LES PROTEINES DE L’APPAREIL PHOTOSYNTHETIQUE LIANT LA CHLOROPHYLLE
PHOTOSYNTHESE OXYGENIQUE
En dehors des eucaryotes photosynthétiques, les organismes phototrophiques sont aussi largement répartis entre les phyla du domaine eubactérien y compris les bactéries vertes sulfureuses, les bactéries vertes filamenteuses, les bactéries pourpres, les héliobactéries et les cyanobactéries (Fig. 1 ; Woese 1987, Woese et al. 1990).
Parmi ces organismes, seules les plantes supérieures, les algues et les cyanobactéries sont capables de photosynthèse oxygénique qui nécessite la coopération de deux photosystèmes (PS). Les bactéries photosynthétiques autres que les cyanobactéries sont anoxygéniques et ne fonctionnent qu’avec l’un ou l’autre des deux photosystèmes (Schubert et al. 1998). Selon la théorie endosymbiotique, une cellule de type cyanobactérien aurait été incorporée dans une cellule eucaryote, à une ou plusieurs reprises au cours de l’évolution, ce qui aurait progressivement conduit à l’apparition des plastes des algues et des plantes supérieures, étendant ainsi la photosynthèse oxygénique aux eucaryotes (Loiseaux-de Goër 1994, Margulis 1996, Selosse and Loiseaux-de-Goër 1997, Stiller and Hall 1997).
Chez les organismes photosynthétiques oxygéniques, les deux complexes membranaires photosynthétiques que sont les photosystèmes (PS), coopèrent pour produire des molécules de haute énergie telles que l’ATP et le NADPH. Chaque photosystème est en général constitué de deux parties : les complexes de l’antenne périphérique capturant la lumière et les composants du complexe du centre qui comprend le centre réactionnel (CR) en lui même et une antenne interne permettant le transfert de l’énergie d’excitation de l’antenne externe au CR. Cependant, chez les cyanobactéries, les antennes collectrices sont absentes au niveau du photosystème I (PS I). Ces complexes membranaires sont associés à des molécules de chlorophylles (Chl) et de caroténoïdes qui permettent l’absorption et le transfert de l’énergie solaire (Gantt 1996). Jusqu’aux années 60, on a pensé que les molécules de Chl formaient une couche entre les deux épaisseurs de lipoprotéines de la membrane (Weier et al. 1966). Cependant un transfert maximum d’énergie nécessite un contact étroit et une orientation favorable entre les molécules de Chl et les composants des centres réactionnels. On sait maintenant que les membranes photosynthétiques sont en fait constituées de complexes intrinsèques transmembranaires et que les molécules de Chl sont liées par des liaisons faibles à un ensemble de polypeptides constituant ces complexes (Kühlbrandt et al. 1994).
L’énergie lumineuse est tout d’abord captée par les pigments situés au niveau de l’antenne associée au photosystème II (PS II), puis est transférée au centre réactionnel du PS II en passant par les molécules de Chl a associées aux antennes mineurs du PS II (CP47 et CP43). Le centre réactionnel du PS II est essentiellement composé des protéines D1 et D2 qui sont associés à tous les pigments et les cofacteurs nécessaires à la séparation initiale de charge (Fig. 2 ; Diner and Babcock 1996, Gounaris et al. 1989).
Le premier donneur d’éle ctrons du PS II est constitué d’un dimère de Chl a absorbant à environ 680 nm et liés aux protéines D1 et D2 : le P680 (Barber and Kühlbrandt 1999). Il reçoit des électrons d’un complexe de dégagement d’oxygène (OEC : « Oxygen Evolving Complex »), dont le groupement Mn4 en position centrale permet l’oxydation des molécules d’eau par la lumière. Les électrons issus de l’oxydation de l’eau sont tout d’abord utilisés pour réduire la plastoquinone (PQ) par l’intermédiaire de la phéophytine (Phe) et passent ensuite le long d’une chaîne de transfert d’électrons via le complexe cytochrome b6/f et le PS I. Ce dernier est le réducteur final de la chaîne de transfert d’électrons et fonctionne comme une oxydoréductase plastocyanine (PC)-ferrédoxine (Fd), impliquant la Chl a, la phylloquinone et des groupement Fer-Soufre comme cofacteurs (Scheller et al. 1997). Deux protéines de 80 kDa (PsaA et PsaB) constituent les sous-unités majeures du PS I et lient la plupart des pigments et des donneurs et accepteurs d’électrons (A0 (Chl a), A1 (phylloquinone), FA, FB et FX (3 clusters [4Fe4S])) (Brettel 1997, Golbeck 1987, Malkin 1996, Nugent 1996, Setif 1992). Le premier donneur d’électrons du PS I, le P700, a été identifié comme étant un dimère de Chl qui absorbe à environ 700 nm (Krauss et al. 1993).
Les protons ainsi transportés à travers la membrane thylacoïdale établissent un gradient électrochimique qui est ensuite utilisé pour permettre la synthèse d’ATP et la production de réductants. L’isolement des différents transporteurs d’électrons et la détermination de leur potentiel d’oxydoréduction a permis d’établir le schéma en Z qui rend compte de leur organisation au sein de la membrane photosynthétique (Fig. 3 ; Hill and Bendall 1960).
On estime que ce processus de photosynthèse oxygénique doit être apparu il y a environ 3 500 millions d’années (Awramik 1992). De ce fait, il est remarquable de constater que les comparaisons de séquences, aussi bien parmi les espèces eucaryotiques que procaryotiques, révèlent pour de nombreuses protéines photosynthétiques clés, un très fort degré de conservation (Ort and Yocum 1996). Par ailleurs, la cristallisation du PS I a permis d’élucider sa structure et d’établir des modèles hypothétiques d’organisation du centre réactionnel du PS II (Green and Durnford 1996, Schubert et al. 1997). La similitude dans la cinétique de séparation de charge entre les systèmes des bactéries anoxygéniques et les photosystèmes I et II des organismes oxyphototrophes suggère que les processus fondamentaux qui guident le transfert des électrons d’un composant à l’autre sont probablement les mêmes dans chacun des deux types de centres réactionnels (Reith 1996). Les principales différences entre les organismes photosynthétiques actuels résident donc plutôt au niveau de la composition en pigments associés aux antennes capturant la lumière et/ou de la nature des antennes elles-mêmes.
LA PIGMENTATION DE L’APPAREIL PHOTOSYNTHETIQUE
Il existe une formidable diversité de pigments au sein des plantes supérieures, des différentes classes d’algues et des cyanobactéries, répartis entre les centres réactionnels I et II et les antennes capturant la lumière (Tableau 1). Tous les pigments photosynthétiques, y compris ceux des centres réactionnels, sont capables d’une absorption directe de la lumiè re solaire (Owens 1996). Leur capacité d’absorption de la lumière est déterminée par la section optique d’absorption dépendant de la longueur d’onde, qui est spécifique de chaque pigment. Il semble que dans certains cas, de très faibles modifications des voies métaboliques soient nécessaires pour induire la synthèse d’un pigment plutôt que d’un autre (Sayre and von Wrobelboerner 1994, von Wettstein et al. 1995). Ainsi, la conversion de la Chl a en Chl b nécessite uniquement l’oxydation d’un groupement méthyl en formyl et la conversion de la Chl a en Chl d, l’oxydation d’un groupement vinyl en formyl (Fig. 4).
Toutes les protéines pigmentaires à Chl lient à la fois des Chl et des caroténoïdes (Green and Durnford 1996). Les Chl assurent l’essentiel de la capture de l’énergie lumineuse, alors que les caroténoïdes jouent le plus souvent un rôle de protection de l’appareil photosynthétique contre l’excès d’énergie lumineuse (cf. section I.4 adaptations aux variations lumineuses ; Frank and Cogdell 1996, Vishnevetsky et al. 1999, Yamamoto and Bassi 1996). Cependant, les caroténoïdes peuvent aussi contribuer de façon significative à la stabilisation de la structure de la protéine (Havaux 1998) ou à la capture de l’énergie lumineuse comme cela a été observé chez certains organismes marins (Frank and Cogdell 1996, Hiller et al. 1991). Dans tous les cas, l’association des Chl et des caroténoïdes semble essentielle pour obtenir un repliement correct des protéines qui les lient (Paulsen 1995).
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Table des matières
CHAPITRE I : INTRODUCTION
I- LES PROTEINES DE L’APPAREIL PHOTOSYNTHETIQUE LIANT LA CHLOROPHYLLE
I.1- PHOTOSYNTHESE OXYGENIQUE
I.2- LA PIGMENTATION DE L’APPAREIL PHOTOSYNTHETIQUE
I.3- PROTEINES PIGMENTAIRES DE L’APPAREIL PHOTOSYNTHETIQUE
I.3.1- Les complexes du centre
I.3.1.1- Le complexe du centre du photosystème II
Le centre réactionnel du PS II (D1/D2) : CR II
CP47 et CP43
CP43′ (IsiA)
I.3.1.2- Le centre réactionnel du PS I (PsaA/ PsaB) : CR I
I.3.2- Les complexes antennaires
I.3.2.1- Les phycobilisomes des cyanobactéries et des algues rouges
I.3.2.2- Les protéines à Chl a/b des plantes supérieures
Antenne collectrice associée au PS II
Antenne collectrice associée au PS I
I.3.2.3- Les antennes collectrices procaryotiques à Chl a/b
I.3.2.4- Les antennes collectrices des algues
Les algues à Chl a/b
Les algues à Chl a et phycobiliprotéines (Rhodophyta)
Les Algues à Chl a/c
I.3.2.5- Protéines apparentées aux Lhc
Protéines induites par le stress (ELIP, HLIP)
Gènes putatifs présentant des homologies avec les Lhcs
I.4- ADAPTATION AUX VARIATIONS LUMINEUSES
I.4.1- Adaptation à court terme
I.4.1.1- Transition Etat1-Etat2
I.4.1.2- Le cycle des xanthophylles
I.4.1.3- Agrégation de l’antenne LHC II
I.4.2- Adaptation à long terme
I.4.2.1- Réponses physiologiques à la lumière
I.4.2.2- Réponses moléculaires à la lumière
Régulation des protéines des centres réactionnels par la lumière
Régulation des protéines d’antenne par la lumière
Expression des protéines photosynthétiques en lumière jour-nuit
II- PRESENTATION DU MODELE D’ETUDE, PROCHLOROCOCCUS
II.1- MISE EN EVIDENCE DE PROCHLOROCOCCUS ET POSITION PHYLOGENETIQUE
II.1.1- Découverte de Prochlorococcus
II.1.2- Position phylogénétique par rapport aux cyanobactéries typiques
II.2- PARTICULARITES CELLULAIRES
II.2.1- Ultrastructure
II.2.2- Taille du génome et composition en bases
II.3- CARACTERISTIQUES PHOTOSYNTHETIQUES
II.3.1- Composition pigmentaire
II.3.1.1- Chlorophylle
II.3.1.2- Caroténoïdes
II.3.1.3- Phycoérythrine
II.3.2- Photoacclimatation et photoadaptation
II.3.3- Caractérisation de l’appareil photosynthétique
II.4- DISTRIBUTION OCEANIQUE DE PROCHLOROCOCCUS
II.5- DIVERSITE GENETIQUE DE PROCHLOROCOCCUS
II.5.1- Diversité des souches de Prochlorococcus en culture
II.5.2- Diversité des populations naturelles de Prochlorococcus
III- DEMARCHE ADOPTEE AU COURS DE CE TRAVAIL DE THESE
IV- LISTE DE PUBLICATION EFFECTUEES PENDANT LA THESE
CHAPITRE II : MATERIEL ET METHODES
I- DESCRIPTION ET CULTURE DES SOUCHES DISPONIBLES AU LABORATOIRE
I.1- SOUCHES CULTIVEES A LA STATION BIOLOGIQUE DE ROSCOFF
I.2- METHODES DE CULTURE
II- METHODE DE CARACTERISATION DES COMPLEXES PIGMENTS-PROTEINES
II.1- METHODE D’ISOLEMENT ET DE CARA CTERISATION DU PHOTOSYSTEMEI
II.1.1- Extraction des thylacoïdes
II.1.2 – Isolement du photosystème I
II.1.2.1- Solubilisation des thylacoïdes
II.1.2.2- Séparation des complexes Chl-protéines
Séparation des complexes Chl-protéines sur gel non dénaturant
Isolement des complexes protéiques par gradient de saccharose
II.1.3- Analyse du photosystème I
II.3.1.1- Analyse de la composition protéique du PS I sur gel d’électrophorèse
II.3.1.2- Détection immunologique
II.3.1.3- Caractérisation des fractions enrichies en PS I
Spectrofluorimétrie
Spectrophotométrie
Chromatographie liquide à haute pression (HPLC)
Microscopie électronique
III- OUTILS MOLECULAIRES
III.1- TECHNIQUES D’EXTRACTION DES ACIDES NUCLEIQUES
III.1.1- Extraction de l’ADN total
III.1.2- Extraction d’ADN plasmidique à l’aide du kit « Flexiprep »
III.1.3- Extraction des ARN totaux
III.1.4- Extraction de l’ADN bicaténaire des bactériophages
III.2- AMPLIFICATION D’ADN PAR REACTION EN CHAINE DE LA POLYMERASE (P.C.R.)
III.3- ANALYSE DES ACIDES NUCLEIQUES
III.3.1- Analyse électrophorétique
III.3.1.1- Analyse de l’ADN sur gel d’agarose 0.8 %
III.3.1.2- Analyse de l’ADN sur gel de polyacrylamide
III.3.1.3- Analyse de l’ADN par electrophorèse en champs pulsé (PFGE)
III.3.1.4- Analyse des réactions de séquence sur gel de polyacrylamide 6%
III.3.1.5- Analyse des ARN sur gel d’agarose 1.5 % / formaldéhyde 4 % / MEN 1X
III.3.1.6- Purification de fragments d’ADN sur gel d’agarose avec le kit « Wizard » (Pharmacia Biotech)
III.4- TECHNIQUE D’HYBRIDATION DES ACIDES NUCLEIQUES
III.4.1- Marquage radioactif d’une sonde ADN par amorçage aléatoire (« Random Priming »)
III.4.2- Marquage radioactif d’une sonde ARN
III.4.3- Southern blot
III.4.4- Northern blot
III.4.5- Méthode de protection à la RNase (« R.P.A. »)
III.4.6- Criblage d’une banque phagique
III.4.6.1- Préparation de bactéries compétentes
III.4.6.2- Titrage de la banque de phages
III.4.6.3- Criblage de la banque de phages
III.5- SEQUENÇAGE
III.5.1- Clonage du produit de PCR
III.5.2- Réaction de séquence
III.6- ALIGNEMENT ET ANALYSE PHYLOGENETIQUE DE SEQUENCES
IV- ANALYSES STRUCTURALES DES SEQUENCES PROTEIQUES
IV.1- PRINCIPE DE L’ANALYSE DE GROUPES HYDROPHOBES (« HCA »)
IV.1.1- La représentation HCA
IV.1.2- Interprétation des diagrammes
IV.1.3- Intérêt de l’HCA dans l’alignement de séquences primaires
CHAPITRE III : LE PHOTOSYSTEME I
Article 1 : Isolation and characterization of the photosystem I from two strains of the marine oxychlorobacterium Prochlorococcus
CHAPITRE IV : CONCLUSION