Les présupposées de la théorie du Cercle de Vienne dans leur tentative d’élimination de la métaphysique

Les critères de significations empiriques : le principe de vérification et les énoncés de bases

L’empirisme du Cercle de vienne est à bien des égards tributaire de la conception machienne de la connaissance. Mach fera de l’observation et de la vérification les bases de sa théorie. Selon lui une théorie n’est valable que s’il obéit aux conditions d’observation et de vérification par l’expérience sensible. Tout objet qui est au-delà de l’expérience sensible ou qui ne peut pas être perçu par la sensation est considéré comme abstrait. J Sebestik commentant ces idées nous dira que selon Mach « une science ne vaut que ce que valent les observations qu’elle rend possible .Une théorie n’est que l’organisation efficace des données d’observation et d’expérimentation. Le seul contact avec le réel s’effectue par la sensation. »

Mach subordonne ainsi la science à l’observation et à l’expérimentation .Selon lui, n’est digne d’être élevé au grade de science que les théories qui obéissent à ces deux critères ; car en dehors d’eux nous laissons le privilège aux objets métaphysiques qui relèvent de pures abstractions, prendre droit de cité. En prenant comme fondement ces critères de bases, Mach stipule l’unité de la science. J Sebestick ne manquera pas de souligner cet aspect de la pensée de Mach en estimant que selon lui « l’unité de la base empirique garantit l’unité de la science. » .

A la recherche d’un critère qui pouvait favoriser la science unitaire, qui se manifeste par l’absence de frontières entre les différentes disciplines, Mach choisit ces critères cités plus haut et conçoit la sensation comme le point de départ de toute recherche scientifique. Les membres du Cercle de Vienne s’inspireront directement de cette théorie gnoséologique du « vrai maître du cercle du cercle de Vienne »  comme le nomme Philipp Frank dans le Manifeste. En effet selon J F Malherbe « affirmer qu’un énoncé n’a de signification cognitive qu’à la condition d’être vérifiable par l’expérience est un lieu commun caractéristique du positivisme viennois des années 1920 » . Nous sommes ici à la première période du Cercle caractérisée par la rigueur du principe de vérification. Cette période est marquée par l’héritage de Mach mais aussi et surtout par le legs de Wittgenstein dont l’ouvrage le Tractatus alimentait les discussions du Cercle lors des réunions hebdomadaires. Notons que cette Bible du positivisme conçoit le vérificationnisme comme un critère fondamental en établissant une correspondance entre le langage et les faits ou les états de choses. Le Cercle de Vienne fera sienne la somme de ces recherches et établira la vérification comme critère de démarcation entre le sens et le non sens ou tout simplement entre la science et la métaphysique.

Ainsi selon Carnap « un énoncé ne dit que ce qui est en lui vérifiable. C’est la raison pour laquelle il ne peut affirmer, s’il affirme vraiment quelque chose, qu’un fait empirique. Une chose située par delà de l’expérience (…) ne saurait être énoncée, pensée, ni questionnée » . Ainsi à travers le vérificationnisme Carnap scelle le sort de la métaphysique qui est exclue du langage à cause de son incapacité à se référer au donné sensible. De ce fait toute proposition qui montre ses limites par rapport à l’exigence de vérifiabilité posée par le Cercle de Vienne, qui stipule un corollaire avec le sensible, est qualifiée de pseudo proposition et doit être supprimée du discours. Cette théorie du vérificationnisme est accompagnée de la conception d’énoncés de bases considérés comme le fondement de toute recherche scientifique. Ainsi selon J F Malherbe reprenant ici les termes de Schlick, « la base empiriste de l’édifice scientifique est constituée d’énoncés protocolaires de la forme à tel et tel moment, telle et telle place dans telle et telle circonstance,tel et tel sera observé ou éprouvé. Le principe de vérification exige que tout énoncé scientifique soit réductible à de tels énoncés protocolaires. »

En effet ces énoncés sont conçus comme des protocoles devant servir de socle pour l’unification des sciences. Ce sont des énoncés qui se limitent à l’expérience et se contentent de refléter le donné empirique. Cependant, c’est avec Carnap que nous aurons une définition plus claire, lui qui fera de ces énoncés la base de son système. De ce fait J F Malherbe nous dit que « selon Carnap, les énoncés de base du système de la science unifiée sont des articulations formelles de perceptions qualitatives particulières, exprimées sous la forme d’un protocole de laboratoire. » .

Le recours au formalisme comme méthode permettant de purifier le langage

Dans leur sempiternel combat contre la métaphysique, les penseurs du Cercle de Vienne vont faire appel à la logique symbolique pour épurer le langage et le débarrasser des non sens qui le gangrènent. A titre de rappel, le logicisme s’origine de l’idée d’une caractéristique universelle de Leibniz qui consistait à réduire le langage à un symbolisme et le raisonnement à un calcul. Le but de ces recherches était selon Leibniz à pouvoir dire calculons, si l’accord fait défaut dans une discussion. D’ailleurs ce calcul logique sera mis en place par G. Boole et sera approfondi par Frege et Russel. Les découvertes de Frege et Russel vont extirper la logique du terreau classique, entendons par là la logique d’obédience aristotélicienne vers le terrain moderne notamment avec le calcul des propositions. Soulignant à cet égard la révolution logique inaugurée par ces chercheurs J G Rossi affirme que « la logique standard moderne prétend pousser l’analyse plus loin que la simple analyse grammaticale et elle est engagée à distinguer entre forme logique et forme grammaticale. » .

Il résulte de ces propos que la logique moderne ne se contente pas seulement de l’analyse grammaticale, car elle n’épuise pas tous les pièges que peut contenir une formule. Ainsi en y joignant la forme logique elle s’entoure d’un certain nombre de garantis lui permettant de s’assurer au moins une purification de la langue. Carnap et le Cercle de Vienne s’approprieront ces découvertes et utiliseront l’analyse contre les prétendus énoncés de la métaphysique. Ainsi dit-il « grâce à la logique moderne, il est devenu possible d’apporter une réponse nouvelle et plus précise à la question de la validité et de la légitimité de la métaphysique. » .

De ce fait la nouvelle logique aura pour tache de clarifier le langage en boutant hors du processus cognitif les énoncés métaphysiques. Donc en allant au-delà de la grammaire pour considérer l’aspect cognitif, c’est-àdire la forme logique, le réductionnisme permet de découvrir les énoncés dépourvus de sens. Ainsi Carnap dira, « au sens strict est dépourvue de sens une suite de mots qui ne constitue pas un énoncé à l’intérieur d’une certaine langue donnée. Il arrive qu’une telle suite de mots paraisse à première vue être un énoncé ; dans ce cas, nous l’appelons simili énoncé. Nous soutenons donc la thèse que les prétendus énoncés de la métaphysique se révèlent à la lumière de l’analyse logique des simili-énoncés. » Carnap distingue en effet deux types de simili-énoncés : ceux qui sont formé de simili-concepts c’est-à-dire de mots dépourvus de contenus cognitifs et ceux qui sont bien formés au point de vue de la grammaire, mais qui pêche au niveau de la signification à cause d’une confusion des sphères par exemple, nombre et personne, comme dans la proposition César est un nombre premier. Ainsi dit-il, « qu’il soit possible de formuler dans le langage ordinaire des suites de mots dénués de sens sans violer les règles de la grammaire indique que du point de vue logique la syntaxe grammaticale ne suffit pas. » L’impossibilité de la grammaire de détecter les simili énoncés montre l’importance de la syntaxe logique pour toute analyse sérieuse. De ce fait seul la syntaxe logique qui s’intéresse à la signification des concepts est en mesure de lutter contre la formulation des simili-énoncés.

A travers ce constat Carnap adressera un célèbre réquisitoire à l’ontologie heideggérienne par une critique de son texte « Was it metaphysik » extrait de son cours inaugural de 1929. Carnap tentera de montrer que malgré une forme grammaticale irréprochable, ce texte ne manque pas de fautes logiques, car tout en identifiant par exemple Néant et Rien Heidegger les emplois différemment. Rien est utilisé ici dans un énoncé existentiel négatif (dehors il y’a Rien), tandis que Néant est utilisé pour introduire un énoncé positif (il y’a le Néant …). Ainsi selon Carnap grâce à une analyse rigoureuse on peut parvenir à mettre à nu les scories de la métaphysique.

Aussi affirme t-il « l’analyse logique rend dès lors le verdict de non sens contre toute prétendue connaissance qui veut avoir prise au-delà ou par derrière l’expérience. » .

Hans Hahn abordera la question dans le même sens toujours dans le souci d’enrayer la métaphysique du chemin gnoséologique. Il s’agira pour Hahn d’appliquer l’analyse logique pour éliminer les entités superflues telles que l’indique l’intitulé de son texte dans le Manifeste. Ceci consiste à épurer le discours en diminuant les concepts généraux, inutiles ou mieux encore à enlever tout ce qui n’est pas nécessaire dans le discours, le rendant plutôt obscure à cause de leur imprécision et de leur indétermination. Toujours dans le même sillage, expliquant la nécessité du formalisme dans toute entreprise gnoséologique, Schlick affirme que « toute connaissance est par essence une connaissance des formes, des relations et rien d’autres. Seul les relations formelles au sens défini sont accessibles à la connaissance au jugement, au sens purement logique du terme. » Au total nous pouvons dire que grâce à l’analyse logique les membres du Cercle sont parvenus à purifier le langage qui est souvent parsemés de non sens. Cependant cette foi au réductionnisme ne manquera pas d’aiguiser la curiosité de Quine qui ira chercher le cheveu dans la soupe. Ainsi selon Pierre Jacob « Pour Carnap, la syntaxe et la sémantique logique devait mettre un terme aux stériles controverses métaphysiques. Quine qui fut son disciple, se plaît à montrer que la syntaxe et la sémantique logique reposent sur du sable mouvant » . Les détails de ces considérations entreront en ligne de compte dans notre troisième partie.

Les critiques poppériennes 

Le problème de la démarcation et la vérification

Comme nous l’avons dit tantôt les critiques du Cercle seront adressées pour la plupart du temps à la pensée d’un seul auteur, du nom de Carnap. Mais qu’est ce qui peut expliquer ce choix ? De l’avis de Quine « On surestime souvent l’importance du Cercle de Vienne en tant que mouvement concerté. On parle du Cercle de sa doctrine en évolution, alors que ce dont il est véritablement question, c’est la doctrine d’un homme, le plus souvent Carnap.  » .

Ainsi à en croire Quine la doctrine du Cercle de Vienne peut être réduite à la pensée d’un homme du nom de Carnap qui incarnera à bien des égards la conception empiriste logique. Ceci n’est pas un hasard car de tous les membres du cercle il constituait avec Schlick les seuls à avoir reçus une formation de philosophe. Les autres provenaient de disciplines diverses comme la physique, la mathématique, l’économie et la sociologie.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
I – Les présupposées de la théorie du Cercle de Vienne dans leur tentative d’élimination de la métaphysique
I – 1) Les critères de significations empiriques : le principe de vérification et les énoncés de bases
I -2) Le recours au formalisme comme méthode permettant de purifier le langage
DEUXIEME PARTIE
II – Les critiques poppériennes
II – 1) Le problème de démarcation et de la vérification
II – 2) La méthode critique comme alternative
TROISIEME PARTIE
III – Les critiques de Quine
III – 1) Le problème de l’analycité
III – 2) Le réductionnisme
CONCLUSION

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