique sur le corps humain. (23) Ce n’est qu’au XVIIe siècle que Harvey prouvera sa non existence lors de la découverte du système de la circulation sanguine.

Malgré le caractère menaçant et impur des menstruations, la femme n’en est pas moins menacée en l’absence de saignements. La grande majorité des médecins considèrent que le flux menstruel est nécessaire à la bonne santé physique et psychique de la femme. Il permettrait une épuration et une évacuation des substances toxiques ainsi qu’un renouvellement naturel de sang. Depuis l’Antiquité, il est admis que tout saignement pourrait remplacer la fonction purificatrice des menstruations mais ce n’est qu’à la Renaissance que la théorie de la nécessité de l’évacuation sanguine, par les saignées, s’impose à la communauté médicale, et ce jusqu’à la fin du XIXe siècle en Europe. Les menstrues seraient à la fois expression de l’impureté et une condition de purification (24).

L’époque contemporaine : du XIXe siècle jusqu’à maintenant

Au XIXe siècle
La puberté, la grossesse et la ménopause seraient trois moments où la femme serait exposée à un risque accru d’auto-intoxication. De nombreux médecins observent les signes précurseurs de la ménarche et préconisent la saignée artificielle ou la pose de sangsues à la vulve et à l’anus en cas de retard persistant. Les vertus de la saignée sont également reconnues et employées dans la régularisation des premières menstrues car la dysménorrhée est redoutée .

Les craintes relatives à l’aménorrhée durant la grossesse font débats. Il y a ceux qui préconisent la saignée pour soulager la femme et ceux qui s’y opposent, selon la  théorie d’Aristote, car ils considèrent qu’il n’y a pas de risque d’auto-intoxication pendant cette période. Lors de l’analyse au microscope du lait maternel, Lacassagne met en évidence la présence de globules de pus au moment des menstruations (28). Cazeaux considère que la santé du bébé est mise en péril s’il est allaité par une femme menstruée (29). Wilkinson décrit des diarrhées du nourrisson provoquées par le lait menstruel (30). Et Charles Roche, en 1901, confirme le caractère néfaste de l’allaitement menstruel car il note en particulier une baisse du poids de l’enfant dans des proportions inquiétantes, des troubles digestifs, des poussées eczémateuses et une humeur plus inconstante .

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Table des matières

INTRODUCTION
Contexte
Problématique
Objectif
HISTORIQUE
Les représentations médicales des menstruations à travers les âges
Préhistoire
L’Antiquité : la pensée médicale sur les menstruations
Le Moyen Âge : du Ve au XVe siècle
L’époque Moderne : du XVIe au XVIIIe siècle
L’époque contemporaine : du XIXe siècle jusqu’à maintenant
Les représentations religieuses des menstruations
L’impureté de la femme
Le coït
Les objets en contact
La cuisine
Le culte
L’histoire de la contraception
La naissance de la contraception hormonale
Quelques craintes courantes liées aux contraceptions hormonales
MATERIELS ET METHODES
Type de l’étude
Le recueil des données
Les critères d’inclusion et d’exclusion
La réalisation des entretiens
L’analyse des données
L’éthique
RESULTATS. Les caractéristiques des femmes interrogées
ANALYSE DES RESULTATS
Thème 1. Les représentations et le vécu de la ménarche
Les représentations de la ménarche
Le vécu de la ménarche
Thème 2. Les représentations de l’origine du saignement menstruel
Les tentatives d’explications scientifiques
Les différences et les similitudes entre menstruations et hémorragies de privation
Thème 3. Les représentations du rôle du sang menstruel
Le respect d’un état physiologique
Le sang et la procréation
Le sang et son impact sur la santé
L’ambivalence entre la purification du corps et l’impureté du sang
Thème 4. Les représentations familiales du sang menstruel et son évolution à travers le temps
Un héritage familial
L’évolution des représentations au cours de la vie d’une même femme
Thème 5. Les hémorragies de privation ou l’aménorrhée induite
Les critères de choix dans une contraception
Les différents choix concernant le sang dans la contraception
DISCUSSION
Les forces et les faiblesses de l’étude
L’intérêt du travail
Les faiblesses de l’étude
Les représentations du sang menstruel et les comportements associés
La ménarche
Après la ménarche
Les représentations du sang menstruel et les comportements contraceptifs associées
La liste des critères de choix
Les craintes engendrées par la contraception hormonale et l’aménorrhée
L’aménorrhée, un sentiment de liberté
Le sang menstruel, une option thérapeutique ?
L’aménorrhée, une option thérapeutique
L’aménorrhée, un choix social et écologique ?
L’aménorrhée, un certain profil de patiente ?
CONCLUSION

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