Les quartiers sensibles et leur prise en compte par les pouvoirs publics

Une satisfaction gรฉnรฉralisรฉe du cadre de vie et du logement

Prรฉsenter les profils des habitants rencontrรฉs est capital afin de dรฉbuter l’analyse des entretiens menรฉs. Le profil des habitants, en majoritรฉ de jeunes adultes en accession ร  la propriรฉtรฉ qui ne sont pas originaires du quartier, permet d’expliquer et de prรฉciser les rรฉsultats qui vont suivre. L’enquรชte montre l’apprรฉciation positive donnรฉe par les habitants au nouveau lieu de rรฉsidence. La satisfaction du cadre de vie et des logements se double d’une volontรฉ de rester dans le quartier pour la majoritรฉ d’entre eux. La trajectoire rรฉsidentielle passรฉe ainsi que la maรฎtrise du choix rรฉsidentiel prรฉsent sont des รฉlรฉments essentiels ร  l’heure de saisir les ressorts cette apprรฉciation.

Des profils homogรจnes : de jeunes primo-accรฉdants dans un quartier relativement inconnu

Malgrรฉ la diversitรฉ des personnes rencontrรฉes, un profil type revient ร  de nombreuses reprises. Il s’agit du couple de trentenaires avec ou sans enfants ayant choisi de rรฉaliser leur premier achat immobilier. Pour la plupart de la rรฉgion, de l’agglomรฉration ou mรชme originaire de Grenoble, ils ne sont pourtant pas familiers du secteur de leur nouveau lieu de rรฉsidence et n’y ont pas d’attaches familiales.

De jeunes adultes primo-accรฉdants

Il est tout d’abord utile de prรฉciser le terme de ยซ nouveaux habitants ยป utilisรฉ depuis le dรฉbut de l’รฉtude. En effet, cette dรฉnomination provient de la dรฉsignation de la zone d’habitations elle-mรชme nouvelle, les bรขtiments รฉtant relativement neufs (maximum cinq ou six ans), les terrains รฉtant auparavant occupรฉs par l’usine Schneider. Les ยซ nouveaux ยป habitants que nous avons rencontrรฉ au cours de l’enquรชte ne sont donc pas si nouveaux. En effet, ils habitent le secteur depuis deux, trois, quatre ou cinq ans, ce qui reprรฉsente un laps de temps assez important, mรชme si ร  l’รฉchelle d’une trajectoire de vie, cette durรฉe reste faible.
Ces quelques annรฉes paraissent รชtre le temps nรฉcessaire afin de pouvoir apprรฉhender leur satisfaction, le temps pour eux d’envisager leur nouvelle situation, de se dรฉfaire de possibles apprรฉhensions et/ou de construire une image du quartier mais รฉgalement de rencontrer des personnes, de construire des relations sociales ainsi que d’en dรฉcouvrir les possibilitรฉs en termes d’รฉquipements publics et de se crรฉer des habitudes dans le quartier, c’est-ร -dire des usages.
Quinze entretiens ont รฉtรฉ menรฉs auprรจs des habitants de la Zac Teisseire-JO. Les personnes rencontrรฉes ont entre 26 et 75 ans et vivent dans cette nouvelle zone d’habitation depuis de deux ร  cinq ans. Dix d’entre eux vivent en couple et dix ont des enfants, qui n’habitent pas forcรฉment avec eux sur le quartier. La corrรฉlation entre les personnes en couple et celles avec des enfants n’est pas systรฉmatique. Par exemple, les trois personnes ayant plus de 55 ans (Paul, Franรงois et et Josette) ont des enfants mais vivent sans conjoint (dรฉcรจs ou divorce). Malgrรฉ cette apparente diversitรฉ, les habitants de la Zac Teisseire-JO interrogรฉs dans le cadre de ce mรฉmoire ont un profil relativement homogรจne. Ce sont pour la plupart d’entre eux, neuf entretiens sur les quinze menรฉs, des couples de trentenaires primo-accรฉdants sans enfants ou avec des enfants en bas รขge ou encore relativement jeunes. Les autres habitants interrogรฉs sont des personnes de plus de 55 ans vivant seuls ou avec leur dernier enfant ou petit enfant adolescent (les trois habitants citรฉs ci-dessus), de jeunes adultes de moins de 30 ans, cรฉlibataires qui ne sont pas encore stabilisรฉs (Amรฉlie et Jules en colocation et Kevin vivant seul) et un couple de quarantenaire avec un enfant en bas รขge (Farid et Fatima).
Tous les enquรชtรฉs sont actifs et la plupart font partie de ce qu’il serait possible d’appeler les classes moyennes . Sans faire partie des catรฉgories sociales les plus aisรฉes, ils possรจdent un emploi stable, ont la possibilitรฉ d’รฉpargner et peuvent, pour la plupart, devenir propriรฉtaire. Pour chacune des familles rencontrรฉes, les deux parents sont en situation d’emploi, ce qui contraste avec la situation des familles des quartiers environnants, comme nous l’avons รฉvoquรฉ prรฉcรฉdemment. Les habitants rencontrรฉs sont ainsi technicien supรฉrieur de bureau d’รฉtudes (Abdel), mรฉdecin gรฉnรฉraliste et chef de projet informatique ร  la Sรฉcuritรฉ sociale (Valentin et Marie), professeur des รฉcoles et informaticien (Patrick et Claire) ou encore chargรฉe d’insertion et รฉducateur spรฉcialisรฉ (Isabelle et Franck). Cependant, cette apparente homogรฉnรฉitรฉ ne saurait occulter la diversitรฉ des profils rencontrรฉs. En effet, certains habitants vivent plus de faรงon plus modeste, ayant des emplois moins qualifiรฉs : chauffeur de bus (Damien), agent des services hospitaliers (Josette) ou encore artisan maรงon et secrรฉtaire (Farid et Fatima). Ce type d’emplois se corrรจle รฉgalement gรฉnรฉralement, au moins dans le cas de notre รฉtude, au statut d’occupation du logement : ces trois mรฉnages sont locataires du parc social. Une diversitรฉ de statut d’occupation existe en effet au sein de la Zac. Ainsi, huit des habitants rencontrรฉs sont propriรฉtaires dont deux par le bais de l’accession sociale. Sept d’entre eux ont accรฉdรฉ pour la premiรจre fois ร  la propriรฉtรฉ par l’achat de ce bien : ce sont des ยซ primoaccรฉdants ยป. Quatre mรฉnages sont locataires du parc social public et trois du parc privรฉ . Cet รฉchantillon correspond ร  l’actuelle rรฉpartition des statuts d’occupation sur la Zac . Parmi les sept primo-accรฉdants, six ont le mรชme profil prรฉcรฉdemment dรฉcrit : ce sont des jeunes couples avec ou sans enfants. Ces nouveaux habitants se sont donc installรฉs au sein de la Zac Teisseire-JO, alors que le secteur leur รฉtait pourtant assez inconnu.

Une faible connaissance du quartier par les nouveaux habitants

La plupart des personnes interrogรฉes, douze sur quinze, ne viennent pas de Teisseire, ni des quartiers environnants que ce soit Jouhaux, Malherbe ou encore l’Abbaye. Ils viennent d’autres quartiers de Grenoble (le centre ville, le Parc Paul Mistral, Vigny Musset, avenue Stalingrad, la Villeneuve, Chorier Berriat), d’autres communes de l’agglomรฉration (Eybens, Saint-Martin-d’Hรจres, ร‰chirolles, Claix), de la rรฉgion (Lyon, Annecy) ou d’autres pays (Ukraine). Seuls trois mรฉnages vivaient dans des quartiers limitrophes, Jouhaux et l’Abbaye (Farid et Fatima, Josette et Kevin). Ce sont donc principalement des ยซ extรฉrieurs ยป au quartier Teisseire qui sont venus s’installer dans cette zone nouvelle en jonction avec Jouhaux. Par ailleurs, il est รฉgalement intรฉressant de noter, comme autre รฉlรฉment commun au profil des enquรชtรฉs, que la majoritรฉ ne connaissaient pas particuliรจrement le quartier en y amรฉnageant.
Aucun d’entre eux ne connaissait, avant d’y emmรฉnager, des habitants du quartier ou y avaient une attache particuliรจre. Ils n’ont pas, pour la plupart, chercher ร  en savoir plus au moment de l’installation, comme en tรฉmoigne Isabelle qui a emmรฉnagรฉ avec son mari et ses enfants il y a cinq ans, ยซ je ne connaissais pas le quartier plus que รงa […] en fait on a eu le coup de cล“ur pour l’appartement donc on ne s’est pas trop posรฉ de questions ยป, ou Patrick qui a fait le choix avec sa femme d’acheter un appartement sur la Zac : ยซ le quartier, on ne savait pas trop, moi je ne connaissais pas le coin de Teisseire ยป. Cette observation peut paraรฎtre assez surprenante.
En effet, le logement au sein de la Zac constitue, pour sept des mรฉnages interrogรฉs, leur premier achat immobilier, et il aurait รฉtรฉ possible de penser qu’un tel choix aurait pu nรฉcessiter de plus amples recherches sur le nouveau quartier. Des habitants, en accession ou non, ont nรฉanmoins cherchรฉ ร  en savoir plus sur Teisseire et la nouvelle zone d’habitation auprรจs d’amis ou de collรจgues de travail, ce qui a pu conduire ร  certaines mises en garde et ร  des apprรฉhensions, comme nous le verrons par la suite.
La mรฉconnaissance du secteur d’emmรฉnagement est assez intรฉressante car elle contraste avec d’autres รฉtudes menรฉes sur des terrains similaires. Ainsi, par exemple, les travaux menรฉs par Pierre Gilbert sur l’accession ร  la propriรฉtรฉ dans un programme neuf au sein du quartier populaire des Minguettes alors en rรฉnovation montre l’importance du localisme et de la familiaritรฉ pour ceux qui choisissent d’acheter dans le secteur. Ceux qui accรจdent ร  la propriรฉtรฉ sont principalement des mรฉnages avec des attaches dans le quartier appartenant aux fractions stables des catรฉgories populaires, et non des classes moyennes comme cela รฉtait attendu, ร  l’inverse des habitants de la Zac Teisseire-JO qui ne sont pas ยซ รฉconomiquement contraints ยป comme ceux rencontrรฉs par Pierre Gilbert. Nรฉanmoins, il est vrai que des diffรฉrences existent entre les deux terrains d’รฉtude. En effet, la majoritรฉ des logements sont en accession libre sur la Zac, tandis qu’ils sont en accession sociale aux Minguettes, ce qui explique que les nouveaux habitants soient lรฉgรจrement moins aisรฉs que ceux de la Zac. Par ailleurs, contrairement aux Minguettes alors touchรฉ par un projet de rรฉnovation urbaine agissant sur le peuplement du quartier, le projet de la Zac n’est qu’une partie du projet, complรฉmentaire ร  celui de Teisseire, les relogements ayant dรฉjร  tous รฉtรฉ effectuรฉs. Les habitants ne pouvaient donc pas provenir de ce quartier. Malgrรฉ ces diffรฉrences , les deux projets visaient ร  attirer de nouvelles populations dans un quartier prioritaire en mutation et force est de constater le contraste entre les publics effectivement touchรฉs par ces programmes neufs sur la question de la connaissance du quartier.
Ainsi, les habitants de la Zac Teisseire-JO sont donc bien pour la plupart ยซ nouveaux ยป dans le secteur. Ils dรฉcouvrent un nouveau lieu de rรฉsidence avec des yeux relativement neufs, mรชme si cela n’empรชche pas leurs apprรฉhensions et leurs reprรฉsentations comme nous le verrons par la suite. Nous allons donc maintenant nous intรฉresser au regard qu’ils portent sur leur nouveau lieu de rรฉsidence.

Une apprรฉciation globalement positive du nouveau lieu de rรฉsidence

L’enquรชte montre que les nouveaux habitants apprรฉcient leur nouveau lieu de rรฉsidence en mettant en avant des atouts tant sur le plan du logement que du cadre de vie. La majoritรฉ d’entre eux dรฉclarent ainsi s’y plaire et souhaitent y rester.

Les atouts mis en avant

La grande majoritรฉ des interrogรฉs exprime une satisfaction quant ร  leur nouveau lieu de rรฉsidence. ยซ C’est bien ยป est une expression qui revient de nombreuses fois dans les entretiens et qui est gรฉnรฉralement le premier รฉlรฉment exprimรฉ au dรฉbut de la rencontre. Cette apprรฉciation ne doit pas รชtre prise ร  la lรฉgรจre et traduit une satisfaction de fond exprimรฉe par les habitants. Ainsi, Josette habitant seule dans un logement du parc social se dit ยซ drรดlement contente ยป, Damien rรฉsidant avec sa compagne et sa fille ยซ plus que satisfait ยป, Sara et Abdel ยซ assez ร  l’aise ยป tandis que Laurence, primo-accรฉdante et habitant avec son mari et sa fille explique qu’ils sont ยซ bien dans l’appartement ยป. Il est รฉgalement possible de citer Patrick qui ne connaissait pas le quartier avant d’y emmรฉnager et qui explique que ยซ coup de dรฉs ou pas coup de dรฉs on a dรฉcouvert un quartier plutรดt sympathique parce qu’il y a une certaine solidaritรฉ, on est dans un quartier plutรดt populaire, tout de suite on se connaรฎt bien entre voisins ยป, une autre personne dรฉcrit ยซ un quartier paisible ยป.
En effet, de nombreux avantages sont mis en avant au cours des entretiens, atouts qui portent tout autant sur le nouveau logement des personnes que sur le quartier et sa localisation au sein de la ville et de l’agglomรฉration. Les habitants interrogรฉs valorisent ainsi la tranquillitรฉ du lieu, son calme, les espaces verts au niveau des allรฉes, des cours intรฉrieures et du parc de Ouagadougou qui jouxte la Zac Teisseire-JO mais รฉgalement la qualitรฉ de la morphologie urbaine qui se traduit par des formes variรฉes et des bรขtiments ยซ ร  taille humaine, quatre รฉtages maximum [avec] trรจs peu de foyers par immeuble ยป . Les habitants apprรฉcient รฉgalement le fait que les bรขtiments soient neufs. En effet, pour nombre d’entre eux, cela a รฉtรฉ un argument supplรฉmentaire pour venir s’installer ici, en plus de la TVA ร  prix rรฉduit, du fait de la proximitรฉ avec la ZRU, permettant dโ€™accรฉder ร  ce type de confort ร  moindre coรปt. C’est par exemple le cas de Isabelle et Franck, couple de trentenaires avec trois enfants, qui cherchaient ร  acheter pour la premiรจre fois dans de l’ancien, mais qui sont nรฉanmoins venus visiter l’appartement du fait du prix, alors รฉquivalent ร  ceux dans de l’ancien du fait de la rรฉduction fiscale. Le couple a finalement pris la dรฉcision de s’y installer. Les logements sont รฉgalement globalement trรจs apprรฉciรฉs notamment du fait de leur commoditรฉ, des importantes surfaces, de la prรฉsence de balcons ou encore de la vue sur les montagnes environnantes.
Nรฉanmoins, il est quand mรชme important de dire, que malgrรฉ cette globale satisfaction concernant les logements, plusieurs habitants tรฉmoignent de certains dรฉfauts auxquels ils ne s’attendaient pas en achetant ou louant dans du neuf.
De nombreux termes รฉlogieux sont cependant prรฉsents dans les entretiens. ยซ Coup de cล“ur ยป, ยซ on a craquรฉ ยป sont par exemple deux expressions qui reviennent dans plusieurs entretiens afin de dรฉcrire la premiรจre visite l’appartement. Le prix est ainsi un aspect dรฉcisif mais ce n’est pas l’unique motif de dรฉcision : les appartements ont plu dans leur organisation et leur confort. La prรฉsence de commerces de proximitรฉ, tels que la boulangerie ou le Simply,ainsi que d’รฉquipements, comme la Poste sont apprรฉciรฉs et mis en avant au cours des entretiens. Enfin, la localisation du quartier, en bordure de centre-ville tout en restant trรจs proche de celui-ci (20 minutes en bus) est soulignรฉe. La mixitรฉ des populations dans le quartier est รฉgalement un รฉlรฉment positif citรฉ par plusieurs habitants, sauf pour l’un des habitants qui n’apprรฉcie guรจre la proximitรฉ avec des classes plus populaires . Ainsi, Valentin et Marie expliquent par exemple ainsi qu’ils sont ยซ contents de la population, [ils trouvent] qu’il y a de la mixitรฉ, du coup [il y a] des gens de tous les horizons, c’est super agrรฉable ยป. La question scolaire ne semble pas avoir รฉtรฉ prise en compte dans le choix du nouveau lieu de rรฉsidence, malgrรฉ l’importance de cet aspect comme nous le verrons par la suite.
Comme le rรฉsume Amรฉlie, auteur dramaturge vivant en collocation avec un ami, ยซ c’รฉtait tout neuf, on a une super vue, il y a une petite cour intรฉrieure, il y a le garage, le garage ร  vรฉlo, enfin bref c’est confortable, quand tu regardes autour il y a pleins de verdure, on est pas loin du centre ville, tu prends le bus t’y es direct, pareil c’est pas loin de la montagne de l’autre cรดtรฉ donc quelque part c’est le compromis idรฉal pour habiter en ville ยป. Il est intรฉressant de noter que la plupart des รฉlรฉments explicitรฉs par les habitants interrogรฉs sont ceux mis en avant par la ville de Grenoble dans ses plaquettes de commercialisation et de communication concernant cette nouvelle d’habitation, ยซ 4 trรจs bonnes raisons de dรฉcouvrir ce futur quartier ยป, qui insistent sur l’accรจs direct au centre ville, l’adaptation des appartements aux modes de vie actuels, la qualitรฉ de vie et la haute qualitรฉ environnementale (HQE).Pour ces raisons, une majoritรฉ d’habitants souhaitent rester dans le quartier.

La volontรฉ de poursuivre sa trajectoire dans le quartier

L’enquรชte montre ainsi que plus d’un tiers des habitants interrogรฉs souhaitent rester dans leur nouveau logement et leur nouveau quartier , ce qui est, bien entendu, ร  mettre en corrรฉlation avec leur satisfaction. Les habitants se plaisent dans le quartier, ils apprรฉcient ces commoditรฉs et ces amรฉnitรฉs, ce qui concorde avec les impressions exprimรฉes par les professionnels du quartier Teisseire, รฉvoquรฉes en premiรจre partie de cette รฉtude. Les habitants ont peu ร  peu pris leurs marques et envisagent dรฉsormais de poursuivre leur trajectoire au sein de ce quartier, mรชme s’ils ont dรป, pour un certain nombre d’entre eux, surpassรฉ certaines apprรฉhensions comme nous le verrons par la suite.
Pour un autre tiers des interrogรฉs, le choix de la Zac Teisseire-JO n’est qu’une รฉtape dans leur parcours rรฉsidentiel. Mรชme s’ils sont satisfaits de leur nouveau lieu de rรฉsidence, ils envisagent de dรฉmรฉnager. Ils ne mettent pas cette dรฉcision en corrรฉlation avec le quartier ou leur possible insatisfaction. En effet, ils dรฉmรฉnagent afin de se rapprocher d’un lieu de travail (Isabelle et Franck), d’obtenir un logement plus grand du fait d’une augmentation de la taille de la famille (Sara et Abdel, Valentin et Marie) ou pour s’installer ร  la campagne (Patrick et Claire) ou dans une plus petite ville (Laurent et Martine), le quartier ayant รฉtรฉ conรงu comme une รฉtape avant leur installation dรฉfinitive. ยซ Nous de toute faรงon, ce qu’on s’est dit c’est que c’รฉtait un projet temporaire, on ne souhaite pas rester ici tout le temps [โ€ฆ] je ne me sens pas l’รขme d’un citadin, je le savais dรฉjร  ยป (Patrick). Pour ces habitants, le quartier ne constitue donc pas l’aboutissement de leur trajectoire rรฉsidentielle.
Pour finir, quatre des habitants interrogรฉs sont nรฉanmoins plus mitigรฉs quant ร  l’apprรฉciation du quartier et donc quant ร  la suite de leur parcours dans celui-ci. Daria, jeune ukrainienne venue rejoindre son mari en France et vivant actuellement dans un logement en location privรฉe, prรฉfรฉrerait changer de quartier. Elle ne s’y sent pas complรจtement ร  son aise, semble avoir peur la nuit, et souhaite changer de secteur quand ils devront choisir un appartement ร  acheter. Laurent explique lui รชtre satisfait du quartier mais nuance nรฉanmoins son propos en le comparant ร  son ancien quartier plus riche en relations sociales dans un cadre de vie jugรฉ meilleur. Deux mรฉnages ne se plaisent vraiment pas dans le quartier et souhaitent dรฉmรฉnager. Pour Jeanne, employรฉe en laboratoire de recherche en couple avec un enfant, son logement รฉtant son premier en accession, le quartier est une dรฉception tant du point de vue du logement, du manque de mixitรฉ sociale ou des risques de mauvaises frรฉquentations de son enfant : ยซ on croyait ร  plein de principes de la mixitรฉ sociale, on disait que ร  Grenoble c’est une belle ville, pourquoi on ne sโ€™installe pas ici, aprรจs ben voilร  le quartier il y a des petits soucis sociaux mais vraiment il faut que รงa disparaisse, c’est que nous… les jeunes qui souhaitent dรฉmarrer leur vie, ils ont une situation correcte c’est eux qui peuvent changer les choses, on croyait vraiment ร  la mixitรฉ sociale [โ€ฆ] on s’installe et aprรจs on a eu des petits problรจmes […] on a l’impression que c’est une construction qui est destinรฉ aux gens qui se satisfont du minimum [โ€ฆ] il y a des dรฉfauts de partout [โ€ฆ] je pouvais pas mettre mon enfant dans l’รฉcole du quartier parce que voilร  j’ai peur ยป. Pour Farid et Fatima, couple de quarantenaires avec un enfant en bas รขge et locataires du parc public, les actes de vandalisme sont pesants, de mรชme que les mauvaises relations avec le voisinage. Enfin, il est possible de noter que pour une derniรจre habitante interrogรฉe, Laurence, le choix de rester ou non dans le quartier est encore incertain. Elle se dit satisfaite du quartier, elle s’y plaรฎt mais elle reste nรฉanmoins sur ses gardes : si de nouveaux coups de feu se font entendre, son choix sera de dรฉmรฉnager. Il n’existe pas de corrรฉlation entre les profils de ces diffรฉrents mรฉnages.
Malgrรฉ ces avis bien plus mitigรฉs ou mรชme clairement nรฉgatifs pour certains, notre enquรชte montre dans l’ensemble que les habitants sont globalement satisfaits de leur nouveau logement et de leur nouveau quartier. L’analyse de leur discours et des mots utilisรฉs nous poussent notamment ร  mettre en lien cette apprรฉciation avec leur trajectoire rรฉsidentielle. De fait, une concordance entre la marge de manล“uvre dans la trajectoire rรฉsidentielle, l’apprรฉciation du quartier et la volontรฉ de partir ou d’y rester est constatรฉe.

Une satisfaction ร  mettre en lien avec la trajectoire rรฉsidentielle

Pour la plupart des personnes rencontrรฉes รฉtant aujourd’hui satisfaites de leur cadre de vie, la dรฉcision de venir s’installer au cล“ur de la Zac Teisseire-JO est un choix rรฉflรฉchi et non contraint. Il a fait l’objet d’arbitrages et s’intรจgre dans les choix de vie des familles ou des personnes. Pour certains, ce nouveau logement est รฉgalement synonyme de changement de statut d’occupation mais pour la plupart des habitants il reprรฉsente surtout un gain qualitatif par rapport ร  leur ancien lieu de vie.

Un choix maรฎtrisรฉ…

Les raisons qui ont poussรฉ les habitants rencontrรฉs ร  dรฉmรฉnager et ร  chercher un nouveau logement sont multiples. Dans certains cas, la raison de dรฉmรฉnagement s’explique par une inadaptation du prรฉcรฉdent logement comme par exemple la recherche d’un rez-dechaussรฉe pour une personne รขgรฉe (Paul) ou la taille trop rรฉduite de l’appartement (Amรฉlie et Jules, Franรงois, Farid et Fatima, Kevin), la recherche d’un autre cadre de vie (Damien), la volontรฉ de s’autonomiser des parents (Daria et Pierre, Sara et Abdel), de devenir propriรฉtaires (Amรฉlie et Jules, Valentin et Marie, Cyril et Jeanne, Patrick et Claire, Isabelle et Franck), de se rapprocher des services et des รฉquipements de la ville (Laurent et Martine) ou encore en raison d’un loyer trop รฉlevรฉ dans le logement prรฉcรฉdent (Josette). Si un facteur est souvent prรฉdominant pour expliquer la volontรฉ de changer de lieu de rรฉsidence, il existe souvent plusieurs raisons qui s’entremรชlent, entrent en jeu et poussent finalement ร  la dรฉcision de la recherche d’un nouvel appartement. Ainsi, pour Abdel, 31 ans et technicien supรฉrieur en bureau d’รฉtudes, la volontรฉ de partir de chez ses parents domiciliรฉs ร  Saint-Martin-d’Hรจres s’est accompagnรฉ de celle de devenir propriรฉtaire, tandis que pour Franรงois, 60 ans, divorcรฉ et ingรฉnieur gรฉnie civil, lโ€™exiguรฏtรฉ de l’appartement allait de pair avec des occupations du hall d’entrรฉe par des jeunes qui l’ont conduit plusieurs fois ร  appeler la police, sans pour autant permettre une rรฉsolution du problรจme.
Une fois la dรฉcision de partir prise, les habitants ont entamรฉ la recherche d’un nouveau logement par eux-mรชmes (annonces sur Internet ou directement sur les bรขtiments), au travers d’une agence immobiliรจre ou encore par le biais de leur bailleur social pour les locataires du parc public. Dans la grande majoritรฉ des cas, le choix de la Zac Teisseire-JO n’a pas รฉtรฉ un choix contraint mais bien un choix raisonnรฉ. Les habitants ont hiรฉrarchisรฉ leurs prรฉfรฉrences et ont choisi leur logement de faรงon rรฉflรฉchie. Pour certains plusieurs visites ont รฉtรฉ effectuรฉes, pour d’autres la visite du logement au sein de la Zac รฉtait leur premiรจre mais a รฉtรฉ dรฉcisive.
Pour les locataires du parc social รฉgalement, le processus semble avoir รฉtรฉ maรฎtrisรฉ. Josette par exemple, cinquantenaire et locatrice auprรจs d’Actis, souhaitait dรฉmรฉnager, son logement รฉtant devenu trop grand et trop cher ร  la suite du dรฉpart de ses enfants. Elle a d’abord refusรฉ les deux premiรจres propositions de logement qui lui ont รฉtรฉ faites, dont l’une situรฉe au centre historique du quartier Teisseire. Ceux-ci รฉtaient, en effet, moins chers mais apparemment en trรจs mauvais รฉtat, Josette parle ainsi de ยซ taudis ยป. Le logement de la Zac, sa troisiรจme proposition, a finalement รฉtรฉ la bonne, mรชme si elle n’avait plus le choix de refuser, et se dit dรฉsormais ยซ drรดlement contente ยป de son nouvel appartement.

โ€ฆ qui s’intรจgre dans une รฉvolution positive de la trajectoire rรฉsidentielle

Il est intรฉressant de dรฉcrire briรจvement les trajectoires rรฉsidentielles des habitants, car celles-ci permettent, en partie, d’apprรฉhender et de comprendre leurs reprรฉsentations du quartier et leurs rapports aux autres. Six des interrogรฉs ne changent pas de statut d’occupation entre leur ancien et leur nouveau logement : trois restent locataires du parc public, deux restent locataires du parc privรฉ et un reste propriรฉtaire. Huit d’entre eux ont une trajectoire qu’ils qualifient de positive en ayant changรฉ de statut d’occupation, mรชme si la notion de ยซ trajectoire ascendante ยป est sujet ร  dรฉbat, le mythe de l’accession ร  la propriรฉtรฉ ayant conduit ร  de multiples dรฉrives. Sept interrogรฉs sont ainsi devenus propriรฉtaires en dรฉmรฉnageant au sein de la Zac Teisseire-JO et un autre s’est autonomisรฉ en partant de chez ses parents pour louer un logement dans le parc privรฉ. Enfin, un dernier cas a une trajectoire rรฉsidentielle du parc privรฉ au parc public, รฉvolution trรจs mal vรฉcue par ce couple avec un enfant en bas รขge.
La satisfaction du nouveau lieu de rรฉsidence transparaรฎt au travers des mots utilisรฉs par les habitants afin de le comparer avec leur situation passรฉe. Ainsi, les dรฉfauts de leur prรฉcรฉdent logement sont mis en juxtaposition avec les atouts prรฉcรฉdemment citรฉs. Certains soulignent notamment la tranquillitรฉ et le calme de la nouvelle zone en l’opposant aux inconvรฉnients du centre ville qu’ils ont fuis, que ce soit au niveau de la qualitรฉ des immeubles – ยซ parce qu’avant j’habitais dans le centre ville donc c’รฉtait des vieux immeubles, le chauffage voilร  quoi ยป (Damien)- ou de l’anonymat et du bruit – ยซ arrivรฉ ici, c’est diffรฉrent, on dirait qu’il y a un peu plus de vie, le quartier vit un peu plus, les gens sont moins stressรฉs […] รงa donne plus envie de sortir, il y a moins de bruit ยป (Kevin). D’autres habitants parlent ainsi d’un ยซ tout autre confort ยป (Paul) ou encore d’un logement qui n’a ยซ rien ร  voir ยป avec l’ancien (Sara et Abdel). Il est รฉgalement possible de donner l’exemple de cette habitante de 39 ans, technicienne ร  la mairie de Grenoble qui souligne la prรฉsence d’รฉquipements publics et d’associations dans le quartier Teisseire et l’oppose ainsi de cette maniรจre ร  son prรฉcรฉdent lieu d’habitation situรฉ dans le quartier Vigny Musset ร  Grenoble considรฉrรฉ ยซ trop dortoir ยป (Laurence). Ainsi, mรชme si de nombreux habitants ont conservรฉ le mรชme statut d’occupation, leur trajectoire rรฉsidentielle peut-รชtre qualifiรฉe de positive car elle reprรฉsente pour eux une รฉvolution qualitative notable de leur situation. Pour ceux qui accรจdent ร  la propriรฉtรฉ, l’รฉvolution de la situation est considรฉrรฉe comme une รฉtape importante dans leur trajectoire personnelle, mรชme si la plupart mettent surtout en avant le fait que cela leur permet de rรฉaliser des รฉconomies, les loyers รฉtant particuliรจrement chers, comme en tรฉmoignent Valentin et Marie qui vivent depuis 2009 au sein de la Zac : ยซ symboliquement dรฉjร  c’est bien et puis aprรจs c’est commencer ร  prรฉparer un peu l’avenir [โ€ฆ] l’impression de payer ร  pertes tous les mois quand on est locataire, lร  on paie, on investit ยป. Un des primo-accรฉdants, Patrick, fait nรฉanmoins รฉtat des difficultรฉs qu’il a pu connaรฎtre en devenant propriรฉtaire, notamment sur la question des charges qu’il n’avait pas prise en compte dans sa globalitรฉ.

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Table des matiรจres
Remerciements
Sommaire
Introduction
Premiรจre partie : Les quartiers prioritaires, entre inertie et mutations
Chapitre 1 : Les quartiers sensibles et leur prise en compte par les pouvoirs publics
I-Que sont les quartiers sensibles ?
II-La politique de la ville : d’une politique innovante ร  des critiques et des รฉvolutions
III-Les dรฉbats relatifs ร  la mixitรฉ sociale
Chapitre 2 : Les reprรฉsentations et les modes d’habiter en question
I-Reprรฉsentations sociales et lieux de vie
II-Vivre dans un quartier et dans la ville
Chapitre 3 : La Zac Teisseire-Jeux Olympiques et le quartier de Teisseire
I-Un quartier grenoblois en renouvellement urbain : le quartier Teisseire
II-La focalisation sur le nouveau secteur de la Zac Teisseire-Jeux Olympiques
Deuxiรจme partie : La Zac Teisseire-JO : de la satisfaction ร  la distinction
Chapitre 1 : Une satisfaction gรฉnรฉralisรฉe du cadre de vie et du logement
I-Des profils homogรจnes : de jeunes primo-accรฉdants dans un quartier relativement inconnu
II-Une apprรฉciation globalement positive du nouveau lieu de rรฉsidence
III-Une satisfaction ร  mettre en lien avec la trajectoire rรฉsidentielle
Chapitre 2 : La Zac et Teisseire, une relation de distinction ?
I-Une localisation floue, multiple et forte d’implication
II-Des reprรฉsentations ambivalentes des quartiers aux alentours
III-Un processus de distanciation plus ou moins volontaire
Chapitre 3 : Des usages et des pratiques du quartier assez modรฉrรฉs
I-Des usages modรฉrรฉs du quartier… mais comme partout ? L’utilisation limitรฉe des รฉquipements et des sorties tournรฉes vers le centre ville
II-Le clivage sur la question scolaire
III-Dans le quartier, des relations sociales limitรฉes ou entre pairs
Conclusion
Bibliographie
Liste des sigles
Table des annexes
Table des matiรจres

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