Les relevés en astronomie
Auparavant, les observations portaient sur des galaxies une à une indépendamment, mais depuis une vingtaine d’années, de plus en plus de projets observationnels sont des relevés systématiques, c-à-d des observations systématiques d’une partie du ciel ayant les mêmes propriétés observationnelles : temps de pose, caméra, filtre, etc. L’avantage d’un relevé est double : il permet de créer un observatoire virtuel accessible à tous, et de déduire des résultats statistiques sur les galaxies observées comme par exemple le nombre de galaxies par Mpc , la fraction des types morphologiques des galaxies, le taux moyen de formation stellaire, etc. Les relevés permettent aussi de tester la validité des simulations cosmologiques en comparant les propriétés statistiques des galaxies observées à celles des galaxies simulées. Bien que, durant mon doctorat, je n’ai travaillé que sur des données provenant du relevé IMAGES, j’ai dû me familiariser ou alors utiliser plusieurs autres relevés observationnels et numériques. Ce mode d’observation est devenu si courant et si diversifié qu’il est rare de ne pas l’utiliser.
Avant de décrire les relevés observationnels, j’expose le modèle standard de formation des galaxies puis je détaille quelques simulations cosmologiques qui servent à le matérialiser numériquement. Je passe ensuite en revue les relevés observationnels de premier plan de l’univers proche et lointain. Enfin, la classe des relevés avec champs de vitesse de l’univers lointain est introduite.
Le modèle hiérarchique
Depuis plus de douze ans, un modèle de formation de l’univers a pris le pas sur tous les autres : le modèle hiérarchique ΛCDM (Λ Cold dark matter). Instauré en grande partie par le travail de White et Rees (1978) pour l’aspect d’évolution hiérarchique, il a ensuite été complété par la découverte de la matière noire et de la constante cosmologique Λ. Il explique la formation et l’évolution des galaxies depuis le début de l’univers jusqu’à nos jours en se basant sur quatre idées : la théorie du Big Bang, l’expansion de l’univers, la prédominance de la matière noire et l’importance du mécanisme de fusion dans l’évolution des galaxies.
De la découverte des premières galaxies au concept d’univers-îles
Par une nuit dégagée, deux nébuleuses sont visibles à l’oeil nu dans le ciel de l’hémisphère sud, le Grand et le Petit Nuage de Magellan (SMC et LMC pour Small et Large Magellanic Cloud), tandis que dans l’hémisphère nord, une petite tache proche de l’étoile ν Andromeda se distingue, la célèbre galaxie M31 ou galaxie d’Andromède. Ces trois nébuleuses plus la Voie Lactée ont longtemps été les seules galaxies observées et observables. Il a fallu attendre les progrès de l’optique avec l’invention de la lunette astrononomique par Galilée et du télescope par Newton pour pouvoir étudier les nombreuses autres galaxies.
Le premier à avoir recensé et catalogué des galaxies a été Charles Messier au xviiie siècle. A la recherche de comètes, il a voulu écarter les nébuleuses sans mouvement apparent qui pouvaient prêter à confusion. Il a alors recensé, aidé de Pierre Méchain, une centaine de nébuleuses lors d’un des premiers relevés systématiques du ciel de l’hémisphère Nord. Une partie de ces nébuleuses se trouve être des galaxies ; le reste est partagé entre des amas globulaires, des amas ouverts et des nuages interstellaires. Il a enregistré la position de chaque nébuleuse et les a numérotées avec la lettre M suivie d’un numéro de 1 à 110 dans le catalogue Messier . Le xixe siècle n’a fait qu’amplifier ce recensement de nébuleuses. John Dreyer, par la publication du New General Catalogue (NGC), a fait le bilan des nébuleuses découvertes jusqu’en 1888. Il en a recensées près de 7800. William Herschel et son fils John ont eu un rôle capital dans cette recherche scientifique car ils ont construit des télescopes de 30 et 40 cm, les plus grands pour l’époque, afin de rechercher et d’observer ces nébuleuses. Entrant dans le xxe siècle, les astronomes connaissaient la position de plus de 10 000 nébuleuses, en grande partie des galaxies, répertoriées dans l’Index Catalogue (IC) compilé par Dreyer et faisant suite au NGC. En ce début de xxe siècle, parallèlement aux observations, le célèbre débat théorique sur la nature des nébuleuses a divisé la communauté scientifique. Les uns ont prôné que la Voie Lactée était la seule grande structure de l’univers, les nébuleuses n’étaient alors que ces satellites ; les autres ont proposé que l’univers était bien plus grand composé de nombreuses galaxies dont la Voie Lactée n’était qu’un exemple. Afin de trancher ce débat, la distance des nébuleuses devait être déterminée. Edwin Hubble a estimé le premier la distance de quelques nébuleuses en utilisant les travaux de Lewitt sur les Céphéides ; ces dernières sont des étoiles variables dont la variabilité lumineuse est liée à la luminosité intrinsèque, ce qui en fait des chandelles standards permettant d’en déduire leur distance. La distance de M31 a ainsi été estimée à près de 275 kpc (Hubble, 1929b). La Voie Lactée n’ayant qu’une dimension de l’ordre de 10 kpc, cela a démontré que les galaxies sont des ensembles d’étoiles indépendants de la Voie Lactée, voguant dans l’univers telles des « univers-îles » pour reprendre la célèbre formule d’Emmanuel Kant.
Le Big Bang
En plus de la vérification du concept d’univers-île, Hubble a marqué l’astronomie une seconde fois en découvrant que les galaxies dans leur immense majorité s’éloignent de la Voie Lactée proportionnellement à leur distance à cette dernière Hubble (1929a). Ce phénomène physique est dû à l’expansion de l’univers et ne peut s’expliquer que dans le cadre de la relativité générale où l’espace-temps n’est plus fixe mais malléable, dépendant du contenu énergétique de l’univers, quantifié par une série de grandeurs. Les plus importantes sont listées ci-après :
– ΩM = 0.28, la densité de la matière dans l’univers ;
– ΩΛ = 0.73, la densité d’énergie sombre dans l’univers ;
– H0 = 70 km.s⁻¹ .Mpc⁻¹ , la constante de Hubble ;
– ns = 0.96, l’indice spectral scalaire ;
– σ8 = 0.812, la fluctuation d’amplitude dans 8 h⁻¹ .Mpc.
Ces données proviennent de Komatsu et al. (2009).
Un univers en expansion implique un univers plus compact dans le passé. Une expansion constante conduit à un univers de densité quasi-infinie dans le passé qui serait le début de l’univers : le Big Bang. A cette période, la matière devait être dans un état de plasma avec une forte interaction lumière-matière.
En 1965, Arno Allan Penzias et Robert Woodrow Wilson ont découvert de manière fortuite une source de rayonnement à la température de 2.7 K provenant de toutes les directions : le fond diffus cosmologique, CMB pour Cosmological Microwave Background (Penzias et Wilson, 1965). Cette découverte s’explique dans le cadre de la théorie du Big Bang par l’image de l’univers jeune et chaud. En effet, le plasma initial s’est refroidi avec l’expansion de l’univers et la matière s’est recombinée pour devenir transparente à la lumière à z = 1 100, 300 000 ans après le Big Bang. Cette époque de l’univers est nommée l’époque de recombinaison. Le CMB est la lumière émise à ce redshift par le plasma qui a été ensuite décalée vers les ondes millimétriques par l’expansion de l’univers (voir Hu et Dodelson, 2002, pour une revue sur les anisotropies du CMB). Trois sondes spatiales ont cartographié le CMB : la première a été COBE (Cosmic Background Explorer Bennett et al., 1996), suivie de WMAP (Wilkinson Microwave Anisotropy Probe, Spergel et al., 2003 ) et enfin Planck qui a terminé sa mission en 2011 (Tauber et al., 2010).
|
Table des matières
INTRODUCTION
1 Les relevés en astronomie
1.1 Le modèle hiérarchique
1.1.1 De la découverte des premières galaxies au concept d’univers-îles
1.1.2 Le Big Bang
1.1.3 Du Big Bang à nos jours – le modèle de structuration de l’univers
1.2 Simulations Cosmologiques
1.2.1 GIF
1.2.2 Millennium I et II
1.2.3 DEUSS
1.3 Les relevés observationnels
1.3.1 Les relevés de l’univers proche
1.3.2 Les relevés photométriques de l’univers lointain
1.3.3 Les relevés spectroscopiques de l’univers lointain
1.3.4 Les relevés pan-chromatiques de l’univers lointain
1.3.5 Les relevés 3D de l’univers lointain
1.4 IMAGES
1.4.1 IMAGES, un relevé 3D pan-chromatique de l’univers intermédiaire
1.4.2 Sélection des 63 galaxies d’IMAGES
1.4.3 Sélection et propriétés des nouvelles galaxies d’IMAGES
2 Etude morphologique de 12 galaxies dans IMAGES
2.1 Le choix des données pour une classification morphologique
2.1.1 La bande spectrale
2.1.2 La profondeur
2.1.3 La résolution
2.2 Les classifications morphologiques
2.2.1 Les classifications qualitatives
2.2.2 Les classifications paramétriques
2.2.3 La séquence de Hubble dans l’univers proche
2.2.4 Les classifications non-paramétriques
2.2.5 Les classifications avec une information couleur
2.2.6 La morphologie des galaxies à grand redshift
2.3 La classification morphologique utilisée sur l’échantillon de galaxies
2.3.1 Les données observationnelles pour la classification
2.3.2 Les critères de la classification
2.3.3 Les différents types de galaxies
2.3.4 L’arbre de décision de la classification
2.4 Résultats
2.4.1 Classification morphologique de l’échantillon
2.4.2 Comparaison avec le diagramme de Hubble à z = 0.6
2.4.3 Critiques et conséquences de la classification morphologique
3 Etude cinématique de 12 galaxies dans IMAGES
3.1 Les deux modèles de cinématique dans l’univers proche
3.1.1 La cinématique des galaxies elliptiques
3.1.2 La cinématique des galaxies spirales
3.2 Techniques de mesure de la cinématique interne d’une galaxie
3.2.1 Fente Longue
3.2.2 Champs de vitesse dans l’univers proche
3.2.3 A grand redshift : la spectrographie à intégrale de champ
3.2.4 Le spectrographe FLAMES/GIRAFFE
3.3 Création des champs de vitesse et de dispersion avec les données GIRAFFE
3.3.1 Traitement des spectres
3.3.2 Cartes de vitesse, de dispersion et de S/B
3.4 Classification cinématique
3.4.1 Modèlisation de champs de vitesse en rotation
3.4.2 Les classes cinématiques
3.4.3 Comparaison avec d’autres études de classification cinématique
3.5 Résultat
3.5.1 Classification cinématique de l’échantillon
3.5.2 Comparaison des classifications morphologiques et cinématiques
3.5.3 Comparaison avec les autres relevés 3D
CONCLUSION