Au cours de mon année de stage en seconde année de Master MEEF j’ai pu enseigner dans une classe de Moyenne section dans le 17ème arrondissement de Paris. J’ai une classe composée de 28 élèves, dont le niveau est relativement hétérogène. Le milieu social dans lequel nous nous trouvons permet d’avoir une ambiance d’école généralement très calme et il en va de même pour la classe. Cette ambiance de classe est propice à un climat de travail efficace. Cette classe ne pose pas de problème de gestion particulier, ce qui rend la mise en place de projet facilitée.
Dès le début de l’année je souhaitais me lancer dans un projet en lien avec les cultures du monde et leur découverte. Je n’ai pas réussi à réaliser ce projet assez tôt dans l’année pour en faire effectivement un tour du monde ou tout du moins une découverte de multiples cultures. Ce type de projet demande beaucoup de temps de préparation et d’expérience. Pour la première année en tant que stagiaire, avec les contraintes d’organisation et de temps, il était difficile d’organiser un tel travail avec mon binôme. Néanmoins j’ai souhaité travailler sur un continent en particulier, pour avoir une première entrée dans le projet que je pourrais construire au fil des années, en cherchant comment exploiter les supports à ma disposition. C’est ainsi que je mis en place une séquence sur l’Afrique dès la seconde période en classe, continent riche à exploiter et peu connu des élèves de maternelle. J’avais par ailleurs en classe déjà plusieurs supports pour travailler ce continent, ce qui m’a aiguillée vers ce choix. Le sujet de mon mémoire découle de ce travail fait en classe sur ce continent. La séquence que j’ai réalisée en début d’année m’a paru questionnable au niveau des apprentissages effectifs et n’était pas en accord avec ce que je souhaitais réellement transmettre aux élèves. J’ai même pu constater le confortement des idées préconçues des élèves sur l’Afrique lors d’un retour sur la séquence plus tard dans l’année. Ceci va à l’encontre de ce que je cherchais à faire, puisque la découverte de la culture devait mener à une meilleure compréhension de l’autre et des différences présentes dans le monde, sans renforcer des stéréotypes.
Insatisfaction par rapport à la séquence menée en classe
Construction de la séquence à partir des albums, des chants et comptines présents en classe
J’ai présenté aux élèves un globe terrestre, ils devaient comprendre de quoi il s’agit, plusieurs propositions ont été faites. Une balle, le monde, la Terre, la planète, un globe. Nous avons ainsi pu approcher une première représentation du monde qu’ils étaient susceptibles d’avoir déjà rencontrée. La planète Terre est quelque chose de très abstrait pour des élèves de maternelle mais dont ils ont malgré tout une idée, une représentation. Cette approche du globe n’avait pas la prétention d’une séance de géographie de Cycle 3. Il s’agissait simplement de se familiariser avec une nouvelle représentation. À partir de ce globe nous sommes partis sur le continent africain, sans le nommer. Sur notre globe il y a plusieurs images sur chaque continent (hommes, animaux, végétaux…) qui permettent de donner des indices sur l’endroit. Grâce à ces indices les élèves ont supposé qu’il s’agissait du continent africain. Cette première approche me permettait une entrée ludique et attractive du thème de l’Afrique. Je leur proposais ainsi de s’arrêter sur ce continent pour en faire le projet de notre période.
Le coin bibliothèque avait été rempli d’albums ou d’imagiers sur l’Afrique (cf. Annexe 3. Typologies des ouvrages présentés aux élèves durant cette séquence), ou tout du moins en rapport avec ce sujet, le but étant de mettre progressivement les élèves sur la piste, avant d’indiquer le projet au moment de la découverte du globe. Il faut dire que les animaux étaient à l’honneur, bon nombre d’album mettent en scène des animaux de la savane (Mario RAMOS, Valentin la terreur et Nuno le petit roi, Ole KÖNNECKE, Le grand imagier des animaux du monde). Les animaux de la savane sont toujours les mêmes et ils sont associés à l’Afrique de façon générale dans les albums et par conséquent par les élèves aussi. Comme l’indique Nathalie Thiery dans son article1 , les albums de jeunesse présentent souvent des animaux, voire même des végétaux ou des objets pour personnages. Le thème de la savane et plus généralement celui de la nature est souvent mis en avant dans les ouvrages sur l’Afrique, comme étant omniprésent et nécessaire au récit. Ces éléments dans un album de jeunesse paraissent obligatoires si l’on souhaite évoquer l’Afrique, sorte de passage obligatoire pour représenter et reconnaître ce que l’on appelle l’Afrique. Ces supports m’ont poussée à concentrer mon travail autour des animaux de la savane. En effet, en maternelle les albums sont souvent mis en avant pour leurs nombreux avantages dans les domaines du langage et de la culture littéraire. C’est un « support privilégié » nous dit Nathalie Thiery, c’est le « support à des débats » qui est spécifiquement choisis par l’enseignant ou le parent. À partir des connaissances des élèves au sujet des animaux de la savane, nous avons listé les principaux animaux auxquels ils faisaient référence pour ensuite enrichir leurs connaissances à l’aide de recherches dans les albums et autres supports. Nous nous sommes arrêtés sur le mode de vie de ces animaux et leurs particularités. Leur régime alimentaire, leur lieu de vie, la possible cohabitation des espèces, leur taille, et leur « famille ». Cette étude avait pour but de nous amener à la représentation de la savane, sur le mode de « Que puis-je trouver dans la savane ? ». Ce qui nous a amenés à travailler des compétences dans le domaine « découvrir le monde ».
La séquence s’est aussi concentrée autour d’un album, Rafara. C’est un conte africain qui présente des illustrations en rapport avec l’Afrique (les couleurs, les graphismes, ainsi que la représentation du monstre). Les illustrations proposées se cantonnent aux stéréotypes bien connu de tous. Les habitants vivent dans de petites cases dans un village. Les habits présentés sont « typiques » de l’image que l’on se fait. C’est l’histoire de trois sœurs qui vont en forêt faire la cueillette de morelles pour participer à la vie familiale, sachant qu’elles ne vont pas à l’école. Les deux grandes sœurs abandonnent la plus petite en forêt par méchanceté. Dans les bois un monstre est présent et redouté de tous. La petite Rafara est inévitablement emportée par le monstre, qui lui fait la promesse d’en faire sa « fille chérie ». La volonté du monstre est tout autre, il souhaite la dévorer. Ce monstre est recouvert de motifs africains colorés jaunes et verts. La jeune fille va par la suite rencontrer une souris avec laquelle elle va passer trois épreuves pour se sauver. La fin de cette histoire est heureuse, la petite fille peut rentrer chez elle saine et sauve. Cette petite fille représente le personnage fort qui peut se sortir de toutes situations, une sorte d’héroïne que l’on rencontre souvent dans les albums sur ces sujets. Dans cet album les motifs « africains » ont été la première chose qui m’a attirée, je voyais ici un intérêt pratique pour que les élèves aient des modèles de reproduction de graphisme. En effet ce support original leur permettait de faire une recherche de motifs puis une reproduction de ceux-ci. Les élèves ont apprécié ce moment, se sont prêtés au jeu en essayant, par groupe, de chercher de nouveaux motifs en les nommant.
Questionnement de la séquence à partir de la production finale
Les différentes étapes de ce travail nous ont permis d’avoir une image mentale, une représentation, du milieu de la savane en Afrique. Ce milieu n’était pas précis, c’est à-dire que nous n’avions pas désigné un endroit particulier sur une carte. Nous n’avons pas évoqué de ville ou de pays mais uniquement le continent dans sa globalité. L’album choisi indique qu’il s’agit d’un conte populaire africain sans autre spécificité. À partir de cette observation il faut souligner qu’il est évident que pour un enfant de 4 ans il n’y a pas de distinction possible entre « savane » et « Afrique ». J’ai inconsciemment associé les deux sans faire de distinction, pensant que la savane était l’image la plus représentative que l’on puisse se faire de l’Afrique. L’approche d’un continent est très abstraite pour les enfants, ils n’ont pas d’images mentales de ce qu’est l’Afrique. Confronté à une carte ils pourraient éventuellement la situer après en avoir vu à plusieurs reprises la représentation sous forme de carte, sans pour autant avoir la moindre idée de ce qu’est réellement le continent, sa taille réelle ou encore ce à quoi ressemblent les divers paysages de celui-ci. Pour répondre à la première question, il faut dire que l’acquis de connaissances concerne la savane africaine mais uniquement sur des points superficiels. Étant en maternelle il est évident que l’on ne rentre pas dans les spécificités scientifiques d’un milieu.
Les albums et autres supports vus en classe nous ont apporté un certain nombre d’information sur la faune et la flore présentes dans la savane. Sur ce sujet il faut noter que certaines informations sont fausses ou assez peu détaillées, notamment sur la faune, qui dans les albums, n’est que très peu présente. En réalité la savane tout comme le reste de l’Afrique présente différents aspects, et ce particulièrement en fonction des saisons. Les supports donnent souvent l’image d’un paysage désert, dépourvu de végétation, alors que par définition la savane est formée de diverses végétations.
La savane est définie comme étant une « végétation herbacée, relativement dense et touffue, dont la strate la plus haute atteint 0,8m. De nombreux auteurs soulignent la grande adaptation de ces formations végétales avec le climat tropical à deux saisons : sèche et humide. » .
Cette définition nous renvoie par conséquent à un paysage qui n’est pas en accord avec les représentations de la savane présentée dans la majorité des albums, et plus particulièrement l’album étudié en classe. La représentation de la savane s’apparente plutôt à un endroit dépourvu de végétation et de présence d’eau. En revanche on y retrouve toujours des animaux typiques comme indiqué plus haut.
La suite du projet portait sur la représentation de la savane par le biais de la peinture et de collage. Pour ce travail nous sommes partis de photographies de la savane et non plus des simples représentations que l’on avait rencontrées dans les albums et autres supports, qui ne sont que des dessins ou images pas toujours très cohérents avec la réalité. La photographie me paraissait essentielle à ce moment-là de la séquence. En effet lorsque l’on se lance dans un « projet » d’art on se base généralement sur des peintures, des sculptures ou tout autre forme d’art. On utilise en classe des photographies de ces œuvres, que l’on observe et commente. Ce type de procédure est courant en maternelle bien qu’il soit critiquable sur plusieurs points, il permet de présenter des œuvres faisant partis du patrimoine et de la culture de différents pays. Pour reproduire la savane le même processus me semblait pratique, il faut déjà voir la chose, sous plusieurs angles si possibles, pour ensuite être capable de la reproduire. Les photographies que j’ai sélectionnées pour inspirer les productions de peinture avaient toutes comme point commun d’être prises lors d’un coucher de soleil. Ce choix venait de l’envie d’utiliser des couleurs chaudes (jaune, orange et rouge) pour faire la peinture de la savane. Pour la sélection des photographies j’ai tenté de me rapprocher un maximum de ce que l’on avait vu dans les albums. Les représentations et les photographies correspondaient en partie, ce qui donne un peu plus de crédit aux images présentes dans les albums. Le problème est que l’apport des photographies aurait dû être le moment de présenter une diversité, ce qui n’était pas le cas. L’image unique de la savane est donc nécessairement associée par les élèves à l’Afrique.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. INSATISFACTION PAR RAPPORT A LA SEQUENCE MENEE EN CLASSE
1. CONSTRUCTION DE LA SEQUENCE A PARTIR DES ALBUMS, DES CHANTS ET COMPTINES PRESENTS EN CLASSE
2. QUESTIONNEMENT DE LA SEQUENCE A PARTIR DE LA PRODUCTION FINALE
3. UNE APPROCHE TROP REDUITE, A L’ECHELLE D’UN MILIEU QUI N’EST PAS UNIQUE
4. LES IDEES PRECONÇUES DES ELEVES N’ONT PAS EVOLUEES OU PEU
II. CRITIQUE DES SUPPORTS DES ENSEIGNANTS
1. LES PROBLEMES POSES PAR LES ALBUMS DE JEUNESSE
2. L’AFRIQUE AU-DELA DES STEREOTYPES
3. L’ECOLE MATERNELLE, LIEU DE REPRODUCTION IMPLICITE DES STEREOTYPES CULTURELS
III. COMMENT PEUT-ON EXPLOITER DIFFEREMMENT CES APPRENTISSAGES?
1. QUELS SUPPORTS POUVONS-NOUS UTILISER ?
2. L’APPROCHE DES CONTINENTS EST-ELLE UTILE POUR DES ELEVES DE MATERNELLE ? COMMENT DIFFERENCIER UN ENSEMBLE SI VASTE ?
3. QUAND VA-T-ON PARLER DE L’AFRIQUE DURANT LE PARCOURS SCOLAIRE D’UN ENFANT ?
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE ET SITOGRAPHIE
ANNEXES
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