Les procédés de traitement des eaux usées
L’eau et la pollution
La pollution se définit comme l’introduction dans un milieu naturel de substances provoquant sa dégradation. La pollution des ressources en eau au niveau des stations d’épuration provient de diverses sources, notamment les formes relatives aux activités humaines [HAD99] [STE98] [QUE00] :
• La pollution domestique et urbaine : les eaux usées urbaines sont rejetées par les installations collectives (hôpitaux, écoles, commerces,…) et comportent les eaux ménagères (détergents, graisses, …) et les eaux vannes (eaux sanitaires : matière organique et azotée, germes et matières fécales, …). Les eaux résiduaires urbaines (ERU) peuvent être considérées comme la plus importante industrie en termes de masse de matériaux bruts à traiter. A titre d’exemple, tant en France qu’en Colombie la consommation moyenne en eau est généralement estimée à 150 litres par jour et par habitant. Dans la communauté européenne il est produit quotidiennement un volume proche à 40 millions de m3 d’eaux usées.
• La pollution industrielle : le degré et la nature de la pollution générée par des rejets industriels varient suivant la spécificité de chaque activité industrielle. Certains rejets troublent la transparence et l’oxygénation de l’eau ; ils peuvent avoir un effet nocif sur les organismes vivants et nuire au pouvoir d’auto-épuration de l’eau. Ils peuvent causer aussi l’accumulation de certains éléments dans la chaîne alimentaire (métaux, pesticides, radioactivité,…). Les eaux résiduaires industrielles (ERI) représentent une part importante des rejets arrivant aux stations d’épuration. A titre d’exemple, les deux tiers des industriels redevables des Agences de l’Eau en France (ceux qui génèrent le plus de pollution) sont raccordés aux stations d’épuration des collectivités territoriales. Ils produisent 10% de la charge polluante industrielle brute, ce qui équivaut à un quart de la pollution domestique. Cet apport pose de sérieux problèmes aux exploitants de stations d’épuration urbaines, tant au niveau des capacités que des performances de traitement. En effet, les effluents industriels toxiques constituent un danger permanent pour les stations de dépollution biologique. De plus, il faut bien noter que, selon le ministère de l’Environnement Français, 30% des rejets industriels s’échappent encore dans la nature sans aucun traitement !
• La pollution agricole : ce type de pollution s’intensifie depuis que l’agriculture est entrée dans un stade d’industrialisation. Les pollutions d’origine agricole englobent à la fois celles qui ont trait aux cultures (pesticides et engrais) et à l’élevage (lisiers et purins). Néanmoins, le problème de la pollution agricole est un peu différent, dans la mesure où cette source de pollution n’arrive qu’indirectement à la station. C’est le cas en particulier des engrais et pesticides qui passent d’abord à travers les milieux naturels (nappes phréatiques, rivières…). C’est aussi le cas des déchets solides issus des industries agroalimentaires et des concentrations des élevages qui entrainent un excédent de déjections animales (lisiers de porc, fientes des volailles…) par rapport à la capacité d’absorption des terres agricoles ; celles-ci, sous l’effet du ruissellement de l’eau et de l’infiltration dans le sous-sol, enrichissent les cours d’eau et les nappes souterraines en dérivés azotés et constituent aussi une source de pollution bactériologique.
• La pollution d’origine naturelle et l’eau de pluie : La teneur de l’eau en substances indésirables n’est pas toujours le fait de l’activité humaine. Certains phénomènes naturels peuvent y contribuer (contact de l’eau avec les gisements minéraux, ruissellement des eaux de pluie, irruptions volcaniques,…). En ce qui concerne l’eau de pluie, bien que longtemps considérée comme propre, l’eau d’origine pluviale est en fait relativement polluée. L’origine de cette pollution peut provenir des gaz ou solides en suspension rejetés dans l’atmosphère par les véhicules, les usines ou les centrales thermiques. Ces polluants (oxyde de carbone, dioxyde de soufre, poussière) sont envoyés vers le sol à la moindre averse. Lorsqu’elle ruisselle, l’eau de pluie a un second effet nocif: elle transporte les hydrocarbures, les papiers, les plastiques et les débris végétaux accumulés sur la terre et les toitures. De plus, cette pollution est déversée sur de courtes périodes et peut atteindre des valeurs très élevées ce qui provoquent un effet de choc sur le milieu biologique.
En ne parlant que de la pollution de l’eau, ce bilan est loin d’être exhaustif puisqu’il faudrait lui rajouter tous les déchets solides, constitués d’ordures ménagères, des déchets ménagers encombrants (mobilier, cuisinières, réfrigérateurs,…), des déchets automobiles (carcasses, batteries, huiles et pneus usagés), des déchets provenant de l’entretien des espaces verts urbains, des déchets d’assainissement des eaux usées (boues), des déchets inertes (les 2/3 des déchets solides industriels), et enfin des déchets produits ou recyclés dans l’agriculture et les industries agro-alimentaires.
Les indicateurs de qualité de l’eau
Les eaux usées sont des liquides de composition hétérogène, chargés de matières minérales ou organiques pouvant être en suspension ou en solution, et dont certaines peuvent avoir un caractère toxique. L’élaboration et la définition de paramètres qualitatifs de la pollution ont conduit à établir des mesures quantitatives de la pollution [HAD99] [QUE00] :
• Matières en suspension (MES) : quantité (en mg/L) de particules solides, de nature minérale ou organique, véhiculées par les eaux usées. La mesure des MES est effectuée par filtration ou bien par centrifugation d’un échantillon, après séchage à 110 °C.
• Demande chimique en oxygène (DCO) : permet de mesurer la consommation d’oxygène (en mgO2/L) dans les conditions d’une réaction d’oxydation complète. C’est une mesure de la pollution organique. On utilise pour cela un oxydant puissant (le bichromate de potassium) dans un milieu acide (acide sulfurique). La quantité d’oxygène cédée par l’oxydant au cours de la réaction constitue la demande chimique en oxygène. Celle-ci est d’autant plus importante que l’eau est polluée. Cette méthode qui permet un résultat rapide, est utilisée surtout pour les eaux très polluées. On sépare généralement la DCO particulaire de la DCO soluble pour différencier les matières en suspension (partie organique) des matières organiques solubilisées.
• Demande biochimique en oxygène (DBO) : représente la consommation d’oxygène (en mgO2/L) résultant de la métabolisation de la pollution organique biodégradable par les micro-organismes. L’échantillon prélevé est dilué par une solution contenant les substances nutritives appropriées et une semence d’un grand nombre de populations bactériennes. La procédure d’analyses biochimique dépendant des prévisions de la charge polluée, normalement plusieurs tests sont effectués avec différentes dilutions, afin de couvrir la gamme complète des concentrations possibles. Le mélange est laissé en incubation dans un flacon étanche, isolé de l’air, pour faciliter les mesures d’oxygène utilisé durant les réactions de métabolisme. Un test supplémentaire est réalisé sur la culture de micro-organismes avec une dilution d’eau, afin d’établir les corrections liées à la fraction d’oxygène consommée par la semence biologique. Les résultats de ce test dépendent de la température ainsi que de la période d’incubation. Si la température standard est fixée à 20 °C, la durée d’oxydation peut varier. La Demande Biochimique en Oxygène (DBO) est souvent mesurée après 5 jours, la notation utilisée dans ce cas est généralement DBO5. Au cours de cette période, l’oxydation n’est pas totale (de 60 à 70% de la réaction complète), alors qu’elle est estimée entre 90% et 95% après une incubation de 20 jours. La DBO a été reconnue depuis très longtemps comme la principale mesure de la pollution organique.
• Azote global (NGl) : quantité totale d’azote (en mgN/L) correspondant à l’azote organique (Norg) et ammoniacal (ion ammonium, NH₄⁺ ) et aux formes minérales oxydées de l’azote : nitrates ( NO₃⁻ ) et nitrites ( NO₂⁻ ). L’analyse de l’ammoniac est réalisée sous un pH élevé par la technique de minéralisation (chauffage et condensation) et un test de colorimétrie. Le test Kjeldahl consiste à faire subir à un échantillon, un processus de digestion où l’azote organique est transformé en ammoniac. Par conséquent, l’azote Kjeldahl (NTK) représente l’azote organique et ammoniacal. Les formes oxydées (nitrates et nitrites) sont mesurées par colorimétrie.
• Phosphore total (PT) : quantité (en mgP/L) correspondant à la somme du phosphore contenu dans les orthophosphates, les polyphosphates et le phosphate organique. Le phosphore qui pollue les eaux est en majeure partie sous forme de phosphates ( PO₄³⁻ ). Typiquement ce composé est déterminé directement par addition d’une substance chimique qui forme un complexe coloré avec le phosphate.
La législation : quelques éléments
Les eaux résiduelles sont devenues un des problèmes environnementaux les plus critiques, si nous considérons que l’accroissement démographique de la majorité des centres urbains moyens et grands, est important dans plusieurs pays et régions du monde. Cette situation se reflète dans l’augmentation des décharges de type domestique et productif, en détériorant chaque fois plus l’état de la qualité de l’eau comme ressource. La situation est plus critique lorsqu’on altère les conditions de qualité de l’eau requises pour l’approvisionnement d’activités spécifiques (domestique, industriel, agricole, d’élevage, etc..) et la vie aquatique. Afin de faire face à cette problématique environnementale, plusieurs organismes et gouvernements se sont engagés à ce propos en développant un cadre légal ainsi que des programmes spécifiques pour le traitement des eaux en mettant en commun la problématique et les solutions auprès de l’ensemble des collectivités et des acteurs impliqués. Malgré le fait qu’en pratique on constate des différences propres à la culture et aux intérêts de chaque pays, à la base, l’esprit et les principes de ces normes restent les mêmes : favoriser la protection de l’environnement en gardant un équilibre avec le développement. A titre illustratif et en prenant en compte les pays impliqués dans le cas de la cotutelle de thèse, nous présentons quelques éléments sur la législation en France et en Colombie.
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Table des matières
Introduction
PART I. TRAITEMENT DES EAUX USÉES : UN POINT DE VUE DE L’INGÉNIERIE
1. Introduction aux procédés biologiques de traitement des eaux
1.1. Les procédés de traitement des eaux usées
1.1.1. L’eau et la pollution
1.1.2. Les indicateurs de qualité de l’eau
1.1.3. La législation : quelques éléments
1.1.4. Le traitement des eaux usées
1.2. Le traitement biologique des eaux usées
1.2.1. Les principaux polluants
1.2.2. Les micro-organismes épurateurs
1.2.3. Les processus métaboliques
1.2.4. Les traitements biologiques
1.3. L’automatique des bioprocédés
1.3.1. Les problèmes spécifiques de l’Automatique des bioprocédés
1.3.2. Modélisation et identification des bioprocédés
1.3.3. La commande des bioprocédés
1.4. Conclusions
2. Modélisation dynamique de procédés biologiques
2.1. Description des procédés biologiques
2.1.1. Les micro-organismes et leur utilisation
2.1.2. Les types de bioréacteurs
2.1.3. Les trois modes de fonctionnement
2.2. Les modèles de bilans-matière
2.2.1. Les approches microscopique et macroscopique de modélisation
2.2.2. Le taux spécifique de croissance
2.2.3. Equations d’état
2.3. Influence du transfert de matière
2.4. Quelques modèles représentatifs
2.4.1. Fermentations continues
2.4.2. Fermentations semi-continues
2.4.3. Procédés à boues activées
2.5. Modélisation du bioprocédé de traitement des eaux usées par lagunage aérée
2.5.1. Traitement biologique des effluents de papeterie par lagunage aérée
2.5.2. Modélisation des cinétiques de croissance et de dégradation
2.5.3. Equations d’évolution du procédé
2.5.4. Variables de commande du procédé
2.6. Conclusions
PART II. IDENTIFICATION – COMMANDE FLOUES ET APPLICATION AU BIOPROCÉDÉ DE TRAITEMENT DES EAUX USÉES
3. Identification de modèles flous Takagi-Sugeno (TS) à partir de données
3.1. Modélisation floue de systèmes
3.1.1. Structure générale et différents types de modèles flous
3.1.2. Le modèle flou de type Takagi-Sugeno
3.2. Identification (Construction) de modèles flous
3.2.1. Structure du modèle flou
3.2.2. Le problème d’identification et ses solutions
3.2.3. L’identification basée sur des données entrée-sortie
3.3. Méthodes de coalescence floue (clustering flou)
3.3.1. Notation et Concepts de base
3.3.2. Groupage c-moyennes floues (algorithme FCM)
3.3.3. Groupage avec matrice de covariance floue (algorithme GK)
3.3.4. Groupage avec prototypes linéaires (algorithme FCRM)
3.3.5. Groupage avec régression ellipsoïdale (algorithme FER)
3.3.6. Groupage robuste en présence de bruit (algorithme RoFER)
3.4. Construction de modèles TS à partir de données : méthodologie générale
3.4.1. Validation du nombre de clusters
3.4.2. Génération des fonctions d’appartenance des antécédents
3.4.3. Obtention des paramètres des conséquents
3.4.4. Validation numérique du modèle flou
3.4.5. Outil logiciel pour la modélisation-identification floue de type TS
3.4.6. Exemples
3.5. Conclusions
4. Commande floue TS basée sur modèle
4.1. Stabilité et stabilisation à partir de modèles flous
4.1.1. Modeles flous dynamiques de type Takagi Sugeno (TS)
4.1.2. Stabilité des modèles flous
4.1.3. Stabilisation des modèles flous TS
4.2. Commande PDC sous optimale par retour d’état
4.2.1. Commande LQR pour des modèles affines à temps discret
4.2.2. Commande PDC avec compensation de gain statique
4.2.3. Commande PDC avec ajout d’intégrateurs
4.2.4. Choix des matrices de pondération Q et R
4.3. Conclusions
5. Identification et Commande floues TS du bioréacteur
5.1. Description entrée-sortie du bioprocédé de traitement des eaux usées
5.1.1. Le modèle de bilan matière
5.1.2. Les paramètres du modèle
5.1.3. Les objectifs de conduite du procédé
5.1.4. Les contraintes sur les actionneurs
5.2. Modélisation et identification floue du bioprocédé à partir des données
5.2.1. Elaboration du jeu des données entrée-sortie
5.2.2. Utilisation du clustering flou Gustafson-Kessel et RoFER
5.3. Commande floue de type TS du bioprocédé basée sur le modèle flou
5.4. Conclusions
Conclusions et prospectives
Références bibliographiques