Les relations germano-israéliennes de 1965 à 2006 : de la normalisation à la normalité ?

L’étude des relations germano-israéliennes qui va suivre, consiste en une analyse de la nature des liens existant entre l’Allemagne et Israël et en une analyse des mécanismes mis en place par les différents gouvernements allemands dans la mise en œuvre de la politique extérieure à l’égard d’Israël, avec les répercussions que cela implique dans le cadre de la politique envers les Etats du Proche-Orient. Nous étudierons les stratégies développées par le ministère des Affaires étrangères allemand pour parvenir à un équilibre entre les exigences de la situation internationale et la responsabilité héritée du passé d’une part, et entre des intérêts contradictoires, celui d’assurer envers et contre tout, la sécurité de l’Etat hébreu et ses propres intérêts nationaux dans la région du Proche-Orient d’autre part.

Les controverses régulières au sujet d’Israël, les relations particulières qu’entretient l’Etat hébreu avec les Etats européens et les Etats-Unis d’Amérique, les prises de position internationale à l’égard de la politique d’occupation et de colonisation des territoires occupés montrent à quel point le thème est délicat et si l’attention se focalise sur les relations qu’entretient l’Allemagne avec Israël, la problématique se révèle alors dans son étendue. La complexité même du thème, sa sensibilité politique a motivé le choix de cette étude, il s’avère cependant nécessaire de se garder de toute partialité et de toute analyse superficielle. L’imbrication des différents facteurs psychologiques, idéologiques, géopolitiques font la richesse du thème et leur difficulté. Le thème est vaste, il se décline lui-même en sous-thèmes, qui pris séparément sont complexes : l’histoire allemande et la persécution des Juifs, l’histoire du Proche-Orient, l’histoire de l’Etat d’Israël, le conflit israélo-palestinien. Le 12 mai 2015 a marqué le cinquantième anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la République fédérale d’Allemagne et Israël, ce qui a donné lieu à diverses manifestations au niveau politique. Le président israélien Reuven Rivlin s’est rendu à Berlin où il a été reçu avec les honneurs militaires par le président allemand Joachim Gauck qui a salué des relations plus étroites que jamais. Les relations entre les deux Etats reposent sur une base solide grâce à une politique pragmatique qui s’appuie sur trois piliers : une histoire commune, celle de l’Holocauste, des valeurs partagées (démocratie, économie libérale) et des intérêts géopolitiques bilatéraux. Aujourd’hui l’Allemagne est une partenaire fidèle et fiable d’Israël. Les relations bilatérales touchent des domaines variés. Des accords économiques, commerciaux, culturels, scientifiques ont vu le jour de même qu’une étroite coopération militaire. Au niveau économique l’Allemagne est le troisième partenaire le plus important derrière la Chine et les Etats-Unis. L’échange de biens et de marchandises a pratiquement doublé depuis l’unification, les produits d’équipement allemands ont bonne réputation et de nombreuses entreprises allemandes investissent en Israël dans les secteurs de l’information et de la communication, de la biotechnologie, des techniques médicales : Daimler-Benz Israël, Schenker Logistics, Henkel, Lufthansa. Au niveau culturel les échanges ont permis de jeter un pont entre les citoyens des deux pays, elles ont connu une évolution étonnante dans les années 80 et 90 tant qualitativement que quantitativement, cependant un ralentissement dans les échanges est à constater depuis la 2ème Intifada en raison de la situation sécuritaire. Le Goethe Institut, le DAAD, la fondation Alexander von Humboldt, les fondations politiques ont permis de véhiculer l’image positive d’une Allemagne ouverte. En Israël, l’apprentissage de la langue allemande a connu un certain succès, ce qui était impensable dans les années 50. Que ce soit dans le domaine du théâtre, de la musique, de la danse ou de la littérature les échanges sont denses et ont contribué à une meilleure compréhension de l’autre.

REPUBLIQUE FEDERALE ET ISRAËL – DE L’ETABLISSEMENT DES RELATIONS DIPLOMATIQUES A LEUR INSTITUTIONNALISATION : 1965-1973

Si le traité du Luxembourg du 19 septembre 1952 a laissé augurer une évolution en faveur de la normalisation des relations bilatérales, il est très vite apparu que les relations germano-israéliennes se sont apparentées à un jeu de cache-cache. Tour à tour, chaque Etat a décliné l’offre d’établir des relations diplomatiques car il semblait trop prématuré aux dirigeants israéliens quelques années après l’évènement tragique de l’Holocauste d’établir de telles relations avec la République fédérale d’Allemagne étant donné la vive hostilité de l’opinion publique israélienne. Lorsque Ben Gourion a souhaité l’établissement de relations diplomatiques en 1957, la République fédérale a reculé à son tour, craignant de mettre en jeu ses relations avec les Etats arabes. Il faut attendre le 12 mai 1965 pour que s’officialisent les relations entre la République fédérale et Israël, évènement qui est précédé par deux crises majeures : la première éclate en 1962 à propos de l’activité de spécialistes allemands de l’armement en Egypte, qui participaient à la construction de missiles et la deuxième beaucoup plus grave en 1964, lorsque des journaux allemands portent à la connaissance du public l’existence de livraisons secrètes d’armes à destination d’Israël. La découverte des livraisons d’armement à l’Etat israélien révèle certains dysfonctionnements entre les différentes instances de l’Etat allemand, le ministre des Affaires étrangères a été tenu à l’écart des tractations et du volume des transferts d’armes. Elle compromet aussi l’image allemande sur la scène internationale et provoque une grave crise entre l’Egypte et la République fédérale. Nous examinerons tour à tour les deux crises, nous attardant sur la question de l’armement parce qu’elle est l’enjeu central des discussions entre les représentants allemands, israéliens et les alliés.

L’ETABLISSEMENT DES RELATIONS DIPLOMATIQUES

Les tensions en liaison avec la construction des fusées égyptiennes

Au cours de l’été 1962, l’attention de l’opinion publique se focalise sur l’Egypte où est célébré le 10ème anniversaire de l’indépendance du pays. A cette occasion devant la presse réunie, des missiles à la conception desquels des spécialistes allemands de l’aéronautique ont participé, font l’objet d’essais. Après la crise de Suez en 1956 qui avait entraîné des tensions avec le camp occidental l’Egypte s’était fixé comme priorité la fabrication de ses propres armes, le président Gamal Abdel Nasser souhaitant créer un contrepoids à la puissance militaire israélienne croissante et limiter son indépendance vis-à-vis des grandes puissances. L’Etat égyptien avait alors attiré des scientifiques qui n’avaient plus la possibilité après la Seconde Guerre mondiale de faire valoir leurs compétences en raison de leurs activités sous le Troisème Reich. Ce groupe d’experts est employé sous contrat privé et participe au développement et à la construction de missiles. Parmi les experts ouestallemands renommés pour leurs compétences se trouvent Wolfgang Pilz, Eugen Sänger et Paul Goercke, qui avaient participé pendant la Seconde Guerre mondiale à la construction de fusées V2. L’activité des experts rendue publique, suscite l’ire du gouvernement israélien qui considère avec inquiétude la menace de la puissance militaire égyptienne. Le Mossad répand le bruit d’une menace d’extermination de la population juive. La presse israélienne prenant le relai, alarme l’opinion publique israélienne, réveillant le souvenir de la solution finale au sein de la population du pays. Golda Meir alors ministre des Affaires étrangères, s’exprime devant la Knesset, exigeant du gouvernement ouest-allemand qu’il prenne des dispositions législatives pour interdire le travail des experts ouest-allemands en Egypte. Israël fait alors pression sur la République fédérale pour qu’elle contraigne les scientifiques à cesser leur activité.

Devant les protestations réitérées de Golda Meir, le gouvernement de Bonn déclare qu’aux termes de la constitution il ne peut empêcher des citoyens allemands de travailler où ils le souhaitent. Comme il ressort des archives politiques du service des Affaires étrangères, le ministre de l’Intérieur Hermann Höcherl n’a eu aucunement l’intention de rappeler officiellement les scientifiques. En outre, il souligne que la République fédérale ne s’immisce pas dans un conflit concernant d’autres Etats. Le gouvernement allemand justifie son attitude par le fait que l’URSS enverrait des scientifiques à la place des spécialistes ouest-allemands, contribuant à diminuer l’influence occidentale en Egypte.

Craignant un front arabe uni, ce qui le contraindrait à faire un choix, le gouvernement ouest-allemand mène des réflexions sur l’opportunité de mesures législatives exigées par l’Etat hébreu. Sur le plan juridique il fallait soit élaborer un texte sur le droit d’autorisation pour les citoyens allemands à collaborer à des projets d’armement, soit étendre la liste des pays soumis à conditions restrictives quant au transfert de connaissances techniques. Si la deuxième solution était choisie, l’Egypte se verrait alors discriminée. Or la République fédérale souhaitait éviter de se positionner clairement en faveur de l’un ou l’autre pays. Aucune loi ne sera effectivement promulguée au vu des difficultés qui pourraient en découler sur le plan extérieur et lorsque le gouvernement fédéral décidera de sanctions, il le fera alors que les spécialistes allemands ont déjà quitté le sol égyptien et sont rentrés en Europe pour participer aux travaux de recherche spatiale européenne et au moment de la rupture des liens diplomatiques avec l’Egypte.

Dans le contexte instable de confrontation entre les deux grands blocs en compétition pour accroître leur zone d’influence, la découverte de livraisons secrètes d’armement à l’Etat israélien ne pouvait que déclencher une sur-réaction des pays arabes dont les services de renseignements étaient pourtant au fait des transactions entre la République fédérale et Israël.

La question des livraisons secrètes d’armes à Israël : origine, faits et conséquences

Sur la base de l’idéologie en vigueur qui considérait que la présence de la République fédérale dans l’espace arabe était indispensable à la protection du camp occidental face au danger communiste, le gouvernement ouest-allemand a suivi les principes de la politique américaine au Proche-Orient et s’est rallié à la stratégie des puissances occidentales qui avait intérêt au statu-quo dans la région. A la suite de la crise de Suez le déclin de la présence franco-britannique est effectif et les Etats-Unis saisissent ce vide pour accentuer leur influence au Proche-Orient. L’Egypte à la recherche de nouvelles alliances à la suite du Pacte de Bagdad amorce un virage vers le camp socialiste à l’occasion de la Conférence de Bandung en avril 1955. Parallèlement, le pouvoir soviétique considère que la pénétration américaine dans la région menace directement la sécurité de l’URSS ce qui rend légitime une contre présence soviétique. L’accord du 27 septembre 1955 entre l’Egypte et la Tchécoslovaquie sur les livraisons d’armes contre un pourcentage de la production égyptienne de coton a en partie pour conséquence la percée soviétique au cœur du monde arabe en Egypte, offrant ainsi la possibilité aux pays du Tiers monde de choisir son allié. Dès 1955, la Syrie engage le dialogue avec l’URSS qui commence à s’imposer comme rivale des Etats-Unis. Le 5 janvier 1957 devant le Congrès américain, le président Dwight Eisenhower met en garde contre la présence soviétique au Proche-Orient. Sa maîtrise sur le canal de Suez et le pétrole lui permettrait alors un jour d’étrangler l’économie occidentale. Les Etats-Unis doivent prendre la relève des puissances européennes, octroyer une aide économique par le biais d’investissements destinés aux pays arabes pour contribuer à leur développement économique et apporter une aide militaire en offrant l’assistance des Etats-Unis à tout pays du Proche-Orient agressé par un pays contrôlé par le communisme international .

Pour éviter un affaiblissement du rapport américano-arabe les Etats-Unis s’étaient bien gardés d’apporter sur le plan militaire un soutien franc à Israël dont la politique extérieure était déterminée par le souci de sécurité du pays et par le besoin d’alliance avec tous les Etats avec lesquels il entretenait des liens. Les Américains avaient très vite reconnu que les Saoudiens pouvaient être un allié important, le but étant de s’assurer pour les Etats-Unis comme pour leurs alliés, les avantages stratégiques qui résultaient de la situation géographique de l’Arabie saoudite, de ses réserves de pétrole et d’aversion des Saoudiens pour le communisme. Il fallait ainsi soutenir militairement et politiquement l’Arabie saoudite qui avait besoin d’un soutien économique, d’armes de guerre modernes et de l’assurance de leur sécurité politique dans leurs confrontations avec leurs rivaux régionaux. Pour le gouvernement américain l’Arabie saoudite représentait un espoir d’instaurer un contrepoids à Gamal Abdel Nasser en soutenant la royauté saoudienne. Les évènements de l’affaire du canal de Suez et l’alliance franco-anglo-israélienne en 1956 a provoqué la désapprobation du président américain D. Eisenhower.

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Table des matières

Introduction générale
Précisions terminologiques : normalisation –normalité
Le cadre temporel
Les sources étudiées
L’état de la recherche
La problématique centrale : la politique allemande au Proche-Orient entre soutien à Israël et exigences de la situation internationale
Chapitre 1 : République Fédérale et Israël – De l’établissement des relations diplomatiques à leur institutionnalisation : 1965-1973
I – L’établissement des relations diplomatiques
1. Les tensions en liaison avec la construction des fusées égyptiennes
2. La question des livraisons secrètes d’armes à Israël : origine, faits et conséquences
3. Vers les relations diplomatiques
II – L’institutionnalisation des relations germano- israéliennes
1. La création de la Deutsch-Israelische Gesellschaft
2. L’accord d’aide économique à Israël et le soutien allemand auprès des instances européennes
III – Entre passé et présent : à la recherche d’un équilibre
1.La guerre des Six Jours 5-10 juin 1967
2. Le débat sur la normalisation des relations 1969 -1970
Chapitre 2 : La question du Proche-Orient, pierre d’achoppement
I- La coopération politique européenne et ses répercussions sur les relations germano-israéliennes
1.La conférence des Six et l’initiative française du 19 novembre 1970
2. La visite officielle de Scheel en Israël le 7 juillet 1971
II – Les premières tensions dans les relations germano-israéliennes : le terrorisme palestinien
1. Le mouvement de résistance palestinien
2. La portée politique et symbolique de l’attentat de Munich
III – L’année 1973 : une année charnière
1. La visite officielle de Willy Brandt du 6 au 8 juin 1973
2. La guerre du Yom Kippour du 6 au 24 octobre 1973 et ses conséquences
Chapitre 3 : La question de Palestine et les relations germano-israéliennes : la politique au Proche-Orient du gouvernement Schmidt – H.D Genscher 1974 – 1982
I – Le droit du peuple palestinien à l’autodétermination
1. L’internationalisation de l’OLP
2. Le vote allemand sur les résolutions 3236 et 3237 de l’Assemblée générale des Nations Unies le 22 novembre 1974
II – L’isolement d’Israël et sa stratégie de rapprochement avec l’Europe
1. Le ministre israélien des Affaires étrangères en République fédérale du 26 au 28 février 1975
2. La visite du premier ministre israélien Yitzhak Rabin en RFA 8-12 juillet 1975 et l’intensification des relations bilatérales
3. Hans Dietrich H.D Genscher et la question du Proche-Orient
Chapitre 4 : Les divergences croissantes entre Bonn et Tel Aviv 1977- 1982
I –Le premier ministre Menahem Begin
1. Les élections du 17 mai 1977 et ses conséquences sur la politique étrangère allemande au ProcheOrient
2. L’évolution des relations bilatérales 1977-1980 entre confiance et distanciation
II – Les tensions entre les deux Etats
1. La déclaration de Venise du 13 juin 1980
2. La controverse Begin -Schmidt : le voyage du chancelier en Arabie Saoudite et dans les Emirats arabes unis du 27 au 30 avril 1981
III – Une critique de la politique israélienne en Allemagne est-elle possible ?
1. L’opération « Paix pour la Galilée » 4-6 juin 1982
2. L’émergence d’une critique dans les milieux politiques allemands
Conclusion générale

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