Les processus de ruissellement, d’érosion hydrique et de transferts hydro-sédimentaires en domaine d’open field

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État de l’art

Ruissellement, érosion hydrique et transferts hydro-sédimentaires : définitions

Cette première sous-partie a pour but de définir les termes rencontrés au fil des ouvrages étudiés, afin de faire la différence entre ces différents processus.
Il existe deux types de ruissellement: le ruissellement par refus d’infiltration d’un sol non saturé et le refus d’infiltration d’un sol saturé [Cosandey, Robinson, 2012]. Le premier type de ruissellement, également appelé écoulement hortonien, se produit lorsque l’intensité des pluies dépasse la vitesse d’infiltration des sols. Ce type de ruissellement est non seulement dépendant des conditions climatiques mais également géologiques et pédologiques (sous sol imperméable ou non, état de « tassement » du sol,…). Dans le second cas on parle d’aires contributives saturées, en clair l’eau s’infiltre en profondeur et elle gagne en épaisseur au fur et à mesure qu’elle se rapproche de la surface du sol. Dans le cas du ruissellement hortonien, le processus se met en place lorsque le sol refuse d’infiltrer l’eau de pluie. Ce refus peut être expliqué par plusieurs facteurs qu’ils soient climatiques, pédologiques, morphologiques, etc… Quand on parle de ruissellement on parle également de la mise en mouvement de l’eau qui ne s’est pas infiltrée dans le sol [Le Gouée, 2004]. Ce ruissellement peut alors être diffus ou concentré en fonction de la topographie, de l’occupation du sol ou encore du sens du travail du sol. Le ruissellement concentré peut entraîné l’incision des sols sous la forme de rigoles, de ravines et de ravins (le nom varie en fonction de la profondeur de ces incisions). Le ruissellement est indispensable au phénomène d’érosion hydrique mais il n’est pas nécessairement facteur d’érosion, l’énergie cinétique, la vitesse de l’eau et la concentration sont des facteurs déterminants.
On sait aujourd’hui que l’état de la réserve en eau dans l’ex Basse-Normandie s’est dégradé notamment à cause de l’élévation de la pression agricole depuis une quarantaine d’années [Le Gouée, 2004]. En 1991, par le biais de la Directive Nitrates, le tiers du département de la Manche était recensé comme comme zone vulnérable concernant la pollution de ses ressources en eau par des polluants d’origine agricole. On sait que l’augmentation des parcelles cultivées augmente les processus de ruissellement et d’érosion des sols [Le Gouée, 2004 ; Mérot, et al, 1999]. L’érosion hydrique dépend de facteurs naturels mais également anthropiques, à savoir : les précipitations, le relief, le sol et l’utilisation agraire du sol [Le Gouée, 2004]. Elle se définit par trois étapes successives : mobilisation, transfert et dépôt [Reulier, 2015]. Les pluies sont à l’origine de l’érosivité pluviale, c’est à dire la capacité des précipitations à fragiliser le sol. Le relief va lui définir la capacité érosive d’un ruissellement et l’orientation de ce ruissellement. Les sols sont plus ou moins sensibles à l’érosion hydrique, on parle alors d’érodibilité des sols. Suivant l’occupation du sol, les parcelles sont plus ou moins susceptibles d’être soumises à ces processus d’érosion hydrique, une parcelle destinée à la culture du maïs, à nu, est en effet beaucoup plus propice à ce genre de phénomène qu’une prairie enherbée. Selon la synthèse sur l’état des sols de France du GISOL de 2011, l’érosion des sols, issue de l’érosion hydrique, représente une inquiétude majeure quant à la perte en sol qui peut se révéler irréversible, les pertes en sol sont majoritairement supérieures aux volumes de sol formés par l’altération naturelle des roches [GISOL, 2011]. Toujours selon ce rapport, l’érosion des sols affecterait principalement les sols agricoles limoneux des grands Bassins parisien et aquitain, ainsi que certaines situations de piémont et certains secteurs méditerranéens. L’inquiétude autour de ces question d’érosion hydrique est également exacerbée par les potentielles conséquences du réchauffement climatique sur les précipitations qui se feraient plus rares mais plus intenses.
Les transferts hydro-sédimentaires définissent eux les transferts de sédiments issus de parcelles agricoles jusqu’aux cours d’eau. L’érosion hydrique est donc indispensable à la mise en place des ces transferts, celle-ci peut en effet seulement déplacer les particules, en fonction des obstacles au ruissellement de surface présents sur le site. Lorsque les particules arrachées aux parcelles agricoles arrivent jusqu’aux cours d’eau, on parle de matières en suspension (MES) dans le cours d’eau. Les nitrates permettent de facilement quantifier la pollution des eaux, cela est plus compliqué pour les MES car il n’est pas toujours simple de savoir si ces MES sont issues de l’érosion des parcelles ou des berges [Le Gouée, 2004]. Pour le savoir, il faut suivre les épisodes de ruissellement afin de pouvoir quantifier la quantité de sédiments apportée par chacun des affluents et par chacune des parcelles qui y sont connectées [Reulier, 2015 ; Reulier et al, 2015].

Les processus de ruissellement, d’érosion hydrique et de transferts hydro-sédimentaires en domaine d’openfield

Les processus d’érosion hydrique ont été particulièrement étudiés en domaine d’openfield puisqu’ils sont plus visibles, c’est en effet ce processus qui est le plus néfaste et le plus important sur les terres cultivées de part l’importance des potentielles pertes en terre et par la formation de rigoles ou de ravines. Les processus d’érosion hydrique en milieu agricole présentent une grande diversité sur le territoire national mais également à une plus grande échelle, qu’elle soit régionale ou départementale. Ces processus sont en général assez simples à observer puisque les eaux de ruissellement dépendent de la topographie et de l’occupation du sol [Viel et al, 2014]. Par exemple dans l’ex région du Nord-Pas-de-Calais, ces processus de ruissellement et d’érosion des sols sont extrêmement importants du fait de l’accroissement des cultures industrielles (betteraves, céréales, légumineuses,…) [Auzet, 1987]. Dans le Pays de Caux, où on observe de nombreux processus de ruissellement concentrés, les risques d’érosion hydrique dépendent de façon très étroite de la formation des croûtes de battance et en second lieu du compactage superficiel. Les rigoles apparaissent alors selon deux critères : les caractéristiques des pluies et l’état du sol [Boiffin et al, 1988]. Cette région reste donc sensible aux processus de ruissellement et d’érosion hydrique.
Il serait cependant réducteur de généraliser ces processus à la simple occupation du sol. De nombreux autres paramètres doivent être pris en compte et doivent être présents pour observer ce type de processus. Certaines zones présentent en effet toutes les caractéristiques nécessaires à des processus de ruissellement et d’érosion hydrique, pourtant sur le terrain, rien de tout cela n’est observable. C’est par exemple le cas de la plaine de Caen qui présente des parcelles en moyenne supérieure à 50ha destinées aux cultures industrielles [Delahaye, 1996]. L’occupation du sol semble donc sensible à la mise en place de ces processus. Cependant plusieurs paramètres entrent en jeu pour limiter voir stopper le ruissellement : l’absence de l’enchaînement de deux cultures de printemps, des paramètres physiques comme des horizons ayant une bonne stabilité structurale et un régime pluviométrique faible. Les grandes parcelles cultivées ne sont donc pas nécessairement synonymes de ruissellement, d’érosion hydrique et de transferts hydro-sédimentaires.

Les processus de ruissellement , d’érosion hydrique et de transferts hydro-sédimentaires en milieu bocager

En domaine bocager, on aurait tendance à penser que les processus de transferts hydro-sédimentaires sont bien moins présents, voir inexistants. On sait aujourd’hui que le bocage limite les processus de ruissellement. En effet si on compare deux bassins versants similaires et comparables, le coefficient de ruissellement apparaît 1,5 à 2 fois plus forts sur le bassin non bocager [Mérot et al, 2005]. En domaine bocager on observe en effet beaucoup plus de processus d’interception du fait de la présence d’entités paysagères ou de types de couverts capables d’intercepter le ruissellement. Il existe plusieurs types de couverts qui ont des valeurs d’interception différentes : la végétation forestière, les pelouses et les landes, les plantes cultivées , les zones urbanisées et la neige [Cosandey, Robinson, 2012]. Cependant dans l’article de Reulier et al de 2017, il est clairement expliqué que ces processus sont présents et peuvent même être importants. Au même titre que dans les domaines d’openfield, plusieurs paramètres doivent être pris en compte. Le bocage se compose d’éléments qui peuvent en effet restreindre voir stopper les phénomènes de ruissellement, c’est par exemple le cas des haies et des prairies enherbées, nombreuses dans le bocage. L’érosion hydrique et les transferts hydro-sédimentaires entraînés par le ruissellement peuvent mettre en mouvement un grand nombre de sédiments le long des versants jusqu’aux cours d’eau. Par exemple le bassin versant de Lingèvres dans le Calvados, a été étudié et on note qu’avec 47 mm de pluie, 170 tonnes de sédiments ont été exportés sur un bassin de 15 km² [Reulier et al, 2017]. La présence de ces processus en milieu bocager peut également se voir visuellement, dans le sud Manche, dans le bassin versant du Moulin du Pontorsier, on observe la présence de ravines issues de l’érosion hydrique [Le Gouée, 2004].
De part la présence d’un réseau linéaire dense, en domaine bocager certaines parcelles pourtant assez éloignées des cours d’eau peuvent se retrouver connectées et donc transporter des sédiments jusqu’à ces cours d’eau [Viel et al, 2014]. Le linéaire comprend à la fois les surfaces imperméables tel que les routes ou les chemins (qui deviennent imperméables par un effet de tassement du sol), les fossés enherbées ou non, les haies et les talus. Les éléments ponctuels tels que les trouées dans les talus et les entrées de champ sont également à prendre en compte. Les routes et les chemins constituent des voies de concentration du ruissellement issues des parcelles jusqu’au cours d’eau. Les trouées de talus et les sorties de champ, en fonction de leurs positions, permettent de faire circuler les écoulements dans le bassin versant. Les fossés ont également un impact dans ces transferts dans le sens où ils concentrent également les écoulements. Les talus permettent aux sédiments riches en matière organique d’être piégés en amont, tandis qu’en aval on observe des phénomènes de départ de matériaux érodés [Mérot et al, 2005]. Le talus peut cependant rester un élément perméable de part le racinaire qui y est présent ou encore à cause des lessivages récurrents [Mérot et al, 2005]. En étant perpendiculaires à la pente, les haies peuvent diminuer ou stopper les phénomènes de ruissellement. Les haies ont également un impact sur la longueur du ruissellement. A contrario, une haie parallèle à la pente ne jouera aucun rôle d’interception des écoulements. Il n’existe d’ailleurs pas de lien entre la densité du réseau de haies et les surfaces connectées aux cours d’eau [Mérot et al, 2005 ; Viel et al, 2014]. Cela montre bien qu’au-delà du nombre de haies présentes sur un bassin versant, c’est leur organisation qui va déterminer leur rôle dans l’interception. Si l’on veut lutter contre les processus de ruissellement, ce n’est donc pas sur le nombre de haies que l’on veut implanter qu’il faut réfléchir mais bien sur leur localisation et leur orientation. Il est en effet possible d’étudier le rôle hydrologique des haies en fonction de leurs caractéristiques. Les haies continues et perpendiculaires à la pente présentent un rôle hydrologique fort, les haies discontinues et perpendiculaires à la pente ainsi que celles continues et en position obliques, possèdent un rôle hydrologique moyen. Enfin, les reliques de haies ou les haies parallèles à la pente ont un rôle hydrologique faible ou nul [Le Gouée, 2004]. L’occupation des sols et les rotations culturales jouent également un rôle majeur dans ces processus dans le sens où le sol peut se retrouver à nu pendant une période plus ou moins longue et plus ou moins pluvieuse. Une culture de maïs qui se succède à une autre laisse le sol à nu pendant au moins 6 mois [Delahaye, 1996]. Il faut également noter la modification des systèmes culturaux en domaine bocager qui « est la principale cause de ce déséquilibre avec notamment la croissance des surfaces en maïs fourrager » [Delahaye, 1996]. Le remembrement a également participé à ces modifications. Déjà en 1987, Véronique Auzet notait un agrandissement des parcelles ainsi qu’une augmentation des superficies consacrées aux cultures avec 79 % du terroir en 1947 contre 98 % en 1983, sur l’ensemble du territoire national.
Les impacts du paysage bocager sur les processus hydrologiques dans un bassin versant peuvent donc être résumés en deux idées principales selon Mérot et al : « d’une part accroître l’hétérogénéité de l’organisation et de l’état interne du bassin et d’autre part de modifier les chemins de l’eau pour les eaux de surfaces ». Ce sont ces deux éléments qui rendent particulièrement compliquée l’étude des processus de ruissellement et de transferts hydro-sédimentaires en milieu bocager.
En résumé, on sait que les processus de ruissellement en domaine d’openfield se mettent en place à partir d’un excès hydrique, tout comme dans le domaine bocager. La différence majeure se trouve dans le composition du bocage et dans la présence de nombreuses entités interceptrices de ce ruissellement. La différence est aussi induite par l’occupation du sol. Les sols sont en général plus sensibles en domaine d’openfield à la mise en place de ces processus de ruissellement de part une plus grande présence de parcelles dédiées aux cultures. Suivant l’occupation du sol, les processus de ruissellement peuvent donc se mettre en place plus ou moins rapidement. Le ruissellement dépend donc de paramètres à la fois naturels (précipitations, topographie, structure du sol,…) et anthropiques (occupation du sol, types de cultures et de rotations culturales, positionnement des haies, des entrées de champs,…). Ce sont ces facteurs anthropiques qui font varier l’importance du ruissellement et des processus que celui-ci entraîne.

La modélisation multi-agents comme outil de présentation des connectivités hydrologiques

Afin de comprendre le rôle des entités paysagères, des techniques de modélisation multi-agents ont été mises en place [Reulier et al, 2016 ; Reulier et al, 2017]. Ces sont ces techniques qui permettent d’étudier les connectivités hydrologiques. Un bassin versant désigne un espace drainé par ses cours d’eau et ses affluents. L’eau de pluie suit donc un trajet de ruissellement induit par la pente avant de rejoindre le cours d’eau. Cependant, la pente n’est pas le seul élément qui doit être pris en compte pour analyser ces dynamiques. D’autres facteurs entrent en compte : l’occupation du sol, les réseaux de fossés, de routes, de haies mais également la présence d’entités ponctuelles comme les entrées de champ ou les mares. Tous ces éléments jouent un rôle différent dans les dynamiques de ruissellement, ils peuvent intercepter les écoulements, les concentrer ou encore en être les initiateurs. Au-delà de la simple compréhension du système hydrologique global du bassin versant, la modélisation est un réel outil d’aide à la gestion et à la protection de ces espaces et de ces écosystèmes. En effectuant ce travail de modélisation on repère quelles entités du bassin versant jouent un rôle dans les dynamiques d’écoulement et de ruissellement, à la suite de cela on peut plus facilement mettre en place différentes méthodes permettant de mieux contrôler ces phénomènes. Le modèle présenté dans l’article de Reulier et al de 2017 est le modèle Landscape Structure And Runoff (LASCAR). Le but est de comprendre le phénomène de ruissellement et sa circulation jusqu’aux cours d’eau dans un bassin-versant. La méthode est la suivante : un agentgoutte se déplace selon la pente renseignée par un modèle numérique de terrain, au long de son déplacement, l’agent va rencontrer et interagir avec les éléments du paysage, représentés par des patches, venant « contraindre la dynamique topographique du déplacement des agents » [Reulier et al, 2017]. Cette simulation permet de visualiser quelles entités paysagères jouent un rôle dans la circulation de l’eau sur le bassin versant. L’article explique également qu’il est possible de réaliser plusieurs modélisations en y intégrant ou non divers paramètres : les entités linéaires à savoir les routes, les haies et les fossés, peuvent être intégrés dans une deuxième simulation. Il est également possible de ne faire ruisseler que les prairies cultivées et les routes, enfin on peut établir un seuil d’infiltration pour les prairies et les surfaces boisées. Ces modélisations permettent d’aboutir à une carte des connectivités hydrologiques, en démontrant le rôle des différentes entités paysagères dans la circulation de l’eau.
Après modélisation il est possible de vérifier les résultats obtenus sur le terrain. Dans l’article Viel et al de 2014, une méthodologie a été présentée afin d’aboutir à une cartographie présentant les connectivités potentielles dans un bassin versant bocager du Calvados. Dans cet article, quatre types de surfaces jouant un rôle dans les transports hydro-sédimentaires ont été recensées : « les surfaces, qui jouent un rôle de production ou d’infiltration du ruissellement ; les haies qui modifient ou limitent l’écoulement des eaux sur les versants […] ; les entrées de champ, qui assurent la connexion entre les parcelles agricoles et les réseaux ; les linéaires, qui favorisent le transfert du ruissellement depuis les parcelles agricoles vers les cours d’eau : les réseaux de fossés et le réseau routier ». De cette étude il ressort trois types de connexion possible : les parcelles directement connectées au cours d’eau, les parcelles indirectement connectées (c’est-à-dire connectées par le réseau linéaire) et les parcelles déconnectées. La première étape de cette démarche consiste à définir les parcelles potentiellement connectées du fait de la topographie et
« des différents réseaux qui composent la structure paysagère » [Viel et al, 2014]. Il est ensuite possible de vérifier la présence de ces écoulements et chemins d’eau sur le terrain afin d’avoir une carte des connectivités fonctionnelles. Certaines parcelles en herbe connectées ont en effet moins de chance de réellement produire du ruissellement sur le terrain. Chaque bassin versant, et notamment en domaine bocager, présente une organisation du paysage singulière. Cependant, cette méthodologie peut être appliquée à différents sites d’étude afin de mettre en lumière les connectivités potentielles avant d’étudier les connectivités fonctionnelles.

Les études diachroniques dans le cadre de l’évolution des connectivités hydrologiques

Au-delà de simplement étudier l’impact du paysage, faire rentrer les évolutions diachroniques du paysage dans l’étude des connectivités hydrologiques permet de comprendre un peu plus le rôle de chacune des entités dans ce phénomène et dans les processus qui y sont liés. À ce jour aucune étude semblable n’a été réalisée sur le bassin versant de la Sienne. D’autres bassins versants ont cependant fait l’objet de ce type de recherches. Dans « Trajectoire d’un hydrosystème : le Guer amont sous bassin du Léguer », M. Guillemois présente l’évolution du paysage dans un bassin versant agricole breton ayant subit les effets du remembrement au fil des années. Ces évolutions du paysage sont également mises en relation avec les évolutions des connectivités hydrologiques du site, par le biais d’une modélisation multi-agents sous LASCAR (voir 1.4). Cette étude se base sur différents travaux de digitalisation sur plusieurs années d’étude afin de visualiser les évolutions du paysage breton. Ces différents travaux de digitalisation ont été réalisés à partir de plans cadastraux et de photos aériennes. L’étude des connectivités débute à partir de 1830 où l’on observe 86 % de parcelles déconnectées contre 14 % connectées. En 1952, le pourcentage de parcelles connectées monte à 22 %, il descend à 19 % en 1978 et atteint 33 % en 2020. Cette étude montre bien le lien entre évolution du paysage et évolution des connectivités. Cette évolution n’est cependant pas linéaire comme on peut le voir avec les résultats obtenus en 1978 qui sont inférieurs à ceux de 1952. Ce mémoire présente le rôle des entités composant le paysages dans l’évolution des connectivités hydrologiques et notamment des haies qui ont été graduellement abattues au fil des années. Pour l’année 2020, c’est-à-dire l’année en cours lors de ce mémoire, il est possible de vérifier les résultats de la modélisation sur le terrain et d’expliquer pourquoi le modèle a pu éventuellement offrir des résultats qui ne sont pas en accords avec ce qui se passe sur le terrain.

Les rotations culturales dans le sud de la Manche

À ce jour, aucune étude n’a montré le rôle des rotations culturales sur la baisse ou la hausse des surfaces connectées. Cette partie a donc pour but de définir ce processus de rotation et de voir les travaux qui ont été réalisés pour identifier les rotations culturales dans le sud de la Manche. Les rotations culturales désignent l’alternance d’une suite de cultures au fil des années sur une même parcelle. On parle alors bien de rotation puisqu’il y a une suite logique dans l’organisation de celle-ci. Les rotations culturales peuvent être biennales, triennales ou encore quadriennales. Lorsque les cultures se succèdent et s’alternent sans suite logique, on parle simplement de succession culturale [Wikipédia, 2020]. Ces rotations permettent la fertilisation des sols et minimisent le développement des bioagresseurs, c’est-à-dire tous les organismes vivants en capacité de détruire les cultures. Les rotations culturales ont déjà fait l’objet d’études dans le sud Manche. Dans sa thèse de 2015, M. Marie présente les rotations suivantes comme étant les plus présentes dans la zone du site d’étude identifiée ici par le terme « bocage virois » :
– Mais – Mais – Mais – Prairie temporaire (3ans)
– Mais – Mais – Céréales
– Mais – Céréales
– Mais – Céréales – Colza
Le rôle des prairies temporaires ou artificielles varient d’une exploitation à une autre. Certaines d’entre elles sont des cultures qui sont destinées à être ensilées notamment lorsqu’elles présentent une alternance avec du maïs. Dans ce cas ces prairies ne sont pas enherbées mais sont recouvertes de ray-grass ou de trèfle afin d’être récoltées. Certaines de ces prairies sont simplement présentes en tant qu’interculture sans rôle défini, tandis que d’autres servent de prairies de pâture entre deux récoltes [Marie, 2015]. Cette étude nous montre la prédominance du maïs à fourrage ou à ensilage dans cette région. La culture de maïs est évidemment à prendre en lien avec la prédominance de l’élevage comme type d’agriculture, le maïs servant en effet d’alimentation pour le bétail. M.Marie rappelle également que les rotations culturales sont intimement liées à l’exploitation en elle-même. Elles peuvent donc être très variées d’une exploitation à une autre, même dans un territoire ayant des caractéristiques communes, du fait de plusieurs éléments comme la modernisation de l’exploitation agricole ou le type de bétail élevé. En effet, on nourrit différemment des animaux destinés à la production de viande et des vaches laitières, cette différence entraîne nécessairement des variations dans les pratiques agricoles et donc dans les rotations culturales.
II. Le bassin versant de Rouffigny, sous-bassin versant de la Sienne : présentation

La Sienne et son bassin versant

La Sienne

La Sienne est un fleuve côtier d’environ 80km localisé dans le département de la Manche. La source de la Sienne se trouve dans la commune de Saint-Sever-Calvados à une altitude de 319m et son exutoire se trouve au niveau du havre de Régneville-sur-Mer. La Sienne se jette donc dans la mer de la Manche. La largeur moyenne de la Sienne est d’environ 10m mais son exutoire atteint une largeur d’environ 20m. Le fleuve traverse des paysages bocagers, à la fois composés de prairies et de cultures. Selon le Syndicat Intercommunal d’Aménagement et d’Entretien de la Sienne (SIAES), on dénombre environ 360km de cours d’eau à l’intérieur du bassin versant auquel il faut ajouter environ 200km de ruisseaux en tête de bassin versant. Les principaux affluents en rive droite sont : La Sénène (12km de longueur), la Gièze (12km de longueur) et la Vanne (20km de longueur). En rive gauche on trouve la Bérence , la Chaussée et l’Airou (30,5km de longueur). Au niveau de la source à Saint-Sever-Calvados on note la présence d’une réserve d’eau naturelle appelé le Gast. L’Airou est le seul affluent de la Sienne qui n’est pas contrôlé par cette réserve. C’est une rivière qui peut connaître de fortes crues de part l’imperméabilité des sols et le climat pluvieux de la région.

Le bassin versant de la Sienne : un hydrosystème en milieu bocager

Localisation et gestion

D’une surface d’environ 580km², le bassin-versant de la Sienne est géré par 5 communautés de communes à savoir Coutances Mer et Bocage, Granville Terre et Mer, Villedieu Intercom, Mont-Saint-Michel Normandie et De la Vire au Noireau. Il traverse au total 66 communes majoritairement réparties sur le département de la Manche.

Climat et précipitations

Le bassin versant de la Sienne se trouve majoritairement dans le département de la Manche qui est très influencé par l’effet temporisateur de la mer. Le département est en grande partie ceinturé par la mer, on trouve donc un climat océanique où les hivers sont doux, les étés tempérés et les précipitations relativement abondantes. Le bassin versant s’étend plus précisément du centre de la côte ouest au sud est de la Manche, le sud du bassin versant est donc moins influencé par l’effet temporisateur de la mer qu’au niveau de l’exutoire. Il y a plus d’écart de température entre les saisons mais également entre le jour et la nuit. Les précipitations sont également plus abondantes au sud du bassin versant. La carte suivante, issue du profil environnemental 2015 de Basse-Normandie réalisé par la DREAL Normandie, présente les aires climatiques qui composent le territoire bas normand.
Le bassin versant de la Sienne se trouve donc sur deux aires climatiques : le Bocage Normand en majorité et le Cotentin au niveau de l’exutoire. On remarque des variations notamment aux niveau des précipitations qui sont bien plus importantes dans l’aire climatique nommée « Bocage Normand », représentée par la station de Coulouvray qui se trouve au niveau de la source du bassin versant de la Sienne. Cette station recense un cumul pluviométrique de 1 437mm, cette station recense d’ailleurs le cumul pluviométrique le plus important de toutes les stations présentées sur cette carte. Au niveau de l’exutoire, sur cette carte, on trouve la station de Coutances qui recense un cumul de pluie de 1 081mm. Il y a un degré de différence pour la température moyenne entre ces deux stations, les températures sont en effet plus influencées par l’effet temporisateur de la mer au niveau de l’exutoire du bassin versant.

Géologie

Le bassin versant se trouve sur des sols imperméables et majoritairement sur des schistes ou des grès. Le schiste ne désigne pas une roche à proprement parlé, mais une texture de roche qui se caractérise par une construction en feuillets. Il existe donc plusieurs types de schistes. Comme les schistes, il existe plusieurs types de grès. Le grès est une roche sédimentaire détritique, c’est à dire qu’elle est composée d’au moins 50 % de débris. Ces débris sont majoritairement sableux et s’agglomèrent lors de processus de diagenèse. Le bassin versant repose également sur du granite mais dans une moindre mesure, il est en effet traversé par une des deux bandes synclinales de granite de 10 km de large qui traverse la Manche d’ouest en est. La bande synclinale traversant le bassin versant s’étend des falaises de Champeaux à Pont-Farcy et Vire. Sur la carte suivante présentant la géologie de la Basse-Normandie, on peut voir cette bande synclinale au sud de la Manche. L’ensemble du bassin versant repose sur des roches similaires issues du Briovérien et du Paléozoïque. Selon l’Association Patrimoine Géologique de Normandie, l’ouest de la Normandie est composée : « de terrains sédimentaires, magmatiques et métamorphiques, très épais, déposés entre le Précambrien et le Paléozoïque ; ces séries ont été déformées et plissées par deux orogenèses structurant le Massif armoricain. » On voit en effet une différence nette entre la géologie de l’ouest de la Basse-Normandie et celle à l’est, composée de terrains sédimentaires.

Activités

Le bassin-versant de la Sienne présente une densité de population faible, environ 65hab/km². La nouvelle commune de Villedieu-les-Poêles-Rouffigny est la commune la plus importante en terme de population dans le bassin-versant. L’agriculture est l’activité économique dominante, elle occupe environ 75 % du territoire du bassin versant. On y trouve principalement de l’élevage laitier bovin, de la culture de céréales (maïs à ensilage et blé) et de la production de viande. On peut noter le présence de quelques industries et de quatre stations de pompage.

Pourquoi travailler sur la Sienne et son bassin versant ?

Selon le Syndicat Intercommunal d’Aménagement et d’Entretien de la Sienne la qualité de l’eau de la Sienne est primordiale pour quatre raisons. Tout d’abord quatre stations de pompage sont présentes le long du cours d’eau, il est donc logique que la qualité de l’eau doit être la plus irréprochable que possible afin d’assurer la distribution d’une eau potable saine. Deuxièmement, la Sienne débouche dans un havre et peut donc amener avec elle divers polluants risquant d’altérer la qualité des eaux littorales pour la conchyliculture mais également pour la baignade. Des processus d’envasement de ce havre sont également possibles. Le territoire est sensible aux inondations du fait des précipitations abondantes et de l’imperméabilité des sols, connaître le fonctionnement de la Sienne permet de prévenir au mieux ces événements et d’éviter les risques.
La Sienne est un espace de préservation et de protection de nombreuses espèces aquatiques, en effet le bassin versant de l’Airou a été classé zone Natura 2000 car celui-ci abrite des espèces aquatiques protégées : le saumon atlantique, la lamproie marine, la moule perlière et la cordulie a corps fin. Des travaux ont été mis en place par le SIAES afin de lutter contre les phénomènes de ruissellement et d’érosion à travers l’implantation de haies sur talus et de déplacement des entrées de champs. Cela montre bien que le ruissellement est présent sur ce bassin versant et que les enjeux sont importants notamment pour la qualité des terres agricoles. En plus de ces enjeux directement liés aux transferts hydro-sédimentaires, le bassin versant de la Sienne est un bassin versant agricole qui a évolué au fil des années. Le paysage s’est modifié entraînant de nouvelles organisations permettant l’évolution des connectivités hydrologiques. Ce site permet donc de travailler sur ces évolutions paysagères tout en sachant que ce travail est pertinent puisque le bassin versant est sensible aux phénomènes de ruissellement.

Le bassin versant de Rouffigny : présentation

Localisation

Le bassin versant qui sera étudié dans ce travail de recherche se situe dans le sud de la Manche et s’étend majoritairement sur les trois communes suivantes : Villedieu-les-Poêles-Rouffigny, Chérencé-le-Héron et La Trinité. Quatre autres communes se trouvent en limite de ce bassin versant : La Chaise-Baudouin au sud, Bourguenolles à l’ouest, La Lande d’Airou au nord ouest et Sainte-Cécile au nord-est. Il se situe à environ 30km à l’ouest de Vire et à 20km au nord est d’Avranches. Ce sous bassin versant est d’une superficie d’environ 21km².

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Table des matières

Sommaire
Introduction générale
I. État de l’art
1.1. Ruissellement, érosion hydrique et transferts hydro-sédimentaires : définitions
1.2. Les processus de ruissellement, d’érosion hydrique et de transferts hydro-sédimentaires en domaine d’open field
1.3. Les processus de ruissellement, d’érosion hydrique et de transferts hydro-sédimentaires en domaine bocager
1.4. La modélisation multi-agents comme outil de présentation des connectivités hydrologiques
1.5. Les études diachroniques dans le cadre de l’évolution des connectivités hydrologiques
1.6. Les rotations culturales dans le sud de la Manche
II. Le bassin versant de Rouffigny, sous bassin versant de la Sienne : présentation
2.1. La Sienne et son bassin versant
2.1.1. La Sienne
2.2.2. Le bassin versant de la Sienne : un hydrosystème en milieu bocager
2.1.2.1. Localisation et gestion
2.1.2.2. Climat et précipitations
2.1.2.3. Géologie
2.1.2.4. Activités
2.2. Pourquoi travailler sur la Sienne et son bassin versant ?
2.3. Le bassin versant de Rouffigny : présentation
2.3.1. Localisation
2.2.2. Caractéristiques du bassin versant
2.3.2.1. Un substrat géologique imperméable
2.3.2.2. Des sols agricoles sensibles au ruissellement
2.3.2.3. Un relief énergique
2.3.2.4. Un bassin versant drainé par l’Airou et ses affluents
2.3.2.5. Un climat pluvieux
2.3.2.6. Un bassin versant agricole partagé entre prairies bocagères et parcelles cultivées
2.4. Pourquoi travailler sur ce bassin versant dans le cadre d’une étude de l’évolution des connectivités hydrologiques en lien avec les évolutions du paysage ?
2.4.1. Un paysage qui a évolué dans un contexte naturel propice au phénomènes de transferts hydro-sédimentaires
2.4.2. Un bassin versant et un cours d’eau qui ont fait l’objet de peu d’études
III. L’évolution des connectivités hydrologiques dans un bassin versant bocager au cours de trois années d’étude : méthodologie mise en place
3.1. Présentation du système multi-agents utilisé
3.1.1. Présentation du modèle LASCAR (NetLogo)
3.1.2. Données nécessaires à la modélisation
3.2. Mise en place de la modélisation en 2021
3.2.1. Recueil des données nécessaires à la modélisation complémentarité du travail de terrain et de digitalisation
3.2.1.1. Modèle numérique de terrain (MNT)
3.2.1.2. Réseau hydrographique
3.2.1.3. Fossé
3.2.1.4. Haie
3.2.1.5. Route et chemin
3.2.1.6. Occupation du sol
3.2.1.7. Les entités ponctuelles : surfaces en eau et entrées de champ
3.2.2. Modifications nécessaires des données sur ArcMap avant modélisation sur LASCAR
3.3. Mise en place de la modélisation en 1992 et 1955 : travail de photo-interprétation
3.3.1. Choix des années d’étude
3.3.2. Acquisition des données
3.3.3. Limite de l’étude dans l’acquisition des données
IV. Un bassin versant bocager impacté par le remembrement agricole : présentation de l’occupation du sol en 1955, 1992 et 2021
4.1. Présentation de l’occupation du sol pour les trois années d’étude : résultats des travaux de digitalisation et de photo-interprétation
4.2. Récapitulatif et comparaison des entités composant le paysage en 1955, 1992 et 2021
4.2.1. Les prairies, les parcelles cultivées, les surfaces bâties et boisées
4.2.2. Les haies et les routes
4.2.3. Les entités ponctuelles : mares et étangs
V. L’évolution des connectivités hydrologiques dans le bassin versant de Rouffigny : impact de la structure paysagère
5.1. Les connectivités hydrologiques entre 1955 et 2021 : présentation des résultats
5.1.1. 1955
5.1.2. 1992
5.1.3. 2021
5.2. Une évolution ascendante des connectivités en lien avec les mutations paysagères ?
5.3. Le rôle du réseau linéaire dans les connectivités du bassin versant
5.4. Les rôle des entités ponctuelles dans les connectivités hydrologiques: les entrées de champ
5.5. L’exemple du quart sud-est du bassin versant : mise en évidence du rôle des mutations paysagères dans l’évolution des connectivités
VI. Mise en place de deux études complémentaires à la modélisation sous LASCAR : étude des rotations culturales et des sédiments transportés sur le bassin versant
6.1. Pourquoi mettre en place ces deux études complémentaires ?
6.2. Les rotations culturales : modélisation en fonction des changements annuels d’occupation du sol
6.2.1. Qu’est ce qu’une rotation culturale et quel est l’intérêt d’étudier ce processus dans le cadre de la compréhension de l’impact du paysage sur les connectivités hydrologiques ?
6.2.2. Méthode employée pour identifier les rotations culturales du site d’étude
6.2.3. Acquisition des données nécessaires à la modélisation
6.3. Qualification et quantification des sédiments transportés sur le bassin versant
6.3.1. Présentation de l’expérimentation
6.3.2. Présentation des sites de prélèvement : localisation
6.3.3. Caractéristiques géologiques et pédologiques des sites de prélèvement
6.3.4. Analyse des échantillons en laboratoire
VII. Mise en évidence de l’impact des évolutions paysagères annuelles sur les connectivités hydrologiques et du rôle des entités du paysage dans les transferts hydrosédimentaires
7.1. Présentation des principales rotations culturales du bassin versant de Rouffigny à partir des îlots de culture du RPG
7.2. Des connectivités hydrologiques influencées par les rotations culturales en fonction des caractéristiques des parcelles
7.2.1. Présentation des résultats obtenus après modélisations
7.2.2. Changement d’occupation du sol, changement des taux de connectivités ?
7.2.3. Des limites à poser quant à l’interprétation des résultats obtenus
7.3. Mise en évidence de l’impact des caractéristiques des entités paysagères sur les transferts hydro-sédimentaires
7.3.1. Présentation des résultats de l’expérimentation
7.3.2. Des parcelles plus ou moins initiatrices de transferts hydro-sédimentaires
7.4. Les rotations culturales et les analyses de sédiments : des études complémentaires à la modélisation dans le cadre d’une gestion efficace et durable des surfaces connectées
Conclusion générale
Bibliographie

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