Les principaux mécanismes de résistance des entérobactéries aux bêta-lactamines

Les principaux mécanismes de résistance des entérobactéries aux bêta-lactamines

La pénicilline G est le premier antibiotique découvert en 1928 par le biologiste écossais Alexandre Fleming mais ne fut utilisé qu’à partir de 1941. Ce n’est qu’en 1945 que la pénicilline est fabriquée en grande quantité par l’industrie pharmaceutique et commercialisée. « L’âge d’or » des antibiotiques s’acheve dans les années 1990 lorsqu’un nombre croissant de bactéries sont devenues résistantes aux antibiotiques(15).

Mécanisme d’action des bêta-lactamines

Les bêta-lactamines constituent la classe d’antibiotiques la plus utilisée dans le monde. C’est une vaste famille bactéricide, temps-dépendant couvrant un large spectre bactérien et qui sont actifs sur la paroi bactérienne. Elles possèdent toutes un noyau azétidin-2-one à quatre sommets : le noyau bêta lactame, qui est la partie efficace de la molécule. Toute ouverture de ce cycle entraine par conséquent une inactivation de la molécule. On distingue quatre sous-familles selon la nature de l’hétérocycle accolé au noyau bêtalactame : les pénames ou pénicillines, les céphèmes ou céphalosporines, les monobactames et les carbapénèmes auxquels on peut ajouter les inhibiteurs de bêta-lactamases qui n’ont pas d’activité antibactérienne mais qui empêchent la dégradation de la bêta-lactamine associée, luttant ainsi contre les mécanismes de résistances bactériennes. Au-delà de leur structure de base commune et d’un mécanisme d’action identique, les différences structurales agissent sur l’étendue du spectre d’activité de l’antibiotique, son affinité pour les protéines de liaison de la pénicilline (PLP), sa stabilité métabolique et sa pharmacocinétique ainsi que sur la résistance à l’égard de certaines enzymes bactériennes(16).

Les bêta-lactamines pénètrent dans l’espace périplasmique des bactéries à Gram négatif par les porines. Elles traversent le peptidoglycane pour se lier de manière covalentes et irréversibles aux PLP qu’elles inhibent en agissant comme « substrats suicides ». En effet, elles vont reconnaitre le cycle bêta-lactame du fait de leur analogie structurale avec leur substrat naturel. Les PLP ont des activités transglycosylase, transpeptidase et carboxypeptidase qui intervient dans la synthèse du peptidoglycane. Seules les transpeptidases et les carboxypeptidases sont inhibées par les bêta-lactamines entrainant un arrêt de croissance des bactéries (effet bactériostatique). Cela va provoquer dans un deuxième temps, une rupture de l’équilibre entre les PLP et les autolysines qui dégradent le peptidoglycane des bactéries en phase de croissance et entraine la mort de la bactérie (effet bactéricide).

Résistance des entérobactéries aux bêta-lactamines

Une souche est qualifiée de résistante lorsqu’elle survit à un antibiotique mis en place. La définition selon le Comité de l’Antibiogramme de la Société Française de Microbiologie (CASFM) est « les souches catégorisées résistantes sont celles pour lesquelles il existe une probabilité d’échec thérapeutique, quels que soient les traitements et la dose d’antibiotique ». Les catégories sensibles, sensibles à forte posologie et résistantes ainsi que les valeurs critiques sont déterminées par le CA SFM (Comité de l’Antibiogramme de la Société Française de Microbiologie) en France, et l’EUCAST (EUropean Comitte on Antimicrobial Susceptibility Testing) en Europe. La résistance bactérienne est un phénomène ancien et naturel qui permet aux bactéries de s’adapter à leur environnement. Elle peut être naturelle ou acquise. Des gènes impliqués dans les mécanismes de résistances aux antibiotiques, ont été détectés dans l’ADN extrait des sédiments du permafrost datant de 30 000 ans ou dans le microbiome d’une grotte où l’homme n’avait jamais pénétré. La résistance acquise quant à elle, a été mise en évidence quelques mois après l’utilisation clinique de la pénicilline G avec l’isolement de souches de staphylocoque doré. L’usage intensif des antibiotiques en médecine humaine et vétérinaire a conduit à une forte augmentation de ces résistances(18). Quatre mécanismes ont été décrits pour expliquer la résistance naturelle mais surtout acquise des bactéries aux antibiotiques :
– La production d’enzymes inactivant les bêta-lactamines : les bêta-lactamases. C’est le mécanisme de résistance le plus courant chez les entérobactéries.
– La diminution de la perméabilité membranaire par modification ou perte des porines.
– L’excrétion de l’antibiotique hors de la bactérie par des pompes à efflux.
– La diminution de l’affinité pour la cible par modification ou altération des PLP. Cette mutation est rare chez les entérobactéries .

Dans le cadre de cette thèse, uniquement la résistance par production d’enzymes sera développée.

Résistance naturelle 

La résistance naturelle ou intrinsèque est caractéristique d’une espèce bactérienne. Elle délimite le spectre naturel de l’antibiotique et constitue une aide à l’identification. Elle résulte de la présence d’un ou plusieurs gènes chromosomiques communs à toutes les bactéries d’une même espèce. Elle est permanente et stable, transmise à la descendance (transmission verticale) lors de la division cellulaire, mais elle n’est généralement pas transférable d’une bactérie à l’autre (transmission horizontale)(19). Les entérobactéries sont par exemple naturellement résistantes à la pénicilline G ou à la vancomycine par imperméabilité du fait de la structure de la paroi des bacilles à Gram négatif. La résistance naturelle n’est pas un enjeu majeur au niveau épidémiologique. Sept groupes d’entérobactéries ont été déterminés à partir de leur phénotype de résistance naturelle(20).
– Le groupe 0 inclut les entérobactéries ne possédant pas de gène codant pour une bêtalactamase. Elles sont donc naturellement sensibles à toutes les bêta-lactamines.
– Les entérobactéries du groupe 1 possèdent un gène ampC codant pour une céphalosporinase constitutive de très bas niveau. Selon son niveau d’expression elles seront soit sensibles à toutes les bêta-lactamines soit auront une sensibilité intermédiaire aux céphalosporines de première génération et aux aminopénicillines avec et sans inhibiteurs. E.coli fait partie de ce groupe.
– Les entérobactéries du groupe 2 possèdent une pénicillinase chromosomique exprimée à bas niveau. Elles sont naturellement résistantes aux aminopénicillines et aux carboxypénicillines. K.pneumoniae fait partie de ce groupe.
– Les entérobactéries du groupe 3 possèdent une céphalosporinase inductible par les bêtalactamines. Elles sont résistantes aux aminopénicillines seules ou associées aux inhibiteurs et sont résistantes aux céphalosporines de première génération. Enterobacter spp fait partie de ce groupe.
– Les entérobactéries du groupe 4 produisent une céphalosporinase inductible et une pénicillinase chromosomique de bas niveau.
– Les entérobactéries du groupe 5 possèdent une céfuroximase inductible et ont un spectre d’activité proche de celui des E-BLSE.
– Les entérobactéries du groupe 6 expriment une BLSE de bas niveau ou inductible.

Résistance acquise 

La résistance acquise est l’acquisition d’un mécanisme de résistance pour une souche d’une espèce habituellement sensible(21). Les mécanismes génétiques de résistances acquises sont de deux types : les mutations chromosomiques spontanées et résistances extra-chromosomiques par acquisition d’un gène exogène. L’utilisation abusive des bêta-lactamines en santé humaine et animale a conduit à une augmentation des résistances dont la plus fréquente est la production de bêta-lactamases.

Mécanismes génétiques de résistances acquises

• Les mutations chromosomiques
Les mutations chromosomiques acquises sont le résultat de mutations au sein du génome bactérien. C’est un phénomène de résistance rare qui concerne 10 à 20% des bactéries. Son apparition est spontanée et indépendante de la présence d’un antibiotique. La présence de ce dernier permet seulement de sélectionner les mutants résistants à l’intérieur d’une population bactérienne sensible. En revanche, ils sont contre sélectionnés en l’absence d’antibiotique car la mutation les rend généralement plus fragiles. Cette forme de résistance est héréditaire (transmission verticale), permanente et non transmissible à d’autres espèces. Elle n’affecte qu’un caractère, c’est pour cela que la résistance ne concerne qu’un antibiotique ou qu’une famille d’antibiotique ayant le même mécanisme d’action. L’utilisation d’une association d’antibiotiques prévient donc l’émergence de ces mutants résistants(19).
• Résistances extra-chromosomiques
Il s’agit de la résistance par acquisition d’ADN extra-chromosomique exogène. Les résistances extra-chromosomiques se font par transfert d’éléments génétiques mobiles : plasmides, transposons ou intégrons par transformation, transduction, transposition ou conjugaison. L’acquisition de ces gènes de résistance se fait dans la majorité des cas par transfert plasmidique par conjugaison. Un même plasmide peut porter des gènes de résistance à plusieurs antibiotiques et une bactérie peut héberger plusieurs plasmides résistants différents. La bactérie receveuse devient alors multi-résistante et transmet ses gènes de résistance à sa descendance. Contrairement à la mutation chromosomique, la bactérie n’est pas fragilisée. Cette transmission peut se faire entre deux espèces différentes de bactéries. Les résistances extra-chromosomiques représentent 80% des résistances acquises et sont responsables de phénomènes épidémiques par transmission horizontale et verticale.

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Table des matières

INTRODUCTION
1. Les Entérobactéries
1.1. Définition des entérobactéries
1.2. Taxonomie
1.3. Habitat des entérobactéries
1.4. Caractères bactériologiques
1.4.1. Morphologie et structure de surface
1.4.2. Caractères culturaux
1.4.3. Caractères biochimiques
1.4.4. Caractères antigéniques
1.5. Zoom sur les deux principales espèces d’entérobactéries
1.5.1. Escherichia coli
1.5.2. Klebsiella pneumoniae
2. Les principaux mécanismes de résistance des entérobactéries aux bêta-lactamines
2.1. Mécanisme d’action des bêta-lactamines
2.2. Résistance des entérobactéries aux bêta-lactamines
2.2.1. Résistance naturelle
2.2.2. Résistance acquise
2.2.3. Zoom sur la résistance liée à la production de bêta-lactamases
3. Généralités sur les entérobactéries productrices de bêta-lactamases à spectre étendu (EBLSE)
3.1. Définition
3.2. Identification des E-BLSE
3.2.1. Détection phénotypique
3.2.2. Détection moléculaire
3.3. Épidémiologie
3.3.1. Évolution de l’épidémiologie des E-BLSE en France
3.3.2. En Europe
3.3.3. Dans le monde
3.4. Facteurs de risque d’acquisition d’une E-BLSE
3.4.1. Exposition récente à un antibiotique
3.4.2. Hospitalisation récente
3.4.3. Infection liée aux soins
3.4.4. Provenance d’un établissement de loin de longue durée
3.4.5. Voyage
3.4.6. Prise d’un traitement immunosuppresseur
3.4.7. Existence d’une pathologie associée
3.4.8. Antécédent de colonisation
3.4.9. Age
3.4.10. Sexe masculin
3.4.11. Les recommandations de la HAS (Haute Autorité de Santé) en 2019
3.5. Infection à E-BLSE : un facteur de mauvais pronostic
4. Rôle du pharmacien hospitalier dans le bon usage des antibiotiques
4.1 Commissions participant au bon usage des antibiotiques dans les établissements de santé
4.1.1 CME : Commission Médicale d’Etablissement
4.1.2 COMEDIMS : Commission du médicament et des dispositifs médicaux stériles
4.1.3 CLIN : Comité de Lutte contre les Infections Nosocomiales
4.2 Missions de la pharmacie à usage intérieur dans le bon usage des antibiotiques
4.2.1 Gestion, approvisionnement, détention
4.2.2 Analyse des prescriptions d’antibiotiques, dispensation et pharmacie clinique
4.2.3 Information et formation
4.2.4 Suivi de la consommation des antibiotiques et des résistances bactériennes
4.2.4.1 ConsoRes
4.2.4.2 CAQES : Contrat d’Amélioration de la Qualité et de l’Efficience des Soins
4.2.4.3 Certification HAS
4.2.4.4 Audits
4.3 Bon usage des antibiotiques appliqué aux E-BLSE
4.4 Évolution de la consommation d’antibiotiques depuis 2012
5. Identification des facteurs de mauvais pronostics d’une infection à E-BLSE au Centre Hospitalier de Cannes – Simone Veil
5.1 Introduction
5.2 Objectifs de l’étude
5.2.1 Objectif principal
5.2.2 Objectif secondaire
5.3 Matériel et méthode
5.3.1 Population
5.3.2 Données recueillies
5.3.3 Caractéristiques microbiologiques
5.3.4 Thérapie anti-infectieuse : définition
5.3.5 Analyses statistiques
5.4 Résultats
5.4.1 Caractéristiques de la population
5.4.2 Caractéristiques infectieuses et microbiologiques
5.4.3 Traitements antimicrobiens
5.4.4 Évolution
5.5 Discussion
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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