Les questions relatives aux activités physiques et sportives
Les pratiques physiques et sportives
Dans son appellation courante, et malheureusement abusive, le mot « sport » recouvre un ensemble pléthorique de définitions, d’idées ou de conceptions propres à chacun. Cette cacophonie sémantique, toujours présente, aussi bien chez les scientifiques que dans les discours communs porte préjudice à l’étude des sports dans le cadre universitaire, d’où la volonté de définir clairement ce concept pour marquer sa pleine entrée dans le champ des objets scientifiques. Ce passage conceptuel, s’il se révèle encore trop disparate, a néanmoins l’ambition de porter un projet commun, à l’image du terme de Sportologie, employé par Michel Bouet (1998), qui définirait cette science pluridisciplinaire traitant du phénomène sportif.
Pour illustrer cette pluridisciplinarité du concept sportif, il nous suffit de feuilleter le rapport annuel publié par le ministère des sports, en charge de la politique sportive nationale, sur les chiffres clés du Sport . Les chiffres publiés sur « le poids du sport dans l’économie », « l’emploi dans le domaine du sport », « la pratique sportive »,« la pratique licenciée », « les équipements sportifs », et les informations fournies provenant de disciplines comme la sociologie, l’économie, les STAPS , la géographie, montrent à quel point il existe de multiples approches pour traiter le domaine sportif.
Les activités physiques et sportives dans les sciences humaines
Aujourd’hui ouverts à un champ d’analyse toujours plus large (Pociello, 1999b, pp. 1-12), de plus en plus reliés, voire réduits, à leurs aspects économiques (publicité, sponsoring, prix de transferts, salaires, droits télévisés,…), les premiers travaux sur le Sport, datant de la fin du XIXème siècle, ont eu avant tout pour objectif de définir l’essence des activités physiques, par le biais des sciences naturelles et des sciences du corps. Le Sport n’est à cette époque pas encore considéré en tant qu’activité sociale à part entière, et sa place dans les études de sciences humaines s’en trouve diminuée.
Les jeux bénéficient d’une attention plus conséquente et précoce, puisqu’ils sont étudiés dès le XVIème siècle sous la forme de théorisation mathématique, de gravure ou d’inventaire . Mais ce regard intéressé sur les jeux puis sur les sports n’apporte que peu d’informations quant à la compréhension du phénomène en lui-même. L’ouvrage d’Eugène Chapus, Le sport à Paris, paru en 1854 illustre bien ce constat. L’auteur y aborde un panel d’activités allant de la natation, de la boxe et du jeu de paume aux échecs, au whist (jeu de cartes) en passant même par un chapitre sur l’opéra, dont on peut légitimement s’interroger sur la présence dans un ouvrage sur le Sport (Terret, 2007). La publication en 1934 de l’article « Les techniques du corps », par l’anthropologue Marcel Mauss (2010 [1950]), va profondément faire évoluer la perception des scientifiques vis-à-vis des activités motrices. Marcel Mauss établit le lien entre pratique (nage, marche, course,…) et culture, forgeant à cette occasion le concept d’habitus que nous développerons plus tard. Les approches mêlant Sport et Société vont naturellement être élaborées en premier lieu par les sociologues qui dès l’après-guerre vont incorporer les activités physiques et sportives dans leur champ de recherche, prenant ainsi exemple sur leurs confrères anglosaxons. Une sociologie (française) du Sport va ainsi se développer dans les années 1960, portée par les travaux de Michel Bouet, Georges Magnane ou encore Jacques Ulmann, bientôt suivis par ceux de Pierre Bourdieu qui a montré un intérêt certain pour ces thématiques que n’a pas véritablement dévoilé le peu de quantité de ses parutions sur le sujet (Vaugrand, 1999, p. 83).
Comme le souligne Christian Pociello (1999a), dans Les cultures sportives, la création de la filière STAPS à la fin des années 1960 va favoriser le foisonnement d’études sur le Sport puisque c’est durant la décennie suivante que le Sport, même s’il ne connaît pas encore une reconnaissance totale, lutte véritablement pour devenir un « objet digne de recherches universitaires et de savoir scientifiques reconnus » (p. 42). Même si de véritables « experts » vont se manifester en la matière (rattachés aux STAPS), l’analyse du champ sportif va continuer à s’étendre progressivement à des approches philosophiques, via les travaux de Bernard Jeu, historiques avec Georges Vigarello, politiques avec Jean-Marie Brohm ou culturelles un peu plus tard avec Christian Pociello, dans le but de mettre en place des modèles d’analyse des différentes pratiques sportives, et de rattacher celles-ci à leur domaine disciplinaire de prédilection.
Bien qu’elle soit considérée comme un « fait social total » (Mauss, 2010 [1950]), la pratique sportive n’a été abordée par la géographie française qu’assez tardivement au regard des autres disciplines ou même des géographes étrangers. Il est pourtant manifeste de constater que les pratiques sportives concernent toutes les dimensions de notre société (Pociello, 1999a, p. 34). Si l’on se rattache à Roger Brunet (1993), qui dans le dictionnaire Les mots de la géographie, définit la géographie comme « l’une des sciences des phénomènes de société » (p. 233), il y a donc un manquement que Pierre Arnaud et Thierry Terret (1998) dans leur ouvrage Le Sport et ses espaces : XIXe-XXe siècles, ont su ainsi traduire : « l’histoire du sport est inséparable de sa géographie, qu’il s’agisse de géographie physique ou humaine, ainsi que l’a montré depuis longtemps la littérature anglo-saxonne » (p. 7). Les travaux de John Rooney aux États-Unis, de Philip Wagner au Canada ou plus récemment de John Bale au Royaume-Uni témoignent du retard accusé par les géographes français dans ce domaine.
La géographie du Sport, sous l’impulsion des universitaires bordelais et franc comtois (Pociello, 1999a, p. 188) s’intéresse d’abord à l’analyse spatiale, très globalisée, du phénomène sportif. Elle vise à cartographier la diffusion et l’implantation des pratiques sur le territoire à l’aide des chiffres fournis par les fédérations nationales. Ainsi parait Sport en France, de Daniel Mathieu et Jean Praicheux en 1987, premier atlas consacré aux sports, et premier ouvrage d’approche géographique du sport. Dans la foulée, Jean-Pierre Augustin multiplie les articles et les parutions, à une échelle (géographique) plus grande, et en se focalisant uniquement sur une ou plusieurs pratiques sur un territoire spécifique, comme par exemple les études du rugby puis du surf en Aquitaine. Jean-Pierre Augustin indique que « dans tous les cas, la géographie s’intéresse à la manière dont l’espace est occupé et approprié, aux flux, aux mobilités et aux interactions entre lieux et organisations » (Augustin, Bourdeau, Ravenel, 2008, p. 5). Cette définition de la géographie, appliquée aux sports, permet de faire le lien avec les travaux réalisés par les aménageurs et urbanistes sur la place du sport en ville. A ce titre, on peut citer le numéro 79 des Annales de la recherche urbaine, intitulé « Sports en ville » et qui regroupe les articles de nombreux auteurs, venus de disciplines différentes (STAPS, sociologie, géographie,…). La géographie a donc su prendre « le train en marche » comme l’indique Michel Bouet (1998, p. 123) et s’insérer dans le concert des sciences humaines et sociales qui étudient les pratiques sportives, corrigeant ainsi son étonnant silence sur la question.
Spécificités du Sport
Naissance du Sport Moderne
A quel moment le sport est-il devenu « sport » ? La question posée par Dominique Bodin et Stéphane Héas (2002) dans Introduction à la sociologie des sports (p. 45) n’est pas sans intérêt et reste sujette à débat. Deux théories sur la naissance du sport semblent s’affronter (idem., pp. 46-47). La première, dont nous partageons la portée, attribue la création du sport sous ses aspects modernes à une rupture socio historique. La seconde, bien que reconnaissant le caractère particulier du sport, y voit une continuité temporelle immuable, à travers toutes les pratiques ludiques (des Jeux Olympiques aux sports sous leur formes actuelles), utilisant leurs rites et leur caractère sacré comme preuves (Bodin et Héas, 2002). Jacques Ulmann (1989, p. 324) situe l’origine du terme « sport » au XIIIème siècle. Issu du vieux français « desport » ou « disport », il désigne alors l’ensemble des passe-temps synonymes d’amusement, d’ébattement, de divertissement. Suite à son passage en Angleterre, ce mot va refaire son apparition en France, au milieu des années 1820 (Loudcher, 2007, p. 109), en se transformant en « sport » où, repris par la noblesse, il va progressivement se doter d’une signification plus stricte, qui prend en compte le caractère compétitif de l’activité. Tout d’abord rattaché à l’équitation et aux courses hippiques il va ensuite être associé à d’autres exercices physiques de plein air comme la chasse au renard, les jeux de balles et les combats (Augustin, 1995, pp. 10-11).
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : Cadre conceptuel et problématique
1.1. Les questions relatives aux activités physiques et sportives
1.2. Les concepts socio-culturels
1.3. Problématique et hypothèse de recherche
CHAPITRE 2 : Evolutions de la société et influences sur les APS
2.1. Les APS et la modernité
2.2. Vers une nouvelle société
CHAPITRE 3 : Pratique, terrains et sources d’étude
3.1. La pratique étudiée : le football indoor
3.2. Le territoire étudié : l’agglomération lilloise
3.3. Les sources
CHAPITRE 4 : La postmodernité à travers l’exemple lillois du football indoor
4.1. Lille, accélérateur des pratiques ludo-sportives innovantes
4.2. Le football indoor, une pratique de son Temps
CONCLUSION
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