Les radioactivités de l’uranium et du thorium

La monazite 

La monazite est un phosphate de terres rares légères : (La, Ce, Nd, …)PO4 . C’est un minéral que l’on trouve dans les roches crustales comme les granites et les gneiss, mais aussi sous forme détritique dans les roches sédimentaires et les sables de plages, ce qui prouve une certaine résistance durant les divers cycles géologiques. Malgré son occurrence de la croûte profonde jusqu’aux couches sédimentaires, sa faible abondance place la monazite dans la catégorie des minéraux accessoires. Toutefois, la monazite est un des principaux réservoirs de terres rares et joue un rôle important en contrôlant le comportement de ces éléments (e.g. Montel, 1993).

La monazite a une structure monoclinique (groupe d’espace P21/n, Z = 4). Les paramètres de maille d’un cristal naturel mesurés par Ni et al. (1995) . La structure de la monazite comporte deux types de sites en quantités égales : les tétraèdres dans lesquels se trouvent le phosphore et les nonaèdres dans lesquels se trouvent les terres rares légères . Cette structure peut être vue comme composée de chaînes [001] dans lesquelles alternent tétraèdres et nonaèdres en partageant une arête. Les chaînes sont liées entre elles en partageant latéralement, dans (001), les arêtes des nonaèdres adjacents. Les tétraèdres sont eux isolés.

Les monazites naturelles ne contiennent pas seulement des terres rares légères (TRL) mais peuvent aussi intégrer de grandes quantités de thorium (plusieurs pourcents en poids) et, dans de plus faibles proportions, de l’uranium (plusieurs milliers de ppm en poids) (Parrish, 1990). Ainsi ce minéral radioactif peut être utilisé à des fins géochronologiques grâce aux filiations 238U-206Pb, 235U-207Pb et 232Th-208Pb. La monazite peut aussi intégrer du calcium et du silicium.

La première substitution est nommée huttonique, du nom du minéral huttonite ThSiO4 et la seconde substitution est nommée brabantique, du nom du minéral brabantite Ca0.5Th0.5PO4. Ces deux minéraux ont aussi une structure monazite et forment des solutions solides continues avec le pôle TRLPO4 (Peiffert et Cuney, 1999; Montel et al., 2002). La composition des monazites naturelles varie entre ces trois pôles. Les monazites naturelles intègrent très peu de plomb lors de leur cristallisation (environ 1 ppm en poids) (Parrish, 1990). Cela rend les datations plus aisées car la très grande partie du plomb que contiennent les monazites provient de la désintégration de l’uranium et du thorium et non d’une incorporation initiale. Toutefois, il est possible de synthétiser des brabantites de plomb Pb0.5Th0.5PO4 (e.g. Montel et al., 2002). Le plomb n’est donc pas incompatible avec la structure monazite. Ce minéral intègre naturellement de nombreux autres cations dans des proportions moindres, comme des terres rares lourdes ou de l’yttrium (pour de fortes concentrations en terres rares lourdes, qui ont un rayon ionique plus faible que les terres rares légères, la structure change vers le xénotime, qui est isostructural avec le zircon). En plus de Ca et de Pb, il est possible de synthétiser des brabantites de Sr et de Cd qui forment des solutions solides continues avec le pôle LaPO4 mais aussi des brabantites de Ba, jusqu’à une fraction de brabantite de 50% (Montel et al., 2002). Les monazites peuvent accepter une grande variété de gros cations di-, tri-, et tétravalents dans les sites nonaédriques, dont les rayons s’étendent de celui de Cd à celui de Ba. Les tétraèdres, en plus de P et de Si, peuvent accepter As, V, Cr et Se. Pour de plus amples informations sur la monazite, le lecteur pourra se référer aux revues de Parrish (1990), Boatner (2002) et Harrison et al. (2002).

Les radioactivités de l’uranium et du thorium 

Cette partie s’appuie grandement sur les ouvrages de Bayet (1960), Faure (1986) et Blanc (2003).

Les différents types de radioactivité 

La carte des noyaux en fonction de leur nombre de protons et de neutrons illustre une sorte de vallée dont le fond est composé des noyaux stables et dont les versants ainsi que l’extrémité vers les atomes lourds sont composés des noyaux instables . Le début de la vallée de stabilité pour les noyaux légers montre une égalité ou quasi-égalité entre nombre de protons et de neutrons. La courbe s’incurve ensuite vers un excès de neutrons. Ainsi les deux principales causes d’instabilité sont un déséquilibre entre les nombres de protons et de neutrons ou un trop grand nombre de nucléons. La radioactivité est la transmutation spontanée d’un noyau instable en un autre noyau pour se rapprocher de la vallée de stabilité. Le noyau instable est dit radioactif ou « père » et le noyau issu de sa désintégration est dit radiogénique ou « fils ».

Les défaillances des systèmes chronologiques

Elles se produisent lorsqu’une (ou plusieurs) des hypothèses à la base de la méthode de datation est erronée :

– Les conditions initiales ne sont pas respectées. Cela se produit par exemple lorsque le système intègre initialement une quantité non supposée d’isotopes fils (radioactifs ou stable). Dans ce cas il y aura un excès d’isotopes fils stable et on obtiendra un âge apparent trop vieux.

– La loi d’évolution du système est différente de la loi d’émission radioactive. Si le système s’ouvre, il faut rajouter un terme d’échange à la loi d’émission radioactive. En cas de gain de l’isotope père ou de perte des isotopes fils radioactifs ou stable, l’âge apparent sera trop jeune. Dans les cas inverses, l’âge apparent sera trop vieux. Un des processus qui peut causer un échange d’isotopes d’un minéral avec le milieu extérieur lors d’évènements thermiques est la diffusion atomique. La diffusion atomique peut être accélérée par la métamictisation qui est l’amorphisation du réseau cristallin sous les irradiations provoquées par les désintégrations des éléments radioactifs (principalement par recul des noyaux lors des désintégrations α).

– Les limites du système ont été modifiées durant son histoire. Cela peut se produire par dissolution-reprécipitation ou cristallisation d’une nouvelle couronne autour du minéral lors d’un épisode métamorphique. Si, par exemple, le minéral n’intègre pas l’isotope fils stable au cours de la cristallisation, la nouvelle couronne en sera dépourvue et l’âge apparent sera une moyenne entre le cœur, vieux, et la couronne, plus jeune.

Les analyses ponctuelles 

La technique conventionnelle consiste à dissoudre totalement l’échantillon pour l’analyser, ce qui conduit à un âge moyen. Les progrès des techniques des dernières décennies permettent maintenant de faire des analyses ciblées sur des zones bien inférieures au millimètre. Ainsi on peut faire des analyses intra-grain, pour soulever des différences entre cœurs et couronnes, faire des cartographies complètes, etc. On peut donc maintenant rajouter les dimensions spatiales aux analyses. Aussi, le broyage n’étant plus inévitable, l’analyse in situ permet de relier les mesures aux structures du minéral, aux phases environnantes, etc. L’analyse ponctuelle est donc un formidable atout lorsque le système chronologique n’est pas resté clos. Les principales techniques d’analyse ponctuelle utilisées en géochronologie sont :

– La sonde ionique. Cette technique consiste à bombarder la surface de l’échantillon avec un faisceau d’ions. Les ions qui sont arrachés de l’échantillon sont accélérés par un champ électrique et séparés par un champ magnétique, comme pour un spectromètre de masse. Cet instrument permet d’obtenir la composition chimique et isotopique avec des résolutions latérales de plusieurs dizaines de micromètres à plusieurs micromètres dans les meilleurs des cas.

– L’ablation laser. Dans les grandes lignes, son principe est le même que celui de la sonde ionique, mais la source est différente : on bombarde la surface de l’échantillon non plus avec un faisceau ionique mais un faisceau laser. Les ions arrachés à l’échantillon sont ensuite analysés chimiquement et isotopiquement par spectrométrie de masse. Les tailles des zones analysées sont similaires à celles de la sonde ionique.

– La microsonde électronique. Contrairement à la sonde ionique et à l’ablation laser cet instrument ne donne d’information que sur la chimie de l’échantillon. On ne peut donc pas utiliser les méthodes de datations basées sur les rapports isotopiques. On utilise d’autres modèles basés sur les concentrations chimiques en pères et en fils (e.g. Montel et al., 1996). Cette technique a l’avantage de ne pas détruire la zone analysée et surtout possède la meilleure résolution latérale (de l’ordre de 1 µm).

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Table des matières

I. INTRODUCTION
I.1. La monazite
I.2. Les radioactivités de l’uranium et du thorium
I.2.1. Les différents types de radioactivité
I.2.2. La loi d’émission radioactive
I.2.3. Les chaînes de désintégration de l’uranium et du thorium
I.3. La géochronologie
I.3.1. La méthode Concordia
I.3.2. Les défaillances des systèmes chronologiques
I.3.3. Les analyses ponctuelles
I.4. La diffusion atomique à l’état solide
I.4.1. Les défauts
I.4.1.1. Les défauts ponctuels
I.4.1.2. Les défauts lineaires et bidimensionnels
I.4.2. Les mécanismes de diffusion
I.4.2.1. Les mécanismes d’échanges
I.4.2.2. Les mécanismes faisant intervenir les défauts
I.4.3. Le coefficient de diffusion
I.4.4. Les lois de Fick
I.4.5. Les divers types de diffusion
I.4.6. Les équations phénoménologiques
I.5. La problématique
I.6. Nos expériences
II. LES TECHNIQUES D’ANALYSE
II.1. La diffraction X
II.2. La microscopie électronique à balayage
II.3. La profilomètrie topographique
II.4. La microsonde électronique
II.5. La spectrométrie par rétrodiffusion Rutherford
II.5.1. Intérêt
II.5.2. Principe
II.5.2.1. Le facteur cinématique
II.5.2.2. Le pouvoir d’arrêt
II.5.2.3. Le spectre RBS
II.5.3. Exemples de spectres théoriques
II.5.4. Quelques limitations
II.5.4.1. L’empilement
II.5.4.2. La statistique de comptage
II.5.4.3. La résolution
II.5.4.4. La rugosité
II.5.4.5. Le recouvrement des signaux des éléments lourds
II.5.4.6. La canalisation
II.5.5. Les conditions d’utilisation
II.6. La microscopie électronique en transmission
II.6.1. Intérêt
II.6.2. Principes
II.6.2.1. Le FIB
II.6.2.2. L’imagerie STEM
II.6.2.3. L’analyse EDX
II.6.2.4. La diffraction CBED
II.6.3. Quelques limitations
II.6.3.1. Le comptage EDX
II.6.3.2. La dérive de la feuille FIB
II.6.4. Les conditions d’utilisation
III. L’ECHANGE Pb2+ + Th4+ ⇔ 2 Nd3+
III.1. Protocole expérimental
III.1.1. Préparation des poudres
III.1.1.1. Synthèse par coprécipitation
III.1.1.2. Synthèse par voie sèche
III.1.1.3. Analyses
III.1.2. Préparation des cristaux
III.1.3. Elaboration des couches minces
III.1.3.1. Principe du pulvérisateur radiofréquence
III.1.3.2. Réglages
III.1.3.3. Histoire du choix et de l’élaboration de la source diffusante
III.1.4. Recuits de diffusion
III.2. Résultats
III.2.1. Epaisseur de la couche mince
III.2.2. Composition de la couche mince
III.2.2.1. Après pulvérisation radiofréquence
III.2.2.2. Après recuit
III.2.3. Morphologie de la couche mince
III.2.3.1. Après pulvérisation radiofréquence
III.2.3.2. Après recuit
III.2.4. Structure de la couche mince
III.2.4.1. MET
III.2.4.2. RBS
III.2.5. Extraction des diffusivités
III.2.5.1. MET
III.2.5.1.1. Modélisation
III.2.5.1.2. Résultats
III.2.5.1.3. Incertitudes
III.2.5.2. RBS
III.2.5.2.1. Modélisation
III.2.5.2.2. Résultats
III.2.5.2.3. Incertitudes
III.3. Discussion
III.3.1. Comparaison entre MET et RBS
III.3.2. Evolution de la couche mince au cours des recuits
III.3.3. Le coefficient d’interdiffusion
IV. L’ECHANGE Pb2+ ⇔ Ca2+
IV.1. Protocole expérimental
IV.1.1. Préparation des poudres
IV.1.2. Préparation des polycristaux
IV.1.3. Recuits de diffusion
IV.2. Résultats
IV.3. Discussion
IV.3.1. Le coefficient d’interdiffusion
IV.3.2. Perspectives
V. DISCUSSION
VI. CONCLUSION

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