Les problématiques et les enjeux de l’étude des oasis
Au cours des dernières décennies, les parcelles oasiennes sont confrontées à un certain nombre de problèmes : l’abandon des parcelles, la mauvaise gestion de l’eau, la salinité la diminution des ressources en eau et l’évolution des conditions climatiques. La problématique, située à la charnière de la sphère socioéconomique et écologique, se manifeste notamment à travers 1) l’acuité de la dégradation qualitative et quantitative des ressources naturelles, dont particulièrement le sol, la biodiversité, l’eau, 2) la disparition progressive des conditions favorables à la petite exploitation agricole majoritaire dans les oasis, aggravée par les changements climatiques, 3) l’amplification du phénomène de désertification, ainsi que par 4) la prolifération des foyers de pollution. Tout ceci fait que le rôle social, économique et écologique des oasis est aujourd’hui en péril. Le cadre de vie et les moyens de subsistance des populations qui en dépendent sont sérieusement affectés, voire détériorés. La perte par l’abandon d’oasis entières est inévitable si rien n’est fait d’urgence (Abdedayem, 2015 ; Ministère de l’Environnement, 2015). Les travaux de recherche qui ont tenté de comprendre le fonctionnement actuel ainsi que l’évolution de ces territoires sont la plupart du temps globalisants (Battesti, 2011). Ils s’accordent presque tous sur le fait que ces espaces hérités sont frappés par un processus de déclin et que leur devenir est en doute. Les formes d’adaptation et de reconversion de ce système dit en difficulté étaient minimisées voir écartées. De plus, la diversité des situations d’une oasis à l’autre est très peu mise en évidence, voire négligée dans la plupart des études. La réflexion menée dans le cadre de ce travail cherche alors à étudier les dynamiques spatiotemporelles des oasis à travers un cas plus précis, celui des oasis de la région de Tozeur et ce afin de cerner non uniquement la réponse de ces oasis aux changements du contexte socioéconomique qui l’entoure mais aussi de mettre en évidence les évolutions qui marquent les oasis à l’échelle des oasis de Djérid sous l’impact des changements globaux, qu’ils soient d’ordre climatique, environnemental, social ou économique (Fargette et al., 2017a ; Fargette et al., 2017b ; Conforti & Tonneau, 1999).
La faible densité de réseaux d’observations de l’état de la végétation des oasis a motivé l’utilisation de la télédétection comme source de données pour suivre au mieux la dynamique et les changements du couvert végétale. Les images satellitaires offrent la possibilité de mesurer et de suivre de manière systématique à différentes échelles spatiale et temporelle l’état de couverts végétaux. L’option méthodologique choisie consiste à analyser les variations spatio-temporelles de la dynamique du couvert végétal des oasis. L’évolution de l’informatique a permis d’envisager une interprétation numérique des données toujours en terme quantitatif. Le développement de méthodes d’évaluation et de suivi de l’état de l’environnement et de l’impact des actions de lutte contre la dégradation des terres repose sur la mise en place de réseaux d’observation utilisant des méthodologies de collecte et de transfert de données compatibles. L’intérêt de ces observatoires est de collecter les données nécessaires, sur une base harmonisée, de suivre dans le temps l’évolution de processus et de permettre la définition de situations de références. Ils permettent de développer des indicateurs et de les tester, d’élaborer des outils d’aide à la décision intégrant ces indicateurs (Fargette et al., 2017a ). Dans ce contexte, la mise au point d’un dispositif de suivi-surveillance des oasis à partir des systèmes d’observation de la Terre depuis l’espace sera un atout important, pour mieux comprendre ce qui se passe ou est en train de se passer afin de pouvoir anticiper. La télédétection se révèle être un outil tout à fait approprié pour étudier le fonctionnement et suivre l’évolution de la végétation. Grâce aux satellites il est possible en effet de cartographier les couverts végétaux à des échelles de temps et d’espace très variés (Atzberger, 2013 ; Pei et al., 2018 ; King et al., 2014). Outils d’une meilleure compréhension des processus physiques et biologiques qui gouvernent la dynamique des écosystèmes végétaux, les données de télédétection peuvent aussi être utilisées pour informer les politiques sur les conséquences d’éventuels changements de la répartition des couverts végétaux, de façon à mettre en place des solutions de gestion plus durables.
Plusieurs questions peuvent donc se poser : comment mettre en évidence cette dynamique d’évolution des plantations de palmiers dattiers ? A partir des signatures spatio-temporelles, peut-on élaborer une typologie des oasis en fonction de leurs caractéristiques propres (diversité des espèces cultivées, organisation spatiale des plantations et des parcelles, âge, les systèmes et les tours d’irrigations), est ce qu’on peut faire des groupements (clusters) à partir de ces signatures. Peut-on relier les variations saisonnières et interannuelles de NDVI à leurs fonctionnements (végétation, eau et sol) ? Pour tenter de répondre à tout cela nous verrons dans un premier temps comment ont été choisi puis traitées les données et quels résultats en ont découlés .
L’oasis et le système oasien
Les régions arides et semi-arides qui couvrent plus de 30% de la surface de la terre (Song et al., 2015) abritent les écosystèmes oasiens autour de points d’eau naturels (sources) ou artificiels (forages, puits, etc.). L’oasis est une zone de terre qui a été transformée en zone de cultures verdoyantes avec un taux d’humidité élevé et avec une nappe d’eau souterraine qui est parfois suffisamment proche de la surface du sol et assez abondante pour que l’on puisse les exploiter, ces oasis se trouvent placées dans les milieux désertiques et semi-désertiques (Matchanov et al., 2016). Les oasis sont des espaces mis en culture par irrigation et donc parfaitement artificiels (Bai et al., 2014). Ces régions se définissent comme des espaces cultivés intensivement dans un milieu désertique ou fortement marqué par l’aridité (Jouve, 2012). Selon Kassah (2009), l’oasis peut être définie comme étant un espace irrigué intensivement cultivé dans des régions arides où l’agriculture en sec est impossible. Les régions arides ne portent pas de cultures sans irrigation ou arrosage : donc l’oasis désigne ces régions de cultures irriguées permanentes et de surfaces très restreintes par rapport à l’étendue désertique. Parmi les systèmes interactifs entre les hommes et leurs milieux, les agrosystèmes et les systèmes de culture (Sébillotte, 1990) qui leur sont associés, évoluent rapidement. Les systèmes et paysages oasiens sont donc principalement liés à l’action de l’homme. Dans ces régions que l’on croyait inhabitables, un monde nouveau réussit à se développer. De surcroît, l’oasis se dresse face aux déserts : ordre contre chaos, fraîcheur et limpidité contre chaleur et poussière (Cournoyer, 2004). Dans les oasis, les systèmes d’utilisation des eaux constituent une forme très élaborée d’irrigation collective dont la conception est très ancienne, basée sur la mise en commun et le partage des ressources. Les écosystèmes oasiens qui se définissent comme des entités écologiques de conception humaine pour assurer un tant soit peu une stabilité socio-économique locale, pourraient subir les impacts les plus menaçants au vu de leur extrême vulnérabilité face aux changements socioéconomiques et environnementaux (notamment climatique) (Sghaier, 2014).
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Table des matières
Introduction Générale
Chapitre 1 : Contexte et état de l’art
1. Éléments de contexte
1.1. Les problématiques et les enjeux de l’étude des oasis
1.2. L’oasis et le système oasien
1.3. Les composantes principales des oasis
1.3.1. Les oasis dans le monde
1.3.2. Les oasis en Tunisie
1.3.2.1. Le palmier dattier
1.3.2.2. La typologie des oasis en Tunisie
1.3.2.3. Les rôles et les fonctions des oasis
1.3.2.4. Les menaces qui pèsent sur la durabilité des oasis
1.3.2.5. La stratégie de développement durable suivie pour les oasis tunisiennes
2. Etat de l’art : télédétection et végétation
2.1.1. La télédétection
2.1.1.1. La télédétection passive et la télédétection active
2.1.1.2. Les données acquises dans le domaine optique
2.2. L’usage des images satellites pour la végétation
2.2.1. La signature spectrale de la végétation
2.2.1.1. Les données fournies par les images
2.2.2. Le suivi de la végétation par télédétection
2.2.3. Les variables dérivées des images optiques pour le suivi des oasis
2.2.3.1. Les indices de végétation
2.2.4. L’analyse d’une image
2.2.4.1. La classification non supervisée
2.2.4.2. La classification supervisée
2.2.5. L’analyse d’une série temporelle d’images
2.2.5.1. La classification de séries temporelles de données de télédétection
2.2.5.2. Les méthodes de détection des changements
2.3. Le suivi de la végétation dans les systèmes oasiens par télédétection
3. Le site d’étude : La région du Djérid
3.1. Le cadre géographique
3.2. Le cadre géologique
3.3. Les caractéristiques climatiques
3.3.1. La température
3.3.2. Les précipitations
3.3.4. L’insolation
3.3.5. Les vents
3.4. Les ressources en eaux souterraines
3.5. La végétation
3.6. Les caractéristiques pédologiques
4. Synthèse et conclusion du premier chapitre
Chapitre 2 : Exploitation de séries temporelles d’images satellite à haute résolution spatiale pour la caractérisation des oasis sur une courte période
1. Introduction
2. La série temporelle d’images SPOT5 (Take5)
2.1. Les données et les outils
2.1.1. Les images satellites de l’expérience SPOT5 (Take5)
2.1.2. Les données SIG
2.1.3. Les observations de terrain propres à ce travail
2.1.4. Les logiciels utilisés
3. Le suivi mensuel de la végétation par périmètre irrigué
3.1. La méthodologie : indice de végétation, statistiques descriptives et classification
3.1.1. Le calcul du NDVI
3.1.2. Les boîtes à moustaches
3.1.3. La classification hiérarchique ascendante des courbes de NDVI moyen par périmètre irrigué
4. Résultats et discussion
4.1. Les profils temporels de NDVI des périmètres irrigués
4.1.1. Les groupes de périmètres obtenus par CAH
4.1.2. Les profils temporels des 7 groupes
4.2. La cartographie des dynamiques de végétation des oasis
5. Synthèse et conclusion du deuxième chapitre
Chapitre 3 : Exploitation de séries temporelles d’images satellites à moyenne résolution spatiale pour la caractérisation des oasis sur une longue période
1. Introduction
1.1. Détermination des paramètres traduisant la dynamique de végétation des oasis
2. La série temporelle des produits MOD13Q1-NDVI
2.1. Le produit MOD13Q1-NDVI
2.2. Les données de référence
3. Le suivi pluriannuel de la végétation à partir de sites individuels
3.1. La méthodologie : décomposition temporelle des séries MOD13Q1-NDVI
3.1.1. Repérer les stades phénologiques clés
3.1.2. La courbe de tendance du NDVI issue d’une décomposition temporelle
3.1.3. Les apports du produit MOD13Q1-NDVI pour le suivi pluriannuel des oasis
3.2. Résultats et discussion
3.2.1. La classification ascendante hiérarchique des courbes de tendances
3.2.2. Une proposition de graphiques de référence pour un suivi pluriannuel
3.2.3. Discussion
4. Le suivi pluriannuel de la végétation par des cartes de synthèse
4.1. La méthodologie : cartographie de synthèse pluriannuelle des NDVI des oasis
4.1.1. La cartographie comparative classique de la végétation des oasis
4.1.2. La cartographie de synthèse testée pour une série temporelle d’images
4.1.2.1. La mise en forme des données MODIS
4.1.2.2. Le calcul des moyennes annuelles et de la moyenne pluriannuelle sur la période 2000-2016
4.1.2.3. La carte de synthèse obtenue par classification non supervisée Kmeans de la série des moyennes annuelles de NDVI
4.1.2.4. La cartographie des anomalies annuelles de NDVI pour la période 2000-2016
4.2. Résultats et discussion
4.2.1. Les tendances du couvert végétal à partir des séries de moyennes annuelles
4.2.2. Les dynamiques du couvert végétal à partir des anomalies annuelles
5. Synthèse et conclusion du troisième chapitre
Conclusion Générale