Les puces à cellules pour mesurer l’activité électrique des cellules

Les biopuces 

Une biopuce est représentée par un ensemble de sites de mesure disposés sur un substrat solide miniaturisé pour permettre de réaliser un grand nombre de tests simultanément [1]. On distingue aujourd’hui trois types de biopuces :
• les puces à macromolécules, comme les puces à ADN ou à protéines,
• les puces à cellules,
• les laboratoires sur puce.

Le développement des biopuces répond à une demande grandissante des industries de biotechnologie, dont les efforts de recherche se concentrent sur divers domaines de la biologie incluant la génomique, la protéomique, la bioinformatique et la pharmacologie…[2]. Les avancées dans ces secteurs donnent aux scientifiques de nouvelles méthodes pour démêler les processus biochimiques complexes se produisant à l’intérieur des cellules dans le but de pouvoir diagnostiquer et traiter les maladies. En parallèle, l’industrie du semi-conducteur a développé une large gamme de techniques de microfabrication. Le rapprochement de ces deux sciences a permis aux biologistes de réduire et d’adapter leurs systèmes de mesures, souvent encombrants, dans des espaces de plus en plus petits, que l’on nomme aujourd’hui biopuces. Ces systèmes sont aussi appelés, dans leur forme la plus intégrée, laboratoire sur puces ou encore µTAS, pour Micro Total Analysis Systems [3].

Le diagnostic représente l’application la plus visée par les biopuces et de nombreux dispositifs ont été développés et présentés dans la littérature ces dernières années [3-6]. Ces biopuces diffèrent par leur principe de détection (optique, électrique ou mécanique), par leur technique de fabrication (sur silicium, verre, plastiques, polymères ou substrats biologiques) et par le domaine d’application qu’elles visent [2, 7]. Cependant, dans tous les cas, l’utilisation des techniques de micro et nano détection est justifiée par :
• la réduction de la taille du détecteur à l’échelle de la cible étudiée pour accroître la sensibilité de la mesure,
• la réduction des volumes de réactifs et des coûts associés,
• la réduction du temps des tests par la parallélisation des mesures, et l’augmentation des rendements de tests,
• la réduction de l’encombrement et la miniaturisation de l’ensemble du système de mesure (portabilité de certains systèmes).

Des puces à ADN aux puces à cellules

L’exemple de biopuces le plus connu est représenté par les puces à ADN, apparues au cours des années 80 mais dont le réel développement débute à partir des années 90 [1]. Ces puces portent des sondes génétiques (séquences connues d’ADN) à leur surface et permettent d’analyser des échantillons biologiques pour des applications de diagnostic génétique par exemple [8]. Durant ces dix dernières années, les puces à ADN à haute densité ont permis de révolutionner la biomédecine et d’accélérer la validation des cibles et la découverte de médicaments [9]. L’essor des puces à ADN a mené au développement de laboratoires sur puces. Ces systèmes miniaturisés conçus pour intégrer des étapes successives de transformation et d’analyse de l’échantillon répondent à un besoin d’analyse automatique, haut débit et à bas coût.

Le succès des puces à ADN a inspiré le développement de puces à cellules, biopuces destinées à analyser le plus petit échantillon « intégré » vivant, la cellule. Ces dispositifs permettent de manipuler et d’analyser un grand nombre de cellules à l’échelle de la cellule unique. Les puces à cellules possèdent des contraintes spécifiques car elles font interagir une entité vivante avec des matériaux inertes :
• les matériaux utilisés doivent être biocompatibles,
• les surfaces présentent en général des revêtements pour favoriser ou empêcher l’adhérence des cellules,
• le système doit alimenter constamment les cellules en liquide nutritif ou d’analyse.

Les puces à cellules développées aujourd’hui sont très diverses tant par leurs applications que par les techniques qu’elles utilisent, mais on peut les séparer en deux grandes catégories :

• les puces comportant des cultures ou des tissus cellulaires.
De telles puces comportent en général des surfaces permettant de contrôler l’adhérence cellulaire et de localiser le développement de la population cellulaire sur des plots réalisés par des revêtements de polymères, de protéines,… [10-12]. Le comportement d’un ensemble de cellules organisées peut être étudié sur des puces passives ou actives. Sur les puces passives, le phénotype des cellules, la différenciation cellulaire, l’adhérence, etc, sont en général analysés par des méthodes fluorescentes ou optiques [11, 13]. Les puces actives sont, elles, constituées de réseaux d’électrodes (ou de capteurs CCD, Charge Coupled Device) sur lesquelles les cellules sont mises en culture [14-16]. Les mesures potentiométriques ou ampérométriques permettent alors d’étudier les effets toxiques et thérapeutiques de substances, les phénomènes d’adhérence cellulaire, la communication neuronale [16] ou encore de simuler des dommages in vivo [6].
• les puces dédiées aux cellules individualisées.
Parmi ces dispositifs, on trouve tout d’abord des systèmes destinés à la manipulation de cellules uniques pour des applications comme le tri cellulaire, le comptage, la transfection [17]… De tels systèmes permettent de manipuler les cellules par des méthodes mécaniques à l’aide de filtres, par cytométrie de flux dans des réseaux microfluidiques [5, 12, 18], électriques par diélectrophorèse [19, 20], magnétiques [21, 22], ou encore optiques [23, 24]. On recense ensuite des dispositifs destinés à l’analyse de la cellule individuelle. Cette analyse de la cellule unique pour des applications pharmacologiques ou encore pour la compréhension des mécanismes cellulaires peut être réalisée de manière électrique (mesures de patch-clamp sur puce) ou optique (analyse en fluorescence du flux calcique sur une cellule unique [25]) .

Dans le cadre de cette thèse nous allons nous intéresser à des puces permettant d’enregistrer l’activité électrique des cellules pour des applications de criblage de molécules thérapeutiques.

Les puces à cellules pour mesurer l’activité électrique des cellules 

Mesures des courants extracellulaires par les réseaux d’électrodes

L’activité électrique des cellules peut être enregistrée à l’aide de réseaux de microélectrodes, ou MEA (Multi-Electrode Array) [26]. Cette technique offre la possibilité d’enregistrer des courants extracellulaires de manière non invasive sur plusieurs emplacements simultanément. Les cellules sont en fait mises en culture sur un substrat comportant un réseau d’électrodes connectées à une électronique de mesure pour enregistrer des courants ioniques. A ce jour, deux technologies existent :
• l’utilisation d’électrodes métalliques passives, reliées à une électronique de mesure extérieure,
• l’utilisation de réseaux de transistor à effet de champ (FET, Field Effect Transistor) sur des substrats en silicium .

Les dispositifs MEA répondent à la nécessité industrielle d’examiner les composés choisis contre les cibles que sont les canaux ioniques. En effet cette technologie peut être utilisée pour l’étude :
• des organes entiers comme le cœur. Dans ce cas, c’est l’électrocardiogramme qui est enregistré [28],
• des tranches organotypiques (qui préservent l’organisation 3D tissulaire de la structure étudiée) [29],
• des cultures de cellules dissociées, comme pour l’étude des neurones .

Ces systèmes in vitro sont idéaux pour surveiller des effets aigus et chroniques des drogues ou des toxines et pour réaliser des études fonctionnelles dans les conditions physio pathologiques qui miment des dommages in vivo. En enregistrant la réponse électrique à divers endroits du tissu cellulaire cultivé sur la puce, une carte spatiale des effets d’une drogue à différents emplacements peut être produite, fournissant des indices importants sur la spécificité de la drogue .

Mesure de l’activité électrique intracellulaire, le patch-clamp sur puce 

Les canaux ioniques sont des protéines présentes sur la membrane plasmique de toute cellule. Ce sont de véritables « portiers cellulaires » qui régulent les flux d’ions entre les milieux intra et extra-cellulaires en réponse à des stimuli divers (mécaniques, chimiques, thermiques…). Ils sont à la base de nombreux processus physiologiques comme la communication nerveuse, la contraction musculaire, la sensation tactile, etc. Ces protéines canal sont donc l’objet de nombreuses études fondamentales dans les domaines de la recherche publique et privée (industries pharmaceutiques). Aujourd’hui un nombre croissant de dysfonctionnements des canaux ioniques sont identifiés et désignés comme responsables de pathologies. Ils sont devenus des cibles incontournables pour le criblage de molécules thérapeutiques et les industries pharmaceutiques expriment le besoin de techniques d’investigation sensibles et rapides. En 1976, Sakmann et Neher mettent au point la technique du patch-clamp qui, grâce à une micropipette de verre en contact avec une cellule unique, permet d’enregistrer les courants ioniques intracellulaires. Cette technique est aujourd’hui la méthode de référence pour l’étude de l’activité électrique des cellules. Basée sur un principe de mesure simple, cette méthode permet d’obtenir des enregistrements de très bonne qualité et même de mesurer en temps réel l’activité électrique d’un canal ionique unique. Cependant, elle requiert un équipement lourd, les compétences d’un expérimentateur confirmé et souffre d’un faible rendement des mesures. Au début des années 2000, un nouveau format de cette technique apparaît, le patch-clamp planaire, ou patch-clamp sur puce [33]. Il s’agit de remplacer la micropipette, par un substrat plan composé de microtrous hébergeant les cellules à étudier. Ce nouveau format ouvre la voie vers la parallélisation et l’automatisation des tests en s’appuyant sur les progrès des techniques de microfluidique et de microélectronique.

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Table des matières

Introduction
1. Contexte de l’étude : les puces à cellules
1.1. Les biopuces
1.2. Des puces à ADN aux puces à cellules
2. Les puces à cellules pour mesurer l’activité électrique des cellules
2.1. Mesures des courants extracellulaires par les réseaux d’électrodes
2.2. Mesure de l’activité électrique intracellulaire, le patch-clamp sur puce
3. Objectif de la thèse
Chapitre 1 : Mesures électriques sur cellules individualisées
A. Pourquoi et comment mesurer des courants ioniques intracellulaires ?
1. Les canaux ioniques
1.1. La cellule et les canaux ioniques
1.2. La diversité des canaux ioniques
1.3. Mise en équation de la théorie ionique
1.4. Rôles physiologiques des canaux ioniques et grandes fonctions cellulaires
1.5. Exemple des canaux potassiques
1.6. Techniques d’étude des canaux ioniques
2. Le patch-clamp
2.1. Principe et mise en oeuvre
2.2. Les types cellulaires couramment utilisés
2.3. Configurations de mesure
2.4. Principe de l’électronique de patch-clamp, circuit électrique équivalent de la cellule
2.5. Enregistrements de courants, exemples
3. Le patch-clamp : un outil de la recherche pharmacologique
3.1. Implication des canaux ioniques dans les pathologies
3.2. Le patch-clamp dans le processus d’identification de molécules thérapeutiques
B/ Emergence de nouvelles technologies
1. Les promesses des microsystèmes : pourquoi automatiser et paralléliser les mesures de patch-clamp ?
2. Enregistrements de courants cellulaires automatisés
2.1. Automatisation basée sur l’utilisation de la pipette de verre
2.2. Cartes micro fluidiques pour patch-clamp conventionnel
2.3. Limites de ces systèmes
3. Patch-clamp planaire et transverse
3.1. Principe et historique du patch-clamp sur puce
3.2. Etat de l’art, présentation
3.3. Verrous technologiques
4. Présentation du projet de recherche
Chapitre 2 : Conception et développement du démonstrateur Multi-Patch
A. Un assemblage sandwich modulaire
1. Introduction
2. Puce en Silicium
2.1. Présentation de la puce
2.2. Détail du procédé de fabrication
3. Assemblage et poste de mesure
3.1. Description des différents éléments assemblés
3.2. Connexion fluidique
3.3. Connexion électrique
3.4. Poste de mesure
4. Formation du scellement: principe et déroulement
4.1. « Mise en eau » du système et mesures à vide
4.2. Formation du scellement et passage en cellule entière
4.3. Mesure des courants
B. Etablissement d’un protocole de test, preuve de faisabilité
1. Nettoyage des puces
2. Validation de la fluidique et suspension cellulaire
2.1. Protocole de remplissage
2.2. Suspension cellulaire
3. Mesures de scellements des cellules sur la puce
3.1. Introduction: premières constatations
3.2. Conception d’une nouveau type de puces
3.3. Caractérisations des puces
3.4. Le dépôt SiO2 PECVD améliore le scellement des cellules
4. Enregistrements de courants ioniques sur cellules recombinantes
4.1. Choix des modèles de canaux ioniques
4.2. Résultats
C. Discussion
1. Preuve de concept
2. Optimisation des performances de la puce
2.1. Vers une approche multiparamétrique
2.2. Diminution de la capacité des puces
Chapitre 3 : Optimisation de l’interaction cellule/microtrou
A. Paramètres influents sur le scellement
1. Introduction
2. Interactions membrane cellulaire/surface : état des connaissances
2.1. Structure du substrat
2.2. Membrane cellulaire et notions d’adhérence
2.3. Interaction membrane/substrat
3. Géométrie de l’orifice et paramètres de surface
3.1. Forme de la pipette de verre ou du microtrou
3.2. Paramètres de surface
3.3. Préparation cellulaire
4. Approches du problème
4.1. Objectifs
4.2. Stratégie adoptée
B. Préparation cellulaire
1. Décollement des tapis cellulaires
2. Optimisation du protocole de préparation de la suspension cellulaire
2.1. Différents protocoles de préparation étudiés
2.2. Résultats
3. Discussion
C. Propriétés physicochimiques du microtrou
1. Configuration de la matrice de plan d’expériences idéale
2. Mise en œuvre d’une matrice d’expériences simplifiée
2.1. Choix technologiques
2.2. Conséquences des problèmes rencontrés sur le plan d’expériences
2.3. Préparation des puces
3. Caractérisations des puces
3.1. Principes des outils de caractérisation
3.2. Résultats
4. Valeurs de scellement
4.1. Mise en œuvre de la mesure
4.2. Effet du plasma oxygène
4.3. Effet du matériau en surface
4.4. Effet du diamètre du microtrou
4.5. Effet de l’épaisseur de la membrane de diélectrique et de la rugosité
D. Discussion et conclusion
1. Bilan sur l’influence des paramètres de la puce
2. Exploitation des résultats par le plan d’expériences
2.1. Préparation de l’analyse
2.2 Analyse des résultats
2.3. Conclusion
3. Conclusion et design de la puce « optimale »
Chapitre 4 : Optimisation de la capacité de la puce et validations électrophysiologiques
Conclusion

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