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Etat de l’art sur les verres de confinement à Haut Taux de Charge
En 2001, des travaux de recherche ont commencé au CEA Marcoule et à Chimie-ParisTech (au LCMCP) sur une nouvelle matrice vitreuse HTC aluminoborosilicatée. Cette matrice de confinement capable de confiner l’ensemble des déchets de haute activité produits par l’utilisation d’un combustible UOX3, a été étudiée dans le cadre de trois thèses réalisées par Bardez, Quintas et Magnin [29,32,36]. Le premier verre HTC proposé, pouvant incorporer une valeur nominale de produits de fission et actinides mineurs de 17,2 % massiques, a été optimisé dans le cadre de la thèse de Bardez [29], en se basant principalement sur son comportement en cristallisation. En effet, une première composition de verre a été formulée, satisfaisant la majorité des critères imposés à un verre HTC à savoir un verre élaborable à 1300°C, fluide et homogène, capable d’accueillir l’ensemble du spectre des déchets après coulée et trempe à température ambiante. Cependant, cette première composition de verre avait une trop forte tendance à cristalliser sous forme d’apatite Ca2TR8(SiO4)6O2, aussi bien par refroidissement lent de la fonte que par traitement thermique isotherme de nucléation et croissance du verre. En étudiant différents paramètres tels que la concentration en terre rare dans la fritte de verre, le caractère peralcalin ou peralumineux, le rapport Si/Al ou encore le rapport Si/B, une première composition du verre HTC, répondant à l’ensemble du cahier des charges, a pu être proposée [29]. Quintas a ensuite poursuivi ce travail en s’intéressant à l’influence du rapport CaO/[CaO + Na2O], de la nature des ions alcalins et alcalino-terreux ou encore de la nature de la terre rare sur la structure et la tendance à la cristallisation de ce verre HTC [32]. Ses travaux ont notamment permis de conforter le choix de la première composition optimisée par Bardez. Ainsi, grâce à ces études, le taux d’incorporation en PFA a pu être augmenté jusqu’à une valeur nominale de 22,5 % massiques.
De plus, des études plus récentes ont été menées par Magnin [36] sur la structure et la tendance à la cristallisation sous forme de phases riches en molybdène (CaMoO4, Na2MoO4) d’une composition simplifiée de verre à 5 oxydes (SiO2-B2O3-Na2O-CaO-MoO3). Magnin a déterminé le taux limite d’incorporation du molybdène dans ce verre et l’impact de la variation de la composition en oxyde de calcium et en oxyde de bore sur la cristallisation des molybdates. Il est ainsi apparu que le molybdate de calcium CaMoO4 se formait préférentiellement par rapport au molybdate de sodium Na2MoO4 lorsque la quantité de bore ou de calcium était importante, ce qui avait déjà été observé en partie dans des verres simplifiés de type UMo [35,48].
Le molybdène, les terres rares et les platinoïdes dans les verres aluminoborosilicatés
Comme nous l’avons vu précédemment, le molybdène, les terres rares et les platinoïdes présentent une faible limite de solubilité dans les verres borosilicatés. Ces différents éléments risquent donc d’induire (ou d’accentuer dans le cas des platinoïdes) des phénomènes de séparation de phase et/ou de cristallisation. Afin de mieux comprendre comment ces phénomènes peuvent se produire, nous nous proposons d’expliquer plus en détails dans cette partie la structure du réseau vitreux aluminoborosilicaté ainsi que l’environnement du molybdène et des terres rares au sein de cette structure. L’effet des platinoïdes sur la structure des verres nucléaires sera également abordé.
Structure des verres aluminoborosilicatés
Les verres sont des solides généralement homogènes qui, à la différence des solides cristallisés, ne présentent pas d’ordre à grande distance au niveau de l’arrangement atomique (≥ 10 Å). Cependant, les différents cations présents dans leur composition sont localisés dans des sites de structure locale assez bien définie, et ceci d’autant plus que ces cations sont petits et fortement chargés. Ainsi, dans le cas des verres aluminoborosilicatés, les tétraèdres SiO4, BO4, AlO4 et les triangles BO3 constituent l’ossature du réseau vitreux dans lequel sont solubilisés, à l’échelle atomique, les différents cations alcalins et alcalino-terreux et les cations présents dans les déchets nucléaires. A la différence des matériaux cristallisés, la souplesse structurale des verres fait qu’ils constituent d’excellents solvants pour la quasi totalité des éléments présents dans les déchets et qu’ils sont extrêmement tolérants aux variations de compositions des solutions de déchets pouvant survenir au cours du temps. Ceci peut s’expliquer par l’absence d’arrangement périodique au sein de la structure des verres, ce qui va permettre à chaque type de cation de réussir à satisfaire ses propres exigences cristallochimiques. La présence de cations alcalins et alcalino-terreux dans la composition des verres joue ici un rôle très important. En effet, en apportant des atomes d’oxygène non-pontants (NBOs), les oxydes alcalins et alcalino-terreux vont permettre à la plupart des autres cations présents dans les déchets de former leur sphère de coordinance et vont ainsi éviter (ou limiter) la séparation de ces autres éléments du réseau vitreux sous forme de cristaux par exemple.
Le molybdène dans les verres
Le molybdène dans les verres silicatés et borosilicatés
Dans les verres silicatés et borosilicatés, le molybdène peut exister sous différents états d’oxydation : Mo6+, Mo5+, Mo4+ et Mo3+. Cependant, lorsque les verres sont élaborés sous atmosphère neutre ou oxydante (comme c’est le cas pour les verres nucléaires) le molybdène se trouve essentiellement sous forme Mo6+, qui est son état d’oxydation le plus stable [36,48,55-57]. La force de champ des cations molybdène (Mo6+) définie par F = Z/r2 (où Z est la charge du cation et r la distance moyenne cation-oxygène)10, est élevée, de l’ordre de 1,92 Å-2 et la distance Mo6+–O (r) varie peu dans les verres silicatés et borosilicatés. Selon des résultats XANES (X-Ray Absorption Near Edge Structure) et EXAFS (Extended X-Ray Absorption Fine Structure) au seuil K du molybdène, obtenus pour des verres silicatés contenant des cations Mo6+, le molybdène est présent sous la forme d’entités tétraédriques MoO4 2- [23,35,59-63].
De plus, en utilisant la distance moyenne d(Mo-O) obtenue par EXAFS et en considérant l’équation du modèle de valence de liaison – longueur de liaison11, Calas et al. [62] et Farges et al. [61] ont montré que ces entités MoO4 2- ne peuvent pas être directement connectées au réseau silicaté. En effet, l’existence de liens Mo-O-Si entre les tétraèdres MoO4 et les tétraèdres SiO4 impliquerait pour valence totale de l’oxygène ΣS = SMoO + SSiO ~ 2,51 u.v. (Figure 6a). La valeur obtenue est donc supérieure à 2 u.v. ce qui n’est pas possible d’après la règle de Pauling concernant la stabilité structurale locale12.
Le molybdène dans les verres de molybdate
Dans les verres de molybdate, qui sont des verres non traditionnels dans lesquels l’oxyde de molybdène est un oxyde majoritaire, l’environnement du molybdène est très différent de celui observé dans les verres silicatés ou borosilicatés. En effet, dans ce cas, le molybdène devient formateur de réseau, c’est-à-dire qu’il contribue à former l’ossature de la structure du réseau vitreux. Cependant, à la différence de SiO2 et B2O3 par exemple, l’oxyde de molybdène est un oxyde formateur conditionnel à savoir qu’il a besoin de la présence d’autres éléments pour réussir à former un verre. Par exemple, des verres de molybdate ont été obtenus en introduisant un autre oxyde formateur de réseau, tel que P2O5 [69]. Ces verres de type MoO3-P2O5 ont été synthétisés pour la première fois en 1955 par Shulz et al. [70] puis par Baynton et al. [71]. La concentration en oxyde de molybdène peut atteindre dans ce cas jusqu’à 80 % molaires (donc une concentration beaucoup plus élevée que dans les verres silicatés).
Par la suite, d’autres verres de molybdate ont été synthétisés en remplaçant le phosphore par un autre élément formateur de réseau comme le tellure ou le bore, et/ou en introduisant d’autres éléments dans la structure du réseau vitreux comme des oxydes alcalins (Na2O, K2O, Li2O), des métaux de transition (Cu2O, Fe2O3…) ou encore des terres rares [69,72-77]13. La structure de ces verres a été étudiée par différentes techniques telles que les spectroscopies infrarouge, Raman, RPE ou RMN. Il a ainsi été établi que les verres de molybdate sont constitués principalement d’octaèdres MoO6 reliés entre eux par les sommets, et que l’introduction d’autres éléments comme des modificateurs de réseau a pour conséquence la rupture de liaisons Mo-O-Mo, créant ainsi des nouvelles unités structurales comme des tétraèdres MoO4 ou encore des dimères Mo2O7 [69]. En ce qui concerne l’ajout de terres rares (TR) dans des verres de type MoO3-TR2O3 (avec 90 % molaires en MoO3), certains auteurs comme Aleksandrov et al. ont montré que des transformations d’entités MoO6 en entités MoO4 avaient lieu, avec la création de liaisons de type Mo-O-Nd [78-80]. Dans l’ensemble des résultats reportés dans la littérature sur les verres de molybdates, les auteurs affirment que la formation de ces tétraèdres MoO4, au détriment des octaèdres MoO6, aurait tendance à détériorer la tendance du verre à se former [69].
Dans le cas des verres nucléaires aluminoborosilicatés, ce type de structure avec des octaèdres MoO6 servant d’ossature au réseau vitreux n’est pas du tout observé (présence uniquement de tétraèdres MoO4 [23,35,59-63]). Cependant, il nous a semblé intéressant de noter, pour la suite de notre étude (portant sur des verres HTC simplifiés contenant des teneurs élevées à la fois en MoO3 et en TR2O3), que ce type de verre riche en MoO3 existe, et en particulier des verres MoO3-TR2O3 où des liaisons Mo-O-Nd sont possibles.
Les terres rares dans les verres
Les terres rares sont très peu solubles dans le verre de silice et ont tendance à former des clusters14 [23]. En effet, en considérant que la terre rare se comporte comme un modificateur de réseau, l’ajout d’une mole de TR2O3 va générer 6 moles de NBOs, conduisant ainsi à seulement trois moles de NBOs disponibles par mole de cations TR3+. Cela n’est pas suffisant pour permettre une solubilisation homogène de ces ions dans le verre de silice. En effet, d’après plusieurs études de dynamique moléculaire sur des verres silicatés renfermant des ions TR3+ [83-85], ceux-ci s’entoureraient préférentiellement de NBOs (6 à 8 atomes d’oxygène participeraient à la première sphère de coordinance des cations TR3+ selon des résultats EXAFS [86]). La faible concentration de NBOs disponibles par ion TR3+ dans SiO2 peut donc expliquer la faible solubilité des terres rares dans la silice amorphe et leur tendance à former des clusters pour mettre en commun des NBOs.
Dans les verres silicatés et borosilicatés, la présence de cations modificateurs de réseau (à force de champ faible) tels que les alcalins et alcalino-terreux, qui génèrent des NBOs, facilite l’incorporation des terres rares dans la structure du réseau vitreux. En effet, les cations TR3+, qui ont une force de champ élevée, vont réussir à satisfaire leur environnement local, grâce aux NBOs apportés par les oxydes alcalins ou alcalino-terreux, qui vont pouvoir participer à leur première sphère de coordination.
Afin de proposer un environnement local plausible pour les cations Nd3+ dans des verres de silicate de sodium, Caurant et al. ont envisagé différents arrangements autour du néodyme qu’ils ont examinés en fonction de résultats EXAFS au seuil LIII du néodyme, des comparaisons entre valence et longueur de liaison et des règles de stabilité de Pauling (voir § 3.2.1.) [23]. La Figure 8 présente les différents environnements qu’ils ont considérés.
D’après la longueur de la liaison Nd-O déterminée par EXAFS et en considérant l’équation du modèle empirique de valence de liaison – longueur de liaison (voir note de bas de page n°13), la valence de la liaison Nd-O est SNdO = 0,45 u.v. (Figure 8). Les Figures 8a et 8b démontrent ainsi que le néodyme ne peut pas être entouré d’atomes d’oxygène pontants (BOs) entre deux atomes de silicium dans sa première sphère de coordination. En effet, dans la Figure 8a, si on considère que la distance Si-O entre un atome de silicium et un BO est identique dans le verre de silice et dans un verre de silicate de sodium (~ 1,62 Å), la valence totale de liaison autour de l’atome d’oxygène serait de 2,45 u.v. (ΣS, Figure 8a) ce qui est impossible d’après la règle de stabilité de Pauling. Pour satisfaire cette règle, il faudrait que la distance Si-O soit de 1,72 Å ce qui correspond à une valeur de distance Si-O supérieure à la distance la plus grande jamais mesurée dans des structures de type aluminosilicate de sodium (d(Si-O)max = 1,70 Å) [23,66]. Une telle distance Si-O ne peut donc pas exister dans la structure du verre, ce qui rend la configuration présentée dans la Figure 8b impossible également.
Effets des platinoïdes sur la structure des verres nucléaires
Les platinoïdes (Ru, Rh, Pd) sont des éléments qui présentent la particularité d’être insolubles (pour environ 50 % d’entre eux) dans les solutions de déchets et qui sont donc présents au cours de l’étape de clarification, sous formes de fines particules en suspension. Dans le cadre de sa thèse, Le Grand a étudié l’influence des platinoïdes sur la structure de verres simplifiés, formulés à partir du verre R7T7 [89]. Des études micro-Raman ont ainsi mis en évidence le fait que la structure du réseau vitreux est affectée dans son ensemble par la présence des platinoïdes. En particulier, il s’avère que les platinoïdes (principalement le ruthénium) engendrent une légère dépolymérisation du réseau vitreux elle-même provoquée par une réorganisation des alcalins et alcalino-terreux au sein du verre. Cependant, les modifications structurales induites par les platinoïdes sont extrêmement faibles15 et leurs origines n’ont pas été clairement définies [89]. Afin de mieux appréhender les mécanismes de cristallisation susceptibles de se produire dans les verres étudiés dans ce travail de thèse, nous présentons ici les compositions, microstructures et structures des différentes phases cristallines susceptibles de se former dans les verres HTC. Nous abordons également le cas des platinoïdes qui, comme nous l’avons vu, sont en partie insolubles dans les verres et qui risquent donc d’avoir un impact sur les processus de cristallisation (sites de nucléation hétérogène).
Les phases molybdates
Le verre R7T7 utilisé pour le confinement des solutions de déchets de référence issues du retraitement des combustibles usés « Eau Légère » contient un maximum de 18,5 % massiques de produits de fission et actinides mineurs, dont 2,35 % d’oxyde de molybdène MoO3 (voir sa composition en annexe 1). Le verre HTC à 22,5 % massiques en PFA (dont la composition a servi de base pour notre travail de thèse) contient quant à lui une plus forte teneur en MoO3, à savoir 2,94 % massiques (voir plus bas sa composition, Tableau 4). Cette teneur plus élevée en oxyde de molybdène peut engendrer des phénomènes de séparation de phase16 lors de l’élaboration du verre et/ou de cristallisation lors du refroidissement de la fonte, en raison de la faible solubilité des entités MoO42- dans les structures silicatées. En particulier, des phases riches en alcalins et en alcalino-terreux risquent de cristalliser, à savoir Na2MoO4 et CaMoO4 (powellite). La phase Na2MoO4 est une phase cristalline hydrosoluble capable d’incorporer des cations Cs+ radioactifs dans sa structure en substitution des ions Na+. Elle est donc à proscrire dans les verres envisagés pour le confinement des déchets nucléaires. Quant à la phase CaMoO4, elle présente une bonne durabilité chimique, mais l’éventuelle cristallisation doit cependant être maîtrisée afin de conserver un bon comportement à long terme de la matrice de confinement. Remarque : En raison de leur durabilité chimique correcte, les phases de type RMoO4 (R : alcalino-terreux) ont été envisagées aux Etats-Unis dans les années 70 pour confiner le molybdène au sein de matrices cristallines polyphasées appelées « supercalcinat » [90].
Le molybdate de calcium CaMoO4
Microstructure de la powellite CaMoO4 formée au cours du refroidissement des fontes verrières ou de traitements thermiques des verres
Au cours du refroidissement des fontes verrières, le calcium peut s’associer au molybdène – présent essentiellement sous forme d’entités MoO4 2- dans les fontes silicatées – pour former une phase cristalline CaMoO4 (powellite). La cristallisation de cette phase intervient le plus souvent entre 900 et 1000°C selon la composition du verre (étude dans le système SiO2 – B2O3 – Na2O – CaO – MoO3), après l’apparition d’un phénomène de séparation de phase liquide-liquide (Figures 10 et 11a) [36]..
Incorporation des terres rares et des actinides mineurs dans la powellite CaMoO4
Les terres rares (TR) et les actinides (Ac) peuvent s’incorporer dans la structure scheelite. En effet, il est bien connu que les terres rares peuvent se substituer au calcium dans la phase cristalline CaMoO4. Le mécanisme d’incorporation le plus fréquemment reporté dans la littérature consiste à substituer deux ions Ca2+ par un ion TR3+ trivalent et un ion R+ monovalent tel qu’un alcalin, conduisant ainsi à une composition de type Ca2-xTRxRxMoO4 [59,97,98]. D’après la littérature, on pourrait d’ailleurs obtenir des séries de solutions solides complètes entre CaMoO4 et (Na0,5TR3+/Ac3+)MoO4 avec une distribution aléatoire des cations monovalents et trivalent dans la structure [99,100]. Dans le cadre de sa thèse, Mendoza a synthétisé une vitrocéramique avec une phase vitreuse de type R7T7 et une phase cristalline de composition Ca0,76Sr0,10Na0,07Eu0,01La0,02Nd0,02Pr0,02MoO4 (résultat obtenu par microsonde) [101]. Dans ce cas, une partie du calcium est substitué par du strontium (autre alcalino-terreux présent dans les déchets et pouvant former une phase de type scheelite SrMoO4) en proportion un pour un. Il apparaît également que dans cette composition, les terres rares (Eu3+, La3+, Nd3+ et Pr3+) sont substitués aux ions Ca2+ grâce à la présence des ions Na+ qui compensent l’excès de charge positive des terres rares. Mendoza a ainsi montré que ces différents éléments pouvaient s’incorporer sur le site du calcium et que cela avait pour conséquence une dilatation de la maille d’environ 2 %.
Par ailleurs, il est intéressant de noter que Henry et al. [102] ont proposé (en se basant sur les résultats de diffraction des rayons X et de microscopie électronique à balayage couplée à de l’analyse EDX) un autre type de compensation de charge, avec la formation de molybdate de calcium de composition Ca1-3/2xNdxMoO4, dans des verres aluminoborosilicatés riches molybdène et ayant subi divers traitements thermiques. Il s’agit dans ce cas d’un système lacunaire.
Ainsi, ces différentes études démontrent que la powellite peut incorporer des terres rares dans sa structure, et également des actinides, selon différents schémas de compensation de charge. Elle peut donc être soumise à l’auto-irradiation α des actinides, ce qui a également été étudié par Mendoza à l’aide d’irradiations externes aux ions lourds19 [101]. Il a ainsi montré que la powellite ne s’amorphise pas sous l’impact des différentes irradiations réalisées. En revanche, il a observé un gonflement de cette phase de 5 %, ce qui signifie qu’elle pourrait potentiellement provoquer des fissures si elle se formait au sein du colis de verre et donc augmenter la surface réactive avec l’eau.
Remarques : comme nous l’avons évoqué ci-dessus, ajouté au calcium, les verres nucléaires comme le verre R7T7 ou les verres HTC contiennent d’autres alcalino-terreux tels que le baryum et le strontium, qui proviennent des solutions de déchets. Les cations Sr2+ et Ba2+ peuvent donc s’associer au molybdène pour former des phases cristallines de type scheelite (SrMoO4, BaMoO4 ou encore des phases mixtes de type Ca1-xSrxMoO4 [101,103])20 qui sont également susceptibles de se former au cours du refroidissement de la fonte [104]. Dans notre travail de thèse, nous avons travaillé sur des verres simplifiés où l’ensemble des alcalino-terreux (tels que Sr et Ba) a été substitué par du calcium (voir chapitre 2 pour la composition des verres). Par conséquent, seule la phase powellite CaMoO4 est susceptible de cristalliser dans nos verres (voir chapitre 3,4 et 5) et comme nous l’avons vu précédemment (voir § 2.), elle cristallisera d’autant plus par rapport à Na2MoO4 que la quantité de calcium et/ou la quantité de bore sera importante [36,48].
Une autre remarque concerne la powellite CaMoO4. Bosbach et al. [99] ont mis en évidence que cette phase est également susceptible de se former lors de l’altération des verres nucléaires et de retenir des terres rares et actinides dans sa structure, en raison de la forte affinité des entités MoO42- et des ions TR3+ et Ac3+ en solution aqueuse.
Le molybdate de sodium Na2MoO4
Au cours du refroidissement de la fonte, les ions Na+ peuvent s’associer aux entités MoO42- pour former la phase cristalline Na2MoO4. De la même façon que la powellite CaMoO4, sa cristallisation intervient le plus souvent vers 650°C, après l’apparition d’un phénomène de séparation de phase liquide-liquide (Figures 10 et 11) [36].
A température ambiante21 (jusqu’à 400-460°C), la forme stable de Na2MoO4 présente une structure cubique de type spinelle (α) (a = b = c = 8,99 Å) [89, 94]. Dans cette structure, les ions Mo6+ sont localisés dans des sites tétraédriques non distordus et les ions Na+ sont dans des octaèdres d’oxygène reliés entre eux par les arêtes (Figure 14). De la même façon que pour la powellite, les tétraèdres MoO42- ne sont pas directement reliés entre eux.
La phase apatite Ca2TR8(SiO4)O2 (TR : terres rares)
Composition des phases de structure apatite
Les apatites constituent une vaste famille de composés très abondants dans la nature dotée d’un réseau cristallin particulièrement apte à accueillir des cations et des anions variés par substitution [107,108]. Ceci joint à leur bonne durabilité chimique et à leur bonne tenue à l’auto-irradiation leur a valu de faire l’objet de nombreuses études en tant que matrice potentielle pour confiner des déchets nucléaires mélangés ou pour confiner spécifiquement des déchets séparés à vie longue tels que les actinides [109,110] et l’iode par exemple [111].
Leur formule générale est M10(XO4)6Y2 dans laquelle M représente le plus souvent un cation bivalent (Ca2+, Sr2+, Pb2+, Ba2+…), XO4 un oxo-anion trivalent (PO4 3-, AsO4 3-, VO4 3-…) et Y un anion monovalent (F-, Cl-, Br-, I-, OH-…). Une des caractéristiques essentielles de cette structure réside dans sa capacité à former des solutions solides et à accepter un grand nombre d’éléments dans ses différents sites [107,108,112]. Ainsi, les cations bivalents peuvent être remplacés par des cations monovalents (Na+, K+), trivalents (terres rares) ou encore par des lacunes, pour des raisons de compensation de charge en particulier. Les groupements XO43- peuvent également être substitués partiellement ou totalement par des ions bivalents (CO32-, SO42-, HPO42-…) ou tétravalents (SiO44-, GeO44-)22 [107,113]. Toutefois, aucune apatite possédant des sites XO4 lacunaires n’a été décrite à notre connaissance dans la littérature. Le second site anionique Y- peut aussi être occupé par des anions bivalents (CO32-, O2-, O22-, S2-…) et/ou par des lacunes.
Les apatites peuvent donc présenter des écarts considérables par rapport à la stoechiométrie donnée ci-dessus. En effet, les lacunes cationiques peuvent concerner jusqu’à deux sites sur dix et les sites anioniques monovalents (Y) peuvent être totalement vacants [112]. Ces deux types de lacunes peuvent exister dans le même composé, par exemple dans les apatites carbonatées de formule chimique: Ca8(PO4)4(CO3)2 [112]. Le plus souvent, ces différentes substitutions sont couplées afin de conserver l’électroneutralité de la structure apatite. C’est le cas par exemple de l’incorporation simultanée de cations alcalins R+ et de terres rares TR3+ en substitution de deux ions calcium : TR3+ + R+ = 2Ca2+ ou encore de l’incorporation simultanée d’un cation TR3+ et d’une entité SiO44- en substitution respectivement d’un cation Ca2+ et d’une entité PO43- dans les apatites phosphatées (TR3+ + SiO44- = Ca2+ + PO43-) [107]. Selon Hughes et al., ces deux schémas d’incorporation des terres rares dans l’apatite interviendraient dans les apatite phosphatées naturelles [115]. De plus, il est intéressant de noter que ces différentes substitutions entraînent le plus souvent une variation des paramètres de maille car les ions substitués sont rarement de tailles identiques.
Dans le cadre de l’étude de la cristallisation au sein des verres HTC, il est apparu qu’une phase apatite silicatée riche en terres rares, de formule Ca2TR8(SiO4)6O2, est susceptible de se former au cours du refroidissement de la fonte ou lors d’un traitement thermique de nucléation et de croissance du verre [29-34,49-52].
Cette phase cristallise préférentiellement par rapport à l’apatite sodique de composition NaTR9(SiO4)6O2 [32], et ne contient pas de phosphore (contrairement aux britholites de formule générale Ca10-x(TR)x(SiO4)x(PO4)6-x(F,OH)2 (TR = La, Ce, Pr, Nd, Pm, Sm, Eu et Gd) (0 ≤ x ≤ 6) qui ont été envisagées pour le confinement spécifique des actinides mineurs dans le site de la terre rare [116]) du fait de la très faible quantité de ce phosphore au sein du verre (voir plus bas Tableau 3). Elle est susceptible de contenir aussi une proportion mineure, difficile à quantifier, de sodium et de bore.
Effets des platinoïdes sur la tendance à la cristallisation des verres nucléaires
Comme nous l’avons vu précédemment, les platinoïdes sont très peu solubles dans les verres. Les solubilités du ruthénium (dissout sous forme Ru3+ et Ru4+) et du palladium (dissout sous forme Pd2+) dans une fonte de type borosilicate (à 1200°C) sont respectivement de l’ordre de 0,001 % massiques et 0,014 % massiques [132,134]. Dans le cadre de sa thèse, Orlhac a mis en évidence le fait que les platinoïdes servent de catalyseurs à la cristallisation des différentes phases qui apparaissent au sein du verre R7T7 ayant subi un traitement thermique prolongé, en jouant le rôle d’agent nucléant [8] (Figure 21).
Ce type de comportement a déjà été observé par Mitamura et al. [53] pour une composition vitreuse similaire à celle étudiée par Orlhac et traitée thermiquement à 700°C pendant 1000 h. Ces auteurs ont notamment remarqué que les platinoïdes favorisent la formation d’un plus grand nombre de phases (TRBSiO5, CeO2, TRPO4, (Sr,Ba,TR)MoO4) qui se développent préférentiellement autour des particules de métaux nobles, ces derniers servant donc de sites de nucléation hétérogène. Ce résultat a également été confirmé récemment par Rose et al. [10] sur des verres borosilicatés complexes ayant subi un traitement thermique prolongé (30 h à 690°C suivies de 1 h à 500°C).
Microscopie électronique à balayage à effet de champ (MEB-FEG)
Des observations ont été réalisées par Omar Boudouma à l’Institut des Sciences de la Terre de Paris (ISTEP) de l’Université Paris VI au MEB-FEG en électrons rétrodiffusés. L’appareil utilisé est un microscope Zeiss supra 55VP muni d’un filament de tungstène de 200 nm et opérant à 25 kV. Avant observation, les échantillons ont été mis en résine et polis à l’eau jusqu’à une finesse de 1 μm. Une couche conductrice de carbone a été déposée à la surface des échantillons afin d’éviter les effets de charge. La composition qualitative des échantillons a également pu être déterminée par l’analyse en énergie des rayons X (EDX) émis sous l’impact du bombardement électronique du MEB.
Microscopie électronique en transmission (MET)
La microscopie électronique en transmission a été effectuée au Laboratoire de Physico-Chimie des Surfaces à ChimieParisTech, grâce à la collaboration de Philippe Vermaut. L’appareil utilisé est un microscope Jeol JEM 2000 FX muni d’un filament de tungstène et opérant à 200 kV. Les échantillons ont été préparés de la façon suivante : Broyage du verre dans un mortier en agate, Dispersion par ultrasons de la poudre dans un liquide visqueux (du butanol), Décantation pendant quelques minutes Dépôt des particules en suspension les plus fines (recueillies dans le liquide surnageant) sur une grille de cuivre recouverte d’une fine pellicule de carbone.
Microsonde électronique
Des analyses chimiques quantitatives ont été réalisées sur les verres trempés afin de comparer leur composition théorique et réelle et également sur les verres refroidis lentement à 1°C/min afin de connaître le pourcentage de molybdène solubilisé dans le verre en fonction de la concentration en oxyde de néodyme (ou de lanthane). Ces analyses ont été réalisées à l’ISTEP de l’Université Paris VI, avec l’aide de Michel Fialin et Frédéric Couffignal, sur un appareil CAMECA SX100 (U = 15 kV, I = 4 nA) équipé de quatre spectromètres de rayons X. Les échantillons à analyser ont été préparés de la même façon que pour le MEB-FEG. Les composés standards utilisés pour l’étalonnage sont : le diopside (CaMgSi2O6) pour Si et Ca, l’albite (NaAlSi3O8) pour Na et Al, le nitrure de bore (BN) pour B, le métal pur Mo pour Mo, et enfin l’alliage métallique NdCu pour Nd. L’oxygène a été obtenu par différence.
Tous les éléments chimiques présents dans nos verres ont ainsi pu être dosés, et en particulier le bore, ce qui n’avait pas été possible lors des précédents travaux réalisés sur les verres HTC au LCMCP [1,5]. De plus, en mode pointé (utilisé pour sonder les cristaux d’apatite dans nos verres), la concentration en sodium est généralement largement sous-estimée du fait de sa forte migration sous l’impact du faisceau électronique ponctuel. Une solution à ce problème de dosage du sodium consiste à défocaliser le faisceau électronique par balayage sur une fenêtre de quelques dizaines de microns de côté. Des fenêtres d’analyse de 15×15 μm2 ont été retenues pour analyser la composition des verres, et pour chaque composition, une moyenne de 10 analyses a été réalisée. En revanche, pour analyser les cristaux d’apatite présents dans nos échantillons, le mode pointé a été retenu afin d’être sûr de ne pas prendre en compte le verre présent autour des cristaux pendant l’analyse.
Résonance magnétique nucléaire (RMN)
Les analyses RMN ont été réalisées au Laboratoire de Structure et Dynamique par Résonance Magnétique (LSDRM) du CEA Saclay, grâce à la collaboration de Thibault Charpentier. Les noyaux des trois formateurs de réseau 29Si, 27Al et 11B ont été sondés pour analyser la structure du réseau vitreux tandis que le noyau 23Na a été sondé afin d’explorer l’environnement chimique de l’ion Na+ et de connaître son rôle (modificateur de réseau ou compensateur de charge) dans les verres étudiés.
Etude de la cristallisation des molybdates dans un verre aluminoborosilicaté riche en oxyde de molybdène
Dans cette partie du chapitre, nous nous intéressons à la cristallisation du verre Mo, contenant 1,61 % molaires en MoO3 (voir sa composition dans le Tableau 1 du chapitre 2), refroidi lentement à 1°C/min ou traité thermiquement par nucléation (2 h à Tg + 20°C) et croissance (6 h à des températures variant tous les 50°C de 650 à 1100°C). Les traitements thermiques de nucléation et de croissance ont été réalisés à partir de morceaux massifs du verre Mo et de poudres du verre Mo broyée et tamisée pour atteindre une granulométrie comprise entre 80 et 125 μm. Cependant, les résultats obtenus pour les massifs et pour les poudres étant très similaires, nous ne présentons ici que les résultats obtenus pour les échantillons massifs. L’effet des platinoïdes sur la cristallisation des molybdates est également étudié en comparant le verre Mo et le verre MoRu (voir sa composition dans le Tableau 1 du chapitre 2) refroidis lentement à 1°C/min ou traités thermiquement par nucléation et croissance.
Description microstructurale et structurale du verre Mo refroidi lentement à 1°C/min depuis l’état fondu
Avant de s’intéresser à l’effet de la température de croissance sur la cristallisation des molybdates, nous avons étudié le verre Mo refroidi lentement à 1°C/min, de 1300°C à la température ambiante, ce qui est assez bien représentatif du refroidissement réel après coulée de la fonte verrière dans le conteneur industriel. Ce type de traitement nous permet donc d’avoir un bon aperçu des phases cristallines susceptibles d’apparaître dans les conditions réelles1. Les Figures 1a et 1b présentent des clichés MEB du verre Mo refroidi lentement à 1°C/min.
Cet échantillon est constitué d’hétérogénéités (particules sphériques d’environ 2 μm de diamètre) dispersées dans une matrice vitreuse englobante. D’après les analyses EDX, les sphérules sont enrichies en molybdène, calcium, sodium et oxygène tandis que la phase englobante est enrichie en silicium, bore, aluminium et oxygène. Ces observations (morphologie sphéroïdale des particules) sont caractéristiques d’un phénomène de séparation de phase liquide-liquide, qui est survenu au cours du refroidissement de la fonte. Par ailleurs, il est intéressant de noter que l’aspect hétérogène de ces particules sphériques (Figure 1b) laisse à penser que des molybdates (CaMoO4, Na2MoO4) ont probablement cristallisé à l’intérieur des sphérules de phase séparée. Des analyses réalisées par DRX (Figure 2a) et par spectroscopie Raman (Figure 2b) confirment cette hypothèse et mettent en évidence le fait que le verre Mo refroidi lentement à 1°C/min est partiellement cristallisé sous forme de molybdates (CaMoO4 et Na2MoO4 2).
Evolution de la microstructure des cristaux
Des observations MEB ont également été réalisées sur les différents échantillons de verre Mo traités thermiquement. Les clichés sont présentés dans la Figure 7.
Figure 7. Clichés MEB en électrons rétrodiffusés du coeur des échantillons de verre Mo traités thermiquement pour des températures de croissance variant de 650 à 1100°C. (a) 650°C, (b) 700°C, (c) 750°C, (d) 850°C, (e) 900°C, (f) 950°C, (g) 1000°C, (h) 1100°C. La composition des hétérogénéités observées n’a pas pu être déterminée par microsonde à cause de leur taille trop petite pour pouvoir être analysée. En revanche, les analyses EDX ont montré que toutes les hétérogénéités présentées sur ces figures (cristaux à facette et sphérules) sont riches en molybdène.
Il apparaît que la powellite cristallise de façon uniforme dans l’ensemble de la masse des échantillons. Des cristaux à facettes (bipyramide à base carrée), morphologie caractéristique des cristaux de powellite CaMoO4 [3,15,21], sont observés pour des températures comprises entre 650 et 900°C (Figures 7a-e), ce qui est en accord avec les résultats obtenus par DRX et spectroscopie Raman (Figures 4 et 5a) et avec les résultats reportés dans la littérature [15]. Cependant, nous n’observons pas d’évolution de la morphologie de nos cristaux avec la température de croissance, contrairement à ce qui a été observé par Orlhac [15] et Li et al.7 [25]. Cette différence provient très certainement de la composition des verres, qui peut fortement modifier la viscosité du liquide surfondu ainsi que la diffusion des espèces. Orlhac [15] et Li et al. [25] ont étudié le comportement en cristallisation de verres nucléaires complexes, contenant de nombreux oxydes. Les problèmes de diffusion devaient donc être certainement plus importants, notamment pour les basses températures où la viscosité était élevée, ce qui peut expliquer les morphologies dendritiques observées dans leur cas.
Les cristaux de powellite observés sont très petits (< 1 μm), surtout à basse température. Puis, lorsque la température de croissance augmente, la taille des cristaux augmente (essentiellement à partir de 850°C, Figure 7d) et leur nombre par unité de volume diminue. Ces résultats sont donc en bon accord avec l’évolution de la taille moyenne des cristallites (Figure 5b) calculée à partir de la formule de Scherrer (Equation 1) et traduisent vraisemblablement un mûrissement d’Ostwald (dont la force motrice est la réduction de l’énergie interfaciale liquide surfondu – cristaux). Néanmoins, il est important de noter que les cristaux observés au MEB apparaissent plus gros que la taille des cristallites obtenue par la formule de Scherrer. Ce résultat n’est pas surprenant car cette formule donne accès à la taille des cristallites (des domaines cohérents) et non pas à la taille des cristaux, ces derniers pouvant contenir plusieurs cristallites.
A partir de 950°C, la morphologie des hétérogénéités change dans les échantillons (Figures 7f-h). En effet, à partir de cette température, nous n’observons plus de cristaux à facettes mais des sphérules d’environ 500 nm-1 μm de diamètre, également riches en molybdène (d’après des analyses EDX). Or, d’après les diagrammes de rayons X et les spectres Raman (Figures 4 et 5a), la powellite CaMoO4 n’est quasiment plus détectable à 950°C et est totalement absente à partir de 1000°C. Ceci signifie donc que les sphérules observées sont essentiellement amorphes et qu’il s’agit d’un phénomène de séparation de phase sans cristallisation.
Remarque : il est intéressant de noter que les sphérules observées dans les échantillons de verre Mo traités thermiquement entre 950 et 1100°C ne présentent pas d’hétérogénéités comme celles que nous avons pu observer dans les sphérules du verre Mo refroidi lentement à 1°C/min de 1300°C à la température ambiante (Figure 1), qui sont par ailleurs bien plus grosses. Cette différence confirme le caractère amorphe des sphérules obtenues lors des traitements thermiques de nucléation et croissance. Cependant, il est apparu que certaines sphérules peuvent contenir une hétérogénéité en leur sein (petit point blanc visible à l’intérieur de la sphérule sur les clichés MEB en électrons rétrodiffusés, Figure 7f). D’après les analyses EDX, ces hétérogénéités sont des particules d’or, qui proviennent du creuset en platine-or dans lequel a été réalisé le traitement thermique8. Des traitements thermiques réalisés dans des creusets en platine pur nous ont néanmoins permis de montrer que ces particules d’or n’ont aucun impact sur la cristallisation et la séparation de phase des molybdates dans nos verres.
Mécanisme de cristallisation de la powellite CaMoO4 dans les échantillons de verre Mo traités thermiquement par nucléation et croissance
Afin de comprendre les mécanismes de séparation de phase et de cristallisation des molybdates (de la powellite CaMoO4 dans notre cas) qui se produisent dans nos échantillons de verre en fonction de la température de croissance, nous devons considérer le fait que le verre Mo obtenu après fusion et trempe est déjà légèrement démixé (Figures 3a et 3b). Par conséquent, il est fort probable que cette séparation de phase initiale soit le phénomène précurseur de la cristallisation de la powellite dans nos échantillons traités thermiquement (sites de nucléation). En effet, pour des températures de croissance variant de 650 à 900°C, la powellite CaMoO4 peut cristalliser. Cette phase consomme vraisemblablement l’ensemble du molybdène, calcium et oxygène présent initialement dans les sphérules, de telle sorte qu’il n’est plus possible de voir la trace de la séparation de phase initiale. Celle-ci a donc probablement servi de site de nucléation hétérogène pour la cristallisation de la powellite (Figures 7a-e). Cependant, pour les températures de croissance plus élevées (T > 950°C) la powellite n’est plus stable thermiquement dans la fonte [2]. La séparation de phase, présente initialement dans le verre Mo trempé, apparaît alors nettement sous forme de sphérules qui ont grossi par mûrissement d’Ostwald lors du traitement thermique (Figures 7f-h).
Remarque : il est intéressant de noter qu’à la température de 1100°C, la séparation de phase est toujours observée (Figure 7h), ce qui signifie qu’on se situe encore en dessous du dôme de démixtion (sinon, les particules se seraient dissoutes lors du traitement thermique). Cependant, d’après les résultats reportés dans la littérature par Magnin [2] sur des verres de compositions proches de celle du verre Mo, la température de disparition de la séparation de phase (ou d’apparition, lorsqu’on descend en température) se situe entre 960 et 1100°C selon la composition du verre (voir § 1.1.). A 1100°C, nous nous situons donc probablement à la limite de la disparition de la séparation de phase dans notre verre.
Discussion sur la séparation de phase et la cristallisation des molybdates
D’après les résultats présentés ci-dessus sur le verre Mo refroidi lentement à 1°C/min et sur les échantillons de verre Mo traités thermiquement à différentes températures de croissance, il apparaît que le type de traitement thermique réalisé (descente en température depuis l’état fondu ou montée en température depuis l’état vitreux) ait une influence significative sur la microstructure du matériau final obtenu. Pour autant, les mécanismes de séparation de phase et de cristallisation mis en jeu se révèlent être similaires dans les deux cas. Le Tableau 1 présente un récapitulatif des observations réalisées pour les différents échantillons étudiés.
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Table des matières
Partie A
CHAPITRE 1 – PROBLEMATIQUE DU CONFINEMENT DES DECHETS NUCLEAIRES DE HAUTE ACTIVITE
1. ORIGINE ET GESTION DES DECHETS NUCLEAIRES
1.1. Le cycle du combustible UOX actuel
1.2. Stratégie de gestion des déchets nucléaires issus du retraitement des combustibles usés (cycle fermé)
1.3. Tendance actuelle d’évolution du combustible dans les REP et des matrices vitreuses de confinement
2. ETAT DE L’ART SUR LES VERRES DE CONFINEMENT A HAUT TAUX DE CHARGE
3. LE MOLYBDENE, LES TERRES RARES ET LES PLATINOÏDES DANS LES VERRES ALUMINOBOROSILICATES
3.1. Structure des verres aluminoborosilicatés
3.2. Le molybdène dans les verres
3.3. Les terres rares dans les verres
3.4. Effets des platinoïdes sur la structure des verres nucléaires
4. LES PRINCIPALES PHASES CRISTALLINES SUSCEPTIBLES DE SE FORMER DANS LES VERRES A HAUT TAUX DE CHARGE
4.1. Les phases molybdates
4.2. La phase apatite Ca2TR8(SiO4)O2 (TR : terres rares)
4.3. Les platinoïdes
5. ENJEU DE CETTE ETUDE
6. CONCLUSIONS DU CHAPITRE 1
7. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CHAPITRE 2 – SYNTHESES ET METHODES EXPERIMENTALES
1. STRATEGIE
1.1. Objectifs
1.2. Les différentes séries de verres
2. SYNTHESES DES VERRES ET DES CERAMIQUES
2.1. Les verres
2.2. Les céramiques
3. TECHNIQUES D’ANALYSES EMPLOYEES
3.1. Densité
3.2. Analyse thermique différentielle (ATD)
3.3. Diffraction des rayons X (DRX)
3.4. Microscopie électronique à balayage à effet de champ (MEB-FEG)
3.5. Microscopie électronique en transmission (MET)
3.6. Microsonde électronique
3.7. Résonance magnétique nucléaire (RMN)
3.8. Raman
3.9. Absorption optique
4. CONCLUSIONS DU CHAPITRE 2
5. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CHAPITRE 3 – ETUDE DES PROCESSUS DE CRISTALLISATION DANS UN VERRE ALUMINOBOROSILICATE RICHE EN MOLYBDENE OU EN NEODYME
1. ETUDE DE LA CRISTALLISATION DES MOLYBDATES DANS UN VERRE ALUMINOBOROSILICATE RICHE EN OXYDE DE MOLYBDENE
1.1. Description microstructurale et structurale du verre Mo refroidi lentement à 1°C/min depuis l’état fondu
1.2. Effet de la température de croissance du traitement isotherme
1.3. Discussion sur la séparation de phase et la cristallisation des molybdates
1.4. Effet des platinoïdes sur la cristallisation des molybdates
2. ETUDE DE LA CRISTALLISATION DE L’APATITE SILICATEE DANS UN VERRE ALUMINOBOROSILICATE RICHE EN OXYDE DE NEODYME
2.1. Description microstructurale et structurale du verre Nd refroidi lentement à 1°C/min depuis l’état fondu
2.2. Effet de la température de croissance du traitement isotherme
2.3. Discussion sur la cristallisation de l’apatite
2.4. Effet des platinoïdes sur la cristallisation de l’apatite
3. CONCLUSIONS DU CHAPITRE 3
4. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CHAPITRE 4 – EFFET DES TERRES RARES SUR LA SEPARATION DE PHASE ET LA CRISTALLISATION D’UN VERRE ALUMINOBOROSILICATE RICHE EN MOLYBDENE
1. EFFET DES TERRES RARES SUR LA SOLUBILITE DU MOLYBDENE DANS LE VERRE
1.1. Disparition de la séparation de phase dans les verres trempés
1.2. Evolution de la cristallisation des phases molybdates dans les verres refroidis lentement à 1°C/min 98
1.3. Relation entre la concentration en Nd2O3 et la solubilité du molybdène dans le verre
1.4. Effet cinétique de Nd2O3 sur la cristallisation de la powellite CaMoO4
1.5. Conclusion sur l’effet des terres rares sur la solubilité du molybdène dans le verre
2. ROLE STRUCTURAL DES TERRES RARES DANS LE VERRE ET IMPACT SUR L’ENVIRONNEMENT DU MOLYBDENE
2.1. Impact des terres rares sur la structure du réseau aluminoborosilicaté et sur la distribution des cations compensateurs de charge
2.2. Impact des terres rares sur l’environnement du molybdène dans le verre
2.3. Impact de la concentration en néodyme sur son environnement dans le verre
3. DISCUSSION : ORIGINES POSSIBLES DE L’EFFET DES TERRES RARES SUR LA SOLUBILITE DU MOLYBDENE DANS LE VERRE
4. CONCLUSIONS DU CHAPITRE 4
5. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CHAPITRE 5 – EFFET DU MOLYBDENE SUR LA CRISTALLISATION D’UN VERRE ALUMINOBOROSILICATE RICHE EN OXYDE DE TERRE RARE
1. ROLE STRUCTURAL DU MOLYBDENE DANS LE VERRE ET IMPACT SUR L’ENVIRONNEMENT DE LA TERRE RARE
1.1. Impact du molybdène sur la structure du réseau aluminoborosilicaté et sur la distribution des cations compensateurs de charge
1.2. Impact du molybdène sur l’environnement du néodyme dans le verre
1.3. Conclusion sur les modifications structurales induites par l’ajout de teneurs croissantes en MoO3 dans le verre
2. EFFET DU MOLYBDENE SUR LA CRISTALLISATION DE L’APATITE
2.1. Evolution de la cristallisation dans les verres refroidis lentement à 1°C/min
2.2. Apport de la spectroscopie Raman
2.3. Apport de la spectroscopie d’absorption optique
2.4. Mise en évidence de l’effet nucléant de MoO3 sur la cristallisation de l’apatite
3. CONCLUSIONS DU CHAPITRE 5
4. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Partie B
CHAPITRE 1 – ETUDES BIBLIOGRAPHIQUES
1. EFFETS D’IRRADIATION : PRINCIPES
1.1. Les différentes sources d’irradiation
1.2. Interactions rayonnement – matière
1.3. Interactions des différentes particules avec les matrices de stockage
1.4. Les différentes techniques d’irradiation
2. EFFETS D’IRRADIATION DANS LES VERRES
2.1. Effets d’irradiation dans le verre de silice SiO2
2.2. Effets d’irradiation dans les verres silicatés
2.3. Effets d’irradiation dans les verres borosilicatés
3. EFFETS D’IRRADIATION DANS LES APATITES
3.1. Les changements de volume
3.2. L’amorphisation
4. EFFETS D’IRRADIATION DANS LES VITROCERAMIQUES
5. ENJEU DE CETTE ETUDE
6. CONCLUSIONS DU CHAPITRE 1
7. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CHAPITRE 2 – METHODOLOGIE
1. STRATEGIE
2. ELABORATION DES ECHANTILLONS ETUDIES SOUS IRRADIATION
2.1. Les phases pures de référence
2.2. Les vitrocéramiques
3. SIMULATION DE L’AUTO-IRRADIATION PAR IMPLANTATION IONIQUE
3.1. Irradiations externes aux ions lourds de faible énergie (Au2+, Au3+)
3.2. Irradiations externes aux ions lourds de haute énergie (70Zn et 129Xe)
4. TECHNIQUES D’ANALYSES EMPLOYEES
4.1. Caractérisations macroscopiques des échantillons
4.2. Caractérisations structurales et microstructurales des échantillons
5. CONCLUSIONS DU CHAPITRE 2
6. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CHAPITRE 3 – EFFETS D’IRRADIATIONS AUX IONS LOURDS DANS UN VERRE, UNE CERAMIQUE APATITE ET DEUX VITROCERAMIQUES A BASE D’APATITE
1. EFFETS DES IRRADIATIONS AUX IONS LOURDS DE FAIBLE ENERGIE (AU 1,9-6,75 MEV EN MODE DOUBLE ENERGIE)
1.1. Etude du verre aluminoborosilicaté
1.2. Etude de la céramique apatite
2. EFFETS DES IRRADIATIONS AUX IONS LOURDS (ZN, XE) DE HAUTE ENERGIE – INFLUENCE DU POUVOIR D’ARRET ELECTRONIQUE
2.1. Etude du verre
2.2. Etude de la céramique apatite
2.3. Comparaison des phases de références (verre, céramique apatite) irradiées aux ions lourds de basse et haute énergies
2.4. Etude des vitrocéramiques
3. CONCLUSIONS DU CHAPITRE 3
4. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CONCLUSION GENERALE
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