Les propriétés physico-chimiques des HAps
Structure
L’hydroxyapatite phosphocalcique est de formule Ca5(PO4)3(OH), usuellement écrite Ca10(PO4)6(OH)2 pour souligner la présence de deux groupements unitaires par maille (figure I-1A). Les hydroxyapatites sont connues pour cristalliser généralement en symétrie hexagonale (groupe spatial : P63/m) avec les paramètres cristallographiques suivantes (a = b= 9,418Å et c = 6,881Å) et plus rarement en symétrie monoclinique (P21/b, a = 9,421 Å, b = 2a, c=6,881Å, =120°). Ces deux types de symétrie dépendent de la stœchiométrie, de la température et de la pression du milieu de synthèse. La différence majeure entre ces deux structures réside dans l’arrangement des groupements hydroxyles au sein de la structure6 . Les OH sont localisés dans des colonnes qui forment des tunnels (de diamètre 0.27 nm) parallèles à l’axe c. Ces colonnes sont délimitées par des triangles constitués de trois atomes de Ca (figure I-1A). C’est l’empilement relatif des groupements OH successifs au sein des colonnes qui varie selon la symétrie de la structure7 : si dans une HAp de structure hexagonale les protons sont aléatoirement localisés en position supérieure (top) ou inférieure (down) par rapport à l’anion oxyde O2- , dans une HAp cristallisée en système monoclinique, les protons des OH d’une même colonne sont tous orientés selon la même direction et les OH de deux colonnes adjacentes sont orientés dans des directions opposées ce qui va conduire au doublement du paramètre b, créant ainsi un réseau cristallin monoclinique . Les atomes de phosphore sont en coordinence tétraédrique et dessinent des anions phosphates PO4 3- au sein desquels les liaisons P-O sont covalentes. Les cations Ca2+ occupent deux positions cristallographiques distinctes, Ca(1) ou Ca(2) (figure I 1B). Les sites Ca(1) sont hexacoordonnés avec des atomes d’oxygène provenant exclusivement des groupes phosphates. En revanche, les sites Ca(2) sont coordonnés à 7 atomes d’oxygène dont l’un appartient à un groupe hydroxyle8, 9 . Dans ce réseau, les liaisons entre les Ca2+ et les atomes d’oxygène des groupements PO4 3- sont purement ioniques.
Propriétés de substitution
Dans la nature, les HAps stœchiométriques sont rares. Une des principales caractéristiques de la structure apatitique est d’admettre un grand nombre de substitutions. Dans cet édifice ionique, des substitutions anioniques et cationiques partielles ou totales peuvent avoir lieu sans que la structure cristallographique soit modifiée. Les ions Ca2+ peuvent être remplacés par des ions Sr2+, Ba2+ , Pb2+ , Mg2+ , Zn2+, Na+ 3, 10-13 et les anions PO4 3- peuvent quant à eux être substitués par les ions AsO4 3-, SiO4 4-, VO4 3- , SO4 2-, HPO4 2- et CO3 2- 3, 14-16 . Ces matériaux peuvent également être l’objet de substitutions anioniques avec le remplacement de OH- par les ions F- , Cl- , I- et Br- ou là encore par des CO3 2- . Ainsi, il peut exister deux types de groupements carbonates au sein de la structure et, par convention, les anions carbonates localisés sur les sites des anions OH- et PO4 3- sont référencés comme des carbonates de type A et B respectivement. A l’échelle atomique, la substitution d’un ion par un ion de même charge et de taille différente aura pour conséquence une légère déformation de la maille et une variation des paramètres a et c. Par contre, les substitutions par des ions de charges différentes nécessitent aussi une compensation de charge pour respecter l’électroneutralité du solide. Il se forme alors des apatites partiellement lacunaires en OH et déficientes en calcium. Usuellement, le rapport Ca/P est utilisé pour rendre compte de ces écarts à la stœchiométrie idéale (1.67). Cependant, ce seul rapport est un peu réducteur et il est nécessaire de s’interroger plus précisément sur les propriétés qu’il révèle.
Stœchiométrie
Les apatites ont donc une structure particulièrement stable, qui connaît d’importants écarts à la stœchiométrie. Ceci se traduit généralement par une cristallinité médiocre, une solubilité accrue et une variation du rapport atomique Ca/P2,3, 9,17-19. En effet, la stœchiométrie est définie par le rapport Ca/P (le cas échéant Ca+MII/P) et a longtemps été considérée comme pouvant varier de 1.5 à 1.67, ce qui focalisait l’attention sur le seul déficit en ions calcium. Cependant, la substitution par des ions de charge différente peut certes conduire à des systèmes globalement sous-stœchiométriques, Ca/P<1.67, mais aussi à des systèmes surstœchiométriques avec Ca/P>1.67. Il convient donc de faire le point sur la notion d’écart à la stœchiométrie et d’envisager ses différentes origines.
Origine de la sur-stœchiométrie
Une hydroxyapatite est dite sur-stœchiométrique lorsque le rapport Ca/P>1.67 au sein du matériau fini (qui peut ne pas être simplement lié au rapport Ca/P introduit par les précurseurs au cours de la synthèse). Les origines de cette sur stœchiométrie restent encore mal élucidées20-23, cependant plusieurs hypothèses ont été avancées :
1) L’adsorption de calcium en surface peut expliquer l’enrichissement de l’échantillon en calcium24-26 .
2) La présence d’une couche amorphe en surface contenant des ions Ca2+ en excès ce qui donne lieu à un rapport Ca/P massique supérieur à 1.6727. L’existence de cette couche a été évoquée dans la littérature pour les HAps biologiques actives envers les protéines28-30, même si les hydroxyapatites biologiques sont plutôt connues pour leur sous-stœchiométrie.
3) L’incorporation d’ions carbonates CO3 2- de type B au cœur du matériau qui substituent à une partie des ions phosphates de structure PO4 3-. Cet appauvrissement en groupements phosphates entraîne alors l’augmentation du rapport Ca/P31-33 .
4) La formation d’autres nanophases cristallines calciques comme Ca(OH)2 ou CaO ou CaCO3 31,34 , en mélange avec les hydroxyapatites, peut entraîner un excès du calcium par rapport au phosphore au sein du solide. Leur teneur en faible quantité les rend difficiles à détecter par les techniques classiques31. L’identification des signatures infrarouge νOH attendues pour Ca(OH)2 ou CaO (forte affinité pour l’hydroxylation) de ces phases en mélange des HAps31,35,36 n’est pas si simple. En augmentant la fraction de calcium au sein des précurseurs, Silvester et al.3 ont obtenu des solides sur-stœchiométriques qu’ils lient à la présence d’espèces disperses de CaO. De même, en cherchant à substituer des ions calcium par du strontium, Ogo et al.12 ont observé la formation d’espèces disperses de SrO.
Origine de la sous-stœchiométrie
Le cas de HAps sous-stœchiométriques est beaucoup plus discuté car il concerne le domaine des apatites biologiques. La sous-stœchiométrie (rapport Ca/P< 1.67) peut être expliquée par :
1) Une déficience en calcium reliée à l’incorporation des carbonates de type A au cœur du matériau8 ou à un déficit en OH- résultant de l’incorporation des molécules d’eau dans le réseau apatitique37,38. Ce déficit cationique qui se traduit, du point de vue massique, par la formation d’une lacune en ion calcium et d’une lacune en ion OH- , entraîne l’apparition de groupements (HPO4) 2- 39 , 40 au détriment des groupements OH- et (PO4) 3- de cœur. La formule devient alors: Ca10-z (HPO4)z (PO4)6-z (OH)2-z avec (0 < z ≤ 1), avec 1.5< Ca/P < 1.67.
2) La présence à la surface d’une couche hydratée essentiellement constituée d’ions bivalents Ca et HPO4 2- 30, 41 .
3) La coexistence de la HAp avec d’autres phases difficiles à différencier de celle de la HAp (tableau I-1). Ces phases peuvent être cristallisées ou amorphes et peuvent induire un écart important du rapport global Ca/P par rapport à celui attendu pour la seule phase hydroxyapatite stœchiométrique. Malgré la variété de phases phosphates de calcium, la phase phosphate octacalcique (OCP), est la plus souvent citée comme associée à la sousstœchiométrie. Cette hypothèse est cohérente avec le fait que la synthèse de la HAp peut passer par la formation d’une phase intermédiaire métastable OCP42 .
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Table des matières
I- Introduction
II- Etude bibliographique
II-1 Les propriétés physico-chimiques des HAps
II-1-1 Structure
II-1-2 Propriétés de substitution
II-1-3 Stœchiométrie
II-1-3-a Origine de la sur-stœchiométrie
II-1-3-b Origine de la sous-stœchiométrie
II-2 Applications des HAps
II-2-1 Domaine biologique
II-2-2 Absorbants chimiques et climatologie
II-2-3 Domaine de la catalyse hétérogène
II-3 Les méthodes de synthèse les plus courantes
II-3-1 Synthèse par voie solide
II-3-2 Synthèse par voie humide
II-3-2-a Co-précipitation
II-3-2-b Synthèse hydrothermale
II-3-2-c Voie sol-gel
II-3-3 Bilan
III- Protocoles de synthèse des HAps de haut rapport Ca/P
III-1 Co-précipitation avec différents protocoles de régulation du pH
III-2 Post-traitement hydrothermal
IV- Caractérisations des matériaux
IV-1 Composition chimique
IV-2 Structure
IV-2-1 Origines structurales des variations de la stœchiométrie
IV-2-2 Diffraction des rayons X (DRX)
IV-2-3 Spectroscopies vibrationnelles
IV-2-3-a Méthodologie et mise en œuvre expérimentale
IV-2-3-b Caractérisation des OH structuraux par DRIFT
IV-2-3-c Caractérisation des phosphates par DRIFT
IV-2-3-d Caractérisation des carbonates par infra rouge et RAMAN
IV-2-4 Résonance Magnétique Nucléaire à l’état solide (RMN)
IV-2-4-a Mise en œuvre expérimentale
IV-2-4-b Corrélation RAMAN et RMN du 31P
IV-2-4-c RMN du proton à l’état solide
IV- 3 Texture et morphologie
IV- 4 Bilan et discussion
V- Influence de Ca/P sur le comportement catalytique des hydroxyapatites
V-1 Problématique
V-2 Réaction modèle: conversion en MBOH
V-2-1 Principe et mise en œuvre
V-2-2 Performances catalytiques
V-2-3 Discussion : influence de Ca/P sur la basicité
V-3 Comparaison réaction modèle et réaction cible: conversion du MBOH versus conversion de l’éthanol
V-3-1 Réactivité des HAps de différentes stœchiométries dans la réaction de conversion de l’éthanol
V-3-2 Mise en œuvre de la réaction de conversion de l’éthanol
V-3-3 Résultats du test de conversion de l’éthanol
VI- Conclusion
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