LES RACINES DE LA FILIERE APICOLE

LES RACINES DE LA FILIERE APICOLE

L’apiculture : une activité séduisante

A partir des années 1990 et surtout dans les années 2000, l’abeille a connu une forte médiatisation à l’échelle du globe. Dans l’opinion publique, mais aussi au sein de la communauté scientifique, elle a été reconnue en tant que sentinelle de l’environnement (BENOIT 2017 : 3). La diminution de sa présence, dans plusieurs zones du monde, préoccupe les apiculteurs5, les chercheurs, mais aussi une partie considérable de la société civile. Plusieurs institutions nationales et internationales ont été créées et une multitude d’initiatives ont été mises en place dans l’objectif d’en promouvoir la sauvegarde. Le congrès international sur l’apiculture organisé par APIMONDIA, la Fédération des associations d’apiculteurs à l’échelle du monde (qui a fait éco aussi au Burkina Faso), est un exemple de l’ampleur des mobilisations autour de différentes questions concernant ce petit insecte (APIMONDIA 2017). Sous l’impulsion de courants écologistes et aussi de recherches scientifiques, la vie des autres espèces vivantes végétales et animales, notamment celle de l’être humain, a été de plus en plus associée à la survie de l’abeille (SCHNYEDER 2015 : 6).

Dans ce contexte, la visibilité de l’apiculture a considérablement augmentée ; cette activité s’est répandue dans différents domaines, atteignant aussi l’aide au développement. Le rapport de la FAO, centré sur la promotion de pratiques durables d’apiculture, témoigne de la place acquise par cette thématique au sein des agendas internationaux liés aux programmes de développement en milieu rural (BRADBEAR 2010). Sur la page d’accueil du site de l’organisme Bees for Development, l’une des plus grandes ONG actives dans la promotion de l’apiculture, leur mission est présentée ainsi : « promotes sustainable beekeeping to combat poverty and to build sustainable, resilient livelihoods. We support beekeepers to maintain environments that are good for bees, for biodiversity, and for people. » (BEES FOR DEVELOPMENT 2017). Ces lignes mettent en évidence les principales argumentations à la de base de la majorité des interventions en apiculture. En effet, durant les vingt dernières années, de nombreuses ONG, y compris le CEAS Suisse, ont incorporé l’apiculture en tant que composante essentielle des interventions de développement visant la sauvegarde de l’environnement et des écosystèmes naturels. Une tendance qui s’inscrit dans le tournant lié au développement durable centré, entre autres, sur la conservation de la biodiversité et la gestion durable des ressources naturelles (DOUMULIN, RODARY 2005 : 91).

Les problématiques des populations les plus vulnérables se relient alors aux problématiques environnementales, c’est ainsi que les actions inscrites au développement durable cherchent à « concilier simultanément des objectifs économiques, écologiques et sociétaux » (ABAAB, GUILLAUME 2004 : 8). Pour les organismes de développement l’abeille peut contribuer à cette mission. Premièrement, grâce à son service de pollinisation des plantes à fleurs et des cultures elle favorise et renforce le maintien de la biodiversité et des surfaces boisées (BRADBEAR 2010 : 16-17). Deuxièmement, à travers la production et la commercialisation des produits de la ruche (miel et cire) les apiculteurs peuvent acquérir des revenus supplémentaires. Aux objectifs de sécurisation économique des ménages ruraux, s’ajoutent souvent ceux centrés sur l’atténuation de l’insécurité alimentaire (ibid.: 33).

Enfin, depuis ces interventions (souvent ancrées aux structures comme les groupements villageois), qui visent à la diversification des activités économiques en milieu rural, des phénomènes d’entrepreneuriat peuvent potentiellement naître et des filières de commercialisation peuvent prendre forme (COOPERER AUJOURD’HUI 2009 : 5-6). C’est pourquoi les organismes de développement interviennent également sur l’implémentation et la professionnalisation des filières apicoles (composées de maillons de production, transformation et commercialisation) en créant les conditions préalables à l’ouverture de débouchés pour la commercialisation de ces produits sur des marchés locaux, nationaux ou même internationaux (ibid.: 16). Le foisonnement de petits et grands projets qui voient des intérêts dans l’élevage de l’abeille, montrent à quel point l’apiculture est devenue, pour les ONG et les bailleurs de fonds, un instruments séduisant de lutte contre la pauvreté et au même temps de sauvegarde de l’environnement.

 Intérêt de la recherche

Au-delà du caractère actuel de ces formes d’action en apiculture et des enjeux qui en résultent, il existe à mon avis deux autres motivations qui justifient l’intérêt de cette recherche. Premièrement, la présente recherche, caractérisée par le stage auprès du CEAS Suisse, a été l’occasion de réfléchir et de révéler certaines opportunités et certains défis qui découlent de cette collaboration. Les chercheurs, affiliés au courant de l’APAD, affirment que les anthropologues ont un rôle public à jouer ; aussi au sein de l’univers du développement (BIERSCHENK 2010 : 6). Toutefois, en quoi consiste exactement ce rôle, est une question qui reste pour le moment ouverte. Les débats autour de la combinaison entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée sont loin d’être éteints, même si plusieurs chercheurs reconnaissent l’interdépendance entre ces deux façons de questionner les phénomènes du développement (BIERSCHENK 2010 : 3). Ces chercheurs mettent en évidence la capacité heuristique des méthodes qualitatives qui grâce à la combinaison d’éléments comme l’immersion intensive, l’observation participante et les entretiens ouvrent l’accès à la complexité, souvent inaperçue, de ces phénomènes (OLIVIER DE SARDAN 1995 : 47).

Au niveau de mon expérience, j’établie une démarcation en ce qu’a été ma contribution aux travaux du CEAS Suisse durant le séjour au Burkina Faso (les rapports et l’organisation d’un atelier), et le travail analytique qui a donné lieu à cet écrit. Pourtant, au-delà de la contribution en cours du stage, j’aimerais également fournir, à l’aide de ce travail d’analyse, des éléments qui peuvent orienter le CEAS, ou d’autres acteurs, au sein de l’arène apicole burkinabée. A cet égard, je suis persuadé que la description détaillée de la structuration de la filière et de la nature des interactions entre les acteurs qui la construisent, résultant des observations et des entretiens, peut compléter les informations sur lesquelles l’ONG fonde son travail. En tout cas, c’est ce que j’espère. Deuxièmement, il s’agit d’une étude qui se focalise sur la lecture des relations entre les acteurs engagés dans une ou plusieurs arènes de développement.

L’approche interactionniste et l’analyse des logiques sociales des acteurs me permettent de dépasser la posture axée sur l’évaluation du projet (succès ou échec) et de considérer plutôt l’organisation d’acteurs complexe qui résulte des dynamiques d’interventions d’appui à l’apiculture (ATLANIDUAULT, VIDAL 2013 : 83). De plus, dans cette recherche je considère les phénomènes d’interaction caractérisant l’ensemble des acteurs (humains et non humains) impliqués dans les processus de formation de la filière. Une façon d’aborder la question du développement qui va bien au-delà de la dichotomie entre populations locales et intervenants extérieurs à la base de certaines façons d’aborder ce sujet (OLIVIER DE SARDAN 2001 : 740). Au contraire, cette perspective me donne les outils analytique pour mettre en lumière les chaînes d’intermédiations complexes présentes entre la position des bénéficiaires et celle des développeurs. Deux mondes trop souvent étudiés séparément et considérés comme disjoints ou en opposition, mais qui se composent, au contraire, de frontières fluides et de points d’interface (TLANI-DUAULT, VIDAL 2013 : 83). Enfin, l’orientation sur l’acteur n’exclue pas la possibilité de réfléchir à l’organisation de l’arène apicole sous un angle plus « macro ».

Délimitation et attente de la recherche

Dés maintenant, il me semble important de souligner que dans cette recherche je me concentre principalement sur les relatons entre les Centres apicoles6, les apiculteurs et certains organismes du développement actifs en apiculture. Le focus est placé sur les enjeux et les controverses qui suivent les actions d’intervention en apiculture et la conséquente diffusion d’un paquet technique et organisationnel appelé par les acteurs du domaine apicole : l’apiculture dite moderne7. Il s’agit d’une façon de pratiquer l’apiculture fondée sur des innovations technologiques dont les équipements de production et de transformation, sur un contrôle plus assidu de la ruche et sur la transformation et la commercialisation des produits apicoles. Sur le terrain, j’ai approfondit également l’organisation de la commercialisation du miel, les principales caractéristiques de sa consommation et les spécificités du quotidien des apiculteurs. Malheureusement, écrire un mémoire signifie aussi effectuer une sélection de thèmes à traiter. C’est pourquoi j’utilise les informations récoltées autour de ces thématiques uniquement pour compléter les données centrées sur la situation des Centres apicoles. Dans l’objectif de décortiquer le fonctionnement complexe de cet espace du développement, je me sers d’éléments théoriques et conceptuels issus de la sociologie de la traduction et de la socioanthropologie du développement.

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Table des matières

1. INTRODUCTION
1.1 Anthropologie et l’aide au développement
1.2 L’apiculture : une activité séduisante
1.3 Intérêt de la recherche
1.4 Délimitation et attente de la recherche
2. ANCRAGES THEORIQUES
2.1 Que retenir des approches discursives ?
2.2 Une approche des faits de développement orientée sur l’acteur
2.3 L’enchevêtrement des logiques sociales dans l’arène du développement
2.3.1 Les interventions de développement comme réseau socio-technique
2.3.2 Les processus d’intermédiation
3. PROBLEMATIQUE
4. ANCRAGES METHDOLOGIQUES
4.1 Accès et déroulement du terrain
4.2 Posture méthodologique et outils de recherche
4.2.1 L’observation
4.2.2 Les entretiens
4.3 Rechercher et collaborer
5. ELEMETS CONTEXTUELS : LES RACINES DE LA FILIERE APICOLE
5.1 L’apiculture dans les campagnes du Burkina Faso
5.2 Les racines de la filière apicole
5.2.1 La naissance des unités de transformation
5.2.2 La naissances de marchés
5.3 Une première phase de problématisation de l’apiculture
5.3.1 La problématisation et les concepteurs des projets apicoles
5.4. L’élargissement d’un espace apicole dynamique et hétérogène
5.4.1 Montée en considération de l’activité apicole
5.4.2 Un espace apicole hétérogène
5.5 Conclusion intermédiaire ANALYSE
6. STABILISER UN RESEAU DE PRODUCTEURS
6.1 Les Centres apicoles : des promoteurs de l’apiculture dite moderne
6.1.1 Tisser et entretenir la relation avec les producteurs
6.1.2 Equiper et former les producteurs
6.1.3 Stabiliser le rôle de transformateurs /commerçants
6.2 Une série d’épreuves et de déstabilisations
6.2.1 Les limites du système de crédit
6.2.2 Le désengagement des apiculteurs
6.3 Une série de contre-stabilisation
6.3.1 Entre modernité et tradition
6.3.2 Renégocier l’enrôlement
6.3.3 Une position et un projet qui demeurent fragiles
7. STABILISER PAR LA MEDIATION
7.1 S’aménager une place à l’interface
7.1.1 Des spécificités fondamentales
7.2 Une négociation complexe
7.2.1 Stabiliser le paquet projet
7.2.2 Répondre à l’enjeu de réussite du projet
7.3 Une position stratégique, mais ambiguë et fragile
7.3.2 Du courtage pour exister
7.3.3 Une position fragile
8. NORMALISER LE RESEAU APICOLE
8.1 La réorganisation de l’espace apicole à l’échelle nationale
8.1.1 Entre normalisation, professionnalisation et expansion de la filière
8.2 Quel rôle pour l’abeille et son environnement ?
8.3 Questionner le processus de problématisation des ONG
8.3.1 Produire davantage et moderniser
8.3.2 La question de la protection de l’environnement
9. CONCLUSION
11. BIBLIOGRAPHIE
11. ANNEXES

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