Le traitement des effluents
Les Bassins de Récupération des Effluents glycolés
Après le dégivrage/antigivrage d’un aéronef, la plupart des effluents sont récupérés dans des Bassins de Récupérations des Effluents glycolés (BRE). Ils sont situés aux abords des aires de dégivrage et sont au nombre de 10.
Le reste du glycol est perdu en ruisselant de l’avion sur les voies de circulation et sur les pistes.
Cette portion est donc traitée avec les eaux pluviales (EP).
L’ouverture d’un BRE est pilotée par une vanne, elle-même actionnée par le poste de dégivrage relié. Lorsqu’une baie de dégivrage est ouverte, la vanne s’ouvre instantanément.
Lorsque la baie est officiellement fermée, la vanne se ferme 30 minutes après, pour permettre le ruissellement et/ou le lessivage du glycol restant sur baie. Ce fonctionnement explique la dilution du glycol que nous verrons par la suite.
Les BRE se remplissent significativement durant la saison hivernale mais sont vidés tout au long de l’année.
Le traitement des effluents
Les BRE sont vidés par pompage par la société Cuv’éclair, Suez, et sont traités par SARPIndustrie, filiale de Veolia. La capacité de pompage se situe aux alentours de 45 Tonnes par jour et peut s’étendre jusqu’à 100 T/j si nécessaire. Les deux sociétés travaillent en collaboration.
Basé à Limay, dans les Yvelines (78), le centre de traitement et valorisation de déchets dangereux de SARP Industrie peut traiter tout type de déchet industriel, allant du déchet en petit conditionnement, en passant par les huiles usagées, jusqu’aux déchets les plus lourds.
Pour cela, de grosses infrastructures sont mises en place comme 3 fours tournants incinérateurs, une station de traitement biologique par injection d’oxygène liquide, 4 stations d’évapo-condensation, etc.
Les déchets glycolés sont traités de différentes façons en fonction de la concentration en glycol :
– Concentration > 5 % en glycol : le but est de valoriser le glycol autant que possible. Pour cela, un évapo-condensateur est dédié aux eaux glycolées d’ADP. La concentration en sortie est maintenue à 80 %. Plus l’effluent est concentré, moins le temps de traitement est long. Le concentrat (partie concentrée en sortie) est vendu à une entreprise partenaire,
Produits Chimiques du Mont-Blanc (PCMB), qui permet d’appliquer un prix de traitement dégressif en fonction de la concentration. Le condensat (partie diluée en sortie) est soit traité en station biologique, soit acheminé dans les fours incinérateurs.
– Concentration < 5 % : L’effluent est trop peu concentré pour être valorisé et part donc en traitement en station biologique. La station se compose de deux bassins type « cheminée » (plus haut que large) pour permettre à l’oxygène d’entrer en contact avec toute la colonne d’eau. Le glycol est dégradé par les bactéries et l’apport d’oxygène liquide. Les eaux traitées sont ensuite envoyées en fours incinérateurs.
Mise en situation de la problématique
Le glycol
L’aspect chimique du glycol
Il existe deux types de glycol : le monopopylène glycol et l’éthylène glycol. Nous ne nous intéresserons qu’au monopropylène glycol, utilisé dans les produits de dégivrage/antigivrage sur la plateforme CDG.
Le Mono Propylène Glycol (MPG) est un composé organique, un alcool, de formule brute C3H8O2. C’est le composant principal des liquides de dégivrage/antigivrage. En effet, ses caractéristiques lui confèrent un point de congélation relativement bas (-20°C pour le Type I et -36°C pour le Type IV). De plus, il est très miscible avec l’eau (d’après les Fiche de Données Sécurité des produits).
La toxicité
D’après les Fiches de Données de Sécurité (FDS) des 4 produits (Type I et Type IV d’Abax et de Clariant), ces derniers ne présentent pas de danger pour l’Homme. Ils ne sont pas classés dangereux au règlement (CE) No 1272/2008 et les fabricants assurent qu’ils ne contiennent aucun élément considéré comme persistant, bio-accumulable et toxique (PBT).
De plus, un mélange est toxique lorsque sa CL50 (concentration létale pour laquelle 5 % d’une population donnée meurt) est inférieur à 100 mg/L (Nations Unies, 2005). Or, d’après les fiches techniques de chacun des produits, leur CL50 est au minimum à 976 mg/L et peut aller jusqu’à 10 000 mg/L pour plusieurs populations (poisson, algue, daphnies).
Les FDS indiquent également que le produit est facilement biodégradable et non toxique pour l’environnement.
Analyses nécessaires à l’étude
Analyse du déchet et son traitement
La composition du déchet
Le déchet traité est composé essentiellement d’eau et de MPG. D’autres composants sont présents mais leur proportion est négligeable par rapport à la masse totale du déchet, comme montré dans l’analyse faite par le laboratoire Wessling ordonnée par Tecsel, dont un extrait est représenté en annexe 7. On peut comparer la concentration des éléments par rapport aux concentrations seuils de l’arrêté préfectoral (annexe 8). Ci-dessous, dans le tableau 4, sont données des analyses de DCO qui ont été faites en 2018.
Le coefficient de récupération des BRE
Les BRE permettent la récupération d’une partie importante du glycol mais ne peuvent pas le récupérer dans sa globalité. En effet, lors de l’aspersion du produit, une partie tombe sur le sol et une autre reste sur l’avion. Aussi, on considère que 50 % du produit aspergé sur l’avion ruisselle sur le sol (Service Technique des Bases Aériennes, 2000). Les aires de dégivrage et les BRE permettent la récupération de ce pourcentage de produit perdu.
Modélisation d’une saison hivernale
Les saisons hivernales sont très différentes d’une année sur l’autre. De ce fait, la logistique est impactée. La consommation de glycol peut changer drastiquement d’une saison à l’autre, ce qui entraîne une variation des effluents pompés et tout ce qui s’en suit (prix, gestion, etc.).
Les facteurs de la météo à prendre en compte sur un hiver sont :
La température journalière : un hiver peut être rude ou doux
Les précipitations : les précipitations influent sur la concentration des effluents en les diluant
Le nombre de jours de gel / neige : Le dégivrage est systématique lors de ces jours ce qui influe sur le poids total pompé.
On peut donc tenter de modéliser une saison hivernale avec les données de l’aéroport et les données météo de Météo France.
Réemploi
Le réemploi, par l’article L 541-1-1 du code de l’environnement, Livre V, Titre IV, est une opération par laquelle une substance qui n’est pas devenue déchet est utilisée de nouveau pour la fonction pour laquelle elle a été conçue. Le réemploi n’est pas possible car à partir du moment où le produit est dilué, il prend le statut de déchet. Le glycol peut être récupéré, mais on ne parle pas de réemploi.
Recyclage
Le recyclage n’est pas mis en place à CDG. Une démarche a été entreprise pour installer une usine de recyclage mais les effluents étant trop peu concentrés et les volumes trop faibles, l’expérience s’est arrêtée.
Valorisation
La valorisation matière est faite par la réutilisation des eaux pour les eaux industrielles de SARPI concernant les effluents les moins concentrés (<5 %). L’utilisation des eaux propres pour les fours est aussi faite chez SARPI.
Enfin, la valorisation matière des effluents est opérer chez SARP Industrie pour les effluents concentrés (> 5 %) chez PCMB.
Elimination
Tous les effluents peu concentrés (<5 %) sont éliminés par voie biologique. Leur valorisation n’est pas possible dans le contexte technologique et économique actuel (très énergivores pour des effluents peu concentrés).
Le cadre réglementaire
Les droits et devoirs des entreprises
Il est écrit dans le Code de l’environnement que : « toute personne qui produit ou détient un déchet pouvant […] porter atteinte à l’environnement ou à l’Homme est tenu d’en assurer ou d’en faire assurer l’élimination conformément aux dispositions du présent chapitre (hiérarchisation et principes), dans des conditions propres à éviter les dits effets. » Code de l’environnement, Partie législative, Titre IV, Chapitre 1er, Section I.
Aussi, il est nécessaire pour ADP d’éliminer convenablement les effluents glycolés en suivant les principes inscrits au code de l’environnement.
Il est bien entendu interdit pour une entreprise de jeter ses déchets dans l’environnement qu’ils soient dangereux, pour l’Homme, pour l’environnement, dégradant la nature, causant des nuisances, etc. Les déchets doivent toujours être traités de façon respectueuse, soit dans des centres adaptés, soit en déclarant toute activité de traitement sur site.
Pénalités encourues
Si l’entreprise ne gère pas ses déchets comme la loi le lui indique, des amendes peuvent être encourues.
Si Groupe ADP rejetait ses effluents glycolés directement dans la nature ou dans le réseau public sans autorisation, l’entreprise s’exposerait à une amende de 50 000€. (Agence de l’eau Seine Normandie – CCIT de Troyes et de l’aube, 2009).
Horizons des solutions possibles
Etat de l’art des solutions possibles
Dans la littérature, plusieurs documents offrant un état de l’art pour notamment gérer les eaux pluviales sont disponibles. Ils proposent une méthode aux aéroports pour décider quel moyen technique utiliser.
Les solutions sont catégorisées en deux :
– Les solutions biologiques
– Les solutions physico-chimiques
Ces deux catégories sont elles-mêmes séparées en deux sous-catégories :
– in-situ
– ex-situ
L’état de l’art de ces catégories sera fait dans cette partie pour pouvoir ensuite les comparer dans le but de justifier les choix qui seront proposés dans la suite de ce rapport.
Les solutions biologiques
Les solutions biologiques utilisent la flore bactérienne pour dégrader la matière organique. Une liste non exhaustive des solutions données par l’ouvrage de l’ACRP (Airport Cooperative Research Programm. Report 99, 2013) est détaillée ci-dessous.
Le bassin d’aération (BA)
Principe
Le bassin d’aération est un système biologique aérobie actif à culture libre (biomasse se développant librement dans l’eau) dans lequel un système d’aération, de surface ou de fond, agit pour mettre en contact l’eau et les bactéries. Ce système permet aussi l’intégration d’oxygène dans le milieu ce qui permet la biodégradation. C’est un traitement largement répandu dans les stations d’épuration, on le retrouve notamment dans le cadre du traitement par boues activées (cf figure 11) ou dans le SBR (Sequencing Batch Reactor).
Avis
Cette technologie est passive, elle est donc plus facile à exploiter car elle demande moins de contraintes. Elle peut aussi s’intégrer facilement dans l’environnement. De plus, d’un point de vue opérationnel, les lagunes peuvent servir de stockage des effluents en plus du traitement.
Cependant, elles demandent une grande emprise foncière. Les pertes de chaleur sont importantes ce qui occasionne un fonctionnement dégradé en hiver, la période la plus délicate pour l’aéroport.
Filtre planté de roseaux / Marais filtrant (FPR)
Principe
Le marais filtrant est un système biologique aérobie à culture fixée (biomasse qui se développe sur la surface d’un solide). Il se définit par un grand marais composé de plusieurs étages. Il peut avoir un écoulement vertical ou horizontal. L’effluent est amené par des buses (figure 12) pour répartir la charge sur tout le lit de roseaux (pour l’écoulement vertical) puis il traverse des filtres de graviers grossiers puis fins sur des profondeurs de moins d’un mètre. C’est sur ces filtres que la biomasse se développe. Les plantes n’ont pas un apport épuratoire déterminant, elles servent simplement à aérer le sol et à limiter le colmatage. Une insufflation d’oxygène est tout de même nécessaire pour accélérer la biodégradation.
Avis
Le prestataire Tecsel propose une unité d’osmose inverse montée sur châssis de camion ce qui a pour avantage sa mobilité. De plus, l’unité possède un prétraitement efficace. Cette solution pourrait être utile à l’aéroport pour valoriser au mieux ses effluents.
Comparatifs des solutions
Résumé des solutions
Le MPG se dégrade plus vite dans un environnement aérobie et sur culture fixée (Laboratoire Régional de l’Ouest Parisien, 2008). Les solutions biologiques qui ont été sélectionnées ont toutes cette particularité en commun. Le tableau 10 est un tableau regroupant les solutions citées précédemment et résumant leurs caractéristiques en fonction des besoins de l’aéroport.
Seules les solutions biologiques ont été regroupées dans ce tableau.
Etat des lieux
Etat des lieux à CDG
Prototypes de phyto-épuration et FAGA
L’unité environnement d’ADP a mis au point des prototypes pour tester l’épuration des effluents glycolés par le sol.
La phyto épuration : ce procédé biologique utilise la rhizosphère des plantes (régions du sol qui sont influencées par les racines des plantes) pour dégrader les charges organiques.
Plusieurs tests ont été faits sur plusieurs types de plantes et il s’est avéré que l’herbe aéronautique, présente majoritairement sur l’aéroport, est la plante la plus efficace pour dégrader les pollutions organiques. Le prototype est expliqué en détail en annexe 9.
Cependant, ce procédé n’est pas assez efficace pour traiter les effluents glycolés produits sur la plateforme CDG.
Pour pallier l’efficacité de la phyto épuration, un prototype de filtre à gravier a été installé.
De même que pour la phyto épuration, tous les chiffres et explications sont donnés en annexe 9. Après avoir testé des eaux dopées en glycol, les effluents récupérés dans les BRE de CDG sont testés. Pour cela, le BRE Juliette est laissé à disposition durant cette saison estivale 2018 où les effluents ont un COT de l’ordre de 15g/L.
Etat des lieux à l’aéroport d’Orly
Le traitement des effluents glycolés
A l’aéroport d’Orly, les effluents glycolés ne sont pas traités de la même façon qu’à Roissy car le procédé de dégivrage/antigivrage est différent. Pour commencer, le processus se f ait sur poste avion et par les compagnies. Ainsi, ces dernières sont responsables de leur processus. Aucune infrastructure n’est mise en place pour récupérer le glycol. En effet, le nombre de dégivrage avion est inférieur à Orly qu’à Roissy. L’aéroport est plus petit et compte donc moins de vols journaliers. Par conséquent, les effluents glycolés sont lessivés et traités avec les EP de l’aéroport. Donc, les charges organiques des EP d’Orly sont plus élevées.
Le traitement des EP
Le Service de Traitement des Eaux Pluviales (STEP) d’Orly possède un bassin biologique et un marais filtrant (principe du filtre planté de roseaux). Les EP arrivent dans un ouvrage accepteur d’eaux et sont redistribuées en fonction de leur charge organique. Pour les fortes charges, les eaux sont dirigées vers un dessableur puis un bassin biologique.
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Table des matières
Liste des Figures
Liste des Tables
Liste des abréviations
Introduction
I- Contexte et mise en situation
1) Contexte de l’étude
A. L’entreprise
B. La sécurité sur l’aéroport
2) Le dégivrage/antigivrage
A. Le fonctionnement
B. Le traitement des effluents
3) Mise en situation de la problématique
A. Le glycol
B. Le déchet à traiter
C. Conclusions
II- Analyses nécessaires à l’étude
1) Analyse du déchet et son traitement
A. La production du déchet
B. Le coefficient de récupération des BRE
C. Modélisation d’une saison hivernale
2) Le cadre réglementaire
A. Les principes et hiérarchies dans la loi et sur CDG
B. Le cadre réglementaire
3) Conclusions
A. Hypothèses retenues
B. Conclusions
III- Horizons des solutions possibles
1) Etat de l’art des solutions possibles
A. Les solutions biologiques
B. Les solutions physico-chimiques
C. Comparatifs des solutions
2) Etat des lieux
A. Etat des lieux à CDG
B. Etat des lieux à l’aéroport d’Orly
C. Tour d’horizon des aéroports étrangers
3) Bilans sur les solutions proposées
IV- Sélection des solutions et leur étude
1) Scénario 1
A. Présentation du scénario 1
B. Analyses du scénario 1
2) Scénario 2
A. Présentation du scénario 2
B. Analyses du scénario 2
3) Etude comparative
A. Comparaison des solutions
B. Etude multicritère
4) Voies d’amélioration
A. Sondes Vilokan
B. Sujets à approfondir
Conclusion et amélioration
Glossaire
Bibliographie
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