Mécanismes de la protéinurie
Protéinurie physiologique (7) (8) (9) (10) Physiologiquement, il existe une protéinurie de très faible abondance. Les urines contiennent normalement moins de 150 mg/24h d’albumine chez l’adulte, de 20-180mg/m²/j chez l’adolescent et plus importante chez le nouveau-né de 70-300 mg/m²/j. Les autres protéines urinaires physiologique sont de faible quantité, composées de globulines d’origines plasmatique ou sécrétoire (immunoglobulines A) et surtout de protéines sécrétées par les tubes (protéine de Tamm et Horsfall), ce qui explique le caractère non sélectif de la protéinurie physiologique. Une augmentation de façon physiologique de la protéinurie peut se voir le jour par rapport à la nuit, et surtout à l’effort. Elle augmente aussi pendant la grossesse jusqu’à 300 mg/24h. Elle augmente aussi transitoirement au cours de différents stress comme au cours de la fièvre, du froid…. L’excrétion urinaire d’albumine vraie est inférieure à 20 mg/24h pour plus de 95% des individus normaux. Par définition consensuelle, une excrétion urinaire d’albumine vraie supérieure à 30 mg/24 mais non détectable par les techniques conventionnelles de dosage de la protéinurie c’est-à-dire inférieure à 300 mg/24h est appelée « micro albuminurie ». Cette méthode de recherche et de dépistage est le suivi évolutif de certaines maladies rénales, notamment la néphropathie liée au diabète. En effet, une micro-albuminurie est définie par un dosage d’albumine urinaire entre 30 et 300 mg/24h.La recherche d’une micro-albuminurie est un élément essentiel de la surveillance du malade diabétique de type I, car son apparition signe le début d’une glomérulonéphrite diabétique, avec un risque de progression vers une macro6 protéinurie (supérieure à 300 mg/24h) puis une insuffisance rénale. Chez le sujet diabétique type II la signification de la micro-albuminurie est incertaine.
Mécanisme d’apparition d’une protéinurie pathologique (11) La filtration glomérulaire des protéines dépend de leur taille, de leur charge (électronégativité de la barrière glomérulaire), de leur configuration ainsi que de diverses substances vasoactives, dont l’angiotensine II.
a. Altération de la barrière glomérulaire (7) : Dans un certain nombre de situations pathologiques, la barrière de filtration glomérulaire est altérée et va laisser passer dans l’urine des quantités importantes de macromolécules dont notamment des protéines
a.1 altération organique : En cas de lésion anatomique de la paroi glomérulaire toutes les protéines plasmatiques sont filtrées et réabsorbées par les cellules tubulaires jusqu’à saturation de leurs fonctions. C’est le cas de la majorité des néphropathies glomérulaires aigues ou chroniques
a.2 altération fonctionnelle : Il y a deux types d’altération fonctionnelle de la barrière capillaire: celle de la charge électrique et celle de l’hémodynamique
→ Altération de la charge électrique : Il s’agit d’une protéinurie d’hyperperméabilité capillaire liée à la perte du revêtement polyanionique. Dans ce cas peu fréquent, la protéinurie est constituée principalement d’ albumine et parfois des protéines de plus haut poids moléculaire que l’albumine, telles que la transferrine et les immunoglobulines G. Ce type d’atteinte glomérulaire très particulier traduit des anomalies fonctionnelles des podocytes (lésions glomérulaires minimes « LGM » en microscopie optique, fusion du pied des pédicelles en microscopie électronique). Le plus souvent cependant, la protéinurie d’hyperperméabilité correspond à la destruction physique de la barrière glomérulaire. La protéinurie glomérulaire est dite :
– sélective si elle contient plus de 80% d’albumine (ou plus précisément si le rapport clairance des immunoglobulines G [poids moléculaire de 150 kD] sur clairance de la transferrine [90 kD] est inférieur à 0,1) au cours d’un syndrome néphrotique à LGM.
– non sélectif si la proportion d’albumine est plus faible avec présence de globulines notamment d’immunoglobulines G (ou si le rapport clairance des IgG/clairance de la transferrine est supérieur à 0,3).
→ Altération hémodynamique : Dans cette situation, la protéinurie est d’abondance variable, elle est souvent transitoire ou intermittente, et peut disparaître complètement. Cette protéinurie s’observe au cours de certaines circonstances : soit lors d’une augmentation de la protidémie comme dans les gammapathies monoclonales soit au cours des modifications du débit sanguin rénal:
– une augmentation au cours des efforts et de la fièvre
– une diminution au cours de l’insuffisance cardiaque congestive, de l’hypothermie et des convulsions
Une protéinurie orthostatique est également de mécanisme hémodynamique mais moins certain.
b. Altération de la réabsorption tubulaire des protéines
b.1 Organique : Il s’agit d’une protéinurie habituellement de faible abondance, inférieure à 1g/24h et qui traduit des lésions du tube proximal, celui-ci étant incapable d’assurer normalement des processus de réabsoption-dégradation des protéines. Ces protéinuries sont constituées de protéines de faible poids moléculaire environ 20KD. Elles sont composées de lysozyme, de bêta-2-microglobuline et de NAcétyl-Glucosaminidase (NAG). Ce sont des constituants de la bordure en brosse des cellules tubulaires. Elle s’observe dans le cas des néphropathies tubulaires et interstitielles aigues et chroniques.
b.2 Fonctionnelle : Par saturation des fonctions tubulaires de réabsorption
→Surcharge de protéines filtrées qui se voient au cours de la plupart des néphropathies glomérulaire
→Elévation anormale du taux plasmatique des protéines de petit PM entre 20 et 30 KD, libérées en quantité massive dans la circulation sanguine, librement filtrées par le MFG initialement intact mais insuffisamment réabsorbées au niveau du tube proximal car le processus est saturée. Les principaux exemples en sont :
– les protéinuries de Bence-Jones faite de chaînes légères d’immunoglobulines k ou l monoclonale au cours des myélomes
– le lysozyme au cours des leucémies myélomonocytaires
– la myoglobine au cours des rhabdomyolyses.
-hémoglobine au cours d’une hémolyse intra-vasculaire
-beta-2 microglobuline au cours de certaines tumeurs malignes
-le passage dans l’urine d’une quantité d’orosomucoide au cours du carcinome bronchique
Détection et dosage de la protéinurie globale
Les protéines urinaires précipitent à chaud, après adjonction au besoin de sulfate de sodium pour augmenter la force ionique (méthode à la chaleur: 10 ml d’urine+5 ml de Na Cl à 30%). Le précipité n’est pas dissous en milieu acide. La méthode de référence pour doser la protéinurie consiste à peser ce précipité après filtration et dessiccation. On a couramment recours à des techniques autres. La plupart sont excellentes :
– acide sulfosalicylique (méthode opacimétrie),
– réaction du biuret par le réactif de Gornall (méthode colorimétrique après précipitation des protéines),
– acide bêta-naphtalène sulfonique, qui permettent une lecture au photomètre,
– même les papiers réactifs du commerce à réaction colorimétrique (bleu de tétrabromophénol : vire en vert plus ou moins foncé s’il existe une protéinurie) (16) (17), trop sensibles peut-être et dont on sait qu’ils ne détectent pas les protéines de Bence-Jones.
Il importe de savoir que certaines thérapeutiques provoquent des réactions faussement positives lors des recherches de protéinurie. C’est le cas notamment du P.A.S., de la pénicilline G à taux plasmatique élevé, de sulfamide, du tolbutamide et de certains produits de contraste iodés. Fort heureusement les bandelettes réactives sont les moins perturbées par ces produits, et ces bandelettes donnent une appréciation semi-quantitative de la présence d’albumine sur un échantillon d’urines (11) (18) (19). N’empêche que lorsque les urines sont alcalines ou qu’il y a présence d’ammonium quaternaire ou de chlorhexidine, les réactions sont souvent perturbées (20) (21) (22), dans un sens ou dans l’autre suivant la méthode. Et aussi des faux négatifs en cas d’urine diluée.
Protéinurie tubulaire (9)
Une néphropathie tubulaire ou interstitielle donne rarement une protéinurie abondante. Il faudra rechercher d’autres signes d’atteinte tubulaire ou interstitielle :
Néphropathie interstitielle aigue, son diagnostique est suspecté devant une insuffisance rénale aigue avec oligo-anurie sans urine, avec protéinurie tubulaire. Une leucocyturie est associée surtout en cas de réaction immunoallergique, parfois il existe une hématurie et une eosinophilurie.
Néphropathie interstitielle chronique est classiquement évoquée devant l’association d’une protéinurie tubulaire d’une leucocyturie aseptique, sans HTA mais plutôt une tendance à la fuite sodée et une acidose hyperchlorémique précoce. Les principales causes sont les pyélonéphrites répétées, abus chronique d’analgésiques, rares les anomalies biologiques chroniques (goutte, hypercalcémie, hypokaliémie) intoxication (plomb) ou de cause en apparence primitive.
Examens cliniques et complémentaires
Examen physique Il doit être complet et s’attacher tout particulièrement à rechercher : altération de l’état général, HTA, oedèmes, gros reins donnant un contact lombaire, un contrôle immédiat de la présence de la protéinurie est réalisable soit au lit du malade, soit en consultation par un examen à la bandelette sur les urines fraîchement émises.
Examens complémentaires L’évaluation quantitative de la protéinurie fournit d’emblée des renseignements importants. Quelques examens simples permettent ensuite d’obtenir le plus souvent une orientation étiologique satisfaisante et de programmer alors les investigations spécialisées éventuellement nécessaire.
a- Exploration de la protéinurie : Le recueil urinaire des 24heures : le matin du jour du recueil jeter les premières urines du lever, puis à partir de ce moment-là, recueillir dans un récipient de type bouteille en plastique la totalité des urines jusqu’à la miction du lever le lendemain matin. Pour les petits enfants non continents, prévoir des poches de recueil urinaire. La protéinurie de 24h : trois examens successifs confirment la protéinurie, précisent son abondance et affirment son caractère permanent.
b- Les autres examens
De première intention
Examens urinaires : examen cytobactériologique urinaire (ECBU), hématie leucocyte minute (HLM), électrophorèse des protéines.
Examens sanguins : numération formule sanguine (NFS), vitesse de sédimentation (VS), ionogramme sanguin, protidémie, glycémie, urée, créatinine.
De deuxième intention
Electrophorèse des protides plasmatiques si protéinurie abondante parfois par la présence d’œdème à la recherche de syndrome néphrotique à fortiori si elle est glomérulaire
Immunoélectrophorèse de la protéinurie si suspicion clinique de myélome et/ou pic électrophorèse des protéines
Imageries
Echographie rénale, abdomen sans préparation (ASP), tomographie
Urographie intraveineuse (UIV) si non contre indiquer par un diabète ou myélome : précise la taille des reins, leurs contours, l’état de la voie excrétrice, la valeur fonctionnelle respective des 2 reins. Elle donne aussi parfois le diagnostic étiologique de la protéinurie et décèle les contres indications à une biopsie rénale éventuelle.
La réalisation d’une ponction biopsie rénale est fonction des données cliniques et de l’orientation étiologiques, elle se fait en milieu spécialisé ; elle est contre indiquée en cas de : HTA mal contrôlée, rein unique (anatomique ou fonctionnelle), reins très atrophiques, troubles de l’hémostase, rein ectopique (sauf transplantation), rein polykystique, hydronéphrose et tumeur maligne rénale.
Sur la méthodologie
Nous reconnaissons les limites de notre étude, à savoir un biais d’interprétation, étant donné que c’est une étude rétrospective, mais également, un biais de recrutement et de sélection de la population d’étude, puisque le service de Néphrologie ne reçoit que des femmes, et que c’est théoriquement un service de référence en matière de néphropathie. Quoiqu’il en soit, cette étude pourrait servir de préliminaire, et pourrait mener à des études de plus large envergure, tant sur la prévalence des maladies rénales que sur l’insuffisance rénale chronique.
Insuffisance rénale
51 patients ont présenté une insuffisance rénale, dont 49% d’entre eux de type chronique et 51% de type aigue. Nous savons qu’une insuffisance rénale est secondaire à une diminution du débit de filtration glomérulaire brusque ou progressive, selon le type. Elle est réversible si la prise en charge est précoce orientée par une découverte fortuite de la protéinurie, dans le cas contraire les conséquences sont lourdes et inévitable vers la chronicité voir même au stade terminal. Parmi les 26 cas d’insuffisance rénale aigue, 84,5% sont d’origine fonctionnelle et 15,5% d’origine organique. Seules les insuffisants rénales aigues fonctionnelles avec des complications menaçante peuvent bénéficier des séances d’hémodialyse en urgence. Ainsi, nous avons trouvé 25 cas d’insuffisance rénale de type chronique:
-12% sont d’origine interstitielle,
-16% sont d’origine glomérulaire,
– 72 % sont d’origine vasculaire.
La prédominance de l’étiologie vasculaire des néphropathies au stade d’insuffisance rénale chronique pourrait être expliquées par plusieurs raisons :
Soit la méconnaissance ainsi que la mauvaise prise en charge de l’HTA,
Soit la néphropathie est asymptomatique,
En Europe, la fréquence approximative des causes d’insuffisance rénale chronique (40) est :
-10% à 15% sont d’origine vasculaire,
-15% à 20% d’origine interstitielle,
-34% à 45% d’origine glomérulaire.
En Ouagadougou, lors d’une analyse rétrospective (43) :
– 16,1% sont d’origine interstitielles
– 23,6% sont d’origine vasculaire
– 42,5% sont d’origine glomérulaire
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LITTERATURE
I. Rappel histologique
II. Mécanisme physiopathologique de la protéinurie
II.1. Rappel physiologique
II.2. Mécanisme de la protéinurie
III. Techniques d’études
III.1. Quantitative
III.2. Qualitative
IV. Orientation diagnostic
IV.1. Protéinuries supérieures à 3g/24h
IV.2. Protéinuries de 1à3g/24h
IV.3. Protéinuries inférieures à 1g/24h
IV.4. Les autres
V. Conduite à tenir devant une protéinurie
V.1. Interrogatoire
V.2. Examens clinique et complémentaires
DEUXIEME PARTIE : NOTRE TRAVAIL
VI. Méthodologie
VI.1. Type d’étude
VI.2. Population d’étude
VI.3. Critères d’inclusion
VI.4. Critères d’exclusion
VI.5. Mode de collecte des données
VI.6. Variables étudiés
VI.7. Méthodes statistiques
VI.7.1.Etudes descriptive
VI.7.2 Etude analytique
VII. Résultats
VII.1. Caractéristique de la population d’étude
VII.2. Description de l’échantillon
VII.3. Protéinurie
VII.3.1. Distribution de fréquence selon le taux
VII.3.2. Taux de protéinurie selon l’âge et le sexe
VII.3.3. Antécédents
VII.3.4. Signes cliniques
VII.3.5. Description de l’échantillon selon l’examen paraclinique
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
VIII. Commentaires
IX. Suggestions
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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