La connaissance de la chaîne de désintégration du thoron (220Rn) permet d’identifier les rayonnements émis et le moyen de mesure le plus approprié. Comme pour toute mesure de référence, sa validation est une étape importante. Nous nous sommes donc aussi intéressés au radon (222Rn) qui présente des propriétés similaires à celles du thoron à l’exception de sa période plus longue. Il est un candidat idéal pour la validation de la mesure sachant qu’il existe déjà un étalon de référence pour ce radionucléide. Dans ce chapitre, nous présentons ainsi les différentes propriétés de ces deux gaz et de leurs descendants.
La chaîne de traçabilité métrologique du radon (222Rn)
Selon la définition du « Vocabulaire international de métrologie » (JCGM, 2012), une chaîne de traçabilité métrologique consiste en une succession d’étalons et d’étalonnages qui est utilisée pour relier un résultat de mesure à une référence. En France, pour le 222Rn, celle-ci se présente en trois étapes :
❖ la première consiste en la création d’un étalon de référence de 222Rn réalisé au laboratoire national de métrologie des rayonnements ionisants, le LNE-LNHB au CEA (mesurande : activité de 222Rn en Bq) et à son transfert au Laboratoire de Physique et de Métrologie des Aérosols (LPMA) à l’IRSN ;
❖ la deuxième correspond à l’étalonnage des instruments de mesure commerciaux de 222Rn au LPMA (mesurande : activité volumique de 222Rn en Bq.m-3) ;
❖ la dernière étape correspond à la mesure sur le terrain de l’activité volumique en 222Rn à l’aide de l’appareil étalonné (mesurande : activité volumique de 222Rn en Bq.m-3).
Les méthodes de mesure du thoron
Jusqu’à présent il existe un seul moyen de référence pour la mesure de thoron et l’étalonnage des instruments de mesure commerciaux. Celui-ci a été développé au Physikalisch-Technische Bundesanstalt (PTB), l’homologue allemand du LNE LNHB. D’autres études réalisées dans plusieurs laboratoires ont également permis de montrer la limite et la faisabilité de certaines méthodes. L’objectif est d’étudier ces méthodes de mesure pour déterminer leurs limites et ainsi orienter la construction d’un nouvel étalon de référence au LNE-LNHB utilisable par l’IRSN.
Le premier dispositif du PTB permettant de créer une atmosphère de référence en thoron (Gargioni & Arnold, 2003)
Le dispositif mis en place consiste en une chambre de référence dont l’atmosphère en 220Rn est produite par une source de 228Th placée dans le volume. Cette source est réalisée par électrodéposition sur un disque de métal ; un ventilateur permet d’homogénéiser le 220Rn dans l’air. L’activité volumique en thoron est mesurée à l’aide d’une chambre d’ionisation à grille (MWIC).
Le 220Rn est pompé dans la chambre de référence puis passe dans un filtre ce qui permet d’éliminer les descendants solides produits avant la mesure. Cette chambre permet de collecter les ions formés par les particules alpha émises, l’amplitude de chaque signal étant proportionnelle à l’énergie de la particule alpha émise ; la résolution d’un tel détecteur est de 300 keV pour des énergies entre 5 MeV et 8 MeV.
Les descendants produits à l’intérieur du détecteur restent fixés aux fils de la chambre. Alors que la distribution en radon est homogène dans le volume de mesure, dans le cas du thoron, si le débit n’est pas assez important, la distribution n’est pas homogène.
L’activité volumique en 220Rn est mesurée avec une incertitude-type relative de 3%. Les deux composantes d’incertitude prépondérantes sont liées à l’étalonnage de la chambre en radon (provenant de l’incertitude sur l’activité de référence de 222Rn) ainsi qu’au taux de comptage du 220Rn. La faible activité en thoron entraîne un faible taux de comptage, ce qui augmente l’incertitude ; de plus, cette mesure peut être soumise à des fluctuations statistiques importantes.
Enfin, dans une autre publication, les auteurs (Gargioni, et al., 2005) mettent en avant la limite de la méthode due à la distribution non homogène du thoron dans la chambre de référence. En utilisant deux détecteurs alpha PIPSTM, Passivated Implanted Planar Silicon (Canberra Ind., 2012), disposés à différentes positions dans la chambre de référence, ils ont pu conclure que l’activité en thoron n’est pas homogène dans le volume et qu’elle est fortement dépendante de la position de l’instrument à étalonner. L’activité mesurée par la chambre MWIC peut alors ne pas correspondre à celle mesurée par l’instrument.
Mesure en ligne de 220Rn avec une fiole de Lucas
La fiole de LucasTM consiste en un volume recouvert à l’intérieur par une fine couche scintillante de ZnS(Ag), dans lequel il est possible de faire circuler un gaz à l’aide de deux connecteurs entrée et sortie. Les particules alpha interagissant avec cette couche scintillante entraînent la production de lumière qui par la suite est détectée par un photomultiplicateur placé sur la face transparente de la fiole. Une première étude (Tokonami, et al., 2002) a mis en évidence que l’utilisation d’une telle fiole permet le suivi de l’activité volumique d’une atmosphère en 220Rn dès lors qu’il n’y a pas présence de 222Rn. Par la suite cette méthode a été appliquée pour la mesure en continu d’une atmosphère de 220Rn par différents laboratoires. Cette méthode de mesure a été comparée avec une mesure par double filtre et l’estimation du 220Rn produit par une source de 228Th (Eappen, et al., 2007). Cependant l’absence de bilan d’incertitudes sur les mesures rend la comparaison difficile. Cette méthode présente cependant plusieurs inconvénients que les auteurs précisent dans leurs documents. En effet, la limite de détection de l’appareil reste plus élevée que les concentrations atmosphériques en 220Rn typiques trouvées dans l’environnement. De plus, il n’est pas possible de différencier le 222Rn du 220Rn lors d’une mesure. Enfin l’évaluation du rendement de détection d’un tel dispositif ne peut être faite que par calcul Monte-Carlo mais est réalisée en tenant en compte de beaucoup d’approximations :
❖ distribution homogène de 220Rn dans le volume de la fiole ;
❖ dépôt des descendants immédiat après leur création dans le volume de mesure
❖ distribution volumique homogène de 216Po du fait de sa courte période ;
❖ détection de toutes les particules alpha atteignant le scintillateur.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1. Les propriétés du radon, du thoron et de leurs descendants
1.1. La chaîne de traçabilité métrologique du radon (222Rn)
1.1.1. Le radon : 222Rn
1.1.2. L’étalon primaire de radon
1.1.3. L’étalonnage des appareils de mesure de l’activité volumique du radon
1.2. La chaîne de traçabilité métrologique du thoron (220Rn)
1.2.1. Le thoron : 220Rn
1.2.2. Les méthodes de mesure du thoron
1.3. Discussion et conclusion
Chapitre 2. Transport des aérosols radioactifs chargés appliqué aux descendants du radon et du thoron
2.1. Taille des descendants mesurés
2.2. Le transport des aérosols nanométriques
2.2.1. Nombre de Knudsen
2.2.2. Diffusion brownienne, diffusion des petits ions
2.2.3. Déplacement quadratique moyen
2.2.4. Vitesse d’écoulement, calcul du nombre de Péclet
2.2.5. Dérive des petits ions dans un champ électrique
2.2.6. Vitesse de sédimentation
2.2.7. Phénomène de thermophorèse
2.2.8. Conclusion sur le transport des aérosols submicroniques appliqué à la fraction libre des descendants du radon
2.3. Processus de charge des aérosols radioactifs appliqué aux descendants du radon
2.3.1. Charge des atomes radioactifs dans le vide
2.3.2. Processus de charge des aérosols radioactifs dans l’air
2.3.3. Les phénomènes de neutralisation des descendants solides
2.3.4. Conclusion sur les processus de charge des descendants du radon et du thoron
2.4. Charge totale des descendants du radon et du thoron
2.4.1. Les différentes études sur la charge totale des descendants du radon
2.4.2. Les différentes études sur la charge totale des descendants du thoron
2.5. Conclusion
Chapitre 3. Développement du prototype de mesure par simulations Monte-Carlo et par méthode à éléments finis
3.1. Modèle Monte-Carlo pour le calcul du rendement de détection du dispositif
3.1.1. Les méthodes Monte-Carlo
3.1.2. Choix du code de simulation
3.1.3. Introduction du code de calcul MCNPX et description du jeu de données
3.1.4. Incertitude liée aux simulations MCNPX
3.2. Mise en place du modèle Monte-Carlo
3.2.1. Choix du volume
3.2.2. Évaluation des paramètres d’influence sur le calcul de rendement
3.2.3. Forme du spectre attendu avec le dispositif
3.3. Modélisation du champ électrique pour la capture des descendants à la surface du détecteur
3.3.1. Introduction sur le champ électrique
3.3.2. Limites disruptives
3.3.3. Code de simulation utilisé
3.3.4. Choix de la forme de l’électrode et limites
3.4. Calcul de la vitesse du fluide dans le volume
3.4.1. Géométrie utilisée
3.4.2. Régime d’un fluide
3.4.3. Modèle pour le transport de l’air dans le volume
3.5. Transport du radon et du thoron dans le volume de mesure
3.6. Calcul de la vitesse de dérive des ions
3.7. Conclusion
Conclusion