Les réponses aux dommages de l’ADN (DDR)
Chaque jour, les 75 000 milliards de cellules qui composent l’organisme subissent chacune en moyenne de 1 000 à 10 000 lésions au niveau de leurs ADN (3).
Etant donné les effets potentiellement dévastateurs de l’instabilité génomique engendrée par ces dommages (cancer, vieillissement, mort), les cellules ont développé un réseau de signalisation pour une réponse spécifique aux différentes lésions de l’ADN connu sous le nom de réponse aux dommages de l’ADN (4). Ces lésions peuvent découler de contraintes endogènes résultant d’erreurs de réplication de l’ADN et des sous-produits du métabolisme cellulaire, mais aussi de sources exogènes comme les rayonnements ionisants et ultraviolets. Nous allons donc aborder dans la première partie de cette étude bibliographique la description des différentes sources de dommages de l’ADN. Nous nous intéresserons ensuite à la mise en place de la cascade de signalisation de la DDR pouvant mener à différentes réponses effectives : arrêt du cycle cellulaire, modulation de la transcription de certains gènes, activation de la réparation de l’ADN ou apoptose. Enfin, les implications pathologiques liées à un défaut de la DDR seront abordées.
Les dommages de l’ADN
Les sources endogènes et leurs lésions associées
La majorité des altérations endogènes touchant l’ADN résulte en de petites lésions n’impactant que faiblement la structure de la double hélice d’ADN . La grande majorité de ces lésions sont la conséquence de l’activité métabolique normale des cellules en présence d’oxygène. En effet, bien qu’indispensable à la vie, l’oxygène possède aussi un effet délétère sur l’organisme : c’est le paradoxe de la vie en aérobie (5). Le métabolisme oxydatif dans les mitochondries, ainsi que la peroxydation des lipides génèrent des radicaux libres (ROS pour reactive oxygen species). La cellule se retrouve donc en présence de radicaux hydroxyles (•OH), de peroxydes d’hydrogène (H2O2) et d’anions superoxyde (O2•) qui sont immédiatement pris en charge par un système de détoxification complexe comprenant notamment la superoxide dismutase (6). Ces radicaux libres, que l’on nomme stress oxydant, vont mener à l’apparition de dommages oxydatifs dont la nature et le rendement dépendent de la nature des espèces oxydantes (7). Ces espèces réactives de l’oxygène peuvent provoquer divers types de lésions comme des cassures simple brin de l’oxygène peuvent provoquer divers types de lésions comme des cassures simple brin de l’ADN, des pontages ADN-protéines, des modifications et des pertes de bases. Parmi les modifications, on observe des désaminations, ainsi que la formation de diol de thymine et d’uracile. On retrouve aussi des lésions oxydatives dont la plus abondante est la 8-oxoguanine (8-oxoG) (9). La perte de bases peut avoir lieu spontanément ou après une oxydation ou une alkylation de l’ADN. Elle est due à une hydrolyse de la liaison glycosidique formant ainsi un site abasique.
L’activité métabolique cellulaire peut aussi entraîner des défauts de réplications (3) menant à des mésappariements ou à l’incorporation de nucléotides modifiés par oxydation (10). L’ADN possède aussi une instabilité intrinsèque. En effet, l’eau à 37°C est aussi responsable de la désamination spontanée de bases qui vont transformer l’adénine en hypo-xanthine, la guanine en xanthine, la cytosine en uracile et la 5 Methyl-cytosine en thymine entraînant une altération de l’information codante .
Les sources exogènes et leurs lésions associées
Les dommages d’origines exogènes sont ceux provoqués par des agents externes à la cellule comme les rayonnements ultraviolets (UV), les rayonnements ionisants (RI), la fumée de cigarette ou encore les traitements de chimiothérapie . La majorité de ces altérations résulte en l’apparition de lésions volumineuses ayant un impact sur la structure de la double hélice d’ADN.
Stress chimiques
Il existe de nombreux agents chimiques qui peuvent endommager l’ADN. En exemple, on peut citer les agents alkylants ou les drogues antitumorales comme le cisplatine ou la bléomycine. Comme leurs noms l’indiquent, les agents alkylants sont à l’origine d’ajout de groupement alkyle. Ces alkylations peuvent être directes ou indirectes. Dans ce dernier cas, l’agent génotoxique nécessite une métabolisation par la cellule avant de pouvoir interagir avec la molécule d’ADN. Ceci se produit par exemple avec la fumée de cigarette contenant notamment des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Le benzo-[a]-pyrène (BaP), le métabolite de l’un des HAP les plus nocifs, réagit alors avec l’ADN pour donner l’adduit volumineux du BaP-diol époxyde (12). La métabolisation du BaP peut aussi générer des ROS induisant la formation de bases oxydées et des cassures de brins. En revanche, le cisplatine va réaliser une alkylation directe. Ce composé utilisé en traitement chimiothérapeutique est à l’origine de la formation de liaisons intra- ou inter-brins au sein de la double hélice d’ADN (13, 14). Il peut également donner lieu au relargage d’espèces réactives de l’oxygène et à la formation de dommages oxydatifs (15). Enfin, certains agents chimiques comme la bléomycine peuvent créer des cassures double brin de l’ADN.
Stress physiques
Les agents mutagènes physiques correspondent principalement aux rayonnements ultraviolets provenant du soleil, ou ionisants dus aux rayonnements cosmiques, aux éléments radioactifs présents dans le sol, mais aussi aux traitements médicaux. Parmi les trois catégories de rayonnements UV, seuls les UVA et les UVB sont capables de pénétrer l’atmosphère de la Terre. En effet, les UVC, les UV les plus énergétiques et donc les plus nocifs, sont complètement filtrés par la couche d’ozone et n’atteignent donc pas la surface de la Terre. Les UVB vont provoquer différentes lésions au niveau de la molécule d’ADN comme les dimères de pyrimidines (CPD correspondant à une liaison TT, CC, TC ou CT du même brin d’ADN) ou les photoproduits 6-4 (6-4PP correspondant à une liaison TC). Dans une moindre mesure, ces UVB peuvent aussi engendrer la formation de petites lésions oxydatives comme la 8-oxoG. Les UVA, quant à eux, ont été pendant longtemps associés exclusivement à la formation de dommages oxydatifs (16). En effet, ils sont faiblement absorbés par les bases de l’ADN et excitent donc plus facilement les chromophores cellulaires comme les mélanines et le tryptophane (17). C’est l’émission d’énergie entraînée par la désexcitation de ces photosensibilisateurs qui va mener à la formation d’espèces réactives de l’oxygène comme l’oxygène singulet (1O2) ou l’anion superoxyde (O2•-) (18). Cependant des études ont démontré qu’une irradiation par les UVA conduisait à la formation de six fois plus de CPD que de 8-oxoG dans l’ADN de fibroblastes (19). Ce même résultat est retrouvé au niveau de la peau .
Cas des rayonnements ionisants
De par leur nature, les rayonnements ionisants peuvent induire des dommages dans les différents compartiments cellulaires, dont la molécule d’ADN (21). Ils peuvent avoir un effet direct résultant du dépôt d’énergie sur le substrat conduisant à une ionisation de ce dernier, ou un effet indirect résultant de l’interaction du rayonnement avec une molécule d’eau. Cette radiolyse de l’eau est responsable d’environ 75% des interactions des rayonnements ionisants avec la matière (22). Elle engendre la formation de deux radicaux hautement réactifs, mais possédant une durée de vie très courte : OH- et H+ . Ces ions ainsi formés vont réagir et mener à la formation d’espèces réactives de l’oxygène tels que l’anion superoxyde (O2•-), le radical hydroxyle (•OH) et le peroxyde d’hydrogène (H2O2). Ces ROS vont entraîner l’apparition de coupures simple ou double brin de la molécule d’ADN, des modifications de bases comme l’apparition de diols de thymine ou d’uracile ou aussi de 8-oxoguanine. On retrouve aussi des pontages ADN protéines ainsi que des pertes de bases (3). En ce qui concerne les effets directs des rayonnements ionisants, on retrouve principalement la formation de bases modifiées provenant de l’arrachement d’électrons formant ainsi un cation radical. On peut notamment citer le 2-désoxyribose, le 2’-désoxyguanosine et le 2’- désoxyadénosine. Enfin, les rayonnements ionisants sont aussi susceptibles de créer des lésions complexes telles que les adduits cytosine dCyd341 .
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Table des matières
Introduction
Avant-propos
Etude bibliographique
I – Les réponses aux dommages de l’ADN (DDR)
A – Les dommages de l’ADN
1) Les sources endogènes et leurs lésions associées
2) Les sources exogènes et leurs lésions associées
B – Les réponses aux dommages de l’ADN
1) Le signalement des dommages
2) Les réponses effectives du DDR
C – Les systèmes de réparation de l’ADN
1) La réparation par excision de bases
2) La réparation par excision de nucléotides
3) La réparation par suture non homologue
4) La réparation par recombinaison homologue
5) La réparation des mésappariements
D – Implications pathologiques de défauts dans la DDR
II – Le syndrome de Gorlin
A – Le syndrome de Gorlin
1) Historique, généralités et signes cliniques
2) Etiologie
B – La voie sonic hedgehog (SHH)
1) Historique et généralités
2) Fonctionnement
3) Modèles et rôles physiologiques
4) Implications pathologiques de défauts dans la voie SHH
C – La peau
1) Généralités et structure
2) Les cancers cutanés
3) Cas des fibroblastes issus des patients Gorlin
III – La radiosensibilité
A – Les rayonnements ionisants
1) Définitions et généralités
2) Conséquences : de la cellule à l’organisme
3) Cas des faibles doses d’irradiation
B – La radiosensibilité humaine
1) Définition et généralités
2) Radiosensibilité et réparation de l’ADN
Objectifs
Résultats
Conclusion