La situation dans le Mbadane et chez ses voisins
Au XVIIIème siècle on assiste à l’avènement du pouvoir des ceddos dont la violence constitue la seule arme pour se maintenir au pouvoir. C’est le début du règne d’une aristocratie militaire. Leur accession au trône est une conséquence directe du commerce des esclaves. L’esclave étant devenu la principale marchandise du commerce, les souverains du XVIIIème siècle se contentèrent de faire régulièrement des razzias dans les provinces sérères pour alimenter le trafic.
La suppression de la traite négrière au début du XIXème siècle porta un coup terrible au pouvoir ceddo. Face à cette situation ces membres qui vivaient uniquement du bénéfice que leur rapportait le commerce esclavagiste, se virent obligés de multiplier les pillages à l’endroit des populations paysannes. La collaboration devint alors difficile entre la classe dirigeante et le gouvernement français du Sénégal, non pas que cette dernière soit préoccupée par des questions humanitaires ou «civilisatrices», à l’égard des populations, plutôt parce que les pillages et exactions des ceddos étaient une menace pour son avenir commercial dans la région. Ainsi, après avoir favorisé et même suscité parfois l’action des ceddos durant tout le XVIIIème siècle, les français commencèrent à s’y opposer.
Les souverains, dans le souci de conserver leur pouvoir furent amenés à négocier avec eux, aboutissant parfois à la signature de traités. Cependant la position de faiblesse du Teigne à l’égard des ceddos avec lesquels ils partagèrent le pouvoir ne permit pas toujours à ce dernier de respecter les engagements pris avec les français dans la mesure où il parvenait difficilement à contrôler l’action des ceddos.
La naissance des provinces sérères autonomes
Les luttes au niveau de la classe dirigeante du Baol s’accentuèrent, finalement l’administration française en déduisait qu’elle devait remplacer le Teigne Thiéyacine Fall pour assurer la sécurité des transactions dans les provinces occidentales du Baol. La lutte pour le pouvoir avait créé un bouleversement qui paralysait ainsi le pouvoir central, donnant du coup aux provinces périphériques la possibilité de prendre leur distance vis-à-vis du souverain de Lambaye.
Vers 1890, des troubles agitèrent l’intérieur du baol une colonne militaire dirigée par le capitaine villiers pénétrait à Lambaye et dépossédait le Teigne Thiéyacine Fall. Il fut remplacé par un nouveau souverain Tanor Dieng plus maniable et entièrement soumis au Français. Ainsi, après l’acharnement des troupes coloniales, le 27 avril 1891, ces provinces périphériques qui étaient jusque là réfractaires à toute tentative de rapprochement et qui étaient une source d’inquiétude permanent pour leurs incursions firent leur soumission face à la supériorité militaire français. Il faut noter que tous ces pays conquis, entre 1889 et 1891, étaient regroupés pour constituer ce qu’on appelait officiellement les provinces sérères autonomes.
L’autonomie des Sérères, un héritage de l’histoire
Durant tout le XVIIème siècle, les Teignes du Baol eurent à lutter contre les Sérères insoumis à leur pouvoir politique. Les provinces sérères situées entre les royaumes du Baol et du Sine ont toujours constitué un point de litiges entre les deux souverains. Ces Sérères occupaient un espace compris entre le Baol et le Sine et ne subissaient aucune influence. Ils ont profité de cette double appartenance pour se maintenir à l’écart du pouvoir des chefs de Lambaye. Ainsi ils échappaient à toute domination politique .
Nous ne possédons pas de sources nous permettant de préciser la date de repli des Sérères mais il semble qu’elle ait eu lieu au XVème siècle . Le monarque du Djolof était constamment en expédition soit contre l’un des révoltés, soit contre les Sérères jaloux de leur liberté et hostiles à toute sorte de dominations. Ils luttèrent à plusieurs reprises contre les envahisseurs et parvinrent à sauvegarder leur indépendance. Au XVIème siècle, les voyageurs portugais faisaient la distinction entre les Sérères sujets du monarque et ceux qui échappaient à tout contrôle du pouvoir central .
Leur comportement irréductible se justifiait par leur volonté d’échapper à l’autorité d’un chef qui serait tenté de les livrer à la traite des esclaves. Il faut entendre par là la traite atlantique. Ainsi, ils préféraient vivre d’une manière « anarchique » avec des habitations dispersées. Ils profitaient de leur position pour faire de la piraterie sur les commerçants même si l’administration coloniale soutient à l’image de Coelho que « les sérères sont plus civils et le chemin plus sûr ».
La politique de réunification qui a démarré avec le teigne Thiendella fut réussie en 1669, avec la soumission des Saafens. Il faut rappeler que ces Sérères qui habitaient les différentes régions situées dans les limites du territoire avec le Sine : Ngoye, Mbadane, Jegem et Sandok semblent faire leur rattachement dans le royaume à ce moment. Certaines provinces peuplées de Sérères, du fait du site géographique de leur région et de sa proximité avec le pouvoir central, n’avaient pas pu se soustraire entièrement de l’autorité de ce dernier et étaient plus ou moins soumis à son influence par la présence périodique d’agents du souverain, chargés de récupérer les redevances. Ce sont les provinces de Gaat, de Jaak, de Mbayaar et de Ngoye, avec le village de Portudal sur la côte. En dehors de ces provinces, d’autres zones occupées par les Sérères échappaient à l’autorité du pouvoir central. Elles étaient constamment pillées par le Teigne quand il le voulait, puisqu’elles se trouvaient sans protection dans les forêts et isolées par petits village. Ces Sérères, mélangés avec les Wolofs, portent le nom de (Mbalondiafènes). Les documents écrits à l’époque de la traite atlantique et les sources orales présentent des rapports antagoniques entre les Sérères et l’aristocratie wolof. Durant tout le XVIIIème siècle, les Teignes ont eu à lutter contre les Sérères soit pour s’approvisionner en esclaves, soit pour le payement de redevances non versées par les lamanes sérères.
Les Sérères de Mbadane, de Sandok, de Jegem et du Joobas n’ont jamais cessé de montrer leur opposition farouche à toute domination. Il semble qu’il voulait éviter tout contact avec le milieu extérieur. Donc la seule autorité qu’ils reconnaissaient est celle du chef de famille. Même en temps de guerre avec une localité voisine, chacun se défendait selon son inspiration ; sans obéir à un chef. A côté de ces Sérères, il y avait une forêt jalousement entretenue qui constituait un lieu de refuge contre les envahisseurs. Les Sérères s’administraient eux même et nommaient leur propre chef qui prenait le titre de Jaraaf. Ce dernier ne percevait aucun impôt et ses fonctions se limitaient à rendre une justice des plus sommaires. A côté de lui se trouvait le lamane qui distribuait les terres de culture .
L’annexion du Baol
En 1854, Faidherbe arrive au Sénégal et inscrit sa politique dans une perspective de conquête et de pacification de l’espace. Aux yeux du colonisateur, le Baol doit devenir sûr, notamment pour faciliter la production et le commerce de l’arachide. Mais la résistance du royaume s’avère plus rude que prévue. Pour la déjouer, Faidherbe signe un traité de paix avec le Teigne Ngoné Déguèn du Baol en 1859 et restreint son autorité . Les commerçants français peuvent se livrer légalement à leurs activités et la construction d’un fort militaire à Saly, sur la petite côte est autorisée. D’autres accords suivent lorsqu’en 1871 les Français concluent un traité avec Lat Dior. Le puissant Damel du Cayor en profite pour annexer le Baol et cumuler le double titre de Damel et de Teigne. Sous son règne, le Baol avait retrouvé son indépendance.
Le 8 mars 1883, la France étend son protectorat sur le Baol grâce à un nouveau traité signé avec le teigne Thiéyacine Fall et le capitaine dupré c’est le traité de ndinguélère. A la suite de troubles dans la région en 1890, celui-ci est dépossédé du pouvoir . La déposition de ce teigne fait suite à l’anarchie remarquée dans le royaume. En effet, le Teigne Thiéyacine, a donné selon un renseignement, à l’ivrognerie la plus déplorable, ne jouissant d’aucune autorité , il ne se passait pas de jour qu’on eût à Saint-Louis l’écho de quelques nouvelles exactions, de quelques nouveaux vols ou même de quelques assassinats commis soit par les gens du Tialao Ndoup, Diafé ou Dialigué ou de quelques autres Kangams (dignitaires) soit par les gens de Thiéyacine Fall lui-même .
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Table des matières
Introduction
Première partie : les provinces sérères autonomes
Chapitre I:La situation dans le Mbadane et chez ses voisins
A. La naissance des provinces sérères autonomes
1. L’autonomie des Sérères un fait de l’histoire
2. L’annexion du Baol
3. Un regroupement de quatre provinces sérères
B. Les pionniers de la chefferie
1. Le règne de Sanor ndiaye
2. L’avènement d’Abel Kader Lèye
Chapitre II : Présentation et localisation de Ngoye
A. Présentation physique
1. Limites du territoire, situation géographique et climat
2. Sols et relief
B. La société à Ngoye
1. La famille conception chez les Sérères
2. Le village
Chapitre III : La politique de la France en matière de chefferie
A. La nouvelle orientation du commandement indigène
1. La chefferie traditionnelle wolof
2. Une position ambiguë de la chefferie
B. Rôle de la chefferie locale
1. La chefferie un instrument de l’administration coloniale
2. Le rôle assigné au chef de canton
Deuxième partie : Portrait d’Alioune Sylla
Chapitre I : Une vie pleine d’enseignement
A-Origine et étapes de sa vie
1. Origines d’Alioune Sylla
2. Etapes de sa vie
B L’homme
1. Le chef de canton
2. Alioune Sylla et ses différentes fonctions
a-Un auxiliaire administratif
b-La fonction arbitrale ou de juge
c-Informateur et intermédiaire
d-Le salaire d’ Alioune Sylla : l’impunité
e-Un chargé du maintien de l’ordre
1-Son prestige social
Chapitre II : Les rapports d’Alioune Sylla, avec ses administrés
A. L’opposition des populations
1-Un exemple d’opposition : la fronde des anciens combattants
2-Les causes de l’opposition
3-L’Impact de l’opposition
B-Alioune Sylla et ses subalternes
1-Les subalternes à l’échelle du village
2-Les adjoints du chef de canton
3-Les chefs de village dans l’administration du canton
Conclusion
Annexes