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Les processus mis en œuvre lors de la métacognition
Pour Flawell3 (1979), la métacognition recouvre deux aspects, les connaissances métacognitives et la gestion de l’activité mentale. Nous allons donc développer ces deux dimensions afin de mieux comprendre les enjeux de la métacognition.
Les connaissances métacognitives
Ce terme regroupe toutes les connaissances et les croyances que les individus ont à propos des phénomènes liés à la cognition. Elles sont acquises lors des différentes expériences conscientes, affectives et cognitives. Les différents chercheurs ont des catégorisations qui se distinguent quelque peu, toutefois le principe reste identique. Ici, nous présenterons les trois types de connaissances métacognitives, elles-mêmes sous-divisées, présentées par L. Lafortune et L. Saint-Pierre (2011).
Tout d’abord, on identifie les connaissances métacognitives au sujet des personnes. Elles sont intra-individuelles, interindividuelles et universelles. A titre d’illustration, celles intra-individuelles correspondent aux croyances qu’un sujet a de lui-même, « j’ai plus de capacité en lecture qu’en calcul. ». Celles interindividuelles s’assimilent à la comparaison entre les individus, « mon camarade est plus intelligent que moi en mathématiques ». Enfin, les connaissances universelles sont celles qui concernent le fonctionnement de la pensée humaine, « je sais que la mémoire à court terme est limitée en quantité et en durée. ».
En parallèle, on relève les connaissances métacognitives au sujet des tâches. Elles concernent la portée, l’exigence, l’étendue de la tâche ainsi que les facteurs et les conditions qui font qu’elle est plus difficile ou non qu’une autre. Par exemple, je sais qu’un énoncé de problème de mathématique sera plus difficile dans sa compréhension qu’une histoire de littérature de jeunesse.
Enfin, on distingue les connaissances métacognitives au sujet des stratégies. L’individu connaît des stratégies d’apprentissage, a conscience de leur utilité et sait les utiliser à bon escient. Par exemple, en mathématique je vais lire une première fois l’énoncé afin d’identifié son enjeu, puis une seconde fois afin de relever les éléments me permettant de le résoudre (double lecture).
Nous remarquerons que l’on retrouve ces connaissances métacognitives chez d’autres chercheurs sous le nom de connaissances métacognitives déclaratives.
Il paraît important de préciser que ces connaissances ne sont pas nécessairement vraies. C’est pourquoi elles ont une incidence certaine sur la gestion des processus mentaux mais ne suffisent pas à l’assurer.
La gestion de l’activité mentale
Le second aspect de la métacognition se définit comme « une série de réflexions accompagnant l’activité cognitive et qui deviennent une suite de décisions visant à poursuivre l’activité ou à la modifier » (L. Lafortune et L. Saint-Pierre, 1998). Cette gestion se subdivise en trois catégories : les stratégies de planification, de contrôle et de régulation.
Les stratégies de planification concernent la façon dont les informations précédemment récoltées seront traitées. Selon l’analyse de la tâche, l’individu choisit une stratégie qui partage la tâche en sous-objectifs à atteindre, définit un temps nécessaire à leur réalisation et évalue les chances de succès. Ces stratégies peuvent être très coûteuses en temps pour les novices, mais elles s’automatisent à mesure de l’expertise.
De même, les stratégies de contrôle, qui donnent lieu à des décisions exécutives, recoupent quatre étapes. Il y a tout d’abord la classification, « que fais-je ? », la vérification, « je connais ma table de multiplication de 5 », ensuite, l’évaluation donnant des informations sur la qualité cognitive de l’activité et de sa conformité avec la tâche demandée, et enfin, l’anticipation, « si je fais une multiplication par 5, le résultat se terminera par 0 ou 5 ».
Les interventions qui découlent de la stratégie précédente concernent les stratégies de régulation. Kluwe4(1987) dégage quatre type de régulation. Il y a la régulation quant à la capacité de traitement, c’est-à-dire à la gestion de l’effort, la régulation du matériel traité, « je vais lire deux fois la consigne pour être certain d’avoir tout compris » et la régulation de l’intensité du traitement de l’information, soit le degré de persistance de l’individu face à une tâche. Enfin, la régulation de la vitesse du traitement de l’information concerne la gestion du temps allouée à la réalisation de la tâche.
Notons que cette gestion régulatrice n’est pas toujours consciente ni verbalisable. C’est pourquoi la prise de conscience de l’activité mentale représente un enjeu pour notre questionnement.
La prise de conscience de l’activité mentale
Cette prise de conscience participe à un cercle vertueux. En effet, en prenant conscience de ses activités mentales, l’individu peut enrichir ses connaissances métacognitives qui influenceront la gestion mentale ultérieure et ainsi de suite.
Les auteurs nous rappellent que le caractère conscient de la métacognition a une très grande importance pour son développement et donc pour l’enseignement.
Pour prendre conscience du fonctionnement de sa pensée, il est nécessaire de revenir sur sa démarche, de la verbaliser autant que possible et de juger son efficacité.
Les outils au service de la métacognition
La pédagogie explicite
Elle est définie par Gautier Clermont, Bissonnette Steve et Richard Mario5, comme « la formalisation d’une stratégie d’enseignement structurée en étapes séquencées et fortement intégrées ». Il y a trois étapes principales mises en place par l’enseignant : la préparation et la planification, l’enseignement proprement dit et le suivi et la consolidation. L’enseignant gère à la fois les apprentissages et la classe (modèle PIC). Ce modèle consiste donc en l’objectivation des objectifs de la tâche ou de la séance, ce qui facilite l’apprentissage. En effet le but est qu’il n’y ait pas de malentendu ni de fausse interprétation possible de la part des élèves, s’il n’y en a pas alors l’apprentissage se fait d’autant plus aisément. D’ailleurs les assises de l’éducation prioritaire du centre Alain Savary (2013) estiment qu’il est nécessaire pour l’élève d’identifier les enjeux d’apprentissages des tâches scolaires sous peine de s’enfermer dans une logique « du faire ». Cette logique ne permet pas de donner de sens aux réussites et aux échecs, le transfert de connaissances n’est donc pas assuré, l’élève se contentant d’appliquer une procédure automatisée dans des situations parfois inappropriées. Selon Hattie6 (2012), l’enseignant de la pédagogie explicite doit « Dire » c’est à dire préciser les objectifs de chaque séance et rendre les contenus accessibles aux élèves. Ensuite il doit « Montrer » en réalisant la tâche devant les élèves, énonçant son raisonnement à voix haute. Puis il doit « Guider » les élèves pour les amener à réaliser la tâche ainsi que leur fournir une « rétroaction appropriée ». Ce modèle pédagogique est donc centré sur l’enseignant. Par ailleurs, pour Adams7 ( 1996), l’approche explicite favorise le développement des habiletés cognitives de niveau supérieur. Tous ces éléments nous amènent donc à en déduire que le modèle explicite est compatible avec le processus de métacognition chez les élèves. Toutefois, si cette forme de pédagogie est vertueuse, elle accorde une place prédominante au professeur des écoles. C’est la critique faite par les défenseurs des pédagogies nouvelles qui eux soutiennent le paradigme de l’apprentissage, comme le rappellent Gautier Clermont, Bissonnette Steve et Richard Mario dans leur ouvrage.
Aussi, le tutorat entre élèves nous semble alors être un compromis intéressant pour retrouver un certain équilibre entre la place du professeur et la place des élèves dans les apprentissages. De plus, ce dispositif est préconisé par le programme d’Éducation Morale et Civique.
Le tutorat
Selon le dictionnaire de pédagogie et d’éducation8, le tutorat est “l’organisation des aides apportées à un sujet en formation”. Le concept est originaire de Grande-Bretagne, du Québec et d’Allemagne, et a d’abord été testé dans l’enseignement secondaire. Ce dispositif pédagogique a été réactivé en France par la mise en place des PPRE (Programmes Personnalisés de Réussite Éducative) et les nouveaux programmes de 2016 du premier degré.
Selon Goodlad9 (1998), le tutorat est axé sur une relation d’une personne vers une ou plusieurs autres personnes et sur une période courte, de quelques semaines. Les élèves qui aident sont nommés « tuteurs » et les élèves aidés « tutorés ». Le terme « tuteur » vient du latin « tueri » signifiant protéger, garder, prendre soin. L’élève « tuteur » aide l’autre ou les autres élèves dans la logique de faire progresser. Cette pratique favorise le fait « d’apprendre à apprendre » en lien avec le domaine 2 du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. L’élève est alors davantage acteur de son apprentissage.
Un des atouts du tutorat est ce que l’on appelle « la congruence cognitive ». C’est le fait que le tuteur arrive à s’exprimer dans le même langage que les tutorés. En d’autres termes, il utilise des termes compréhensibles pour eux ou utilise des notions et concepts déjà connus pour ces élèves. De plus, l’élève peut se sentir plus à l’aise d’échanger avec un camarade au sujet de ce qu’il ne comprend pas qu’avec le professeur.
Enfin, le tutorat nous semble être un dispositif qui met en jeu la métacognition, autant celle du tuteur que du tutoré. Le tuteur explique le cheminement par lequel il passe et le tutoré prend en compte ces nouvelles stratégies pour revoir les siennes. Parallèlement, cela permet de travailler des compétences sociales telles que la capacité à se mettre à la place d’autrui, la capacité à travailler en équipe ou encore la prise de conscience que chacun a ses points forts et ses points faibles.
Il existe différents dispositifs tutoraux selon Baudrit 10(1999):
le tutorat inter-niveau ( un élève de cycle 3 aide un élève de cycle 2).
le tutorat inter-école ( un élève d’une école aide un élève d’une autre école).
le tutorat inter-classe (un élève d’une classe aide un élève d’une autre classe).
le tutorat informel (tutorat spontané, un élève aide un autre élève dans plusieurs matières sans organisation ni fréquence préétablie).
le tutorat intra classe (un élève aide un autre élève issu de la même classe).
le tutorat alterné (passer d’un rôle à l’autre : tuteur ou tutoré selon ses compétences).
le tutorat tournant (souvent lors du travail de groupe : un élève aide les élèves de chaque groupe et passe de groupe en groupe).
le tutorat interculturel (lors de la présence d’élèves étrangers ou de culture différentes).
le tutorat réciproque (un élève aide un autre élève dans un domaine et demande de l’aide à ce même élève concernant un autre domaine).
Sylvain Connac11, dans une conférence menée sur « Coopérer entre élèves pour apprendre et collaborer entre adultes solidaires » datant du 14 octobre 2015, distingue l’aide, l’entraide du tutorat. Il explique que généralement le professeur donne une tâche à réaliser et les élèves qui ont terminé vont aller aider ceux en difficultés. Ceci peut être défini comme une aide et non comme du tutorat. Lorsqu’il y a entraide, les élèves s’associent car n’arrivent pas surpasser l’obstacle (2 ou plusieurs élèves) : à leur initiative, problème commun à résoudre. Ne les rend pas forcément plus fort.
Le tutorat lui se définie comme une forme d’aide institutionnalisée (sous forme de contrat).
Autres concepts en lien avec le tutorat et la métacognition
Le tutorat et l’étayage de Bruner 12
Nous pouvons établir un lien entre la notion de tutorat et l’étayage développé par Bruner. D’après Bruner, il existe six fonctions d’étayage :
-l’enrôlement : le but étant d’engager l’enfant dans la tâche à réaliser en suscitant son intérêt. L’enfant doit alors adhérer aux exigences de l’activité à réaliser.
– la réduction des degrés de liberté : pour éviter la surcharge cognitive, la tâche doit être simplifiée en réduisant le nombre d’actions à réaliser pour atteindre le but.
– le maintien de l’orientation : veiller à ce que l’enfant ne s’éloigne pas du but de la tâche.
– la signalisation des caractéristiques déterminantes : signalement des caractéristiques pertinentes à la réalisation de la tâche. Ceci permet de mesurer l’écart entre la production réalisée par l’enfant et ce qu’il pensait avoir produit.
-le contrôle de la frustration : faire accepter à l’enfant que les erreurs font parties du processus d’apprentissage. Le but étant d’éviter le sentiment d’échec de la part de l’enfant.
– la démonstration : présentation d’une forme de solution à l’enfant pour le mettre sur la voie pour résoudre la tâche.
Le concept d’étayage est un ensemble d’interactions entre adulte et l’enfant permettant la résolution d’un problème grâce à l’organisation de ses conduites. Nous l’utiliserons ici pour mieux comprendre le rôle du tuteur. En effet, l’enseignant peut être substitué par le tuteur, dans le cas d’une situation de tutorat.
Les intelligences multiples d’Howard Gardner 13
Selon ce psychologue, Il n’existe pas une seule forme d’intelligence mais de multiples intelligences qui se déclinent en fonction des spécificités de chaque individu. Il distingue alors huit formes d’intelligence indépendantes mais qui peuvent interagir entre elles :
1/ L’intelligence verbalo-linguistique : être à l’aise avec les mots
2/ L’intelligence logico-mathématiques : raisonner de manière logique, induire, déduire
3/ L’intelligence visio-spatiale : orientation dans l’environnement
4/ L’intelligence musicalo-rythmique : retenir facilement les mélodies
5/ L’intelligence kinesthésique-corporelle : maîtriser les mouvements du corps, motricité fine
6 /L’intelligence interpersonnelle : capacité à entrer d’entrer en interaction avec autrui
7/ L’intelligence intrapersonnelle : capacité à s’analyser et à s’adapter
8/L’intelligence naturaliste : sensibilité à l’environnement
Problématisation
Selon les auteurs, la métacognition est au service des apprentissages. Il s’agit donc pour le tuteur d’aider l’élève à réfléchir sur les difficultés qu’il rencontre, de lui permettre d’améliorer ses méthodes d’apprentissages.
Dès lors, nous nous demandons: comment le tutorat permet-il de mettre l’accent sur la métacognition à la fois pour le tutoré et le tuteur ?
A partir de cette problématisation et au regard des mes lectures, j’ai émis quelques hypothèses. Tout d’abord sur le tutorat en général:
Le tutorat a un impact positif sur l’apprentissage des élèves.
Le tutorat permet une meilleure prise de conscience de son fonctionnement intellectuel.
Le tutorat peut être facteur d’une dynamique de classe et donc d’un bon climat en renforçant la cohésion et la coopération dans le groupe classe.
Hypothèses spécifiques :
● Le rôle du tuteur est primordial lors des interactions avec le tutoré si l’on veut que celui-ci développent des stratégies métacognitives.
● Le tutorat est un dispositif basé sur la verbalisation de stratégies métacognitives.
● Le tutorat favorise l’utilisation de stratégies métacognitives par le tuteur.
● Le type d’interventions verbales du tuteur sont indispensables au développement de stratégies métacognitives dans les situations de tutorat.
● Les procédures utilisées par le tuteur nous renseignent sur la qualité du tutorat qu’il mène.
● Un effet-tuteur et un effet-tutoré existent lors de situations de tutorat.
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Table des matières
I. Introduction
II. Définitions et cadre théorique
1. Définition des termes du sujet
2. Les enjeux et les vertus de la métacognition
3. Les processus mis en œuvre lors de la métacognition
a. Les connaissances métacognitives
b. La gestion de l’activité mentale
c. La prise de conscience de l’activité mentale
4. Les outils au service de la métacognition
a. La pédagogie explicite
b. Le tutorat
5. Autres concepts en lien avec le tutorat et la métacognition
a. Le tutorat et l’étayage de Bruner
b. Les intelligences multiples d’Howard Gardner
6. Problématisation
III. Recueil des données
1. Classe de CM1-CM2 de Madame x
a. Analyse du bilan de grammaire
b. Analyse des situations problèmes
c. Analyse questionnaires
2. Classe de CM1-CM2 de Madame y
Retranscription des vidéos
a. Vidéo LL2 :
b. Vidéo LN1 :
3. Projet éducation prioritaire
4. Les différentes grilles d’analyse
a. Analyse des interactions entre le tuteur et le turoré :
b. Analyse de l’effet-tuteur : procédures utilisées par le tuteur
c. L’étayage
d. Les interventions verbales des tuteurs
5.Bilan final des analyses
IV. Phase critique
1. Intérêts
2. Limites:
3. Perspectives
V. Conclusion
VI. Bibliographie
VII. Annexes
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