Les protéines du clan « arrestine »

Les protéines du clan « arrestine »

La découverte des premiers membres du clan arrestine

L’identification des premiers membres de cette superfamille de protéines remonte aux années 70. L’arrestine 1 est tout d’abord identifiée comme un antigène soluble (d’où son nom initial d’antigène S) capable d’induire l’uvéo-rétinite, une infection rétinienne auto-immune associée à une perte de fonctions du photorécepteur rhodopsine, un membre de la famille des récepteurs à 7 hélices transmembranaires (RCPG) (Wacker, 1972; Faure et al., 1976; Wacker and Kalsow, 1976). En 1977, cet antigène S est isolé et caractérisé (Dorey and Faure, 1977; Wacker et al., 1977). Parallèlement, l’équipe de Kühn identifie une protéine de 48 kDa enrichie dans les disques des segments externes des cellules photo réceptrices en bâtonnet après illumination (Kühn, 1978). Cette protéine est capable d’interagir avec la rhodopsine et de moduler la signalisation en aval de ce récepteur (Wilden et al., 1986a). En 1985, la même équipe met en évidence que l’antigène S et cette protéine de 48 kDa correspondent à la même protéine et l’appellation arrestine est proposée, en référence à sa capacité d’arrêter la signalisation des protéines G en aval de la rhodopsine (Miller et al., 1986; Pfister et al., 1985; Wilden et al., 1986a, 1986b; Zuckerman and Cheasty, 1986). La forme bovine de cette arrestine dite visuelle du fait de sa présence dans les cellules rétiniennes est clonée et entièrement séquencée en 1987 (Shinohara et al., 1987; Yamaki et al., 1987). A la même période, l’équipe de Lefkowitz qui s’intéresse alors au fonctionnement d’un autre RCPG, le récepteur β2-adrénergique (β2-AR), sur des cellules de cerveau de bœuf propose un mode de régulation pour ce récepteur similaire à celui de la rhodopsine, impliquant une kinase mais aussi une protéine supplémentaire afin de permettre sa désensibilisation optimale (Benovic et al., 1986, 1987a, 1987b). Des similitudes fonctionnelles avec la protéine de 48 kDa mènent à proposer l’hypothèse que cette protéine « manquante » pourrait être un analogue de l’arrestine visuelle. Un crible sur une banque d’ADNc de cerveau de bœuf utilisant un fragment d’ADN codant pour l’arrestine visuelle comme sonde permettra d’identifier une nouvelle protéine présentant environ 60 % d’identité de séquence avec l’arrestine visuelle. Cette protéine sera nommée naturellement β arrestine du fait de son rôle inhibiteur de l’activité du récepteur β2- adrénergique (Lohse et al., 1990).

Le répertoire des arrestines visuelles et β-arrestines

Dans les années qui suivent la découverte de ces premières arrestines, deux autres protéines seront rapidement identifiées, étendant le répertoire des arrestines à 4 membres chez les Mammifères :
• deux arrestines visuelles spécifiquement et massivement exprimées dans les cellules photo-réceptrices rétiniennes nommées arrestines S et C (ou arrestines 1 et 4) et à un moindre niveau dans la glande pinéale qui partage une origine embryologique commune avec les cellules photo-réceptrices (Smith et al., 1994). Au niveau de la rétine, l’arrestine 1 représente un constituant majeur des cellules en bâtonnet alors que l’arrestine 4 est plus spécifique des cellules photo-réceptrices en cône (Craft et al., 1994).
• deux β-arrestines, les β-arrestines 1 et 2 (ou encore arrestines 2 et 3), présentant une homologie de séquence globale avec les arrestines visuelles avoisinant les 70% et exprimées de façon ubiquitaire en dehors de la rétine avec un niveau élevé dans les tissus neuronaux et la rate. Au niveau de la séquence protéique, les différences majeures avec les arrestines visuelles résident dans l’extrémité N-terminale et surtout dans leur queue C-terminale .

Plusieurs isoformes, résultant d’épissage alternatif, ont également été caractérisées pour l’arrestine 1 et les deux β-arrestines. L’arrestine 1 de bœuf est exprimée sous la forme d’une protéine de 404 acides aminés mais également de deux variants, l’un qui se caractérise par l’absence des acides aminés 338 à 345 et l’autre appelé p44 dans lesquels les 35 derniers acides aminés sont remplacés par une alanine unique (Smith et al., 1994; Yamaki et al., 1987, 1990). Ce variant p44 a un effet inhibiteur sur la rhodopsine bien plus efficace que la version entière du fait d’une conformation « constitutivement » active de la protéine (voir paragraphe II.1). En ce qui concerne les β-arrestines, au moins deux variants d’épissage alternatif sont exprimés qui présentent dans la partie C-terminale une délétion des résidus 334-341 pour la β-arrestine 1 (région absente chez la β-arrestine 2) et une insertion de 11 acides aminés en position 361 pour la β-arrestine 2 (Parruti et al., 1993; Sterne-Marr et al., 1993). A la différence des variants de la β-arrestine 2, qui sont exprimés de façon ubiquitaire avec une prédominance systématique de la version courte, les variants long et court de la β-arrestine 1 présentent des enrichissements relatifs différents en fonction des tissus (Sterne-Marr et al., 1993). L’impact de cet épissage alternatif sur le fonctionnement des deux β-arrestines n’a pas été étudié en détail.

Dans la suite du texte et dans un but de simplification, ces arrestines (beta et visuelles) ont été regroupées sous le terme d’arrestines conventionnelles. En dehors des Mammifères, des représentants de ces arrestines conventionnelles ont été identifiés chez les poissons et les amphibiens (deux arrestines visuelles et une β-arrestine), la drosophile Drosophila melanogaster (deux arrestines visuelles et une β-arrestine appelée Kurtz) ou encore le nématode Coenorhabditis elegans (une βarrestine). Cette famille de protéines semble par contre restreinte au règne animal, ce qui a conduit à l’idée, remise en question récemment, que les arrestines auraient émergé tardivement dans l’évolution.

Des arrestines conventionnelles au clan arrestine

Depuis peu, la famille des arrestines conventionnelles a été étendue par l’identification de protéines apparentées chez les Mammifères, mais également chez des organismes ne possédant pas d’arrestines conventionnelle comme la levure Saccharomyces cerevisiae ou encore l’amibe Dictyostelium discoideum (Alvarez, 2008; Aubry et al., 2009). Des essais de modélisation structurale par homologie indiquent en effet, que malgré une homologie de séquences bien plus faible qu’au sein de la famille des arrestines conventionnelles, toutes ces protéines possèdent un cœur arrestine modélisable à partir de la structure connue des arrestines conventionnelles. Selon les protéines, ce cœur arrestine est parfois étendu en N-terminal ou plus souvent en C-terminal par des domaines ou extensions susceptibles d’apporter des propriétés supplémentaires en terme de localisation, de fonction et de liaison à des partenaires (Alvarez, 2008; Aubry et al., 2009; Gurevich and Gurevich, 2006a) .

L’identification de ces nouveaux membres a donné naissance au « clan arrestine » regroupant ainsi ces protéines avec les arrestines conventionnelles. Le terme générique d’α-arrestines a été proposé pour baptiser ces nouvelles arrestines (Alvarez, 2008). Dans la littérature, elles apparaissent néanmoins sous des appellations diverses en fonction des organismes : ARRDCs (Arrestin domaincontaining) chez les Mammifères, ARTs (Arrestin-related trafficking adaptators) chez la levure S. cerevisiae ou encore Adcs (Arrestin domain containing) chez Dictyostelium ou la Drosophile. Les Mammifères possèdent 5 ARRDCs (ARRDC-1 à -5) en plus de la protéine VDUP1 (Vitamin D3 upregulated protein 1) aussi appelée TXNIP (Thioredoxin-interacting protein). Ont pu être identifiées 26 ARRDCs chez C. elegans, 17 Adcs chez D. melanogaster, 10 ARTs chez S. cerevisiae plus la protéine Spo23 (Sporulation protein 23, ne possédant qu’une partie du domaine arrestine) et les protéines apparentées Bul1 à 3, 6 Adcs (Arrestin-domain containing) chez Dictyostelium et 10 arrestines non conventionnelles chez Aspergilus nidulans . Le terme d’arrestines non conventionnelles a été plus généralement utilisé dans la suite du texte pour les distinguer des arrestines conventionnelles.

Enfin, le clan arrestine inclut également un ensemble de protéines plus éloignées, sans homologie de séquences avec les différentes arrestines mais qui présentent ou dont la modélisation suggère une structure de type arrestin-fold. Il s’agit de la famille Vps26 comprenant notamment son membre fondateur, la protéine Vps26 (Vacuolar protein sorting 26), une sous-unité du rétromère impliquée dans le transport rétrograde des endosomes vers l’appareil de Golgi et la protéine DSCR3 (Down syndrome critical region gene 3) impliquée dans le Syndrome de Down (Aubry and Klein, 2013; Aubry et al., 2009; Shi et al., 2006). Des homologues de la protéine humaine Vps26 sont présents chez tous les Eucaryotes, plantes incluses à la différence des arrestines. Le clan arrestine pourrait s’étendre à nouveau du fait de l’identification récente d’autres membres présentant une structure modélisée de type arrestin-fold (Aubry and Klein, 2013).

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Table des matières

Introduction
Partie 1 : Les Arrestines, des adaptateurs multifonctionnels
I. Les protéines du clan « arrestine »
1. La découverte des premiers membres du clan arrestine
2. Le répertoire des arrestines visuelles et β-arrestines
3. Des arrestines conventionnelles au clan arrestine
II. Les arrestines conventionnelles
1. Structure des arrestines conventionnelles
2. Fonctions des arrestines conventionnelles
2.1. Rôle des arrestines dans la régulation de cargos membranaires
2.1.1. Régulation des RCPGs
2.1.2. Régulation d’autres types de récepteurs
2.2. Rôle des arrestines dans la régulation de voie de signalisation
2.2.1 Activation des petites protéines G par les β-arrestines
2.2.2. Régulation des voies MAPK par les arrestines
2.2.3. Régulation de la voie PI3K-Akt par les arrestines
2.3. Régulation du cytosquelette par les arrestines
2.4. Régulation de la transcription par les arrestines
3. Mécanismes moléculaires impliqués dans la régulation des arrestines
3.1. Modifications post-traductionnelles
3.1.1. Ubiquitination
3.1.2. Sumoylation
3.1.3. Phosphorylation
3.1.4. Nitrosylation
3.2. Oligomérisation
III. Les arrestines non conventionnelles
1. Caractéristiques des arrestines non conventionnelles
2. Fonctions des arrestines non conventionnelles
2.1. Les arrestines non conventionnelles, des protéines d’échafaudage
2.1.1. Recrutement d’acteurs du trafic vésiculaire
2.1.2. Recrutement d’acteurs de la machinerie d’ubiquitination
2.2. Les arrestines non-conventionnelles régulent des cargos membranaires divers
2.2.1. Régulation de transporteurs de la membrane plasmique
2.2.2. Régulation de RCPGs
2.2.3. Régulation d’autres cargos membranaires
2.2.4. Quels signaux de reconnaissance pour la prise en charge des cargos membranaires ?
2.3. Autres rôles des arrestines non conventionnelles
3. Régulation des arrestines non-conventionnelles
3.1. Par ubiquitination
3.2. Par phosphorylation
3.3 Régulation du fonctionnement des arrestines par hétéro-oligomérisation ?
Partie 2 : L’amibe Dictyostelium discoideum
I. Généralités
1. Cycle de vie de l’organisme
2. Les atouts et intérêts du modèle
II. Le répertoire arrestine de Dictyostelium
1. Identification des membres du clan arrestine de Dictyostelium
2. La protéine AdcA de Dictyostelium
Partie 3 : Objectif du travail de thèse
Résultats
Discussion
Conclusion

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