LES REPRÉSENTATIONS DE LA MORT ET VÉCU DU DEUIL PAR L’ENFANT
LA MORT
La mort est définie par le dictionnaire LAROUSSE comme la « cessation complète de la vie d’un être humain, d’un animal» . Notons cette phrase du philosophe Eric FIAT « l’Homme est le seul vivant à se savoir contingent et mortel » . Cela entraine des peurs chez l’Homme. Philippe ARIES dans son ouvrage « Essai sur l’histoire de la mort en Occident du MoyenAge à nos jours » parle très bien de l’évolution de la mort dans les mentalités et dans la société. Il montre le passage d’une mort familière et du deuil public à une mort cachée avec des deuils privés. Il met en valeur son évolution au cours des siècles. Au Moyen-Âge, la mort était un sujet courant dans les conversations et dans la vie des hommes, elle était ordinaire. Mais progressivement, au cours des siècles, les hommes ont pris conscience tout d’abord de leur propre mort puis de celle des autres, habituelle mais suscitant tout de même beaucoup d’émotions. Et enfin au XXe siècle la mort est devenue un tabou, un sujet banni des conversations. Les morts ne décèdent plus chez eux auprès de leurs proches mais à l’hôpital auprès du personnel soignant. Aujourd’hui, il nous est toujours difficile de parler de la mort car elle fait peur et engendre de la souffrance.
Aujourd’hui, la mort est présente dans la société. Elle est vue virtuellement à travers les médias, elle devient alors presque familière mais fait toujours peur. Elle est présente partout mais de manière virtuelle. Cela amène à constater qu’elle n’est pas réellement palpable et qu’elle est pour la plupart inconnue et source de peurs. Voyons à présent quelles représentations les enfants perçoivent-ils de cette mort omniprésente de manière virtuelle ? Arrivent-ils à s’en faire une idée concrète malgré la manière dont elle est présente dans notre société et dans nos milieux de vie ?
REPRÉSENTATIONS DE LA MORT DU POINT DE VUE DE L’ENFANT
Je souhaite introduire cette partie avec l’ouvrage de Michel HANUS, psychiatre et psychanalyste français qui a écrit un ouvrage intitulé «Les deuils dans la vie, deuils et séparation chez l’adulte et chez l’enfant» . Pour lui, la mort est un sujet sensible chez la plupart des hommes, elle suscite la peur et les individus se débrouillent pour la fuir le plus possible. Les enfants, eux, ont une autre manière de la penser car ils n’en ont pas encore la même conscience que nous les adultes, contrairement à ce qu’on pourrait croire parfois.
Les représentations de la mort qu’ont les enfants dépendent de l’expérience qu’ils en ont faite et de ce qu’on leur a dit dessus. Nous pouvons constater que les adultes, ayant peur de la mort, ont du mal à en parler. Il est souvent plus facile de fuir le sujet lorsque l’enfant va poser des questions. Celles-ci surgissent couramment dans les deux lieux principaux où l’enfant se développe et grandit : la famille et l’école. Michel HANUS souligne que les enfants privilégient parfois leurs pairs pour parler de ce sujet, car il y a moins de gène.
Aujourd’hui, le lieu où les enfants entendent parler le plus de la mort est à la télévision et dans les jeux-vidéos. Cependant, cette image de la mort véhiculée par ces biais n’est pas la réalité de la mort. Elle est souvent intensifiée du fait de la dureté des images et des propos. Ce n’est finalement pas une expérience concrète de ce qu’elle est réellement. La mort va survenir dans la vie de l’enfant par d’autres biais, comme le décès d’un animal de compagnie ou un animal croisé lors d’une promenade. Elle peut aussi être présente par la perte d’une personne plus proche. De manière générale, l’auteur souligne que l’enfant considère la mort comme « réversible et contagieuse » .
Poursuivons sur le concept de la mort avec l’aide du Dr Alain SAUTERAUD dans son livre « Vivre après ta mort, psychologie du deuil » . La mort est un évènement «inévitable, universel, irréversible et permanent» . Elle se définit par l’arrêt des fonctions vitales d’un individu et a des causes réalistes. Ces différentes notions du concept de mort seront plus ou moins comprises en fonction de l’âge de l’enfant. L’auteur précise que l’acquisition des connaissances concernant les représentations de l’enfant est importante et nous aide à l’accompagner. Cependant, il met en valeur le fait que chaque enfant est singulier avec un entourage unique et une perception à lui de la réalité qui l’entoure. La perception de la mort dépend donc de chaque enfant.
Précisons quelques données objectives observées selon l’âge de l’enfant et son développement psychomoteur. Alain de BROCA dans son livre « Deuils et endeuillés»distingue une différence de perception et de vécu en fonction de l’âge de l’enfant. En effet, il confirme que la perception de la mort et le vécu du deuil dépend de là où en est l’enfant dans son développement psychomoteur. Il distingue quatre périodes d’âges différentes :
Chez l’enfant de 9 mois à 3 ans :
L’enfant ne parle pas encore, même s’il va commencer à formuler quelques mots. L’absence d’un parent est vécue en général comme insupportable car elle est synonyme de mort. S’il s’agit de l’absence d’un de ses parents, l’auteur souligne que cela va entrainer « un changement radical dans sa vie » , cette absence se transforme en peur. Dans cette période de la vie, l’enfant « croit encore à la toute puissance parentale» . En effet, ce sont ses parents qui lui ont donné la vie, alors il se peut que l’enfant projette une responsabilité de la mort du proche sur son/ses parent(s) restant(s). Ainsi, le travail de deuil commencera lorsqu’il ressentira un abandon de la part des adultes qui ne sont pas entièrement disponibles pour lui, ce qui entraîne des peurs et parfois des cauchemars.
Chez les enfants de 3 à 6 ans :
Durant cette période, l’enfant acquière de plus en plus le langage. Son vocabulaire s’enrichit et devient plus varié. L’enfant améliore sa perception du monde grâce à des objets ou le dessin. Il ne comprend pas encore très bien les différents concepts comme «le temps, l’espace, les dimensions, les mouvements». Á cet âge, l’enfant vit l’instant présent, il a encore du mal à conceptualiser le passé et le futur. Cependant, l’enfant accepte mieux l’absence car il développe de nouveaux moyens qui lui sont propres pour supporter cette absence et répondre à ses besoins. Il prend aussi conscience que l’absence d’un de ses parents ne signifie pas une absence définitive mais plutôt des retrouvailles futures.
Au niveau de sa conception de la mort, il commence à souffrir réellement de la séparation car la notion de non retour devient réelle. Il adopte cependant une autre façon de vivre pour s’adapter à cette séparation. A cet âge, l’enfant identifie beaucoup son vécu de la perte de l’être aimé à celle des adultes qui l’entourent. Ceci peut l’aider ou non à mieux considérer la réalité de la mort, cela dépendra des adultes qui l’entourent.
Chez les enfants de 7 à 8 ans :
L’enfant commence à lire et à écrire, c’est une étape importante car il devient de plus en plus autonome. La mort reste cependant encore de l’ordre de l’imaginaire mais l’enfant accepte qu’elle concerne tout le monde, la notion de l’universalité de la mort devient alors plus familière. L’enfant commence à exprimer sa tristesse.
Chez les enfants de 8 ans jusqu’à l’adolescence :
A cette période, « la mort est la fin de la vie » , l’enfant a besoin de comprendre les causes de la mort. Il souhaite en général participer au rite funéraire et s’interroge sur ce que devient le corps après la mort.
LE DEUIL DE L’ENFANT
Poursuivons à présent nos recherches en nous interrogeant sur les spécificités du deuil de l’enfant et sur les conséquences possibles du deuil d’un parent dans l’enfance.
Selon le Dr Alain SAUTERAUD même si la perception de la mort est différente chez l’enfant que chez l’adulte, le deuil de l’enfant semble avoir les mêmes étapes que le deuil d’une personne adulte. Ceci dit, les conséquences d’un deuil « mal réalisé » peuvent faire parfois plus de dégâts que chez l’adulte. En effet, l’enfant n’a pas encore terminé son développement psychomoteur. Ainsi son deuil dépend de son développement psychomoteur et de ce qu’il a compris de la mort en fonction de son âge. L’auteur reprend les propos du Dr Alain de BROCA, le deuil de l’enfant dépendra beaucoup du deuil de la personne la plus proche qui l’accompagne, le parent restant ou une autre personne. Plus l’enfant sera accompagné à avancer dans son deuil plus celui-ci se passera bien.
Josée JACQUES, psychologue, dans son livre intitulé « Psychologie de la mort et du deuil » confirme les propos d’Alain SAUTERAUD en reprenant les recherches de John BOWLBY, célèbre psychiatre anglais. Il montre que le deuil de l’enfant a les mêmes étapes que le deuil d’un adulte : période de choc, de dépression, de colère puis d’acceptation. Il précise cependant des particularités chez l’enfant.
– Le choc : sa durée et son intensité varient en fonction de l’âge de l’enfant et donc de ses représentations de la mort. La durée peut également dépendre de l’entourage de l’enfant. Celui-ci va en général se mettre au diapason des adultes qui l’entourent.
– Il existe un risque de retard de développement que l’auteur appelle « interférence dans le développement ». L’enfant consacre beaucoup d’énergie pour son développement psychomoteur. Le deuil d’une personne chère peut venir entraver ce développement en prenant toute l’énergie pour le deuil et non sa croissance.
– L’enfant aura le besoin de conserver un lien avec le défunt. L’adulte peut alors croire qu’il n’a pas compris la réalité de la mort. Á priori, c’est simplement qu’il a besoin de continuer à conserver un lien avec le défunt par divers moyens : ami imaginaire, objet qui le lit avec son proche.
– « La négation » : les enfants n’ont pas, selon leurs âges, encore bien compris la notion d’irréversibilité et d’universalité. Ils peuvent alors laisser croire à l’adulte que le défunt reviendra ou faire comme s’ils l’oubliaient. C’est une manière de se protéger. Il est important d’aller au rythme de l’enfant, de ne pas chercher à lui faire comprendre la réalité d’une manière qui serait vécue comme violente alors qu’il essaie de se protéger comme il le peut de la perte de l’être cher. Il est pour cela important de tenter de lui dire les choses en vérité pour diminuer les conséquences plus tard.
– Un sentiment de culpabilité peut survenir chez l’enfant du fait de sa « pensée magique ». L’enfant sera alors sensible à ce qu’on lui rappelle qu’il n’est en aucun cas responsable du décès de son proche.
– Chez les enfants peut naître le désir d’être une aide pour les autres (les adultes ou ses pairs). Ils ont besoin parfois d’apporter leur soutien dans cette période difficile. Ils voient des adultes qui souffrent et souhaiteraient les aider. Il est important d’être vigilant à cela car un état dépressif peut être sous-jacent. L’enfant est sensible et a besoin d’être accompagné et non l’inverse.
– Spontanément les enfants ont tendance à jouer au mort. Les laisser faire est un bon point, cela leur permet d’appréhender la réalité à leur façon.
– La colère et la tristesse sont deux émotions que l’enfant aura besoin d’exprimer, il sera de rigueur de ne pas tenter de les réprimer. Il ne faut par ailleurs pas que cela dure trop longtemps car un état dépressif pourrait survenir et s’installer.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. SITUATION CLINIQUE
1.1. RÉCIT DE LA SITUATION
1.2. ANALYSE DE LA SITUATION
1.2.1 PROBLÈMES POSÉS PAR LA SITUATION
1.2.2 PROBLÈMES QUE ME POSENT LA SITUATION
1.3. PROBLÉMATIQUE
2. RECHERCHES DOCUMENTAIRES
2.1. LES REPRÉSENTATIONS DE LA MORT ET VÉCU DU DEUIL PAR L’ENFANT
2.1.1 LA MORT
2.1.2. REPRÉSENTATIONS DE LA MORT DU POINT DE VUE DE L’ENFANT
2.1.3 LE DEUIL DE L’ENFANT
2.2. L’ANNONCE EN MÉDECINE
2.2.1. L’ANNONCE
2.2.2. PARLER DE LA MORT À UN ENFANT
3. ANALYSE
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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