Les prescriptions
Les prescriptions médicamenteuses sont souvent envisagées avec des réserves, les prescriptions d’arrêt de travail leur paraissent être un recours utile. Dr 11 « hypnotiques jamais ou quasiment jamais » « Parce qu’on peut plus s’en séparer » « c’est irritant d’avoir à faire des ordonnances, à faire tous les 28 jours » Dr 14 « Les médicaments: il y a plein de gens qui diabolisent les médicaments: il y a le médecin qui y voit un recours merveilleux » « Quand les médicaments deviennent nécessaires, il y a vraiment un travail d’explication à faire » Dr 4 « et bon un arrêt de travail si il faut »
Le recours aux autres professionnels
Les psychologues sont présentés comme un moyen privilégié de faire bénéficier le patient d’une psychothérapie. Les psychiatres sont aussi cités, en particulier lorsque existe une relation collaborative entre le généraliste et le psychiatre. Dans ce cas, elle est perçue comme très productive. Enfin les structures publiques (CMP et CHS) leur servent d’appuis. Dr 10 « Quand ça va être réactionnel j’adresse facilement au psychologue » « Mais souvent le psychologue ça fait un boulot monstrueux » Dr 23 « quand je sens que la personne perd pied malgré éventuellement une aide médicamenteuse. Là, j’adresse à une psychologue. Mais rarement à un psychiatre » Dr 3 « après je vois mon confrère psychiatre : on vient ici déjeuner et on débriefe » « en quelques séances il peut très bien résoudre les problèmes et c’est moi qui fait les prescriptions médicamenteuses et c’est lui qui se charge du travail de psychothérapie » Dr 10 « quand il y a un doute diagnostique, un tableau sévère, quand c’est ancien plutôt le psychiatre » « le Dr X (psychiatre) m’a donné des conseils et c’est vachement sympa » Les psychiatres les poussent à aller plus loin Dr 14 « Les psychiatres m’ont poussée de plus en plus à aller de plus en plus loin! Peut-être chez eux par manque de disponibilité. Peut être parce que ceux qui me connaissaient, connaissaient ma capacité à réagir aux choses » Dr 18 « c’est plus sur un besoin d’écoute, je les adresse plutôt vers le CMP » Dr 5 « Donc un autre moyen c’est l’hospitalisation, un autre mode de soin »
Les autres moyens :
Bon nombre de médecins proposent des moyens originaux, qu’ils adaptent à tel ou tel patient. Nous ont été rapportés les conseils de pratique sportive, la sexologie, l’hypnose ou encore l’acupuncture.
Dr 2 « J’envoie pas mal faire du sport »
Dr 2 « kiné sexothérapeute, pour tous les problèmes, enfin c’est plus spécifique. Les problèmes chez les femmes de vaginisme »
Dr 10 « de l’hypnose (…) Ca se passe super bien »
Dr 12 « je fais beaucoup d’acupuncture, et donc dans l’acupuncture on est amené à soigner de plus en plus le fonctionnel »
Discussion
C’est surtout dans cette prise en charge que le médecin rencontre ses limites. Limites d’abord personnelles. Une souffrance peut naître en miroir chez le médecin. Burn out et fatigue de la compassion sont liés. “pour certains médecins l’empathie peut aller jusqu’à une obligation éthique de sacrifier leurs besoins à ceux du patient. Ceux-là risquent la fatigue de la compassion et sont plus vulnérables à une évolution vers un burnout” (21). Certaines situations de SP chez les patients peuvent également faire écho à des problèmes personnels.
Les MG rapportent un vécu difficile quand ils ont trop de patients en SP en même temps. Qui s’occupe de ces médecins? Certains pays ont mis en place des outils ou plate-formes pour les médecins en souffrance (22).
Par ailleurs,quelle relation ces médecins ont-ils avec leur médecin traitant (s’ils en ont un) ? Y aurait il la place pour une médecine du travail spéciale pour les généralistes, comme l’évoque un des médecins interviewés ? Préventivement, ne faudrait il pas mettre les étudiants tôt dans le cursus devant des situations de SP qu’ils pourraient ensuite travailler en groupe d’échange de pratique pour apprendre à “métaboliser” ces situations?
Mais, à côté du vécu émotionnel, le médecin peut aussi se heurter à un manque de connaissances: manque parfois de repères en matière de normes psycho-sociales, même s’il en a plus ou moins acquis (3). Un exemple de repère psycho-social pourrait être le cycle de vie normal et les éléments perturbant le cycle, documents produits par le CNGE (23) (annexe 2).
D’où viennent ces repères psycho-sociaux? Comment les introduire dans l’enseignement initial de siences humaines? (quel abord? épidémiologique? sociologique? anthropologique?). Les sciences humaines font déjà partie de l’enseignement initial car la médecine générale repose sur un modèle théorique particulier, global: le modèle bio-psycho-social.
Comparable à l’approche bio-psychosociale d’Engel (23), il est cité dans les grands principes de la médecine générale, rédigés par le Collège National des Généralistes Enseignants. Deux études concordent avec nos résultats: L’étude de B. Cambon (15), via des focus group, s’interrogeait sur ce que faisaient les généralistes face à la souffrance psycho-sociale ordinaire de leurs patients (décrite comme une souffrance ressentie et exprimée par le patient et faisant suite à une difficulté de la vie, en dehors de toute pathologie psychiatrique). Ils écoutaient, prescrivaient (en se questionnant), adressaient. Emergeait la satisfaction d’être aidant, perçu comme quelqu’un à qui on peut parler et d’être en accord avec leurs valeurs philosophiques, humaines et spirituelles.
Les mêmes difficultés que dans notre étude ressortaient : « médecin « éponge », solitaire » ; « l’écoute ne paie pas (financièrement) », « le médecin a déjà ses propres souffrances », « le 32 MG ne voit pas ce qu’il produit », « sentiment d’incompétence » mais aussi d’autres idées complémentaires : « consulter sans examen clinique : pas toujours facile », « appréhension à reconvoquer pour parler : reconvoquer pour faire du chiffre ? », « lien affectif : consultation plus lourde ».
L’étude de C Haxaire (3) avait pour but d’analyser le savoir pratique développé par les médecins généralistes en matière de prise en charge de la souffrance psychosociale.
La souffrance psycho-sociale y était ébauchée comme une nouvelle maladie avec une clinique plutôt dépressive, un traitement fait de quelques médicaments et d’écoute, et une étiologie sociale (même si tout cela reste très flou).
Comme dans notre étude, la problématique sociale émergeait. Face à cette nouvelle maladie, les médecins généralistes ne savaient plus si c’était des problèmes sociaux ou des symptômes qu’ils traitaient, mais ils traitaient une souffrance que la communauté avait ainsi médicalisée.
Les généralistes, tout comme le montrent nos résultats, disaient manquer de «techniques », d’outils d’analyse et de prise en charge, ce qui traduisait le besoin d’une formation complémentaire et le désir d’une meilleure collaboration avec d’autres professionnels de la santé. L’étude suggérait aussi du côté collectif, d’ « introduire ou développer les dimensions sociologiques et anthropologiques autour de cette même problématique de la plainte et de la douleur pour mieux saisir ce qui, dans le social, les transforme en souffrance. », ce qui ouvre la voie à la sociologie en médecine.
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Table des matières
INTRODUCTION
MATÉRIEL ET MÉTHODE
VARIABLES DE RECRUTEMENT NRETENUES
CADRE DE L’INTERVIEW
ÉLABORATION DU GUIDE D’ENTRETIEN (ANNEXE1)
DÉONTOLOGIE
ANALYSE
RÉPARTITION DES RÔLES
RÉSULTATS
BILAN DE PARTICIPATION
CARACTÉRISTIQUES DES MÉDECINS
LA GRILLE D’ANALYSE
L’ANALYSE THÉMATIQUE
Le diagnostic
Les exemples
Les symptômes
Les symptômes psychiques
Les symptômes physiques
Le contexte
La prise en charge
La position d’écoute et d’accompagnement
Les prescriptions
Le recours aux autres professionnels
Les autres moyens
Rôle du médecin généraliste et formation
Les limites liées aux patients
La souffrance psychique
Fréquence subjective
Définitions avancées par les médecins
La souffrance psychique du médecin
DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES TABLEAUX
TABLE DES MATIÈRES
ANNEXE 1: GUIDE D’ENTRETIEN
ANNEXE 2: ÉLÉMENTS PERTURBANT LE CYCLE DE VIE
ENGAGEMENT DE NON PLAGIAT
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