Les relations plantes-sol-microorganismes au sein d’un écosystème forestier

Madagascar est mondialement connu pour sa richesse en biodiversité floristique et faunistique ainsi que pour ses écosystèmes forestiers où le taux d’endémicité floristique est estimé aux alentours de 80% (Schatz et al., 2001 ; Mittermeier et al., 2004). Ces écosystèmes naturels abritent des ressources phytogénétiques ayant une importance capitale pour l’alimentation, l’agriculture et l’environnement, notamment des espèces sauvages endémiques qui sont menacées d’extinction à cause de la dégradation de leurs habitats naturels (Ramamonjisoa et al., 2003). En effet, la grande île est également concernée par les problèmes liés à la perturbation de l’environnement qui touchent essentiellement les pays tropicaux à grande potentialité en terme de biodiversité. La réduction des surfaces de couverture forestière est constatée dans la majorité des régions (Minenvef, 2007). Cependant, malgré cette alarmante dégradation, les problèmes environnementaux ont été souvent relégués au second plan vu les niveaux de pauvreté du pays. Ce n’est que récemment, et suite aux décisions de la communauté internationale, que l’Etat Malagasy a mis en place un programme visant à privilégier les activités ayant comme priorité la protection de l’environnement.

Les forêts sclérophylles d’Uapaca bojeri, une essence endémique connue pour ces valeurs socio-économiques et environnementales, figurent parmi les écosystèmes les plus touchés par ces perturbations (Kull et al., 2002). En effet, le recul progressif de la forêt est accompagné, dans certaines régions, par la propagation d’essences exotiques telles que Pinus patula et Eucalyptus sp. Les observations faites à différents endroits de la forêt ont également montré l’avancement de sa dégradation par la présence des surfaces sans couverture végétale et/ou des zones érodées ainsi que la propagation d’espèces arbustives au niveau de certaines zones enciennement colonisées par U. bojeri.

La potentialité des espèces végétales allogènes à perturber la structure et le fonctionnement de l’écosystème a été mondialement reconnu ces dernières années (Pimentel, 2002 ; Pascal et al., 2006). Par ailleurs, l’invasion biologique par les plantes exotiques a également des impacts socio-économiques non négligeables. En Amérique du Nord, le fardeau économique causé par l’invasion de la Salicaire (Lythrum salicaria), une plante originaire de l’Europe est évalué à 45 millions de dollars par an (Pimentel et al., 2000). De plus, les invasions par les espèces végétales exotiques et la dégradation des sols figurent parmi les principales causes de la perte de la biodiversité constatée à l’échelle mondiale (Xingjun et al., 2005). Certains biologistes ont estimé que 2 à 13% des espèces de la planète pourraient s’éteindre dans la période entre 1990 et 2015 (Reid, 1992) à cause des phénomènes tels que la pollution, la surexploitation, le changement climatique, les invasions d’espèces exotiques et les maladies (Forester et Machlis, 1996). Or à Madagascar, la plupart des essences utilisées en reboisement sont des espèces exotiques, ce qui rend plus difficile le maintien de la biodiversité endémique (Ramamonjisoa, 1999 ; Randrianjafy, 1999). La surexploitation de certaines essences endémiques couplée avec leur faible pouvoir de régénération entraînent également la réduction de la surface occupée par les forêts naturelles permettant ainsi l’installation d’autres espèces plus tolérantes, plus resistantes et plus compétitives (Meerts et al., 2004). Dans ce sens, les zones dégradées des forêts sclérophylles d’Uapaca bojeri sont essentiellement colonisées soit par des plantes exotiques soit par des arbustes natives.

Jusqu’à présent, peu d’études ont été entreprises concernant la dynamique et la gestion des communautés végétales et microbiennes au sein de ces écosystèmes forestiers de Madagascar. En effet, certaines espèces végétales sont capables d’influencer d’une manière favorable ou non le développement d’une autre espèce par l’intermédiaire de la communauté microbienne du sol et/ou par la production de métabolites (exsudation racinaire) (Holzapfel et Mahall, 1999 ; Hansen et al., 2007). Ces mécanimes complexes se manifestent principalement par i) la compétition physique ou biologique (élements nutritifs, organismes telluriques) qui aboutit inexorablement soit à la domination de l’espèce la plus compétitive et tolérante (invasion biologique) soit à la disparition totale de l’espèce qui n’a pas su s’adapter (Went, 1973) et par ii) la facilitation qui peut être définie comme étant la capacité d’une plante à favoriser le développement et l’établissement d’une autre plante (Dickie et al., 2004 ; Lopez, 2007).

Les ressources forestières de Madagascar 

Madagascar se localise dans l’Océan Indien, entre la latitude 11°57’ S et 25°32’ S, à 560 km de la côte Est du Continent Africain et est séparé de ce dernier par le canal de Mozambique. La grande île de 587295 Km2 de superficie est globalement soumise au régime tropical avec des conditions climatiques variables d’une région à une autre, qui sont à l’origine d’une grande variété d’écosystèmes naturels et d’une diversité importante de faune et de flore (Ingram et al., 2005). En terme de formation sylvicole, Madagascar était jadis recouvert à 90% par des forêts naturelles, classées «forêts tropicales humides» et possédait environ 80% d’espèces végétales endémiques (De la Bathie, 1921 ; Ingram et al., 2005). Les formations naturelles ou végétations primaires se répartissaient dans différentes régions de la grande île et se diversifiaient en 6 formations forestières bien distinctes à savoir: i) les forêts denses sempervirentes, situées à basse et moyenne altitude dans les parties orientales et nord, caractérisées par la présence d’essences de valeurs socio-économiques telles que Dalbergia spp, Prunus africana et Diospyros perrieri, ii) les forêts sèches décidues qui se répartissent sur les massifs de la partie ouest et moyenne ouest de l’île avec des espèces comme Hernandia voyroni, Cedrelopsis grevei et Commiphora spp, iii) les forêts sclérophylles des pentes de moyenne et haute altitude, situées dans les versants des régions occidentales des hauts plateaux, caractérisées par la domination d’Uapaca bojeri, Asteropeia spp, Sarcolaena spp, iv) les fourrés xérophiles qui occupaient la région méridionale de Madagascar, et sont caractérisés par la domination de Adansonia spp et Alluaudia spp, iv) les forêts ripicoles et enfin vi) les mangroves (type de forêt essentiellement constitué de palétuviers, caractéristique des littoraux tropicaux vaseux) de la côte ouest et sud-ouest de Madagascar (De la Bathie, 1936 ; Du Puy et Moat, 1999).

Toutefois, les pressions anthropiques telles que la surexploitation (production de bois d’œuvre ou d’énergie), l’extension des surfaces cultivables, les feux de brousses etc., ont entraîné la réduction, voire même la disparition, de la plupart de ces formations forestières ou de leur composante biologique de tel sorte que le reste de la végétation primitive ne couvre actuellement qu’environ 30% de la superficie de l’île (De La Bathie, 1936). La prise de conscience sur la gravité de cette dégradation spectaculaire a stimulé la mise en place des mesures politiques visant à promouvoir le reboisement dont les objectifs visaient principalement à restaurer les écosystèmes naturels et de pallier aux besoins croissant en bois de la population. Les principaux critères de choix des essences à planter sont basés sur la vitesse de croissance, qui doit être rapide pour une exploitation à court terme (Ramamonjisoa et al., 2003 ; Carrière et Randriambanona, 2007), sur la valeur économique des essences et sur la disponibilité des semences (Carnevale et Montagnini, 2002). Généralement, les essences exotiques comme le genre Pinus sp, Eucalyptus sp, Acacia sp, Cupressus sp, etc., sont choisies étant donnée la connaissance plus approfondie de leur biologie, leur écologie et de leur culture au niveau mondial (Senbeta et al., 2002a ; Ramamonjisoa et al., 2003). De ce fait, les reboisements les plus marquants sont ceux destinés à des fins commerciales, entre autres, la production de bois d’œuvre (Dalbergia spp) et des bois d’énergie (Pinus spp, Eucalyptus spp, Grevillia spp) suivis de ceux destinés à la protection des sols. Les autres types de reboisement concernent les espèces d’arbres fruitiers (Anacardium spp et Mangifera spp), ou ornementales (Albizzia Delonix, Jacaranda spp, Moringa spp, Terminalia spp, Cupressus spp, Gmelina spp) (Ramamonjisoa, 1999). Les plantations, résultantes de ces reboisements, qui recouvrent au moins 316 000 hectares sont classifiées comme étant des formations artificielles, et sont localisées principalement dans les hauts plateaux (Chaix et Ramamonjisoa, 2001).

Cependant, certaines de ces essences exotiques de reboisement sont envahissantes au sein de leurs écosystèmes hôtes et représentent un danger en supplantant partiellement ou complètement les flores natives de la région (Burke et Grime, 1996 ; Davis et al., 2000 ; Koutika et al., 2007). Tels sont le cas des conifères (cèdres, pins et thuyas etc.) qui peuvent diminuer la disponibilité en eau dans le sol en augmentant l’évapotranspiration, modifier les propriétés biologiques du sol, réduire la diversité des espèces végétales autochtones et perturber ainsi le fonctionnement de l’écosystème (Richardson et al., 1994 ; Richardson, 1998 ; Williams et Wardle, 2005).

Les relations plantes-sol-microorganismes au sein d’un écosystème forestier 

Quelques définitions 

L’écosystème
L’écosystème définit à un instant t , l’ensemble des conditions physico-chimiques relativement homogène sur une aire géographique donnée, appelé le biotope, et d’êtres vivants peuplant ce biotope (bactéries, champignons, végétaux, animaux) qui sont nommés biocénose. Pour un écologue, la notion de population qui englobe l’ensemble des organismes appartenant à la même espèce, constitue l’unité de base de cet ensemble. Le peuplement par contre regroupe l’ensemble des populations (Faurie et al., 1998).

La biodiversité
La biodiversité traduit la «diversité du vivant» ou «diversité biologique» (Nations Unies, 1992). De ce fait, elle définit l’intégralité, la variété, la dynamique des organismes vivants et s’observe à différents niveaux d’organisation.

Le plus souvent, la biodiversité est décrite à l’échelle de l’espèce ou diversité spécifique qui est exprimée par le nombre de toutes les espèces animales et végétales vivant sur une surface déterminée. Au niveau génétique, la diversité d’une espèce équivaut à l’ensemble de ses allèles, diversité génétique, c’est-à-dire les différentes formes d’information génétique susceptibles d’influencer l’empreinte de certaines caractéristiques. La diversité concerne également les différents types d’écosystème existant sur la terre, ou diversité écosystémique, qui interagissent par l’intermédiaire de leur composante biologique. L’étude de la diversité à l’échelle spatiale est basée sur trois paramètres principaux à savoir:
– la diversité alpha (ou diversité intra – habitat) qui se réfère à la diversité au sein d’une zone particulière ou d’un écosystème local, et est généralement exprimée par le nombre d’espèces présentes dans cet écosystème (richesse spécifique) ;
– la diversité bêta (ou diversité inter-habitats) qui exprime le renouvellement (turnover) des espèces d’un habitat à un autre ; cette diversité reflète la modification de la diversité alpha lorsque l’on passe d’un écosystème à un autre dans un site. Ainsi la diversité bêta permet de comparer la diversité entre écosystèmes ;
– la diversité gamma qui correspond à la richesse en espèce au niveau régional ou géographique (Whittaker, 1972).

Dans le présent travail, la partie concernant la biodiversité est axée principalement sur la ″diversité spécifique″ et la ″diversité alpha″ qui sont mesurées par la richesse spécifique c’està-dire le nombre d’espèces végétales présentes dans un écosystème donné ou dans une aire préétablie ainsi que par la répartition équilibrée de ces espèces (Abondance relative avec laquelle chaque espèce est représentée dans l’écosystème) (Harrison et al., 2004).

Le sol : une entité biologique à forte activité 

Le sol constitue la formation naturelle de surface, à structure meuble et d’épaisseur variable, résultant de la transformation de la roche mère sous-jacente sous l’influence de divers processus (physiques, chimiques et biologiques), au contact de l’atmosphère et des êtres vivants. Il équivaut à l’épiderme vivant et vital de la terre et joue des rôles majeurs dans la dynamique des matières, vivantes ou non, indispensables aux activités humaines (Gustave, 1946). A l’échelle plus restreinte, le sol se retrouve à la base de divers mécanismes tels que le cycle des éléments organiques et minéraux (le phosphore, l’azote, le carbone…), le cycle de l’eau, le développement de la plante, le maintien de la biodiversité, l’alimentation humaine et animale (Girard et al., 2005 ; Albino et Andrade, 2006). Le sol forestier est considéré comme le siège principal des interactions, entres les différentes communautés végétales et microbiennes qui y cohabitent, qui se déroulent au niveau d’une zone spécifique appelée la rhizosphère (Barea et al., 2002b) .

Les disfonctionnements au sein de cet ensemble sont à l’origine de différentes sortes de perturbations qui se manifestent essentiellement au niveau du cycle de nutriment, de la structure et des propriétés physico-chimiques du sol ainsi que sur le développement de la plante (Chaussod et al., 2002).

La rhizosphère 

La rhizosphère est un environnement dynamique où s’effectue tous les échanges et les diverses interactions entre la plante et les principales composantes biologiques et physicochimiques du sol (Barea et al, 2002b). La rhizosphère est la partie du sol qui est directement soumise à l’influence de la racine, et est considérée comme l’habitat des microorganismes liés aux activités de la racine (Darrah, 1991). Selon Gobat et al. (2004), la rhizosphère se subdivise en trois compartiments biologiques bien distincts mais intimement liés, à savoir: l’endorhizosphère (intérieur de la racine), la rhizoplane (surface externe de la racine) et le sol rhizosphèrique (particules du sol adhérentes à la racine). Le volume du sol qui est hors de l’influence de la racine est désigné comme le sol non rhizosphérique. La différence entre les propriétés physico-chimiques et biologiques de ces zones est à l’origine des variabilités en termes de diversité, de nombre et d’activité des microorganismes qui y vivent (Kennedy, 1998) et dont les relations avec les plantes ont fait les principaux objets de cette étude.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
I. Les ressources forestières de Madagascar
II. Les relations plantes-sol-microorganismes au sein d’un écosystème forestier
II.1. Quelques définitions
II.1.1. L’écosystème
II.1.2. La biodiversité
II.2. Le sol : une entité biologique à forte activité
II.2.1. La rhizosphère
II.2.2. Les microorganismes rhizosphériques
II.2.2.1. Les bactéries
II.2.2.2. Les champignons
II.2.3. Les interactions bénéfiques dans la rhizosphère
II.2.3.1. Les PGPR
II.2.3.2. La symbiose mycorhizienne
II.2.3.2.1. Définition et aspect général
II.2.3.2.2. Structure des mycorhizes
II.3.2.2.3. Implication de la symbiose mycorhizienne dans la croissance des plantes
II.2.3.3. Influence de la plante sur la qualité biologique du sol
II.2.3.4. Restauration et reboisement écologique par la gestion du PIM du sol
II.2.4. Les activités enzymatiques du sol : indicateurs de l’activité des communautés microbiennes du sol
III. Coexistence des espèces végétales au sein d’un écosystème forestier et ses impacts sur le fonctionnement des communautés microbiennes du sol
III.1. La succession végétale
III.2. Mécanisme d’installation des espèces exotiques envahissantes et le phénomène d’invasion biologique
III.3. Le phénomène de facilitation plante-plante ou phénomène de plante nurse (Nursing syndrom)
III.4. Relation entre la structure de la végétation et la communauté de champignons mycorhiziens dans le sol
III.5. Restauration des écosystèmes forestiers tropicaux via l’exploitation des potentialités des plantes nurses ou le phénomène de facilitation plante-plante
CONCLUSION GENERALE

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