Les Récepteurs à Domaine Discoïdine (DDR)
Les Récepteurs à Domaine Discoïdine constituent une sous-famille de deux récepteurs, DDR1 et DDR2, à activité tyrosine-kinase (RTK) qui fût mise en évidence pour la première fois dans les années 1990, par plusieurs équipes cherchant à découvrir de nouveaux RTK par homologie de séquence (Di Marco et al., 1993 ; Johnson et al., 1993, Karn et al., 1993 ; Zerlin et al. 1993 ; Lai and Lemke 1994 ; Laval et al., 1994 ; Sanchez et al., 1994 ; Alves et al., 1995 ; Perez et al., 1994 ; Perez et al., 1996). Toutefois, ces récepteurs resteront orphelins jusqu’en 1997, quand deux équipes indépendantes découvrent simultanément que les ligands fonctionnels des DDR sont les collagènes (Shrivastava et al., 1997 ; Vogel Et al., 1997).
Structure et ligands
Structure génomique
Les gènes DDR
Le gène codant pour DDR1 se situe sur le chromosome 6 (6p21.3) chez l’humain, au niveau du locus du complexe majeur d’histocompatibilité, entre les gènes HLA-E et HLA-C. Chez la souris, il se situe sur le chromosome 17 (Perez et al., 1994 ; Edelhoff et al., 1995). Le gène DDR1 s’étend sur environ 24 kb et comprend 17 exons (Playford et al., 1996). Les exons 1 à 8 codent pour le domaine extracellulaire et sont suivis de l’exon 9 qui code pour la région transmembranaire. Le domaine juxtamembranaire (JM) cytosolique est codé par les exons 10 à 12 et les 5 exons restant codent pour le domaine catalytique. Le gène DDR2 se situe sur le chromosome 1 (1q23.3) chez l’Homme et chez la souris.
Les épissages alternatifs
Cinq isoformes différentes dérivées d’épissages alternatifs du gène DDR1 ont été mises en évidence. Le transcrit DDR1b contient tous les exons, tandis qu’il manque l’exon 11 au transcrit DDR1a (Alves et al., 1995). En revanche, le transcrit DDR1c contient 18 pb de plus que DDR1b qui découlent de la présence d’un site 5’ alternatif au niveau de la limite intron/exon de l’exon 14 (Playford et al., 1996). Enfin, deux autres épissages alternatifs donnent naissance à deux autres isoformes, DDR1d et DDR1e. L’absence des exons 11, 12 et 14 dans la séquence codante pour DDR1d, et de la première moitié de l’exon 10 en plus des exons 11 et 12 dans la séquence de DDR1e, altère leur domaine catalytique (Fig. 1) (Alves et al. 2001).
Structure protéique
Structure protéique des DDR
Comme tous les RTK, les DDR sont des protéines transmembranaires possédant un domaine catalytique à activité tyrosine-kinase en C-terminal dans leur région cytoplasmique. Les DDR se distinguent des autres membres de la famille des RTK par la présence de deux domaines globulaires hautement conservés : un domaine discoïdine (DS) N-terminal et un domaine DS-like (Carafoli et al., 2013). Le DS est une région d’environ 160 acides aminés homologue à la discoïdine I, une protéine initialement identifiée chez l’amibe Dictyostelium discoideum. La discoïdine I est une lectine liant le galactose qui joue un rôle dans le processus d’agrégation cellulaire de cet organisme (Alves et al., 1995 ; Johnson et al., 1993 ; Simpson et al., 1974). Le DS peut aussi être appelé domaine C type 5/8 en raison de son homologie avec des domaines des facteurs de coagulation V et VIII du sang (Baumgartner et al., 1998 ; Kiedzierska et al,. 2007). Tous les membres de la famille des DDR possèdent un DS accolé à un DS-like suivi d’une unique région transmembranaire qui se poursuit avec un long domaine JM et enfin un domaine catalytique à activité tyrosine-kinase.
DDR1 et DDR2, homologies et différences
DDR1 et DDR2 présentent un haut degré d’homologie au niveau de leur domaines globulaires : 59% d’homologie entre leurs domaines DS et 51% d’homologie entre leurs domaines DS-like. Entre les deux domaines globulaires et la région transmembranaire se trouve une courte région JM extracellulaire très peu conservée de 50 acides aminés (aa) chez DDR1 et de 30 aa chez DDR2 (Carafoli et al., 2013 ; Fu et al., 2013). La région JM intracellulaire est beaucoup plus longue chez les DDR que chez les autres RTK et se compose d’environ 171 aa pour DDR1 selon l’isoforme, et de 142 aa pour DDR2. Enfin, les domaines kinases intracellulaires longs d’environ 300 aa sont suivis par une très courte queue à l’extrémité C terminale, de 8 aa pour DDR1 et de 6 aa pour DDR2, ne contenant aucun résidu tyrosine. Les deux DDR contiennent plusieurs sites de N- et O-glycosylation et les formes matures de ces protéines portent des carbohydrates glycosylés complexes dans leurs domaines DS-like et leurs régions JM (Curat et al., 2001 ; Ali et al., 2010 ; Phan et al., 2013). Il a été noté, dans plusieurs lignées cellulaires et tissus, que est clivé en une sous-unité beta de 62 kDa restant ancrée à la membrane et une sous unité alpha soluble de 54 kDa contenant les domaines extracellulaires (Vogel, 2002). Par ses travaux, Vogel W. a démontré que l’activation de DDR1 induite par sa liaison au collagène induisait une augmentation de ce clivage. Ce point sera discuté dans la section « Régulation de l’activité de DDR1 – Clivage du domaine extracellulaire ». En revanche, aucun clivage de DDR2 n’a été mis en évidence.
Les isoformes de DDR1
Comme nous l’avons évoqué précédemment, cinq isoformes de DDR1 dérivées d’un épissage alternatif ont été identifiées (Alves et al. 2001). Elles sont toutes identiques dans leurs régions extracellulaires et transmembranaires, mais diffèrent dans leurs régions intracellulaires. Le transcrit le plus long code pour l’isoforme DDR1c contenant 919 aa alors que les isoformes DDR1a et DDR1b sont toutes deux amputées de 6 aa dans leurs domaines kinases. De plus, DDR1a possède 37 aa de moins que DDR1b dans sa région JM (Alves et al., 1995). Enfin, les isoformes DDR1d et DDR1e sont des variants tronqués non fonctionnels auxquels manquent soit le domaine kinase entier, soit des parties du domaine JM et du site de liaison à l’ATP (Fig. 2) (Alves et al., 2001).
Les deux isoformes les plus largement exprimées sont DDR1a et DDR1b. Toutefois, les mécanismes qui régulent la balance de leurs expressions sont complexes et incomplètement connus. De plus, le bénéfice apporté par les 6 aa supplémentaires que possède DDR1c par rapport à DDR1a et b n’est pas encore décrit. Pour finir, les isoformes tronquées DDR1d et e pourraient réguler l’activité des isoformes fonctionnelles lorsqu’elles sont co-exprimées mais aucun mécanisme de ce type n’a été identifié à ce jour.
Interactions des DDR avec leurs ligands
Lorsque les collagènes, composants majeurs de la matrice extracellulaire (MEC) (Kadler et al., 2007), furent identifiés comme ligands des DDR en 1997, ce fut la première fois que l’on démontrait un rôle direct de la MEC dans la signalisation des RTK (Shrivastava et al., 1997 ; Vogel et al., 1997). Jusque là, on considérait que les seules interactions entre ces deux éléments étaient indirectes et consistaient en la capture et le stockage de facteurs de croissance par la MEC (Hynes et al., 2009). De plus, les seuls médiateurs connus de la signalisation du collagène étaient les intégrines et la glycoprotéine VI (Leitinger, 2011).
Quel(s) collagène(s) pour quel DDR ?
Chez les vertébrés, il existe 28 types de collagènes différents qui permettent des interactions cellulaires et qui sont les principaux constituants de la MEC, conférant ainsi ses caractéristiques biomécaniques au tissu qu’ils composent (Ricard-Blum, 2011). Tous les collagènes sont caractérisés par une structure en triple-hélice constituée de chaines α polypeptidiques s’assemblant en homo- ou hétéro-trimères. Dans les tissus, ces collagènes s’assemblent pour former des structures supramoléculaires comme des fibres ou des réseaux. Les principales familles de collagènes sont les collagènes fibrillaires (collagènes de type I à III) et les collagènes matriciels formant des réseaux tels que le collagène IV, composant majeur des membranes basales. Les DDR ne peuvent se lier qu’au collagène natif, sous sa forme en triple-hélice, et non aux collagènes dénaturés tels que la gélatine (Shrivastava et al., 1997 ; Vogel et al., 1997 ; Leitinger, 2003). Tandis que les deux DDR sont activés par les collagènes I à III (Shrivastava et al., 1997 ; Vogel et al., 1997), ils ont des préférences divergentes en ce qui concerne les collagènes non fibrillaires. En effet, il a été décrit que DDR1, mais pas DDR2, peut lier le collagène de type IV (Shrivastava et al., 1997 ; Vogel et al., 1997), tandis que DDR2 semble avoir une spécificité accrue pour les collagènes de type II (Leitinger et al., 2004) et X (Leitinger et Kwan, 2006). DDR1 peut aussi se lier aux collagènes de type VIII et XV (Hou et al., 2001 ; Clementz et al., 2013). La capacité de DDR2 à lier ces types de collagènes n’a pas été testée.
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Table des matières
Chapitre 1. INTRODUCTION
A. Les Récepteurs à Domaine Discoïdine (DDR)
I. Structure et ligands
1. Structure génomique
a) Les gènes DDR
b) Les épissages alternatifs
2. Structure protéique
a) Structure protéique des DDR
b) DDR1 et DDR2, homologies et différences
c) Les isoformes de DDR1
3. Interactions des DDR avec leurs ligands
a) Quel(s) collagène(s) pour quel DDR
b) Bases moléculaires de la liaison du collagène
c) Mécanisme d’activation des DDR
II. Expression et fonctions physiologiques des DDR : Focus sur DDR1
1. Expression des DDR
2. Fonctions des DDR durant le développement
3. Fonctions des DDR chez l’adulte
III. Régulation de DDR1
1. Régulation transcriptionelle de DDR1
2. Régulation de l’activité de DDR1
a) Endocytose
b) Clivage du domaine extracellulaire
IV. Voies de signalisations induites par DDR1
1. Les partenaires clés de DDR1
a) Les protéines adaptatrices
b) Les phosphatases
c) Les kinases
d) Les facteurs de transcription et enzymes
2. Les interactions phosphorylation-indépendantes
3. Les voies de signalisation
4. Les « crosstalks » avec les autres récepteurs
a) La protéine Wnt5a
b) Les intégrines
c) Les récepteurs Notch
5. Quel(s) collagène(s) pour quelle(s) voie(s) ?
V. Inhibiteurs pharmacologiques de DDR1
1. Inhibiteurs de RTK utilisés en clinique
2. Inhibiteurs spécifiques des DDR
a) Les composés DDR1-IN-1 et DDR1-IN-2
b) Le composé 7rh
B. Le DDR1 dans les pathologies
I. Cancers
II. Inflammation et fibrose
1. Atherosclérose
2. Fibrose pulmonaire
3. Fibrose de la peau
4. Ischémie-reperfusion
III. Inflammation et fibrose : les pathologies rénales
C. Les pathologies rénales : MRC et MRA
I. Le rein : structure et fonction
1. Structure du néphron
a) Le glomérule rénal
b) Le tubule rénal
c) L’appareil juxta-glomérulaire
2. Filtration glomérulaire et maturation de l’urine
3. Régulation du FSR et du DFG
II. Les maladies rénales chroniques (MRC)
1. Définition et prévalance
2. Classification et étiologie
3. Physiopathologie de la fibrose rénale
a) Inflammation fibrosante
b) Accumulation de MEC
c) Principaux médiateurs et approches thérapeutiques
III. Les maladies rénales aigües (MRA)
1. Définition et prévalance
2. Classification et étiologie
3. Physiopathologie de l’agression rénale aigüe
a) Inflammation
b) Spécificité des MRA selon leur étiologie
c) Biomarqueurs et stratégies thérapeutiques
IV. La boucle MRA-MRC
D. Les modèles de néphropathies expérimentales
I. Glomérulonéphrite induite par injection de sérum néphrotoxique
1. Description du modèle
2. Physiopathologie du modèle
II. Obstruction Urétérale Unilatérale
1. Description du modèle
2. Physiopathologie du modèle
III. Ischémie-reperfusion rénale
1. Description du modèle
2. Physiopathologie du modèle
E. Objectifs de la thèse
Chapitre 2. Inhibition thérapeutique de DDR1 dans la MRC expérimentale
1er ARTICLE : Protective effects of genetic inhibition of Discoidin Domain
Receptor 1 in experimental renal disease
Chapitre 3. Rôle de DDR1 dans la MRA expérimentale, Ischémie-Reperfusion rénale
2ème ARTICLE : DDR1 induced by Endoplasmic Reticulum Stress Drives
Ischemia/Reperfusion Renal Injury
Abstract
Introduction
Results
Discussion
Methods
References
Figure legends
Supplementary figure legends
Figures
Supplementary figures
Tables
Chapitre 4. Etude de la surexpression et/ou de l’activation de DDR1 in vivo et in vitro
A. Introduction
B. Matériels et Méthodes
C. Résultats
D. Discussion
Chapitre 5. DISCUSSION GENERALE ET PERSECTIVES
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