Les rayons cosmiques d’ultra-hautes énergies

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Les rayons cosmiques d’ultra-hautes énergies

Nous nous intéressons à présent aux énergies extrêmes c’est-à-dire supérieures à 1018−19 eV, domaine pour lequel l’unité d’énergie adaptée est l’exa-électronvolt : 1 EeV = 1018 eV. À ces énergies, le flux devient si faible, typiquement 1 particule par kilomètre carré et par an, que l’étude de ces particules nécessite des surfaces de détection très importantes afin d’accumuler un nombre d’événements statistiquement représentatif. Dans ce chapitre, nous abordons les caractéristiques des gerbes atmosphériques, fruits de l’interaction du rayon cosmique incident avec l’atmosphère, puis nous évoquons les principales méthodes expérimentales de détection des RCUHEs. Une synthèse, non exhaustive, des résultats antérieurs à l’Observatoire Pierre Auger est également présentée. b. ce scénario est, en partie, remis en cause par les travaux [10, 11] dans la mesure où ceux-ci tendent à montrer que les restes de supernovae ne sont capables d’accélérer des protons que jusqu’à 1013–1014 eV soit un ordre de grandeur en deçà du genou.

Développement des gerbes atmosphériques

L’interaction d’un rayon cosmique avec l’atmosphère terrestre induit un enchaînement de réactions secondaires et la production d’un nombre considérable de particules. Ce phénomène, mis en évidence dès 1938 par Pierre Auger, est communément appelé une gerbe atmosphérique. Lorsque le rayon cosmique incident ou primaire est suffisamment énergétique, la gerbe peut alors être détectée grâce aux particules arrivant jusqu’au sol ou via la lumière de fluorescence émise par l’azote moléculaire de l’atmosphère au passage des particules chargées de la gerbe. Le nombre de particules au sol et l’émission de fluorescence sont d’autant plus conséquents que l’énergie du primaire est élevée. Dans ce paragraphe, nous décrivons les principales propriétés des gerbes atmosphériques, en terme de développement longitudinal et latéral de la gerbe, en soulignant les caractéristiques propres à chaque mode de détection.
Afin de rendre compte du développement longitudinal de la gerbe, nous introduisons la grandeur X ou profondeur atmosphérique caractérisant la quantité de matière traversée par une particule. Cette distance parcourue s’exprime alors comme l’intégrale de la colonne de densité d’air le long de la trajectoire et a pour unité le g/cm2.

Développement longitudinal

Considérons un rayon cosmique de nature hadronique pénétrant dans l’atmosphère : la première interaction a lieu, typiquement, à une altitude de 25 kilomètres et marque le début du développement de la gerbe. Les produits issus de l’interaction rayon cosmique/air sont principalement des pions (π±, π0), des kaons (K±, K0) et divers fragments nucléaires (cf. FIG. 1.2). On distingue alors trois composantes de la gerbe :
– la composante nucléique qui se développe le long de l’axe défini par le rayon cosmique incident et qui constitue le coeur hadronique de la gerbe,
– la composante électromagnétique résultant de la désintégration des pions neutres en une paire de photons qui initient, par la suite, une cascade électromagnétique alimentée par la création de paire e+e− et par la création de photons bremsstrahlung,
– la composante muonique fruit de la désintégration des pions chargés qui intervient à une profondeur telle que la longueur de désintégration de ces particules devient alors plus courte que leur longueur d’interaction avec les composants de l’atmosphère.
Les kaons contribuent, par la variété de leurs canaux de désintégration, à la fois à la composante muonique et à la composante électromagnétique de la gerbe.
Un proton de 10 EeV produit ainsi quelques 6×109 particules chargées au maximum de développement de la gerbe (cf. FIG. 1.3). Au delà de cette profondeur, Xmax, la composante électromagnétique est progressivement absorbée par l’atmosphère. Les particules électromagnétiques qui parviennent jusqu’au sol ont, par conséquent, des énergies moyennes d’une dizaine de MeV pour les électrons/positrons et de quelques MeV pour les photons. Le maximum de production des muons, à savoir le lieu de désintégration des pions chargés, intervient à des altitudes voisines de 6 kilomètres. Au sol, le spectre en énergie de ces particules est alors dominé par des muons de 1 GeV (cf. FIG. 5.5, page 98).
La lumière de fluorescence émise par les molécules d’azote du fait de leur excitation par les particules chargées, principalement électrons/positrons, permet de reconstruire le profil longitudinal de la composante électromagnétique. L’énergie de la gerbe se déduit alors en intégrant les pertes énergétiques par ionisation, i.e. le taux de dissipation de l’énergie en fonction de la profondeur d’atmosphère X, soit l’expression suivante où dE/dX pour des électrons/positrons est égal à 2.2 MeV/g/cm2 [17] et où Ne(X) est le nombre de particules chargées à la profondeur X. La détermination de l’énergie, par des dispositifs expérimentaux de type télescopes de fluorescence, est par conséquent considérée comme une mesure « calorimétrique » et dépend peu des modèles de développement de gerbes atmosphériques. La formule (1.1) sous-entend néanmoins une connaissance a priori de la forme complète du profil longitudinal au delà de l’intervalle de mesure. De même, l’énergie non détectable, i.e. emportée par les muons et les neutrinos, implique des corrections de l’ordre de quelques dizaines de pourcents.
La position du maximum de la gerbe Xmax, varie, en première approximation, proportionnellement à la longueur de première interaction rayon cosmique-air λRC-air. Les travaux de Ranchon & Urban [18] démontrent que ce sont principalement les pions neutres de la première interaction qui façonnent le profil longitudinal de la gerbe (effet Matriochka). En conséquence, la profondeur du maximum de la gerbe dépend à la fois de l’énergie du primaire et de la multiplicité totale m(E) de la première interaction suivant la relation
Les prédictions, faites par les modèles théoriques et confirmées en accélérateurs à basse énergie, rapportent une variation en loi de puissance de la multiplicité avec l’énergie. En choisissant un comportement général où m(E) µ E0.222, le taux d’élongation est alors de l’ordre de 60 g/cm2/décade.
La relation (1.3) permet par ailleurs d’estimer la différence entre le maximum de développement d’une gerbe issue d’un proton et celle initiée par un noyau lourd. En effet, une gerbe générée par un noyau de A nucléons se comporte, en première approximation, comme une gerbe produite par A nucléons chacun d’énergie E/A. Par conséquent, la valeur de Xmax pour un proton excède de 60 g/cm2×log10 A celle d’un noyau constitué de A nucléons. La différence est ainsi de l’ordre de 100 g/cm2 entre un proton et un noyau de fer. De même, les fluctuations sont moindres dans le cas d’une gerbe de fer étant donné son « comportement moyen » par rapport aux gerbes de protons (cf. FIG. 1.3). La profondeur du maximum de la gerbe, comme les fluctuations sur le développement longitudinal, sont donc susceptibles de fournir des informations relatives à la nature du rayonnement cosmique.

Développement latéral

Un réseau de détecteur au sol est sensible à la densité de particules en fonction de la distance à l’axe de la gerbe défini par la direction du rayon cosmique primaire. La majorité des particules sont produites très proches de l’axe de la gerbe : 80% des particules sont ainsi comprises dans un rayon de 100 mètres autour de l’axe c. Les distributions latérales moyennes pour 100 gerbes de proton et de fer sont présentées Figure 1.4. Les composantes principales sont d’une part les particules électromagnétiques, photons et électrons/positrons, et d’autre part les muons ; les particules hadroniques sont quant à elles négligeables au delà d’une centaine de mètres de l’axe de la gerbe. Les résultats présentés Figure 1.4 sont des estimations faites par simulations et, bien que d’un point de vue quantitatif ces valeurs dépendent des modèles choisis, le comportement global de chaque composante reste néanmoins valable.
La densité de particules électromagnétiques est sensiblement la même entre noyaux de fer et protons. Comme nous l’avons souligné dans le paragraphe précédent, les gerbes initiées par des noyaux lourds se développent plus haut dans l’atmosphère impliquant une dispersion plus importante des particules au sol et, par conséquent, une distribution latérale plus « évasée ». Toutefois, la distance à parcourir depuis le lieu de production des particules jusqu’au sol étant alors elle-même plus importante, l’atténuation est plus conséquente. La conjugaison des deux effets se compensant, la densité de particules électromagnétiques diffère peu entre noyaux de fer et protons. À grande distance de l’axe de la gerbe, la composante,électromagnétique diminue fortement en raison de l’absorption dans l’atmosphère des particules de plus basses énergies.
La quantité de muons arrivant au sol varie suivant la nature du primaire. De même que pour le maximum de développement de la gerbe, la différence de production de muons entre un noyau atomique et un proton peut s’évaluer en considérant le modèle de superposition où un noyau de A nucléons génère alors A gerbes hadroniques chacune d’énergie E/A. Par ailleurs, le nombre total de muons augmente moins rapidement que l’énergie, Nμ µ Eβ où β est typiquement 0.92 d.
Un noyau de fer produit 40% plus de muons qu’un proton. Le nombre de muons constitue donc un discriminant puissant pour l’identification du rayonnement cosmique.
La distribution latérale mesurée dépend de la nature des détecteurs au sol. Les scintillateurs rendent compte du développement latéral des particules chargées de la gerbe, principalement électrons/positrons et à un degré moindre muons, tandis qu’une cuve à effet Cerenkov est aussi sensible aux photons. Dans les deux cas, la détermination de l’énergie de la gerbe est obtenue en évaluant le signal à une distance optimale ropt telle que les fluctuations gerbe à gerbe soient minimales. La calibration de ce signal en terme d’énergie est ensuite déterminée à partir de simulations. La dépendance vis-à-vis des modèles de développement de gerbes est alors grande et les erreurs systématiques sont conséquentes.

La simulation des gerbes atmosphériques

Les quantités mesurables d’une gerbe atmosphérique (énergie, Xmax, profils longitudinal et latéral, densités muonique et électromagnétique) dépendent autant de la nature du rayonnement primaire que de la physique hadronique régissant chaque interaction. Étant donné que l’énergie disponible pour l’interaction rayon cosmique-air est largement supérieure à celle atteinte par les accélérateurs de particules e, un modèle théorique est indispensable pour prédire la multiplicité et l’inélasticité des réactions ainsi que la section efficace totale d’interaction à de telles énergies. En outre, l’incidence des effets nucléaires sur les prédictions peut être importante, en particulier, si le rayonnement incident est constitué de noyaux lourds. Plusieurs modèles théoriques issus de calculs de QCD (Quantum Chromo Dynamics) sont utilisés par la communauté des RCUHEs parmi lesquels QGSJET [23, 24], SIBYLL [25] ou plus récemment EPOS [26]. Les prédictions faites par ces modèles diffèrent sensiblement en raison, notamment, de l’extrapolation à ultra-haute énergie de la section efficace protonair (cf. FIG. 1.5). La mesure de cette quantité par les expériences de RCUHEs, pour lesquelles nous discuterons les méthodes de détermination au cours du Chapitre 6, page 151, est à même de contraindre les modèles hadroniques.
La valeur de Xmax est relativement peu sensible au choix du modèle hadronique (cf. FIG. 1.9). Comme nous l’avons souligné précédemment, l’évolution de la profondeur du maximum de la gerbe est à la fois guidée par la variation de la section efficace rayon cosmique-air et par la multiplicité totale. L’évolution de ces quantités en fonction de l’énergie peut, suivant les modèles, avoir des effets compensatoires : une multiplicité plus importante compensant une section efficace plus faible. En revanche, la distribution latérale des particules, notamment à grande distance de l’axe de la gerbe, est fortement dépendante des modèles adoptés. La production de muons par la désintégration des pions chargés ayant lieu à des énergies de quelques dizaines de GeV, les prédictions à basse énergie sont également cruciales. La modélisation des interactions à ces énergies est ainsi limitée par nos connaissances des processus physiques à faible xF (Feynman-x : fraction d’impulsion longitudinale).
Les travaux de Drescher et al. [27] montrent notamment que, pour une simulation de gerbe utilisant QGSJET, les rapports entre distribution latérale de particules évoluent notablement suivant le modèle choisi à basse énergie (en l’occurence GHEISHA [28], FLUKA [29] et UrQMD [30]). Les futures expériences menées indépendamment à Fermilab (expérience MIPP [31]) et au LHC [32] permettront d’explorer la région à faible xF.
De même, le traitement des baryons, basé sur les résultats obtenus au RHIC (Relativistic Heavy Ion Collider) sur les effets de saturation en partons [33], n’a été que récemment incorporé à la simulation de gerbe atmosphérique. La prise en compte de tels effets modifie sensiblement la distribution latérale des particules en particulier la densité de muons au sol (modèle EPOS [26]).
À l’incertitude des modèles hadroniques, il faut ajouter les effets systématiques induits par les programmes de simulation dont le but est de suivre la propagation des particules dans l’atmosphère. Les principaux programmes utilisés à ce jour sont AIRES [34] (AIR shower Extended Simulations) et CORSIKA [35] (COsmic Ray SImulations for KAscade) pour le développement latéral des gerbes, ainsi que CONEX [36] pour le développement longitudinal.
La production de particules étant telle qu’il est impossible de suivre individuellement chacune d’entre elles au cours de leur propagation (une seule gerbe de 1020 eV serait simulée en un mois sur un ordinateur courant), des algorithmes de sélection sont appliqués pour réduire le temps de calcul. Le principe, dénommé « thinning », consiste en ne conserver qu’une partie des particules secondaires de la gerbe, dont l’énergie est inférieure à un seuil défini par l’utilisateur, en leur attribuant un poids statistique inversement proportionnel à leur énergie. La conséquence des procédures de thinning/unthinning est une perte d’information relative aux fluctuations de la gerbe d’autant plus importante lorsque l’on s’intéresse à la répartition au sol des particules.

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Table des matières

Avant-propos
1 Introduction 
1.1 Historique de l’étude des rayons cosmiques
1.2 Les rayons cosmiques d’ultra-hautes énergies
1.2.1 Développement des gerbes atmosphériques
1.2.2 Méthodes expérimentales
1.2.3 Résultats majeurs antérieurs à l’Observatoire Pierre Auger
2 L’Observatoire Pierre Auger 
2.1 Le détecteur de surface (SD)
2.2 Le détecteur de fluorescence (FD)
2.3 Premiers résultats de l’Observatoire Pierre Auger
2.3.1 Sélection et reconstruction des événements SD
2.3.2 Reconstruction géométrique et détermination de l’énergie par le détecteur de fluorescence
2.3.3 Événements typiques
2.3.4 Études des directions d’arrivées
2.3.5 Mesure du spectre en énergie
2.3.6 Neutrinos, photons et composition du rayonnement cosmique
2.4 Conclusion
3 Mécanismes de production des rayons cosmiques 
3.1 Les mécanismes astrophysiques d’accélération
3.2 Les sources astrophysiques
3.3 Les noyaux actifs de galaxie et le rayonnement cosmique
3.3.1 Zoologie des noyaux actifs de galaxie
3.3.2 Sites d’émission du rayonnement cosmique dans les NAGs
3.3.3 Discussion
4 Approche phénoménologique de la production de muons 
4.1 La production de muons
4.2 Détermination du nombre de muons
4.3 Conclusions
5 Identification du rayonnement cosmique : étude de la composante muonique 
5.1 Mesure du nombre de muons par la méthode dite des sauts
5.1.1 Position du problème
5.1.2 Genèse de la méthode dite des sauts
5.1.3 La méthode des sauts : principes et dépendances
5.1.4 La méthode des sauts : comptage des muons
5.1.5 Remarques et discussions sur la méthode des sauts
5.2 Étude de la composition du rayonnement cosmique
5.2.1 Détermination de la distribution latérale du nombre de muons
5.2.2 Analyse des données de l’Observatoire Pierre Auger
5.3 Conclusions
6 Mesure de la section efficace proton-air 
6.1 Description des différentes méthodes d’estimation de σp−air
6.1.1 Mesure du flux de protons primaires
6.1.2 Mesure via l’étude des gerbes atmosphériques
6.1.3 Discussion de la méthode Nμ − Nγ et de son application aux gerbes d’ultrahaute énergie
6.2 Mesure préliminaire de la section efficace proton-air à partir des événements SD
6.2.1 Application de la méthode Nμ − Nγ : sélection des événements
6.2.2 Application de la méthode Nμ − Nγ : mesure de σp−air
6.3 Interprétation des résultats : l’effet Ramsauer
6.3.1 Historique de l’effet Ramsauer
6.3.2 Application de l’effet Ramsauer aux interactions proton-noyau à ultra-haute énergie
6.3.3 Discussion
6.4 Conclusions
7 Application de la méthode des sauts : étude des signaux temporels 
7.1 Structure temporelle des signaux SD
7.2 Rayon de courbure du front de gerbe
7.3 Autres estimateurs de la composition du rayonnement cosmique
7.4 Comparaison des paramètres discriminants et étude de la composition du RCUHE
7.5 Séparation des signaux muonique et électromagnétique grâce à la méthode des sauts
Conclusion 
A Étude de la distribution des sauts sur les données de l’Observatoire Pierre Auger
B Distribution latérale du signal muonique pour les événements E ≥ 57 EeV
C Projet d’études des propriétés de l’eau et du Tyvek
C.1 Position du problème
C.2 Description du dispositif expérimental
C.2.1 Accélérateur ELYSE
C.2.2 Chaine optique et dispositif de mesure
C.3 Projets d’études
C.3.1 Test 1 : Émission de lumière vers l’avant
C.3.2 Test 2 : Émission de lumière à grand angle
C.3.3 Test 3 : Émission sous le seuil Cherenkov
C.3.4 Test 4 : Mini cuve en Tyvek
C.3.5 Test 5 : Illumination directe du Tyvek par une lampe au Xénon
Références

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