Les rapports sociaux en général et les relations entre individus et groupe ou communauté en particulier, ont connu d’importantes évolutions avec de profonds changements. Deux conceptions ont principalement marqué cette mutation : un individualisme tourné vers la recherche d’une plus grande liberté individuelle marquée par l’affirmation de soi d’une part, et un communautarisme qui met en avant le point de vue du groupe au nom d’un idéal d’association sous- tendu par un humanitarisme que traverse une vision organique de la société d’autre part. Cette situation dichotomique n’est pas sans engendrer des oppositions dans les rapports sociaux. Les tensions entre individus et groupes seraient un phénomène récurrent, observable à divers moments du processus d’affirmation de soi. L’affirmation de soi pouvant être comprise ici comme désir de compter et d’être valorisé autant ou même plus que les autres membres dans le groupe, avec des aspirations très fluctuantes.
En réalité, la nature humaine est très mouvante et difficile à appréhender. L’être humain est très instable et très complexe, à l’instar de la nature en générale (physis chez Aristote). Aristote a compris cela très tôt et nous a enseigné après Héraclite, que tous les êtres se meuvent et changent. Il n’existe pas un être qui ne soit sujet au mouvement, à l’évolution et à la corruption. L’humain ne saurait échapper à cette dynamique. Il est toujours en transformation en fonction du renouvellement des besoins et des exigences dans tous les domaines de la vie. C’est que l’homme est un être d’intérêt. Il est aussi le seul être conscient de son état et de la chute (la mort) qui le hante dans son devenir. Il n’est jamais satisfait du tapis de la vie qui se déploie devant lui. L’humain reste constamment préoccupé par ce qu’il n’a pas ou ce qu’il n’est pas. Il travaille chaque jour à hâter la mise en œuvre du projet qu’il est. Il anticipe sa mue psychique et physique dans les soins qu’il porte à son corps et dans la plupart de ses activités, dans ses relations avec autrui et aussi dans les applications de sa raison sur les choses. Et personne ne renonce à son projet, jusqu’au dernier souffle ; celui de l’instant ultime. Un proverbe wolof dit : ku dee bayyi mebet . C’est la dynamique de projet qui inscrit l’humain dans la tension car l’homme n’a pas seulement un projet ; il est plutôt en projet lui-même. Le projet qu’il est se traduit par un ardent désir (de s’affirmer) au sein de la communauté. Cette volonté et cette préoccupation de réalisation de soi, est parfois à l’origine de vives tensions dans les groupes sociaux à cause de la prégnance des normes.
En effet l’humanité nourrit de grands espoirs d’agrandissement dans son évolution du fait des avancées de la technoscience et des droits ; mais aussi elle est envahie de craintes sérieuses de destruction et d’avilissement dans sa nature et ses relations sociales. De plus en plus les rapports sociaux deviennent tendus. La dialectique individu/groupe s’oriente davantage vers l’intérêt au point d’assombrir aujourd’hui les notions d’individu et de société. Il y a tout un processus qui nécessite un accord sur le sens de ces deux entités (Individu et Société) pour mieux en cerner les transformations intrinsèques et la dialectique. Le Dictionnaire universel définit la société comme « un ensemble d’individus unis au sein d’un même groupe, par des goûts, des intérêts, une culture, des institutions, etc. Quant à l’individu, c’est tout être organisé, animal ou végétal, qui ne peut être divisé sans perdre ses caractères distinctifs, sans être détruit ». Dans le cas précis de notre contexte, sous la même perspective que l’Agence Universitaire de la Francophonie, (HACHETTE, Edicef), l’individu est un être humain considéré isolément par rapport à la collectivité. Cette sorte de dichotomie entre individu et société inscrit d’emblée l’humain dans la dualité à cause de la double dimension qu’elle implique : unité et diversité. Ainsi les rapports sociaux en générale et les relations entre individu et groupe (ou communauté) en particulier, ont connu d’importantes transformations. Chaque société, chaque groupe construit ses stratégies d’éducation pour contrôler ses membres et préserver ses intérêts ou ses valeurs.
L’homme est non seulement un être qui cherche à s’affirmer, mais aussi être ayant une conscience profonde des normes qui régissent ses rapports avec ses semblables et même avec tous les autres êtres. Il est par ailleurs appelé à vivre en communauté. Les raisons peuvent être d’ordre biologique (meilleure survie au sein du groupe) ou psychosocial (besoin d’appartenance ; crainte d’exclusion sociale). Or il est clair que malgré un besoin d’appartenance plus ou moins marqué, chaque personne aspire à la liberté et à la reconnaissance car c’est cela qui fait sa qualité d’homme. D’ailleurs le grand souci de tous les décideurs (politique ou scientifique) et de toutes les organisations, est lié à la conciliation de deux besoins : celui de solidarité et celui d’autonomie individuelle. Chacun de ces besoins a été une préoccupation depuis l’antiquité.
INDIVIDUS ET GROUPES : LES TENSIONS
La société qui a ses normes et ses interdits, tend, comme on l’a souligné un peu plus haut, à canaliser les ardeurs de l’individu. De ce fait, la tendance est manifeste à percevoir un rapport de cause à effet entre individu et société. En réalité c’est une dialectique. A considérer à fond cette dialectique, notons en effet que l’individualisme et le communautarisme sont deux conceptions de l’organisation des relations de soi à autrui. La communauté est toujours en quête d’un plan idéal d’association tout en prétendant rendre l’individu heureux. Or, l’individualisme met en avant l’autonomie du sujet. Le caractère double de l’humain explique son attitude tenaillée entre la part d’individuel et la part de social en lui. Il s’établit alors un rapport de forces qui détermine la structure du champ social où l’individu aspire à la liberté et au plein épanouissement de sa personnalité. Entre Individu et Société, il ne s’agit pas de deux réalités séparées mais de deux symbolismes non seulement irréductibles l’un à l’autre, mais aussi concomitants et solidaires. S’il est possible de spécifier les deux ordres impliqués ici, il n’est pas facile d’en établir les déterminations culturelles. La complexité des rapports réside en ce qu’il faille prendre en charge un être (l’humain), à la fois différent des autres et non ex filtrable du groupe duquel il réclame des droits, des libertés et du respect ; c’est-à-dire une reconnaissance.
Dialectique Individu/Groupe et Types de Sociétés
L’agrégat est différent du groupe d’individus et surtout de la communauté. Dans la communauté, les individus ont des interactions sociales régulières et ne sont pas ensemble pour un instant précis, mais pour une vie ; il n’y a pas non plus d’anonymat. Tous les membres se connaissent et partagent une existence et des avantages dans la durée ; même s’ils se renouvellent. La communauté comprend donc une vie commune durable de personnes organiquement liées. Il ne suffit pas seulement d’avoir des gens dans un espace. Il faut que ces gens s’investissent dans l’entretien des liens. Cet aspect de la communauté a été abordé dans un article de Cherry Schrecker : « la communauté est antérieure aux individus et comprend une vie commune durable de personnes organiquement liées dans l’espace et dans le temps ». Il a bien relevé cette approche dans sa définition de la communauté. Il ajoute : « (…) ces liens peuvent fonder une communauté d’esprit, « ensemble cohérent de la vie mentale », caractérisée principalement par l’amitié. Dans les communautés d’esprit, les liens sont invisibles et peuvent exister entre membres d’une même profession ou d’une pratique artistique, par exemple, c’est-à-dire entre personne qui ne partagent pas un lieu d’habitation » . L’appartenance à une communauté donne des avantages en même temps qu’elle soumet à des devoirs et des obligations ou des responsabilités en termes d’attentes. Des attentes à deux niveaux : les attentes de l’individu sur la communauté et les attentes de la communauté sur l’individu. L’individu attend de la communauté que ses aspirations particulières soient prises en compte ainsi que sa liberté sous toutes ses formes. Or la communauté attend de l’individu une soumission complète ; ce qui semble contraire à la nature humaine. L’individu ne se donne que sous la contrainte ou encore dans un souci de sauvegarder un intérêt particulier. Très souvent, la communauté nait lorsque les gens sont coincés dans un espace où l’instinct de survie l’emporte sur tout le reste. Toujours est-il que la communauté, qu’elle soit physique ou relationnelle, initie toujours des normes pour le fonctionnement et la gestion des ressources collectives. L’individu est ainsi empêché de faire vraiment tout ce qu’il veut. Les liens, émotionnels ou matériels, de voisinage ou de parenté, sont très forts dans la communauté et s’ancrent dans des rituels et des échanges qui sont de l’ordre du don et du contre don. Ce sont ces liens qui sous-tendent l’investissement communautaire et surtout les rapports positifs entre l’individu et la communauté. Ainsi l’inclusion de la communauté dans l’identité d’un individu dépend du degré d’influence et de satisfaction des besoins qu’on est en droit d’attendre de chaque côté. Il y a également que c’est l’immixtion de la communauté dans l’identité d’un individu qui révolte celui-ci.
|
Table des matières
INTRODUCTION
I. CHAPITRE PREMIER : INDIVIDUS ET GROUPES : LES TENSIONS
I.1- Dialectique Individu/Groupe et Types de Sociétés
I.2-Ambivalence des rapports/Manifestations des Tensions
I.3- Dévoilement de l’Individu ; un Moi entre unité et multiplicité
II. DEUXIEME CHAPITRE : L’AFFIRMATION DE SOI
II.1- forces du moi et réalités sociales
II.2- implosion des normes ou crise des valeurs
II.3- Nécessité de la diversité et tolérance
III. TROISIEME CHAPITRE : EMERGENCE DE NOUVEAUX DROITS
III. 1 Dynamique de globalisation et combat pour la reconnaissance
III .2. Principe d’égalité pour tous
III.3. Vers un nouvel ordre social
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
WEBOGRAPHIE