Les recettes des campagnes électorales : entre plafonnement et prohibitions

LE FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES

En dehors de leurs activités privées (participation dans les entreprises) les partis politiques disposent de deux types de ressources : les unes publiques et les autres privées que ce soit en France, en Italie ou encore au Mali. Cependant, avant d’évoquer toute question de financement, il convient de savoir la place juridique occupée par les partis politiques dans les différents systèmes démocratiques.
En effet, en France, c’est la Constitution du 4 Octobre 1958 qui fait oeuvre d’une reconnaissance officielle des partis politiques. Elle dispose dans son article 4 : « Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie (…). La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la nation ». Cette reconnaissance officielle des partis politiques est une des particularités de la Constitution de 1958 par rapport à celles qui l’on précédée.
Elle a permis la mise en place tardive d’un statut des partis politiques en 1988, aboutissement d’une consécration juridique pour permettre leur financement par l’Etat selon Monsieur Bernard CHANTEBOUT. Ce statut résulte de la loi N° 88-227 du 11 Mars 1988 qui donne, dans son article 7, une définition beaucoup plus libérale des partis politiques : « Les partis et groupements politiques se forment et exercent leur activité librement. Ils jouissent de la personnalité morale. Ils ont le droit d’ester en justice ». Aux termes de ce même article, ils disposent de la possibilité d’acquérir à titre gratuit ou onéreux des meubles ou des immeubles. A ce titre, pour qu’il y ait compatibilité avec l’article de la Constitution, ce statut ne comporte aucune obligation comme des contraintes liées à la perception des fonds publics ou par exemple le contrôle de la Cour des Comptes ou bien même celui des associations subventionnées. Comme le dirait Bernard CHANTEBOUT « Le caractère démocratique de leur activité ne fait en principe l’objet d’aucun contrôle ». Cette liberté est par contre nuancée. Ainsi, un parti politique qui se livrerait par la violence à la subversion de l’ordre établi s’expose à être dissous par décret en Conseil des ministres en vertu de la loi du 10 Janvier 1936.
L’exemple italien est le même que l’exemple français. C’est l’article 49 de la Constitution du 27 Décembre 1947 qui parle des partis politiques : « tous les citoyens ont le droit de s’associer librement en partis pour concourir par des processus démocratiques afin de déterminer la politique nationale ». Cette disposition est complétée par l’article 98 qui fixe des limites sur ce droit d’adhésion à certaines catégories de la population comme les magistrats, les soldats en service actif, les fonctionnaires et agents de police… Ces deux dispositions doivent alors être reliées à la douzième et dernière disposition transitoire en vertu de laquelle il est interdit de se réorganiser, sous quelque forme que ce soit du parti fasciste dissous. L’Italie n’est pas en reste de cette liberté dont jouissent les partis politiques. Les partis politiques ont une plus grande liberté d’action, leur permettant d’échapper à tout contrôle externe, en particulier par le pouvoir judiciaire14. Les partis politiques échappent également à l’application des dispositions applicables à certains types d’associations telles que les associations de promotion sociale et de l’organisation à but non lucratif selon Emanuele ROSSI. L’auteur dénonce le fait que cette liberté des partis politiques ne soit pas compatible avec le rôle constitutionnel assigné aux partis politiques qui est évidemment celui de la conquête du pouvoir.
La situation des partis politiques au Mali n’est pas, quant à elle, différente de celle de la France et de l’Italie. C’est l’article 28 de la Constitution du 12 janvier 1992 de la troisième République actuellement en vigueur qui reconnait les partis politiques : « Les partis concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent librement leurs activités dans les conditions déterminées par la loi. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale, de la démocratie, de l’intégrité du territoire, de l’unité nationale et la laïcité de l’Etat ». Avant la Constitution de 1992, celle du 22 Septembre 1960 dispose dans son article 3 une reconnaissance constitutionnelle mais en des termes différents : « Les partis et groupements politiques concourent normalement à l’expression du suffrage » ; la Constitution du 2 Juin 1974 n’est pas en reste, seulement elle reconnait l’existence d’un Parti Unique dans son article 5 : « Le Parti est Unique. Il est l’expression de l’unité nationale de l’autorité politique suprême du pays. Il définit la politique de l’Etat et concourt à l’expression du suffrage universel, conformément aux dispositions réglementaires en vigueur ». Toutes les constitutions maliennes reconnaissent les partis politiques mais celle qui est actuellement en vigueur, est la plus démocratique. Cette reconnaissance constitutionnelle qui garantit la liberté des partis est par la suite confirmée par l’adoption de la Charte des partis politiques pour la première fois en 199116 sous la transition, puis modifiée en 2005 par la loi N°05-047 du 18 Aout 2005 Portant charte des Partis politiques. En effet, après avoir défini les partis politiques dans son article 2, cette loi de 2005 dispose dans son article 3: « Les partis politiques se forment et exercent leurs activités, sous réserve du respect des dispositions de la loi. Les partis politiques sont créés par décision d’une instance constitutive de leurs militants qui adoptent les statuts et le règlement intérieur ».
Aux regards de ces éléments, nous remarquons qu’il existe dans les trois pays une liberté d’action des partis politiques. Cette liberté d’action signifie finalement l’existence d’une gestion autonome des partis politiques à travers un financement privé (chapitre 2). La nécessité de la transparence de la vie politique et la carence de l’initiative privée a conduit l’Etat à intervenir dans cette sphère constitutionnellement privée instaurant ainsi un financement public (chapitre 1).

Un Financement largement public des Partis politiques

Ici, nous allons pouvoir mettre l’accent sur les modalités du système public de financement des partis politiques et les conséquences qu’il peut engendrer dans un système démocratique.

Le système du financement public

Dans la plupart des pays du monde, le financement public des formations politiques est devenu une nécessité « vitale » pour un bon système démocratique car la démocratie a un prix. En effet, l’analyse suivante de Yves-Marie DOUBLET explique cet état de fait : « Les partis politiques modernes sont des associations ayant besoin de personnel permanent, de services d’information, d’études et de relations publiques 17». Il fait, par la suite, une remarque fondamentale qui consiste à dire que les partis politiques ne peuvent se contenter d’expédients et se reposer sur des bénévoles intermittents dont la foi militante au demeurant disparait, s’effrite de plus en plus dans les démocraties occidentales, africaines ; bref dans le monde entier. Ce qui sonne comme une évidence. Pourquoi ? Ceci s’explique par le fait que les partis politiques se procuraient des fonds par la corruption et le trafic d’influence, pratiques qui ont conduit à discréditer la classe politique par des séries de scandales. C’est pourquoi le financement public des partis et groupements politiques s’imposait en vue de la moralisation de la vie politique. Les modalités de ce financement (§2) sont dominées d’un coté par la représentation parlementaire dans les dernières élections en France et au Mali et de l’autre par une contribution volontaire des citoyens en Italie(§1) ; tout cela, avant l’instauration par l’Etat de procédés lui permettant ainsi d’influer encore sur la vie des partis politiques en modulant son financement .

L’Absence d’un financement public direct des partis politiques ou financement volontaire en Italie ?

Le rôle public des partis politiques a permis de poser la question de l’acquisition des ressources économiques par ceux-ci en vue de l’exercice de leurs fonctions ; question qui a d’ailleurs conduit à pas mal de controverses et d’évènements de toutes sortes. Après les scandales liés notamment aux subventions données aux partis politiques par l’Agence nationale de l’électricité et leur financement occulte pris, en partie, par quelques entreprises pétrolières, l’Italie adopte la première législation sur le financement public des partis politiques par la loi 175 du 2 Mai 1974 intitulée « Contribution de l’Etat au financement des partis politiques ». Cette loi faisait assurer par l’Etat les « dépenses électorales » des candidats représentés dans les deux assemblées « Camera dei deputati et Senato», (chambre des députés et le Sénat) avant son extension aux régions et au Parlement européen. Cette même loi octroyait un crédit complémentaire aux groupes parlementaires ; il s’agissait d’une contribution annuelle pour les taches et opérations accomplies . Donc, il s’agissait d’une contribution directe de l’Etat au fonctionnement des partis politiques indépendamment du remboursement des dépenses électorales. Cette réglementation a été, par la suite beaucoup modifiée par la loi 659 du 18 Novembre 1981 et la loi 413 du 8 Aout 1985 qui introduisent d’autres mesures concernant le fonctionnement normal des partis politiques. La loi de 1974 a subi deux referendums : un en 1978 et l’autre 1993. En effet, le referendum du 11 Juin 1978, organisé à la suite d’une proposition du Parti Radical, visait à abroger la loi de 1974 mais il a échoué. En revanche, celui du 11 Avril 1993 a carrément bouleversé le système de financement public italien avec la suppression du financement des partis politiques par le biais des groupes parlementaires après un vote favorable de 90,1% des électeurs. Par conséquent, la seule forme de contribution qui a persisté est celle relative au remboursement des frais des élections. On peut donc penser que la situation catastrophique des finances des partis politiques a poussé le législateur à revoir sa position en adoptant une nouvelle loi en 1997. La loi 2 du 2 Janvier 1997 prévoit un mécanisme de « contribution volontaire » qui permet à chaque contribuable d’affecter, au moment de sa déclaration d’impôt 0,4% de son impôt sur le revenu au financement des partis et mouvements politiques29. La condition d’obtention de ce financement public « volontaire » pour un parti politique est d’avoir au moins un parlementaire à la chambre des députés et au Senat. C’est le Ministre du Trésor, avec son collègue des finances et au vu des déclarations de rattachement des parlementaires à un parti politique, qui détermine le montant de la somme à repartir, proportionnellement aux suffrages exprimés obtenus par les listes aux dernières élections à la chambre des députés. Avec la reforme du 21 Mai 2002, seul le remboursement des dépenses électorales a été amélioré.
Le financement public des partis politiques italiens est donc un financement volontaire basé sur le bon vouloir des contribuables. Ce système est largement différent des systèmes français et malien.

Le financement public des partis politiques basé sur un système de fractions en France et au Mali

La prise en charge partielle des ressources des partis politiques par l’Etat est intervenue, en France, avec les lois du 11 Mars en 1988, pour « moraliser la vie politique ». C’est une intervention législative jugée tardive en dépit de la reconnaissance constitutionnelle des partis politiques depuis 195832 . Par la suite, le législateur est intervenu à cinq reprises pour renforcer les dispositions de la loi. Ainsi, depuis 1988, les partis politiques bénéficient de l’aide publique. Le montant de cette aide, au terme de l’alinéa 1 de l’article 8 de la loi N°88-227 du 11 Mars 1988

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