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La réplication du génome
La transcription et la traduction du génome viral du CMV se déroulent en trois étapes séquentielles et coordonnées. La première ou la phase très précoce (Immediate Early, IE) permet de détourner le métabolisme cellulaire au profit de la réplication virale, d’inhiber la réplication de l’ADN cellulaire et de déclencher la phase précoce. Les gènes très précoces sont soit exprimés pour initier une cascade d’expression des gènes pour une infection lytique, soit réprimés pour établir la latence. L’initiation de la transcription des gènes IE débute en l’absence de l’expression de novo de protéines virales. La transcription des gènes IE1 et IE2 (immediate early protein 1 et 2), qui sont les gènes les plus abondants parmi les gènes très précoces, est sous le contrôle du promoteur MIEP (Major Immediate Early Promoter). Grâce à des sites d’interaction avec le NF-κB (nuclear factor-kappa B) dans le MIEP, une signalisation pro-inflammatoire induite par l’entrée du virus est effectivement exploitée pour activer l’expression des gènes IE1/IE2 (Caposio, Luganini et al. 2007; Isaacson, Juckem et al. 2008; Isern, Gustems et al. 2011). Le MIEP est activé par des protéines cellulaires et virales, comme la protéine du tégument pp71 (pUL82) qui entre avec la particule virale. En l’absence de pp71, un blocage général de la transcription des gènes IE peut se produire (Bresnahan and Shenk 2000) et contribue à la mise en place de la latence virale (Saffert and Kalejta 2007).
A la suite du pic d’expression des protéines très précoces régulatrices et avant la réplication du génome, la phase précoce débute. Les protéines précoces comprennent les enzymes et protéines nécessaires à la synthèse de l’ADN viral. Ces gènes ont plusieurs fonctions dans la maturation et la sortie des virions. (Browne and Shenk 2003; Abate, Watanabe et al. 2004). La réplication de l‘ADN viral dépend de plusieurs protéines, notamment de l‘ADN polymérase virale UL54 et de sa protéine accessoire UL44. L’expression des gènes tardifs est maximale après la réplication de l’ADN viral. Les gènes tardifs codent principalement pour des protéines structurales et contrôlent la maturation de la capside, l’assemblage de l’ADN, la maturation du virion et des corps denses et finalement la sortie du virus de la cellule. La synthèse de l’ADN a lieu dans le noyau des fibroblastes infectés, en commençant entre 14 et 16h pi, et peut atteindre plus de 10000 copies par cellule au moment où les virions commencent à se former (Mocarski, Shenk et al. 2013).
L’assemblage des particules virales et la sortie des virions
Les caractéristiques de base de la formation de la capside et la maturation sont communes chez les herpesvirus. Le processus commence lorsque cinq composants de la capside conservés chez les herpesvirus, (MCP, TRI1, TRI2, SCP- UL48A -, et PORT UL104) forment une coquille de procapside autour d’un précurseur de la protéine d’assemblage (AP ou UL80.5) qui est responsable à la fois de la translocation de MCP vers le noyau et de l’initiation de l’assemblage de la capside (Gibson 2008). Les protéines du tégument sont ajoutées aux nucléocapsides séquentiellement dans le noyau et cet assemblage se poursuit dans le cytoplasme. Ceci assure la stabilité de la nucléocapside au cours de sa translocation vers le cytoplasme et contrôle son trafic vers des sites d’enveloppement dans le cytoplasme. Sept structures virales différentes sont libérées par les cellules infectées. Parmi elles, on trouve des virions complets, des NIEPs et des corps denses (Topilko and Michelson 1994).
L’ADN viral produit a une forme de concatémères qui sont de longues molécules d’ADN constituées d’un même monomère répété séparé par des séquences pac (Cis-acting packaging element). Ensuite, une étape d’encapsidation se déroule où les concatémères seront clivés et empaquetés dans les capsides. Ce processus fait intervenir des protéines d’encapsidation ou terminases (UL51, UL52, UL56, UL77, UL89 et UL104 ou PORT).
Un complexe terminase, comprenant les protéines UL89 et UL56, s‘associe à un pentamère de la protéine portale UL104, qui forme un pore au niveau de la capside permettant l‘introduction de l‘extrémité libre du concatémère d‘ADN viral néoformé. La protéine UL56 se fixe sur les séquences pac, ce qui active le premier clivage de l‘ADN et la fixation du complexe UL56/ADN à UL89. Puis le complexe UL56/UL89/ADN se fixe à UL104, permettant le transfert de l‘ADN dans la capside (Mocarski, Shenk et al. 2013).
Pour expliquer la sortie dans le milieu extracellulaire du virion, deux hypothèses co-existent. L’hypothèse la plus ancienne est qu’une fois dans le réticulum endoplasmique (RE), le virion conserverait son enveloppe acquise après bourgeonnement au niveau de la membrane interne nucléaire et qu’il se dirigerait vers l’extérieur de la cellule, via l’appareil de Golgi et le TGN. La deuxième hypothèse, la plus acceptée aujourd’hui, est que les capsides acquièrent une première enveloppe transitoire en traversant la membrane nucléaire interne. La fusion de cette enveloppe virale avec la membrane nucléaire externe a pour résultat le désenveloppement de la nucléocapside et sa translocation dans le cytoplasme. La majorité des protéines du tégument sont alors ajoutées aux nucléocapsides, qui obtiennent leur enveloppe finale par bourgeonnement dans des vésicules dérivées de l’appareil de Golgi (Mettenleiter, Klupp et al. 2006). Quand les virions sont formés, ils sont ensuite transportés vers la surface cellulaire dans des petites vésicules à l’aide de la machinerie cellulaire d’exocytose.
Manifestations cliniques
Au cours de l’infection par le HCMV, la physiopathologie dépend du stade de l’infection ; la primo-infection, la réinfection et la réactivation (Figure 5).
Figure 5 : Physiopathologie de l’infection par le HCMV (Alain, Hantz et al. 2008).
Infection chez les adultes immunocompétents
En règle générale, la primo infection par le HCMV chez les sujets immunocompétents est cliniquement asymptomatique. L’infection symptomatique donne parfois de la fièvre ou un syndrome mononucléosique, qui est caractérisé par une fièvre élevée (entre 39 et 40°C) pendant plus de 10 jours, des malaises, des myalgies, des céphalées et de la fatigue. Le syndrome mononucléosique peut se produire également chez les enfants. Les enfants sont moins susceptibles d’être fébriles mais plus susceptibles d’avoir une hépatomégalie ou une splénomégalie (Pannuti, Vilas Boas et al. 1985). La primo-infection peut cependant aboutir à des manifestations cliniques diverses mais peu fréquentes telles que des arthralgies et arthrites, colites ulcératives, pneumopathies, méningites aseptiques et myocardites.
Infection au cours de la grossesse et maladie congénitale
L’infection congénitale par le HCMV est la plus fréquente des infections congénitales en France et toucherait environ 0,5% des naissances. Cependant l’atteinte sévère n’est symptomatique à la naissance que chez 10 % à 15 % des foetus infectés. Dans ces cas, il existe une atteinte de plusieurs organes, et en particulier des atteintes neurologiques et sensorielles. L’infection chez les enfants symptomatiques est associée de façon variable à une hypotrophie, une hépatite, une hépatosplénomégalie, et des signes d’atteinte du système nerveux central (SNC) qui peuvent aboutir, dans les cas les plus graves, à des séquelles neuro-sensorielles et à un retard psychomoteur sévère. Cette forme grave est létale dans 30 % des cas (Malm and Engman 2007). Que l’enfant soit symptomatique initialement ou pas, il peut apparaître ultérieurement des anomalies notamment cérébrales et sensorielles, comme la surdité (Fowler, McCollister et al. 1997; Ivarsson, Lernmark et al. 1997).
L’incidence de la primo-infection maternelle pendant la grossesse est de 1% à 4% et le taux de transmission mère-foetus est alors de 30 % à 40% contre 1% au cours d’une infection récurrente (Boppana, Rivera et al. 2001).
Le HCMV a un tropisme particulier pour le SNC, entraînant des atteintes plus ou moins sévères selon la date de l’infection en anténatal. Si l’infection du foetus survient durant le premier trimestre de la grossesse, les lésions cérébrales retrouvées seront plus fréquemment des anomalies de structuration (Fowler, Stagno et al. 1992). Les nouveau-nés infectés congénitalement excrètent du HCMV dans l’urine et d’autres fluides corporels à des niveaux élevés. Cependant, des niveaux élevés de virus ne sont pas toujours corrélés à une maladie congénitale grave, même s’il existe un lien entre la charge virale sanguine élevée à la naissance et la surdité (Boppana, Fowler et al. 2005; Lanari, Lazzarotto et al. 2006).
Infections opportunistes chez les sujets immunodéprimés
Le HCMV est un important agent pathogène opportuniste affectant les patients immunodéprimés. L’infection est fréquente suite à la réactivation du virus latent, ou lors d’une réinfection des patients qui ont eu une infection passée ou encore à l’initiation d’une primo-infection.
Au cours du SIDA
Avant l’utilisation de la thérapie antirétrovirale hautement active, environ 20 à 40% des adultes atteints du SIDA développait une maladie due au HCMV. Chez les personnes infectées par le VIH (virus de l’immunodéficience humaine), le risque de maladie à HCMV est lié à un faible taux de lymphocytes T CD4+. L’utilisation des HAART (Highly active antiretroviral therapy), qui entrainent une meilleure reconstitution ou préservation des cellules T CD4 immunitaires, a considérablement réduit l’occurrence de la virémie et de la maladie à HCMV (Deayton, Mocroft et al. 1999; O’Sullivan, Drew et al. 1999). Cependant, dans les pays en voie de développement, cette infection continue d’être problématique, du fait d’un accès limité aux thérapies efficaces. Les manifestations cliniques les plus importantes sont les rétinites suivies par des atteintes du tube digestif, comme l’oesophagite et la colite. On peut retrouver des présentations cliniques moins courantes comme des encéphalites, des neuropathies périphériques, des pneumopathies, des gastrites et des hépatites.
Après transplantation d’organe solide ou de moelle osseuse
Les patients transplantés reçoivent un traitement immunosuppresseur qui limite le risque de rejet du greffon. Ce traitement favorise la réplication du HCMV à partir d’une contamination par le greffon ou d’une réactivation d’une souche latente. L’infection à cytomégalovirus constitue ainsi une cause majeure de morbidité et de mortalité chez les patients transplantés d’organes solides, de moelle osseuse ou de cellules souches hématopoïétiques. La gestion de l’infection par le HCMV reste un problème majeur et constitue un composant important du coût global de la transplantation. Le plus haut risque d’infection s’observe lorsqu’un receveur séronégatif est transplanté avec un organe séropositif. L’infection est associée à une diminution de la survie du patient et au rejet du greffon. Les manifestations cliniques sont les résultats de la lyse cellulaire suite à la réplication virale ou sont dues aux effets indirects de cytokines et de chimiokines produites au cours de la réponse immunitaire déclenchée par l’infection (Nordoy, Muller et al. 2000). L’infection sévère chez un patient transplanté se manifeste notamment par de la fièvre ≥ 38°C et l’un des signes suivants : malaise, leucopénie, une arthralgie, lymphocytose atypique, thrombocytopénie, élévation des transaminases, occasionnellement par une éruption cutanée. La maladie est dite invasive lorsqu’il y a une dysfonction d’organe avec preuve de la présence virale dans cet organe. Bien que les traitements antiviraux arrivent à prévenir les formes sévères, des effets indirects de l’infection peuvent se produire chez ces patients, y compris un risque accru d’infections opportunistes par des champignons, des bactéries et des virus. D’autres conséquences peuvent survenir comme le rejet d’organe solide ou un retard à la prise de greffe en cas d’allogreffe de moelle (Fishman, Emery et al. 2007).
Traitements antiviraux
Plusieurs molécules sont disponibles pour les traitements curatifs et préventifs des infections : le ganciclovir ou GCV (Cymevan®), le Valganciclovir Val-GCV (Rovalcyte®), le cidofovir ou CDV (Vistide®, non commercialisé actuellement), le foscarnet ou PFA (Foscavir®). Toutes ces molécules inhibent l’activité de l’ADN polymérase virale UL54 (Figure 6) et sont donc sans action sur le virus latent. Ces molécules possèdent une toxicité non négligeable qui limite leur utilisation.
Les personnes transplantées et immunodéprimées obtiennent de bons résultats après l’utilisation de GCV. Cependant l’apparition de résistance est assez fréquente chez ces patients. Le GCV subit une première phosphorylation par la phosphotransférase UL97 puis deux autres phosphorylations par des kinases cellulaires pour arriver à son état actif. Le Val-GCV, une pro-drogue du GCV, est aussi couramment utilisée et a une biodisponibilité 10 fois supérieure à celle du GCV. Ces deux molécules ont une toxicité hématologique, essentiellement neutropénique. L’Aciclovir (Zovirax®) et son ester le Valaciclovir (Zelitrex®), bien que moins actifs sur le HCMV que le GCV, sont utilisés en prophylaxie après greffe d’organe, chez des patients séropositifs pour le HCMV.
Figure 6 : Mode d’action des inhibiteurs de l’ADN polymérase virale UL54 (Hantz, Mazeron et al. 2009).
Le PFA est capable, sans aucune modification supplémentaire, d’inhiber sélectivement le site de liaison au pyrophosphate sur l’ADN polymérase virale UL54. Son utilisation est associée avec une toxicité rénale et des troubles digestifs.
De nouvelles molécules antivirales sont actuellement en développement. Il y avait une nécessité pour deux raisons : 1), il est nécessaire de trouver des alternatives moins toxiques, notamment en prophylaxie et en traitement d’entretien, après la baisse de la charge virale. 2) en raison de l’apparition de résistance du HCMV aux molécules actuelles, résistances qui peuvent être croisées car ces antiviraux ciblent tous l’ADN polymérase, il est nécessaire de trouver des antiviraux qui ont des cibles différentes (Figure 7).
Figure 7 : Antiviraux en développement contre le HCMV d’après (Hantz, Mazeron et al. 2009). L’Artésunate, un traitement antipaludéen à l’origine, est efficace contre les souches sauvages d’HCMV et celles résistantes au GCV (Kaptein, Efferth et al. 2006). Il semblerait qu’il inhibe les protéines très précoces du HCMV. Il a été rapporté qu’après un traitement de 7 jours d’artésunate, la charge virale est significativement diminuée chez un receveur de moelle présentant une infection résistante au GCV et au PFA (Shapira, Resnick et al. 2008; Wolf, Shimoni et al. 2011). Une étude récente rapporte que l’artésunate a également donné de bons résultats chez trois patients transplantés en échec thérapeutique sur cinq (Germi, Mariette et al. 2014). Actuellement, l’artésunate est en autorisation temporaire d’utilisation (ATU) et, comme la forme orale n’est plus disponible en ATU, il s’administre par voie intraveineuse. Il est bien toleré, avec une toxicité modérée in vivo. Il serait plutôt à utiliser en prophylaxie, mais comme il est efficace sur les souches résistantes, il pourrait être utile en cas d’impasse thérapeutique.
Des recherches sont également en cours sur le leflunomide, un inhibiteur de la synthèse des pyrimidines utilisé dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde. Il est efficace sur le HCMV in vitro et sur modèle animal. Il inhibe les étapes tardives du cycle viral et notamment l’acquisition du tégument du virion. Il pourrait être utile en seconde intention (« rescue therapy »), chez des patients infectés par des souches résistantes au GCV (Ciszek, Mucha et al. 2014).
Le Maribavir (MBV) est une molécule inhibitrice spécifique de la kinase virale UL97. Il inhibe la sortie des capsides virales du noyau. Le MBV a très peu d’effets secondaires et il n’y a pas de résistance croisée avec les autres inhibiteurs. Son efficacité clinique en prophylaxie n’est pas totalement convaincante et nécessite des doses élevées. Il reste actif contre les souches résistantes au GCV, laissant penser que cette molécule pourrait être utile dans le traitement des infections à HCMV résistantes, en seconde intention. Des cas de résistance au MBV ont été rapportés portant sur UL97. En revanche, il n’existe pas de résistance croisée entre le MBV et le GCV, car ils ont des sites d’action différents sur UL97. Le MBV inhibe l’efficacité du GCV car il cible UL97. Il ne faut donc pas faire de combinaison. Le MBV est disponible en ATU actuellement (Hantz, Mazeron et al. 2009).
Le Brincidofovir (développé par la société Chimerix), est un ester du CDV, qui a un bien meilleur potentiel antiviral in vitro que la molécule d’origine. Cet analogue conserve son activité contre les isolats cliniques présentant des mutations de résistance au GCV sur les gènes UL97 et UL54. Il n’a pas de toxicité rénale, contrairement au CDV et est bien toléré. Le brincidofovir est disponible en ATU actuellement, en cas de co-infection (Aldern, Ciesla et al. 2003; Hostetler 2009).
Le letermovir (AIC246) est une molécule anti-CMV en cours de développement. Il inhibe spécifiquement la terminase UL56, bloquant ainsi le clivage des concatémères d’ADN au moment de l’encapsidation. Ni la réplication de l’ADN du HCMV, ni l’expression des protéines virales ne sont affectées par cette molécule (Goldner, Hewlett et al. 2011). Il est actuellement testé en prophylaxie chez les patients transplantés de rein ou de cellules souches hématopoïétiques (phase II) (Stoelben, Arns et al. 2013; Chemaly, Ullmann et al. 2014). En préventif à doses élevées, il réduit significativement le nombre d’infections à HCMV chez les porteurs d’une greffe de moelle. Il est administré par voie orale et possède une faible toxicité. Il n’y a pas de résistance croisée avec les autres antiviraux. Il a montré des résultats encourageants en seconde intention chez un patient transplanté pulmonaire (Kaul, Stoelben et al. 2011).
Echappement aux mécanismes de défense antivirale
Au cours de l’infection, le HCMV est susceptible de rencontrer une large gamme de réponses immunitaires acquises et innées qui sont mises en place par les cellules hôtes pour contrôler l’agent pathogène. Pratiquement tous les virus ont développé des mécanismes pour contrecarrer les défenses cellulaires. Un certain nombre des stratégies d’évasion développés par le HCMV sont présentées ici.
Inhibition de l’apoptose
L’apoptose, ou mort cellulaire programmé de type I, est un mécanisme antiviral inné car il peut jouer en défaveur du virus en induisant la mort des cellules infectées, limitant le temps nécessaire à la production de nouveaux virions et en prévenant l’infection persistante. De nombreux virus, y compris les herpesvirus, modulent l’apoptose afin de faciliter leur réplication.
Lors de l’infection, HCMV peut bloquer l’apoptose dans différents types cellulaires, telles que les fibroblastes, les macrophages et les cellules endothéliales (Tanaka, Zou et al. 1999; Michaelis, Kotchetkov et al. 2004). Le HCMV code pour plusieurs protéines qui interfèrent directement avec les voies de signalisation apoptotique. Il s’agit notamment de deux protéines très précoces, la protéine vICA (viral inhibitor of caspase-8-induced apoptosis) ou pUL36 et la protéine vMIA (mitochondria-localized inhibitor of apoptosis) ou pUL37×1 (Goldmacher 2005). Une protéine virale codée par le gène UL38 a également été identifiée (Terhune, Torigoi et al. 2007). Ces protéines ont des mécanismes d’action différents. La protéine vMIA inhibe l’apoptose en perturbant le réseau mitochondrial ainsi qu’en séquestrant la protéine pro-apoptotique Bax dans la mitochondrie (Arnoult, Bartle et al. 2004). La protéine vICA, qui est indispensable pour la réplication du HCMV, a la capacité d’empêcher l’activation de la caspase-8. La protéine UL38 est un inhibiteur de la caspase 3 et de l’apoptose dépendante du stress du réticulum endoplasmique (UPR) (Miszczak and Cymerys 2014).
Modulation de l’immunité innée
Le HCMV, malgré un nombre considérable de protéines dédiées à l’échappement immunitaire, est un virus qui induit une réponse immune spécifique de l’hôte très importante. L’immunité antivirale innée est mise en place très rapidement, dès les phases d’attachement et de fusion du virus au niveau des membranes cellulaires. La réponse immunitaire innée va jouer un rôle important dans la défense anti-HCMV et permettra par la suite d’activer la réponse immunitaire adaptative.
Il a été montré que le contact entre le HCMV et la surface cellulaire déclenche des voies de signalisation conduisant à la production de cytokines inflammatoires (IC) et de l’IFN de type I, deux marqueurs de l’immunité innée (Compton, Kurt-Jones et al. 2003). Des ISGs (Interferon-stimulated genes) et des gènes inflammatoires, tels que l’interleukine 6 (IL-6), IL-7, IL-11, sont tous fortement induits dans des fibroblastes infectés par le HCMV (Simmen, Singh et al. 2001). En fait, cette induction est dépendante du TLR2 (Toll-Like Receptor 2) et de CD14. Ces réponses permettent de limiter la réplication virale et la dissémination aux étapes précoces et aussi d’activer les réponses immunes adaptatives qui pourront éliminer l’infection. Toutefois, la protéine du tégument pp65 protège les cellules infectées du système immunitaire inné. Il a été montré que la réponse à l’interféron est atténuée par pp65 et que le niveau d’expression des ISGs sont élevée après infection par un virus Δpp65 (Kalejta 2008).
Parmi les gènes ISGs, on trouve ceux qui codent pour la protéine kinase R (PKR) dépendante de l’ARN double brin (ARNdb) et le 2’-4’ oligoadénylate synthase (2’-5’ OAS) (Randall and Goodbourn 2008). L’infection virale produit de l’ARNdb qui, avec l’IFN, vont déclencher des cascades de signalisation aboutissant à plusieurs mécanismes antiviraux au niveau cellulaire dont l’activation de PKR et l’arrêt de la synthèse protéique afin d’inhiber la réplication virale (Katze 1995). Étant donné que la réplication virale nécessite la synthèse des protéines virales, beaucoup de virus codent des gènes qui bloquent l’activation de PKR. Le HCMV possède au moins deux gènes qui régulent négativement cette voie, TRS1 et IRS1. Cette partie sera discutée en détail plus loin (voir chapitre 2).
Modulation de l’immunité adaptative
Modulation du Complexe Majeur d’Histocompatibilité de classe I (CMH-I) :
Un de mécanismes principaux d’échappement à l’immunité adaptative se fait par l’inhibition de la présentation aux lymphocytes T cytotoxiques des antigènes via le CMH de classe I. Les molécules du CMH-I vont présenter des peptides endogènes provenant du cytoplasme (typiquement les antigènes viraux). Elles forment un complexe avec les molécules TAP (Transporter associated with antigen processing) présentes dans la membrane du réticulum et des peptides de 8 à 10 acides aminés. Ces peptides de petite taille proviennent du clivage des protéines par le protéasome (Figure 8). Ce complexe pourra ensuit migrer vers la membrane plasmique via l’appareil de Golgi et être présenté aux lymphocytes T CD8.
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Table des matières
DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES
1. LE CYTOMEGALOVIRUS HUMAIN (HCMV)
A. Généralités
B. Caractéristiques générales des -Herpesvirinae
C. Epidémiologie
i. Transmission horizontale
ii. Transmission verticale
D. Structure du virus
i. Génome viral
ii. Capside
iii. Tégument
iv. Enveloppe
E. Cycle de réplication
F. Manifestations cliniques
i. Infection chez les sujets immunocompétents
ii. Infection au cours de la grossesse et maladie congénitale
iii. Infections opportunistes chez les sujets immunodéprimés
G. Traitements antiviraux
H. Echappement aux mécanismes de défense antivirale
i. Inhibition de l’apoptose
ii. Modulation de l’immunité innée
iii. Modulation de l’immunité adaptative
iv. Les cellules NK
I. Latence
2. LES PROTEINES IRS1 ET TRS1 DU HCMV
A. Généralités
B. Structures
C. Fonctions
3. L’AUTOPHAGIE
A. Généralités sur l’autophagie : historique et définition
B. Mécanismes moléculaires de l’autophagie
i. Initiation et formation du phagophore
ii. Elongation et fermeture de l’autophagosome
iii. Maturation de l’autophagosome
C. Régulation de l’autophagie :
i. Régulation de l’autophagie par la voie de signalisation mTOR
ii. Régulation de l’autophagie par des voies de signalisation indépendantes de mTOR
iii. Régulation de l’autophagie par des voies de signalisation impliquant des facteurs de transcription
D. Fonctions biologiques de l’autophagie
i. Rôles physiologiques
ii. Rôles pathologiques
4. AUTOPHAGIE ET VIRUS
A. Modulation de l’autophagie par les virus
i. Rôle antiviral de l’autophagie
ii. Rôle pro viral de l’autophagie
iii. VIH (Virus de l’immunodéficience humaine)
B. Interaction entre les infections herpétiques et l’autophagie
i. Cytomégalovirus humain
ii. Herpès Simplex Virus type 1
iii. Virus de la Varicelle et du Zona
iv. Epstein-Barr virus
v. Herpesvirus associé au Sarcome de Kaposi
PRESENTATION DES TRAVAUX
Introduction
Article .
Discussion
RESULTATS COMPLEMNTAIRES
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
TRAVAUX ANNEXE
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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