Madagascar, par sa situation géographique et ses conditions climatiques, est favorable à une agriculture variée dont les légumineuses à graines. Bien que ces dernières occupent une place assez limitée dans la production agricole, le rôle qu’elles prennent dans l’habitude alimentaire de la population malgache est importante (INSTAT, 2002). Il convient d’observer que de nombreuses recettes traditionnelles reposent sur une association de céréales (le riz et le maïs) et de légumineuses. En effet les graines de légumineuses ont la particularité d’être riches en protéines qui contiennent des quantités importantes de lysine relativement peu coûteuses. Un mélange de céréales, pauvres en cet acide aminé, et de légumineuses présente donc un profil d’acides aminés de meilleure qualité que les céréales isolées (YOUNG et PELETT, 1994).
Par ailleurs, les légumineuses ont l’avantage d’être riches en certains éléments minéraux peu présents dans les céréales ; on pense notamment au potassium, au magnésium et au calcium (SOUCI et al, 1994). Les légumineuses ne se prêtent pas volontiers à la préparation culinaire et sont longues à cuire si elles sont consommées longtemps après la récolte (REYESMORENO et PAREDES-LOPES, 1993). La plupart contiennent des facteurs antinutritionnels qu’il est important de détruire à la cuisson. On désigne sous ce terme des composés chimiques qui ont la propriété de diminuer la valeur nutritionnelle des aliments. Ces facteurs antinutritionnels sont présents dans la plupart des produits végétaux, mais plus particulièrement dans les graines et dans les aliments riches en glucides non digestibles (JENKINS, 1994). Ils sont généralement présents en forte concentration dans les légumineuses, et plus particulièrement dans la graine de soja non dépelliculée et non traitée. Un certain nombre d’entre eux entravent l’action des enzymes digestives : il existe ainsi des anti-amylases et des antitrypsines. Ces anti-enzymes sont généralement détruites à la cuisson et ne posent pas de problèmes si la préparation est effectuée dans de bonnes conditions. Il faut cependant éviter une surchauffe qui provoque la destruction de la lysine. Celle-ci est en effet thermolabile. D’autres facteurs antinutritionnels agissent différemment. Il y a les lectines qui sont des protéines pouvant se lier à une grande variété de polysaccharides. Elles peuvent induire des anomalies de la muqueuse intestinale si elles ne sont pas détruites lors de la cuisson (LIENER, 1994). En expérimentation animale, les lectines peuvent induire des diarrhées prolongées entraînant de graves retards de croissance (BANWELL et al, 1984). La destruction de ces lectines pose des problèmes délicats car certaines résistent à des températures au-delà desquelles les acides aminés commencent à être détruits.
Les protéines des graines
Les protéines des graines peuvent être classées en quatre groupes (OSBORNE, 1924)
Les albumines solubles dans l’eau
Les globulines solubles dans les solutions salines
Les prolamines solubles dans l’alcool à 70°C
Les glutelines solubles dans les alcalis .
Pour les graines de Dicotylédones dont les légumineuses font partie, les teneurs en protéines se trouvent entre 12 et 35% (FAO, 1990). Les protéines des légumineuses sont constituées en majeure partie par des globulines et des albumines. Ces protéines sont particulièrement riches en lysine, celles des graines d’arachides font exception. Les acides aminés qui constituent le facteur limitant pour ces graines sont les acides aminés soufrés (FAO, 1990).
Facteurs antinutritionnels
Les facteurs antinutritionnels sont des substances présentes en quantités plus ou moins grandes, qui peuvent avoir influence notable sur l’utilisation digestive ou métabolique des nutriments. On peut, d’une manière générale, classer ces différents facteurs antinutritionnels en deux catégories : ceux qui existent naturellement dans les graines, et ceux qui sont dus à une contamination qui peut être d’origine fongique ou liée au sol ou à d’autres influences environnementales. Ces composés appartiennent à des classes chimiques très différentes et se manifestent par des effets extrêmement variés. Certains ont un caractère ubiquitaire : les inhibiteurs d’enzymes, les lectines, les polyphénols et les phytates. D’autres sont beaucoup plus spécifiques et ne se rencontrent que dans quelques espèces ou familles végétales : les composés cyanogènes du manioc, les facteurs favogènes de la fève ou de quelques autres légumineuses.
Les inhibiteurs de protéases
Toutes les graines et en particulier celles des légumineuses contiennent des inhibiteurs d’enzymes. Les plus néfastes par leurs effets sont les inhibiteurs de protéases qui agissent sur les enzymes protéolytiques au cours de la digestion, spécifiquement sur la trypsine et la chymotrypsine. Ce sont des protéines ou des peptides dont le poids moléculaire varie de 8000 à 22000 daltons . Le retard de croissance, l’hypersécrétion pancréatique et la carence anormale en acides aminés soufrés sont des effets observés chez des animaux consommant des graines de légumineuses crues (LIENER, 1979). La plupart de ces composés sont thermolabiles, dénaturables par la chaleur tel que l’inhibiteur de Kunitz, cependant d’autres comme le cas de l’inhibiteur de Bowmanbirk sont thermostables et constituent le principal facteur nuisible du point de vue nutritionnel en inhibant fortement à la fois la trypsine et la chymotrypsine. L’inhibiteur de Bowmanbirk est très riche en cystine soit 17 ponts S-S d’où sa résistance à la chaleur, aux acides et aux alcalis (MIEGE, 1975).
Les polyphénols
Les polyphénols (flavonoïdes, tanins, acides phénoliques) sont très répandus dans le règne végétal. Il s’agit d’un groupe très diversifié de composés phénoliques plus ou moins polymérisés ou condensés. Les polyphénols condensés sont constitués de proanthocyanidines polymériques, difficilement hydrolysables et non absorbables. Les interactions de tanins avec les protéines dans l’aliment et dans le tractus digestif au niveau de la muqueuse intestinale expliquent leurs effets antinutritionnels. Les polyphénols sont des substances jouant un rôle défavorable sur la digestibilité des nutriments et notamment de l’azote alimentaire. Après oxydation, ils se lient aux résidus lysine des protéines par l’intermédiaire des liaisons covalentes et contaminent les extraits protéiques, ce qui entraîne une diminution de leur qualité nutritionnelle : baisse de digestibilité de protéines et blocage de la biodisponibilité de la lysine (MALEWIAK, 1992). Les tanins ayant des propriétés astringentes sont utilisés pour améliorer la palatabilité des aliments, tandis que à forte dose cette propriété astringente diminue l’appétibilité, réduit la consommation alimentaire et par conséquent la croissance. Certains polyphénols protégent des plantes vis-à-vis de microorganismes ; d’autres empêchent les pertes dues à une germination (HARRIS, BURNS, 1970).
Les alpha- galactosides
Ce sont des oligosides à base de galactose, fructose et glucose dont les liaisons osidiques α 1- 6 ne sont pas hydrolysables par les enzymes digestives de l’espèce humaine. Ces glucides sont au nombres de trois : le raffinose (lα-galactose 1-6 β glucose 1-2 β-fructose), le stachyose (α-galactose 1-6 raffinose) et verbascose (α-galactose 1-6 stachyose).
Les α-galactosides passent vers le colon où ils sont fermentés par la microflore digestive entraînant ainsi le phénomène de flatulence et de diarrhée. Ils peuvent être éliminés partiellement par solubilisation ou, éventuellement par voie enzymatique au cours de la germination ou fermentation des graines.
Les saponines
Les saponines sont des composés thermostables, de nature glucidique souvent présents dans les graines comme le soja ou la luzerne. Elles sont de deux types : les saponines stéroidiques et les triterpénoiques. Ces composés contiennent un aglycone à structure de stéroïde (C 27) ou de triterpène (C 30) relié à un chaîne glucidique mono ou polyholosidique formée de pentose, d’hexoses ou d’acide uronique (APPELBAUM et BIRK, 1979). Les saponines sont des composés à propriété tensioactive. Cette propriété est due à la présence d’une asymétrie au niveau de la molécule : partie hydrophobe et partie hydrophile .
Les saponines confèrent aux aliments un goût amer. Des interactions hydrophobes conduiraient à la formation de complexes non covalents au niveau des sites récepteurs de goût, les liaisons pourraient aussi se former par l’intermédiaire de fonctions glycosidiques. Les saponines sont peu dangereuses car en plus du goût amer (inacceptable), elles sont indigestibles.
Les lectines
Les lectines sont des glycoprotéines de nature non immunoglobulique, de poids moléculaire élevé entre 36000 à 132000 dalton selon le degré de polymérisation. Ce sont de substances thermostables, non dénaturables par la chaleur. Elles ont la propriété d’agglutiner spécifiquement les hématies des animaux supérieurs. Cette propriété a été établie depuis Stilmark qui a effectué un travail sur la capacité d’hémagglutination de l’extrait toxique de grains de Ricinus (STILMARK, 1888). Les grains de ricin contiennent une substance, « la ricine » capable d’agglutiner les érythrocytes ; des tests d’hémagglutinations sur d’autres plantes montrent plus tard que de nombreux aliments consommés par l’homme possèdent des activités analogues. Des phytohémagglutinines ont été décelées dans de nombreuses sources végétales et plus spécialement dans les graines de légumineuses : Soyine dans les graines de soja, phasine dans les graines d’haricot… L’ingestion des lectines chez les animaux supérieurs réduit l’efficacité de l’absorption des produits de la digestion. Certaines lectines sont partiellement résistantes à la dégradation des enzymes protéolytique in vivo. Ainsi des quantités significatives sont retrouvées dans la lumière intestinale et dans les fèces (NAKATA et KIMURA, 1985). Ces lectines restantes se lient à la surface des villosités dans le duodénum et le jéjunum, et deviennent résistant à l’action des enzymes protéolytiques (PUTZAI et al, 1989). L’action de la lectine sur l’intestin se manifeste par des lésions sévères de la membrane de la bordure en brosse, une réduction de la taille de villosités, un développement anormal des microvillosités et une augmentation de renouvellement cellulaire, ce qui conduisent à la réduction de l’activité des enzymes e la bordure en brosse : l’entérokinase, la leucine aminopeptidase, le phosphatase alcaline, la maltase et la saccharase suivi d’une réduction considérable des capacités de digestion et d’absorption de l’intestin. Les pertes de poids, la malabsorption des nutriments et le retard de croissance à long terme sont les résultats de l’ingestion d’aliments riches en lectines. De plus, la malabsorption semble favoriser la prolifération des bactéries et leur fixation à la surface de l’épithélium (LAFONT et al, 1988 ; BANWELL et al 1985 ; 1993).
Les effets des lectines sur la croissance se manifestent surtout par une diminution de l’utilisation de l’azote, de la vitamine B12 donc de l’énergie.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. Généralités sur les légumineuses
I.1. Les protéines des graines
I.2. Facteurs antinutritionnels
I.2.1 Les inhibiteurs de protéases
I.2.2 Les polyphénols
I.2.3 Les alpha- galactosides
I.2.4 Les saponines
I.2.5 Les phytates
I.2.6 Les lectines
I.3. Digestibilité
I.4. Biodisponibilité
II. LES DIFFERENTS PROCEDES POUR L’ELIMINATION DES FACTEURS ANTINUTRITIONNELS (FAN)
II.1. Procédés thermiques
II.2. Le trempage
II.3. La germination
II.4. La fermentation
III. NIEBE
III.1. Historique
III.2. Position systématique du niébé
III.3. Caractéristiques botaniques et floristiques
III.4. Position biogéographique
III.5. Production de niébé
III.6. Ecologie
III.7. Utilisation du niébé dans l’alimentation (BORGET, 1989 ; ANDRE, 1997)
MATERIEL VEGETAL
I.1. Échantillonnage
I.2. Préparation des échantillons pour les différentes analyses
I.3. Rendement de la germination
II. METHODES D’ANALYSES NUTRITIONNELLES
II.1. Détermination de la teneur en eau
II.2. Dosage des protéines totales (AFNOR, 1993)
II.3. Détermination de la teneur en cendres
II.4. Dosage du phosphore
II.5. Détermination de la teneur en phytates
Figure 8 : Conversion de phytate ferrique en hydroxyde de fer
Figure 9 : Solubilisation de l’hydroxyde de fer
II.6. Détermination de la teneur en lectines
II.7. Analyse statistique appliquée à l’analyse nutritionnelle
I. Echantillonnage
II. Mesure de la plantule
III. Rendements
IV. ANALYSES NUTRITIONNELLES
IV.1. Humidité
IV.2. Teneur en protéines
IV.3. Teneur en cendres
IV.4. Teneur en phosphore
IV.5. Teneur en phytates
Lectines
DISCUSSION
CONCLUSION
PERSPECTIVES