Les relatives du popoluca de Texistepec

Popoluca de Texistepec et famille mixe-zoque

Le popoluca de Texistepec est une langue parlée dans la ville mexicaine de Texistepec, située dans le sud-est de l’État de Veracruz, dans l’isthme de Tehuantepec. Fondée par les Olmèques, Texistepec s’étend sur environ 450 km2 à 40 mètres au-dessus du niveau de la mer, sur les contreforts de la plaine de Sotavento. Le toponyme est d’origine nahuatl et veut dire « sur la colline de l’escargot ».Selon le classement de Boudreault (2017:S1), le TEX appartient à la famille linguistique mixe-zoque et, plus particulièrement, à la branche zoque et la sous-branche zoque du golfe  : Les langues de la famille mixe-zoque sont parlées sur le territoire mexicain situé dans l’isthme de Tehuantepec : dans le sud de l’État de Veracruz, dans le nord de l’État de Tabasco et dans une grande partie des États de Oaxaca et Chiapas. Voici sur une carte la localisation géographique des locuteurs de langues de la branche zoque, dont le TEX (Wonderly, 1949, et Zavala Maldonado, 2011, cités dans Boudreault, 2017:S3) : Le mot popoluca est utilisé pour faire référence à quatre langues différentes : le popoluca de Sayula (appelé aussi sayultec), le popoluca de la Sierra (appelée aussi soteapanec ou soteapaneco), le popoluca d’Oluta (appelée aussi olutec) et le popoluca de Texistepec. Cependant, les quatre n’appartiennent pas à la même branche de la famille mixe-zoque, puisque le sayultec et l’olutec sont des langues mixes alors que le soteapanec et le TEX sont des langues zoques. De plus, l’intelligibilité entre les locuteurs de ces langues mixes et ceux du TEX n’est pas assurée (Reilly, 2002:3).

État de l’art de la description du popoluca de Texistepec

Même si le TEX reste une langue peu décrite, certains chercheurs s’y sont intéressés et l’ont étudiée sur le terrain auprès d’informateurs natifs. Les deux personnes qui y ont contribué le plus sont Søren Wichmann, chercheur linguiste danois, et Ehren M. Reilly, ancien étudiant états-unien de linguistique. Voici le travail qui a été mené jusqu’à présent : La première publication est un livre de linguistique d’Eustorjio Calderón (1908), qui porte sur plusieurs langues parlées dans l’isthme de Tehuantepec. Après avoir élicité certains mots en TEX, il les présente et en commente quelques aspects phonologiques.
Au début des années cinquante du XXe siècle, un anthropologue, Lawrence Clark, a recueilli un certain nombre de mots élicités, qui sont inclus dans un article publié (Clark, 1982) et dans deux lexiques conservés par le SIL, compilés avec le linguiste Norman Nordell (Clark et Nordell, 1980 ; Nordell et Clark, 1980). Le SIL possède également un petit corpus manuscrit d’une vingtaine de pages de phrases élicitées et partiellement glosées en espagnol de Norman Nordell (1980), ainsi qu’un document sur la phonologie co-écrit avec la linguiste états-unienne Doris Bartholomew (Nordell et Bartholomew, 1990), où l’on trouve l’inventaire de phonèmes et certains processus phonologiques.
Entre 1991 et 1993, le linguiste Søren Wichmann a mené une première recherche de terrain dans la ville de Texistepec avec deux informateurs. Avec les données recueillies, il a publié un article de phonologie (Wichmann, 1994), une monographie sur les langues mixe-zoque (Wichmann, 1995), le livre bilingue de contes qui a rendu possible la recherche de ce mémoire (Wichmann, 1996), un chapitre de livre sur l’oralité (Wichmann, 2000), un dictionnaire analytique TEX-espagnol (Wichmann, 2002), un article sur les auxiliaires verbaux (Wichmann, 2003, en anglais, et Wichmann, 2004, en espagnol), et un livre faisant partie d’une collection des Archives de langues indigènes du Mexique, où il décrit la phonologie et donne certains exemples de textes glosés et traduits (Wichmann, 2007a). Dix ans après cette dernière publication, il a coécrit un article avec Lynda Boudreault, où il reprend une partie des contes publiés en 1996 pour un numéro de la revue IJAL consacré à des narratives en langues zoques (Wichmann et Boudreault, 2017).

Profil typologique

Cette section explique les points communs des langues de la famille linguistique mixe-zoque, de la branche zoque et de la sous-branche zoque du golfe, et les données disponibles sur le TEX spécifiquement. Certaines caractéristiques sont évoquées plusieurs fois dans ces quatre sous-sections, afin de les restreindre au fur et à mesure.
Selon Boudreault (2017:S5, S13 et S16), les langues de la famille mixe-zoque présentent en général un alignement ergatif scindé, qui varie en fonction d’une hiérarchie de personnes grammaticales indépendamment de la fonction syntaxique, et traitent tous les objets comme primaires. La plupart de ces langues privilégient l’ordre verbe-objet, même si celles de la branche zoque présentent des traits prototypiquement attribués plutôt aux langues à ordre objet-verbe. Les noms relationnels sont souvent composés de marques de cas locatif et des noms des parties du corps.Toujours d’après Boudreault (2017:S4-S6), toutes les langues de la branche zoque, dont le TEX, sont morphologiquement complexes, polysynthétiques, agglutinantes et ergatives. Les mots peuvent être composés d’une ou plusieurs racines et de nombreux affixes et clitiques, mais la flexion nominale est souvent réduite, limitée à une marque de personne et nombre du possesseur appliquée à la possession. Les morphèmes dérivationnels et flexionnels sont souvent appliqués à la tête des syntagmes (langues head-marking), au verbe dans le cas du syntagme verbal. Leur morphologie verbale est très riche et productive, à la fois dérivationnelle, avec des verbes sériels, et flexionnelle. Ainsi, un seul mot (un verbe) peut constituer une proposition entière et les syntagmes argumentaux peuvent être omis. En ce qui concerne la phonologie, on trouve six voyelles : /i/, /u/, /e/, /o/, /a/, ainsi que /ɨ/ ou /ə/ (en fonction des auteurs) (Boudreault, 2017:S20). Dans la sous-branche zoque du golfe, Boudreault (2017:S8) affirme que les sujets transitifs (terme A) sont alignés aux possesseurs de noms (marquage ergatif), et que les sujets intransitifs (terme S) sont alignés aux objets directs (terme P) et indirects des phrases transitives et ditransitives (marquage absolutif). Cet alignement est néanmoins ergatif scindé (Dixon, 1994), en fonction de la hiérarchie de personnes où la première et la deuxième dépassent la troisième.
En ce qui concerne le TEX plus spécifiquement, Reilly (2002:11) diverge légèrement par rapport à la liste de voyelles des langues zoques de Boudreault (2017:S20) et propose la suivante : /u/, /ɛ/ (plutôt que /e/), /ɔ/ (plutôt que /o/), /a/, /ɨ/ et /i/. Wichmann (2007a:32) ajoute la semi-voyelle /w/.

Typologie des relatives dans les langues du monde

Lorsqu’on envisage la description des relatives d’une langue, il convient d’étudier d’abord quels sont les phénomènes trouvés dans les langues naturelles du monde. Afin de rendre explicite cette démarche dans le mémoire, on définit quelles structures peuvent être considérées comme des propositions relatives, comment les classer et quels aspects décrire. Cette section servira ensuite d’introduction et de repère pour la présentation des résultats de ma recherche de corpus. Enfin, après avoir combiné théorie et exemples, on déterminera la place du TEX dans la typologie universelle des relatives.

Définition

Une relative est une proposition subordonnée qui restreint la référence d’un syntagme nominal (l’antécédent) moyennant la spécification du rôle du référent du syntagme dans la situation décrite par la subordonnée (Andrews, 2007:206). Dans l’exemple [1], la proposition subordonnée (entre crochets) restreint la référence du SN les filles.
(1) Les filles [qui sont arrivées hier] sont autrichiennes.
À partir d’un groupe de filles, la relative permet d’en délimiter un ensemble pour ne prédiquer que sur celles qui remplissent la restriction, en l’occurrence, celles qui sont arrivées hier. À l’intérieur de la subordonnée, le mot qui est coréférent avec le SN extérieur les filles, remplit la position thématique du seul argument du verbe sont arrivées et permet de coder que le SN relativisé est un sujet (on aurait eu que pour un objet relativisé, par exemple). Ces traits font du mot qui un pronom relatif en français.
Dans les grammaires traditionnelles de langues comme l’anglais ou l’espagnol, les relatives sont décrites comme des structures enchâssées ayant un antécédent. Elles sont souvent divisées entre restrictives (ou déterminatives), comme dans l’exemple [1], et non restrictives (ou explicatives), comme dans l’exemple [2], en fonction de la capacité de la proposition de définir l’ensemble des unités de l’antécédent ou d’en apporter un commentaire accessoire, respectivement (Comrie, 1981:138-139, et Andrews, 2007:207).
(1) Les filles qui sont arrivées hier sont autrichiennes. (Certaines filles sont arrivées hier. Seules ces filles sont autrichiennes.)
(2) Les filles, qui sont arrivées hier, sont autrichiennes. (Toutes les filles sont autrichiennes. Toutes les filles sont arrivées hier.)
Or, le classement entre déterminatives et explicatives n’est pas pertinent typologiquement. Malgré la ressemblance syntaxique, les explicatives présentent des traits sémantiques et pragmatiques totalement différents et ne répondent pas à la définition donnée de proposition restreignant la référence d’un syntagme nominal (SN) (Comrie, 1981:139). Les relatives peuvent être enchâssées (dans le SN de l’antécédent) ou adjointes (un complément dans le SV), voire ne pas avoir d’antécédent. Par ailleurs, les grammaires traditionnelles font rarement la distinction entre les pronoms relatifs, qui permettent de coder des informations sur l’antécédent (son rôle, sa définitude, etc.), et les complémenteurs, qui n’apportent aucune donnée. En revanche, en espagnol par exemple, elles traitent ce qui est un seul complémenteur de manière différente en fonction du contexte : comme pronom relatif, lorsqu’il introduit une relative, comme dans l’exemple [3], ou comme conjonction, dans d’autres contextes, comme dans la complétive de l’exemple [4].
(3) La mujer [que vino ayer] es austríaca. « La femme qui est venue hier est autrichienne. » (4) Creo [que esa mujer es austríaca]. « Je crois que cette femme est autrichienne. »

Critères de description

Globalement, les structures relatives peuvent être composées de quatre éléments : l’antécédent, qui est le SN dont la référence est restreinte et remplit une fonction syntaxique dans la proposition principale ; la proposition subordonnée restrictive, qui est la relative elle-même ; le SN relativisé, qui est situé dans la proposition restrictive et coréférent avec l’antécédent ; et le relativiseur, qui est un morphème ou particule définissant la proposition restrictive comme relative (Payne,1997:325-326). Ces quatre éléments ne sont pas forcément présents dans toutes les constructions relatives, mais déterminent typologiquement les stratégies de relativisation, chaque langue pouvant en avoir plusieurs. Les critères pour décrire les relatives d’une langue sont donc le rapport entre l’antécédent et la proposition subordonnée , les stratégies de codage de la fonction syntaxique du SN relativisé à l’intérieur de la subordonnée (à ne pas confondre avec la fonction de l’antécédent dans la proposition principale ), et les fonctions syntaxiques pouvant être relativisées .

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Table des matières

1. Introduction 
2. Popoluca de Texistepec et famille mixe-zoque 
3. État de l’art de la description du popoluca de Texistepec
4. Profil typologique 
5. Corpus et méthode
6. Typologie des relatives dans les langues du monde
6.1. Définition
6.2. Critères de description
6.2.1. Rapport entre l’antécédent et la proposition relative
6.2.2. Codage du rôle relativisé
6.2.3. Accessibilité de la relativisation des rôles
6.3. Résumé
7. Interrogatives
8. Relatives
8.1. Relatives avec antécédent lexical
8.1.1. Avec antécédent lexical : gapping avec relativiseur
8.1.2. Avec antécédent lexical : gapping avec mot subordinateur
8.1.3. Avec antécédent lexical : gapping asyndétique
8.1.4. Avec antécédent lexical : mouvement et pronom relatif
8.1.5. Récapitulatif des relatives avec antécédent lexical
8.2. Relatives sans antécédent
8.2.1. Sans antécédent : gapping avec relativiseur
8.2.2. Sans antécédent : mouvement et pronom relatif
8.2.3. Récapitulatif des relatives sans antécédent
8.3. Relatives avec antécédent fonctionnel
8.3.1. Avec antécédent fonctionnel : gapping avec relativiseur
8.3.2. Avec antécédent fonctionnel : gapping asyndétique
8.3.3. Avec antécédent fonctionnel : mouvement et pronom relatif
8.3.4. Récapitulatif des relatives avec antécédent fonctionnel
9. Conclusion
Bibliographie

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