Les raisons d’une acceptabilité sociale difficilement atteignable dans l’éolien

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Une participation citoyenne à différentes échelles

Avant de s’intéresser aux différents degrés de participation de la population dans les projets, tachons tout d’abord d’en donner une définition, un sens. Une définition très formelle peut se dégager, désignant la participation citoyenne comme « un processus d’engagement obligatoire ou volontaire de personnes ordinaires, agissant seules ou au sein d’une organisation, en vue d’influer sur une décision portant sur des choix significatifs qui toucheront leur communauté » (Pierre André, 2012).
À travers cette définition, on comprend qu’il s’agit d’apporter son opinion, son avis, en tant que « personne ordinaire », c’est-à-dire quelqu’un qui n’a pas les connaissances et les compétences techniques sur tel ou tel sujet. Mais en creusant un peu plus, certains écrivains et sociologues ont pointé du doigt une notion essentielle à la compréhension de ce qu’est réellement la participation : le pouvoir du citoyen. Sherry Arstein s’est ainsi essayé à extraire une définition de ce concept, utilisant la notion de pouvoir du citoyen (citizen power) :
“My answer to the critical what question is simply that citizen participation is a categorical term for citizen power. It is the redistribution of power that enables the have-not citizens, presently excluded from the political and economic processes, to be deliberately included in the future. It is the strategy by which the have-nots join in determining how information is shared, goals and policies are set, tax resources are allocated, programs are operated, and benefits like contracts and patronage are parceled out” (Sherry Arstein, 1969)
Traduction : ma réponse à la question critique de qu’est-ce que la participation des citoyens est un terme catégorique renvoyant au pouvoir des citoyens. C’est la redistribution du pouvoir qui permet aux citoyens démunis, actuellement exclus des processus politiques et économiques, d’être délibérément inclus dans le futur. C’est la stratégie par laquelle les personnes défavorisées se joignent pour déterminer comment l’information est partagée, comment les objectifs et les politiques sont fixés, comment les ressources fiscales sont allouées, comment les programmes sont exploités, et comment les avantages comme les contrats et le favoritisme sont morcelés.
Même si la traduction du terme « have-not citizens » en « citoyens démunis » est un peu forte, l’idée est bien là. La population croit parfois être impliquée alors que son avis ne comptera pas lors de la décision finale. Le pouvoir de ses idées est souvent très faible, voire inexistant, et on ne peut ainsi pas parler de participation. C’est pourquoi S. Arstein a établi une classification des différents degrés de participation, rassemblés dans une échelle à 8 étages, « The ladder of citizen participation « (Trad : L’échelle de la participation citoyenne ; Figure 3).

La démocratie participative comme nouvel outil

De nos jours, la concertation de la population est de plus en plus répandue dans les projets d’aménagement. La participation citoyenne est rentrée dans les mœurs. Si l’on prend comme référence l’échelle d’Arnstein vue précédemment, cette participation correspond entre autres aux échelons 3, 4, 5 et 6. En effet, elle ne correspond ni à une manipulation ou une thérapie, et on n’est clairement pas au stade où la population obtient la majorité du pouvoir de décision. Les citoyens sont ainsi dans la majeure partie des cas informés d’une part, puis consultés dans un second temps. Dans certaines situations un partenariat est envisagé entre les autorités directrices et la population, représentés en général par une association de citoyens.
Cette concertation aujourd’hui bien présente est le fruit des deux composantes. La première est celle de la réglementation. À partir des années 70, de nombreuses démarches ont encouragé les autorités, les pouvoirs publics et les entreprises promotrices de projets à intégrer la population. Certaines d’entre elles ont même abouti en une création de loi. La frise ci-dessous retrace 40 ans d’association du public aux projets avec les dispositifs les plus importants.

L’arrivée des nouvelles technologies : un pas en avant pour la participation citoyenne

Il y a de nombreuses façons de mettre en pratique cette démarche de démocratie participative et cette concertation de la population. À l’échelle communale, la plus formelle reste la participation au Conseil Municipal, qui autorise les citoyens à y participer pour s’informer des actualités d’un territoire. Mais cette approche est souvent méconnue de la population. Pour y participer, c’est à elle de faire l’effort de s’informer pour savoir où et quand sera tenue cette réunion trimestrielle. Ce n’est donc pas la manière la plus efficace pour toucher le plus grand nombre de personnes. Il y a également la possibilité d’organiser des réunions publiques dans un lieu bien précis du territoire (place municipale, site d’implantation du projet), ou des enquêtes de terrain à travers des questionnaires ou des entretiens avec le public concerné.
Si ces différents exemples permettent d’obtenir des résultats satisfaisants, l’ère du numérique dans laquelle nous nous trouvons a permis d’accélérer le processus. Ces nouvelles technologies de l’information et de la diffusion de celles-ci ont en effet largement contribué à l’expansion du phénomène de participation citoyenne. Internet en est certainement le meilleur exemple. Elles sont rassemblées sous l’appellation TIC (Technologies de l’Information et de la Communication). La place du citoyen a évolué, et les TIC lui font même franchir un palier supplémentaire dans la volonté de concertation de la population. En effet, « la massification des usages d’internet, induite en grande partie par l’arrivée des outils interactifs et collaboratifs du Web 2.0, a largement permis de démocratiser l’expression publique. En donnant la possibilité à tout internaute « ordinaire » de prendre la parole et de la rendre visible, le web dans sa version 2.0. a conduit à un processus inédit d’élargissement de l’espace public » (P. Brotcorne, 2012). Ainsi, il est de plus en plus facile pour un citoyen lambda de se tenir informer d’une part, mais aussi d’être approché par les « gouvernants » afin d’obtenir leur point de vue.
Dans un premier temps, à travers les nouvelles interfaces que sont les ordinateurs portables et les smartphones, il est maintenant possible d’accéder à de multiples données concernant les territoires. Des données allant de la cartographie (le site Géoportail qui permet d’accéder à des données géographiques de l’ensemble du territoire français : cadastre, routes, cartes historiques, etc. est un bon exemple), au numérique, données chiffrées sur les caractères socio-économiques des territoires (Exemple de site internet : Insee), en passant par de simples comptes-rendus de réunions administratives ou encore des descriptions de projets d’aménagement.
Dans un second temps, l’opinion de la population peut être perçue grâce aux nouvelles technologies. Les questionnaires en ligne par exemple permettent aisément de poser des questions à la population, qui reçoit le formulaire par email ou par l’intermédiaire des réseaux sociaux. D’autres exemples comme les sites collaboratifs sont également à signaler.
Les nouvelles technologies appliquées à la participation citoyenne et la concertation de la population introduisent ainsi une nouvelle forme de citoyenneté que l’on peut appeler l’ « e-citoyenneté » (ou e-démocratie).

La notion d’acceptabilité sociale

Il me semblait également important d’aborder une notion primordiale lorsque l’on s’intéresse aux projets d’aménagement du territoire, qui plus est lorsque ceux-ci répondent à un besoin national comme la transition énergétique et la notion d’acceptabilité sociale. Ce concept reste difficile à définir car c’est une notion nouvelle qui est apparue au fur et à mesure que la population protestait contre la mise en place d’un projet. L’acceptabilité sociale s’est développée depuis le début des années 2000 où, aux quatre coins de la planète, les projets d’envergure ont commencé à générer de nombreuses contestations sociales. En effet, « ces mobilisations sociales ainsi que les (tentatives de) réponses apportées par les promoteurs et les décideurs, privés et publics, sont de plus en plus envisagées sous l’angle de l’acceptabilité sociale » (P.Batalier, 2016).

Négociation et transaction sociale comme alternatives à la concertation

Nous connaissons maintenant le sens de ce qu’est la concertation, mais il me semblait intéressant de creuser un peu plus le loin pour voir les alternatives de ce concept. La concertation de la population est là pour régler les conflits sur un sujet dans une démarche de co-construction entre les différents acteurs d’un projet d’aménagement et les habitants. Mais il se peut que, malgré toute la bonne volonté de chacune des parties prenantes, le conflit persiste à terme, chacun campant sur ses positions. On peut alors supposer que le processus de concertation n’a pas abouti. La solution pour résoudre ce problème doit alors passer par une forme de consensus, que ce soit par une négociation ou alors par la mise en place d’un concept peu connu nommé « transaction sociale ». La première forme citée n’est autre que le stade supérieur à la concertation, explicitée brièvement plus tôt dans ce dossier (Cf. Figure 3). La négociation peut être assimilée à une forme de marchandage, ou, si l’on se réfère à la définition du dictionnaire Larousse, peut être associée à des
« discussions, [des] pourparlers entre des personnes, des partenaires sociaux, des représentants qualifiés d’États menés en vue d’aboutir à un accord sur les problèmes posés ». On retrouve ici la volonté de régler un conflit coûte que coûte et de trouver une solution finale au problème initial. Chaque partie à ses intérêts, le but étant d’essayer de trouver un juste milieu pour satisfaire tout le monde dans la mesure du possible. Cela implique pour les promoteurs d’avoir de vraies compétences en négociation. En ce qui concerne le domaine de l’éolien, la France a beaucoup à apprendre des pays nordiques (Suèdes, Finlande, Danemark) dont les compétences en la matière sont beaucoup plus développées, couplées par ailleurs par d’autres compétences juridiques réelles.
Dans des projets de territoires, la négociation est remplacée peu à peu par un concept récent qui n’est autre que la transaction sociale.
Pour essayer de comprendre cette notion, le point de départ sera le travail réalisé en 2015 par José SERRANO, en collaboration avec Joëlle FOREST et Abdelillah HAMDOUCH, où l’on peut voir une mise en application directe de ce qu’est la transaction sociale à travers un conflit qui oppose la population à des industriels du recyclage des déchets. Comme l’éolien, c’est un domaine important dans l’optique de développement durable.
J.Serrano différencie les deux sujets par une fine frontière. En effet, tandis que la négociation est associée à la notion d’intérêt, « la transaction sociale s’intéresse davantage aux relations entre les acteurs qu’à l’objet même de la négociation. Il permet de mettre en évidence des échanges symboliques qui peuvent se produire au cours d’un conflit. Ces échanges consistent en un réarrangement des valeurs portées par les protagonistes. C’est la relation entre les protagonistes qui évolue. L’échange de valeurs ne résout pas forcément le conflit, les tensions peuvent demeurer. Cependant, à la faveur d’un échange symbolique, la coexistence des acteurs devient possible alors qu’au départ leurs positions étaient inconciliables. » (J.Serrano, 2015).
À travers cette esquisse de définition, on remarque que la transaction sociale est un échange qui met en lumière les relations humaines au sens propre du terme, sans avoir recours à des jeux de pouvoir entre les parties prenantes (se référer à la « théorie des parties prenantes », stakeholders theory, de Robert E. Freeman7). Le but étant d’impliquer l’ensemble des acteurs. Pour être encore plus complet sur la transaction sociale, nous pouvons également citer le sociologue Jean REMY, pour qui « la transaction sociale attire l’attention sur les jeux multiples entre le rationnel et l’affirmation de sens, le formalisé et le diffus, le continu et le discontinu, l’interaction et l’interdépendance ».
Grâce à ces deux premiers chapitres, nous avons pu voir dans un premier temps que le développement de l’éolien en France est en pleine croissance. Le pays s’est fixé des objectifs écologiques et économiques et met tout en œuvre pour se donner les moyens de les atteindre dans les prochaines années, faisant de la transition énergétique par le secteur de l’éolien une opération d’intérêt général dans laquelle chaque individu a un rôle à jouer. Dans un second temps, nous avons pu aborder le thème de la concertation de la population dans un projet d’aménagement. Ce concept peut se rattacher
à plusieurs autres notions que sont la participation citoyenne, la démocratie participative ou encore l’acceptabilité sociale.
La troisième partie de ce dossier ne sera ni plus ni moins que le croisement entre les deux grands thèmes déjà abordés. En d’autres termes, nous allons étudier l’implication et la concertation de la population appliquées dans des projets d’implantation d’éoliennes sur le territoire français. Si l’éolien était au départ vu d’un bon œil par l’opinion publique grâce à son côté écologique, il demeure aujourd’hui un secteur mis à rude épreuve par les mouvements sociaux auquel il est sujet. Le mouvement anti-éolien se développe de plus en plus dans nos campagnes et de nombreux projets finissent en justice.
Le but sera d’abord de comprendre pourquoi l’éolien fait face à autant de vents contraires et pourquoi il est devenu une menace pour une certaine partie de la population. Ensuite, nous allons étudier le processus de concertation de la population dans ce secteur précis et voir s’il peut (et en quoi il peut) permettre de résoudre ces problèmes d’ordre social.
Enfin, nous nous intéresserons à des exemples concrets de concertation sur notre territoire, en confrontant des concertations que l’on peut qualifier de réussies et d’autres qui ont échoué.

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Table des matières

Remerciements
Introduction
Partie I. Le développement de l’éolien dans un contexte de transition énergétique
I.1. Qu’est-ce que la transition énergétique ?
I.2. La situation de l’énergie produite par le parc éolien aujourd’hui en France
I.2.1. Un secteur en recherche d’optimisation
I.2.2. Les obstacles au développement de l’éolien
Partie II. La concertation de la population : les contours du concept
II.1. Notions de concertation et de participation citoyenne
II.1.1. Définition
II.1.2. Une participation citoyenne à différentes échelles
II.2. Une volonté d’impliquer la population dans les projets d’aménagement
II.2.1. La démocratie participative comme nouvel outil
II.2.2. L’arrivée des nouvelles technologies : un pas en avant pour la participation citoyenne
II.3. La notion d’acceptabilité sociale
II.4. Négociation et transaction sociale comme alternatives à la concertation
Partie III. Pourquoi une concertation dans les projets éoliens ?
III.1. La population directement impliquée source de conflits
III.1.1. Quelle « population » ?
III.1.2. Les raisons d’une acceptabilité sociale difficilement atteignable dans l’éolien
III.2. Le rôle de la concertation pour remédier à ce problème
III.2.1. Une concertation pour minimiser le risque de conflits
III.2.2. L’importance d’une concertation du début à la fin
III.3. Exemples de projets éoliens ayant utilisé la concertation
III.3.1. Une concertation qui a échouée au cours de l’élaboration d’un schéma éolien en Ardèche
III.3.2. Une concertation qui a réussi sur une communauté de commune en Ardèche
III.3.3. Le projet du Mont des Quatre Faux, une démarche de co-construction ou un processus de transaction sociale ?
III.4. Une concertation trop profonde peut être dangereuse
Conclusion
Annexes :
Annexe 1 : puissance totale éolienne raccordée en France par région en 2017
Annexe 2 : Tableau récapitulatif des différentes influences sur l’acceptation sociale lors de projets éoliens.
Références :

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