Les premières prises de contact officielles à partir de la fondation de la Chine socialiste en 1949

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Les victoires de la « diplomatie du peuple » de l’ère maoïste

La « diplomatie du peuple » dans le cadre de « l’aide économique et technique » menée par la RPC en Afrique réussit à propager une vision d’espoir et de prospérité économique dans les pays africains (Moïsi, 2015). L’intégration de la stratégie pragmatique reliée aux préceptes de « se faire des amis » et « faire du commerce » dans la politique étrangère permet au régime socialiste chinois de nouer des « amitiés » avec les pays socialistes, mais aussi de faire des affaires avec des pays non socialistes. Selon Zhou Enlai, le gouvernement de la RPC doit être ouvert d’esprit pour associer les peuples issus des pays qui procèdent de différents régimes politiques (1989). L’idée de « répondre à la courtoisie par la courtoisie » s’inscrit alors dans le cœur de la rhétorique diplomatique de la Chine (E. Zhou, 1989, p. 107). Autrement dit, la stratégie de la diplomatie publique à l’ère maoïste s’intéresse au fait de fonder la réciprocité des relations axées sur les étrangers, et in fine, à transformer cette réciprocité créée par les échanges people to people en un lien formel et para-diplomatique entre la Chine et ses contreparties aux niveaux inter-organisationnels, interinstitutionnels et interétatiques (J. Tang, 2011).
La « réciprocité » entre la Chine et l’Afrique est également marquée dans l’aide et l’assistance dites « militaires » de Pékin envers les pays africains. À l’ère maoïste, le régime socialiste chinois s’engage à soutenir un certain nombre de régimes anti-impérialistes et révolutionnaires africains pour lutter contre les mouvements de libération nationale accompagnés par l’URSS. Il s’agit de la livraison d’armes de Pékin au Congo-Brazzaville, en Tanzanie, en Algérie ou en Angola ; de l’aide chinoise aux gouvernements africains, notamment au gouvernement algérien pour construire des services de renseignement; ainsi que de l’envoi d’instructeurs idéologiques afin de former des chefs nationalistes et des directeurs d’institutions propagandistes dans les pays africains (Aurégan, 2016).
L’investissement chinois dans sa communication diplomatique envers l’Afrique à l’ère maoïste récolte enfin des résultats politiques significatifs en 1971. Durant la quinzaine d’années faisant suite à la conférence de Bandung, le régime socialiste chinois est reconnu par une quarantaine de gouvernements africains. Ces « frères et sœurs révolutionnaires et anti-impérialistes » reçoivent d’importantes formes de soutiens politiques, économiques, diplomatiques, technologiques et militaires de la part de Pékin, et ils remboursent le régime de Mao Tsé-Toung à travers le biais de leurs soutiens, voix et votes à l’Organisation des Nations Unies (ONU). Pour rappel, Pékin déclare depuis la fondation du régime socialiste son droit représentatif exclusif de la « Chine » et du peuple chinois dans la communauté internationale.
Lors de la vingt-sixième session de l’Assemblée générale de l’ONU le 25 octobre 1971, la résolution 2758 soutenue principalement par les pays en voie de développement35 d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine est finalement adoptée par l’Assemblée générale. Cette résolution rétablit la République populaire de Chine (RPC) « dans tous ses droits et (reconnaît) les représentants de son gouvernement comme les seuls représentants de la Chine à l’ONU » (ONU, 1971, p. 2). Dès lors, le droit de représentation du gouvernement de la République de Chine (ROC, Taïwan) est immédiatement replacé par la RPC.
Le « retour », selon le discours officiel de Pékin, de la Chine socialiste à l’ONU marque la fin de la première connexion étroite des relations sino-africaines contemporaines. Les États-Unis et le Japon décident dès le lendemain de la mise en vigueur de la résolution 2758 par l’ONU d’établir chacun de la relation diplomatique officielle avec le régime de Mao Tsé-Toung36 la suite du décès de Mao Tsé-Toung en 1976, un terme est mis à la Révolution culturelle par la nouvelle administration du Parti-État chinois. Les politiques d’extrême-gauche menées au cours de la Révolution culturelle ont causé une profonde crise économique et sociale en Chine. Les dirigeants du PCC commencent à réviser et remodeler leur politique étrangère de l’internationalisme et se dirigent vers un choix plus stratégique et pragmatique que l’administration antérieure pour défendre les intérêts nationaux et développer l’économie de la Chine (Roux & Xiao-Planes, 2018).
Selon les chercheurs chinois en diplomatie et en communication internationale, la » diplomatie du peuple » de l’époque maoïste est la pierre angulaire de la stratégie de la diplomatie publique chinoise en Afrique. D’une part, cette stratégie diplomatique, émergeant dans une situation chaotique, c’est-à-dire après la deuxième Guerre mondiale et dans la situation très tendue de la guerre froide, permet à la « Chine nouvelle » de sortir du dilemme de l’isolation internationale et d’inaugurer des relations diplomatiques avec la majorité des pays du tiers-monde en Asie, en Afrique et en Amérique latine. D’autre part, la « diplomatie du peuple » contribue à la mise en valeur des contributions géopolitiques et économiques de la Chine en Afrique dans le processus de décolonisation africain et avance également la légitimité du régime du PCC dans la communauté internationale (cf. Du, 2016; X. Hu, 2018; Peng, 2005; S. Yang, 2014).
À l’ère post-maoïste, la Chine déclenche le processus de la « Réforme et ouverture » à la chinoise (gai ge kai fang, ). La politique étrangère menée par la Chine depuis fin 1978 commence à se transformer, allant de l’établissement de relations socialistes et anti-impérialistes à la création de relations coopératives basées sur le principe de la « paix et du développement » (he ping yu fa zhan, ) dans laquelle la politique non-alignée est mise en œuvre.
Cependant, avec l’établissement progressif des relations diplomatiques avec les pays occidentaux, la Chine abandonne progressivement la priorité donnée à l’Afrique dans sa stratégie diplomatique, ce qui ouvre une période de stagnation des relations sino-africaines, pouvant aller jusqu’à 10 ans. Ce n’est qu’en 1989, après le massacre de la place de Tian’anmen de Pékin, que la Chine réexamine ses relations solidaires avec les « frères et sœurs » africains. Dans le prochain chapitre, nous discuterons de l’ouverture des « vingt ans de gloire économique » entre la Chine-Afrique ainsi que de la sinisation des concepts de diplomatie publique et de soft power dans le système de la propagande externe chinoise (wai xuan).

La définition et la conception chinoises de la diplomatie publique

De manière générale, la diplomatie publique se définit comme une activité de communication diplomatique en ce qu’elle vise à influer sur les cadres de pensée de très nombreuses catégories de publics étrangers et, en fin de compte, à peser sur les processus de décision politique de leur gouvernement. Elle rassemble un ensemble de discours et de pratiques par lesquels les États cherchent à influencer des opinions publiques étrangères d’une manière discrète sur des questions précises, en même temps qu’à améliorer l’image de leur État-nation dans la communauté mondiale, ce qui suppose de développer leurs échanges transculturels. Selon Hans Tuch (1990, p. 3) et Howard Frederick (1992), cette pratique de communication politique « directe » permet à un gouvernement et à ses institutions d’employer plusieurs vecteurs communicationnels, comme la diffusion médiatique des informations, les activités éducatives, l’organisation d’événements artistiques et d’expositions culturelles, ainsi que les échanges commerciaux. L’objectif stratégique de la diplomatie publique réside dans le fait de mettre en avant un État, ainsi que sa culture, ses valeurs et des éléments pouvant attirer différents publics (paysages, constructions, gastronomies). La diplomatie publique tend également à promouvoir de façon implicite les idées et idéaux, les règles institutionnelles, ainsi que les politiques et objectifs nationaux d’un gouvernement dans la société civile étrangère.
La notion de « diplomatie publique » est introduite dans la sphère académique chinoise par Zongyun Zi, politologue de l’Académie chinoise des sciences sociale, lorsqu’elle discute en 1988 des stratégies et des politiques de communication diplomatique américaines pendant la guerre froide, et assimile le concept de « diplomatie publique » aux pratiques de la « propagande culturelle » (wen hua xuan chuan, ) (1988, p. 13). Selon elle, la tâche la plus essentielle de la diplomatie publique serait « le plaidoyer politique » s’inscrivant dans le cadre du wai xuan (propagande externe). Cet exercice communicationnel participe, par le biais culturel, à la défense des politiques domestiques et étrangères d’un gouvernement dans les pays étrangers. La diplomatie publique est à la fois un instrument diplomatique et un ensemble d’outils communicationnels mobilisés par un État de façon à projeter son influence et son attractivité dans la communauté mondiale (1988, p. 13-14). En outre, Zi confirme, d’un point de vue fonctionnaliste, l’objectif de la « pénétration culturelle et idéologique » dans les pratiques de diplomatie publique (1988, p. 14). Pour elle, un gouvernement met en œuvre une série d’efforts communicationnels à long terme par le biais des activités médiatiques et culturelles permettant de modeler les attitudes et les pensées de ses publics étrangers sur certains sujets.
Le terme de « diplomatie publique » est par la suite employé dans les manuels chinois en relations internationales au début des années 1990. Les théoriciens chinois mettent l’accent sur la valeur de ce terme et de sa pratique dans le système du wai xuan ; ils soulignent « le rôle actif et proactif de la gestion de l’opinion publique étrangère [en diplomatie publique] » (Qipeng Zhou & Yang, 1990, p. 123‑125). On trouve la première sinisation de la notion de diplomatie publique dans le manuel wai jiao xue gai lun ( , traduction littérale : Introduction à la diplomatie) dans lequel est mentionné que « le point de départ des activités de la diplomatie publique [chinoise] se trouve dans les intérêts du peuple mondial et les Cinq principes de la coexistence pacifique »52 (Y. Lu et al., 1997, p. 175‑176).
Cette définition explique non seulement la conceptualisation chinoise de la « diplomatie publique » se focalisant sur l’ensemble des activités communicationnelles destinées aux publics étrangers, mais montre également les caractéristiques « chinoises » de cette de la diplomatie publique : est en effet mise en avant la direction du gouvernement central. Comme nous l’avons analysé dans le Chapitre I (cpp.29 – 32), le régime autoritaire du Parti-État chinois centralise le contrôle et la censure de tout type de communication dans la vie sociale. La diplomatie publique la chinoise semble donc perçue comme diplomatie « quasi-publique » encadrée par l’État (K. Zhao, 2019, p. 170). Elle se réfère à une méthode de communication politique sur la scène internationale sous la direction du Parti-État chinois pour légitimer la présence de la Chine à l’étranger, gagner l’adhésion des publics étrangers à ses plaidoyers, ainsi que pour défendre les intérêts du Parti-État chinois (Q. Zhao, 2011).

La propagation du concept de soft power du monde académique vers la sphère politique

Dans son article intitulé La culture comme force nationale – le soft power53, paru en 1993, Wang Huning, ancien professeur des universités de l’université de Fudan et actuel secrétaire du secrétariat général du PCC et chef de la Commission centrale du PCC (CCPCC) pour la construction d’une civilisation spirituelle du Parti, a introduit le concept de soft power de Joseph Nye dans la sphère académique et politique chinoise. Dès lors, la notion de soft power
Comme nous l’avons vu dans le Chapitre I (p. 29), les Cinq principes de la coexistence pacifique sont des règles fondamentales de la politique étrangère chinoise. Ils sont déclarés par Zhou Enlai pendant la conférence de Bandung : « respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité du territoire, non-agression mutuelle, non-ingérence mutuelle dans les affaires intérieures, égalité et avantages réciproques, coexistence pacifique de pays dotés de systèmes sociaux différents » (E. Zhou, 1981a, p. 179).
Selon Nye (1991), le soft power est une forme de puissance attractive qui se réfère à la capacité d’un État de communiquer avec les publics étrangers et d’influer sur leur cadre de pensée dans une optique à long terme. Le déploiement du soft power renvoie directement à la manière dont un État mobilise ses ressources immatérielles, tels que ses biens culturels et intellectuels ainsi que ses avantages politiques. Le déploiement du soft power cherche à « créer et susciter le désir des publics ciblés » par le biais de l’ensemble des actions communicationnelles effectuées (Liogier, 2013, p. 137). Plus concrètement, le soft power ne désigne pas simplement une politique d’influence mise en œuvre par un gouvernement, mais aussi une capacité gouvernementale pour regrouper et mobiliser divers vecteurs et ressources communicationnels envers les publics étrangers. Ces derniers vecteurs incluent la conduite des pensées des publics visés par les activités proposées, les efforts de mise à l’ordre du jour (agenda-setting) par un gouvernement dans un processus de médiation de ses politiques, de ses valeurs nationales voire de son idéologie, ainsi que la culture, la civilisation d’un État ou d’une nation, et des régimes sociaux attractifs d’une entité politique.
De façon concrète, la thèse centrale du soft power vise à répondre à la question de savoir comment déployer les ressources avantageuses de la puissance américaine dans la communauté mondiale afin de « contrôler un environnement politique favorable à l’expansion américaine » (Nye, 1990, p. 155). Selon Nye, le phénomène d’interdépendance étatique après la guerre froide correspond à une « dépendance mutuelle inégalement équilibrée » en raison de la répartition inégale des ressources stratégiques et des différences de niveau de développement économique54 (Ibid, p. 158). Cette nouvelle tendance des politiques internationales exige de tous les États de « formuler leur ordre de jour politique [(agenda)] et [de] structurer les situations dans le cadre des politiques internationales »55. Il s’agit de mobiliser la force produite par « les coopérations » (Ibid, p.166-167). Dans cette perspective, Nye met en lumière le déploiement du soft power américain par le biais de la transmission des informations et des connaissances sur la scène internationale :
[C]o-optive power is the ability of a country to structure a situation so that other countries develop preferences or define their interests in ways consistent with its own. This power tends to arise from such resources as cultural and ideological attraction as well as rules and institutions of international regimes. The United States has more co-optive power than other countries » (Nye, 1990, p. 168). Le concept de soft power élaboré par Nye est rapidement adopté par les dirigeants du PCC dans le but d’améliorer le plan stratégique de l’expansion chinoise à l’ère de la mondialisation (cf. Xi Wang, 2015; Xing, 2010; T. Yang, 2004). D’après les chercheurs chinois (M. Li, 2009; Y. Zheng & Zhang, 2012), le soft power est vu comme un concept non déterminé, car sa définition inclut « un signifiant malléable de l’action politique » (Hayden, 2012, p. 5). Par exemple, les politologues chinois tiennent compte du système économique du pays et des moyens économiques et financiers, tels que l’investissement, le commerce et la sanction financière, comme facteur clé du soft power de Pékin (cf. Lai & Lu, 2012 ; M. Li, 2009, Q. Zhao, 2012). Cette reconnaissance se distingue du consensus des politologues occidentaux qui défendent l’idée que l’économie et la finance sont des composants organiques du hard power56 étatique (Gazeau-Secret, 2013; Juillet & Racouchot, 2012b; Nye, 2011). En fait, dans une vision simpliste, les chercheurs chinois emploient l’expression anglaise « soft use of [China’s] power » pour siniser le terme de soft power (M. Li, 2009, p. 7). Selon eux, « le caractère dur ou doux d’une puissance dépend des sentiments et des perceptions des différents acteurs et publics dans des situations particulières » (Zheng & Zhang, 2012, p. 21). Autrement dit, le soft power chinois comprend toutes les formes de puissance, à l’exception des moyens dans les domaines militaires et de sécurité. Sa mise en œuvre se concentre sur deux orientations clefs : « un territoire en particulier et des personnes issues de secteurs sociaux différents sur ce territoire » (X. Zhang, 2016, p. 5).

L’intégration des concepts de soft power et de diplomatie publique dans la doctrine officielle du PCC

La notion de soft power est utilisée pour la première fois dans la doctrine du PCC en 2002 lorsque le président Jiang Zemin57 l’évoque implicitement dans son rapport politique au 16e Congrès du PCC. Selon l’ancien chef d’État chinois, l’entrelacement de la culture, de la politique et de l’économie permet à Pékin de mieux déployer son influence nationale dans la communauté mondiale (Jiang, 2002). Les chercheurs chinois interprètent cette déclaration.
Le hard power est une autre typologie de puissance proposée par Joseph Nye en 1991. Elle se réfère à une typologie de pouvoir coercitive effectuée par une entité politique sur la scène internationale (cf. Annexes, pp. 123 – 135).
Par la suite, profitant de l’obtention du droit de l’organisation à Pékin des Jeux Olympiques de 2008 en 2001, le Parti-État chinois lance sa campagne de communication internationale pour faire connaître au monde le haut niveau du développement du pays socialiste après la « Réforme et ouverture » et légitimer sa politique de la construction d’une « société harmonieuse » et du « développement pacifique » (K. Zhao, 2015). Cet investissement massif dans la campagne médiatique, notamment la diffusion de publicités politiques et touristiques, a permis à Pékin de faire circuler les informations jugées par le Parti comme « positives » et correctes » dans l’espace public international, pour construire une réputation internationale liée à l’image conviviale et accueillante de la Chine et de ses citoyens envers les publics étrangers (Kurlantzick, 2007).
Cependant, en 2003, la pandémie du SRAS58, partie de Chine, déclenche de nouveau une vague d’inquiétude des pays étrangers et des jugements négatifs envers la Chine, y compris la reprise sous divers aspects des fortes critiques sur la menace chinoise, blâmant la Chine pour sa censure et la non-transparence des informations reliées à la pandémie59 (K. Zhao, 2011, 2019). La campagne médiatique internationale menée par les porte-paroles propagandistes du PCC se heurte rapidement à des difficultés. En vue de réduire les effets négatifs causés par la crise de santé publique, Pékin a commencé à prendre en compte la nécessité de la mise en œuvre d’une nouvelle stratégie à long terme dans sa diplomatie publique (Yiwei Wang, 2008).
En 2004, Nye (2004) a conceptualisé la diplomatie publique dans sa thèse intitulée Soft power : The means to success in world. Il a considéré que la diplomatie publique est le seul instrument efficace pour un gouvernement pour déployer son soft power sur la scène internationale. Cette thèse a suscité une discussion pluridisciplinaire par les chercheurs et les politiciens chinois en 2005, pour explorer la façon dont le Parti-État chinois pouvait améliorer décès (OMS, 2003).
La pandémie du coronavirus SARS-CoV-2 (Covid-19) se propage actuellement dans le monde entier. Ce virus est pour la première fois observé le 17 novembre 2019 dans la province de Hubei de la Chine. Les autorités chinoises ont initialement dissimulé la situation épidémique en Chine. Cela déclenche de nouveau une vague de critiques internationales contre la mauvaise gestion de la crise par le gouvernement chinois. Par rapport à 2003, Pékin effectue, depuis début 2020, une pratique de diplomatie publique plus active, offensive et agressive pour gérer la crise sanitaire et défendre ses intérêts sur la scène internationale. sa propagande externe pour accroître son attractivité nationale (cf. Xianchao Deng, 2005; Dong & Dong, 2005; C. Huang, 2005; J. Meng, 2005).
D’après Nye, la diplomatie publique permet à un État souverain de créer un environnement positif et de faire rayonner son influence dans la société ciblée. Nye propose d’explorer la diplomatie publique en trois points. En premier lieu, il insiste sur l’importance des discours diplomatiques dans l’exercice quotidien de la diplomatie publique. La circulation des discours diplomatiques, de façon explicite et implicite, illustre et défend de manière active les politiques publiques et étrangères d’un gouvernement dans la société visée. En deuxième lieu, Nye souligne l’impact de la communication bidirectionnelle (two-way communication) plutôt que descendante dans les pratiques de la diplomatie publique. Il insiste sur les relations horizontales sincères sur la durée de plusieurs types d’acteurs de la diplomatie publique avec les publics étrangers. Il s’agit d’un côté des personnes qui désirent échanger avec leurs interlocuteurs issus du niveau de l’élite, comme les diplomates, les officiels, les dirigeants des entreprises et les chercheurs ; d’un autre côté, est envisagée la communication horizontale entre les acteurs de la diplomatie publique et les citoyens issus de la base ainsi que les gens qui seraient susceptibles de devenir des leaders d’opinion dans leur société. En dernier lieu, Nye évoque une composante évidente de la diplomatie publique : il s’agit de désigner différentes campagnes politiques et diplomatiques basées sur les stratégies communicationnelles étrangères d’un État souverain et de lancer une série d’activités de relations publiques afin de renforcer l’attractivité de sa politique étrangère (2004, p. 107‑118).
Les chercheurs chinois ont adopté la conceptualisation de Nye sur la relation entre la diplomatie publique et le soft power dans leur redéfinition de la propagande externe (wai xuan). Pour eux, l’histoire riche de 5 000 ans, la culture et la civilisation profondes de la Chine deviennent progressivement le nouvel « océan bleu »60 de la diplomatie publique du Parti-État chinois (K. Zhao, 2015; Q. Zhou, 2018; Q. Zhao, 2018). Certains chercheurs (Jeng-Yi, 2016; S. Tang, 2011) plaident en faveur de l’intégration de la culture, de la civilisation, de l’histoire et de l’éducation linguistique dans la construction du soft power étatique. Selon eux, la diplomatie publique serait un instrument effectif des relations publiques internationales pour le gouvernement chinois. D’autres chercheurs (Ji, 2012; Lai, 2012) mobilisent la notion de « diplomatie culturelle » pour décrire le mécanisme des échanges culturels menés par Pékin dans le cadre de sa diplomatie publique. Pour eux, le schéma directeur de la diplomatie publique chinoise serait de « promouvoir la culture et les valeurs traditionnelles et agir en tant que grande puissance responsable sur la scène mondiale ; [de] plaider en faveur d’un monde harmonieux et d’“une ascension pacifique”; [de] démontrer les vertus de la voie chinoise du développement économique ; [d’]élargir son aide étrangère ; et [de] développer son propre discours sur les affaires mondiales » (Yanhong Wang, 2006, p. 134‑140).
Le Comité central du PCC a accepté en 2007 la notion de soft power dans le rapport du 17e Congrès national du PCC. Hu Jintao61, successeur de Jiang Zemin, a souligné que la Chine devrait « développer davantage sa culture et sa civilisation comme noyau du soft power de l’État » (Le Quotidien du Peuple, 2007, p. 4). À la fin de son mandat présidentiel en 2012, Hu a intégré le terme de diplomatie publique dans la doctrine du PCC afin de permettre à la Chine de mieux communiquer avec les publics étrangers, de promouvoir et de montrer les accomplissements du Parti-État relatifs à l’avancement de la modernisation économique et sociale ainsi que de déployer effectivement son soft power dans le monde entier (M. Li, 2009). Dans sa théorie de la société harmonieuse62, Hu s’est inspiré des idées confucéennes et a mis l’accent sur la valeur de « l’harmonie humaine du monde entier » (2012b, p. 40). Il conceptualise la diplomatie publique comme l’ensemble des actions communicationnelles et culturelles menées par le gouvernement chinois, ses organisations et ses citoyens pour renforcer la communication directe et les échanges durables à long terme avec les publics étrangers. Il s’agit non seulement de consolider la capacité de communication de la Chine à l’étranger afin de susciter la sympathie des populations étrangères et d’attirer leur soutien, mais également de défendre l’expansion qualifiée de « pacifique » et « harmonieuse » de la Chine à l’ère de la mondialisation (J. Hu, 2012c).

L’émergence du concept de « communauté de destin »

Le président Hu Jintao a employé pour la première fois, à la fin de son mandat du secrétaire général du PPC72 en 2012, l’expression de « communauté de destin » (ming yun gong tong ti, ) pour redéfinir l’ensemble des stratégies des relations internationales chinoises. Il a aussi cherché à insuffler une énergie positive73 liée aux valeurs confucéennes de l’harmonie sociale et humaine. Selon lui, le gouvernement chinois doit « maintenir le principe de coexistence à long terme, […], de sincérité réciproque et de communauté du destin pour le meilleur et pour le pire » (J. Hu, 2012b, p. 40).
La notion de « communauté » est l’une des idées représentatives du sociologue allemand Ferdinand Tönnies selon lequel « les volontés humaines entretiennent entre elles des rapports variés ; chacun de ces rapports est une action réciproque qui, en tant qu’exercée d’un côté, est subie ou reçue de l’autre » (2010, p. 4). Le rapport relationnel et l’association interpersonnelle pourraient être compris comme « vie réelle et organique » (2010, p. 4), ils consistent en essence de la communauté. Plus précisément, la communauté se réfère à « la manière dont les relations qu’entretiennent les individus diversement conditionnés apparaissent comme prédéterminées ou données » (Tönnies, 2010, p. 11). Les similitudes communes font référence à plusieurs points communs, comme la naissance, l’identité, le métier, la résidence, le mode de vie et la mémoire. Pour Olivier Galibert (2014b), l’idée de « communauté » est à rapprocher d’une vision post-moderne « faisant de la forme sociale communautaire une alternative organisationnelle ou politique enchantée. Cette alternative enchantée s’oppose à l’idée de société, forcément moderne, illustrée par la rationalisation étatique ou capitalistique » (p.117-118). On retrouve autour des Instituts Confucius (cf. Chapitre V, p.193), cette idée d’une communauté composée d’élus, qui est enchantée parce qu’elle est apolitique et propose une forme de vie alternative à l’activité économique et sociale locale traditionnelle. En effet, en se fondant sur les travaux de Tönnies, Zygmunt Bauman (2004) décrit à son tour la communauté comme synonyme d’entraide, d’harmonie et de confiance. Son idée principale renvoie à un état d’interdépendance des uns et des autres, voire « a warm place, a cosy and comfortable place » (p. 1). Selon l’auteur, les individus vivant dans la communauté partagent un espoir commun d’« améliorer ensemble leur vie » et « comptent sur la bonne volonté de chacun » (2004, p. 2).
Les politologues chinois empruntent ce regard sociologique de la communauté dans la théorisation du terme politique « communauté de destin » pour légitimer les valeurs liées à l’idée d’harmonie sociale et humaine employée par leur dirigeant du Parti. Selon Jiming Ning, l’incorporation de l’idée de « communauté » dans les théories doctrinales et les argumentations politiques du PCC permet de « fournir un certain sentiment de certitude et de sécurité aux membres et/ou aux publics visés de la communauté » (2018, p. 5). Ainsi, à travers la mise en œuvre de l’ensemble des activités de communication et de dialogue interpersonnel dans cette communauté », l’interaction personnelle et l’ensemble des relations sociales sont améliorés et renforcés. Ceux-ci contribuent aussi à la consolidation de la confiance mutuelle (Ning, 2018; Ruan, 2018).
Dans le discours prononcé par le président Hu Jintao, le Parti-État chinois doit améliorer ses stratégies communicationnelles en innovant théoriquement et professionnellement, afin de mieux construire et diffuser le soft power étatique. Il s’agit de médiatiser les valeurs universelles qui incitent les publics visés à collaborer avec la Chine et les Chinois, pour créer une communauté dans laquelle tous les acteurs, tels que les individus, les organisations, les gouvernements, travaillent en interdépendance pour « la modernisation et l’espoir de toute l’humanité » (J. Hu, 2012c).
La diplomatie publique, en tant qu’instrument de la mise en œuvre du soft power, permet donc de mettre davantage à jour les actions communicationnelles menées par Pékin vers et avec des publics étrangers afin de gagner de plus en plus de crédibilité par rapport à sa déclaration de « développement pacifique » et de favoriser les initiatives (géo-)politiques proposées par Pékin concernant la coopération « gagnant-gagnant » (J. Hu, 2012a). Plus clairement, cette diplomatie publique ne participe pas seulement à la gestion des relations (relationship management) entre le gouvernement, les organisations et les individus d’un État à l’égard de leurs publics étrangers visés, elle intègre en parallèle la (re)formulation stratégique dans la totalité de son processus communicationnel. Il s’agit de médiatiser la politique étrangère de la Chine et de diffuser durablement et discrètement les informations politiques et géopolitiques dans les sociétés ciblées par des moyens officieux, tels que des activités culturelles et des échanges people to people.

La « diplomatie de grande puissance propre à la Chine » : une doctrine imprégnée par un objectif de diffusion d’une vision idéalisée de la Chine, le « rêve chinois »

L’arrivée au centre du pouvoir du président Xi Jinping fin 2012 marque le début de l’âge de la diplomatie publique qualifiée « d’active et d’offensive » (Z. A. Huang & Wang, 2019a ; 2020). La politique étrangère de zou chu qu (sortir du territoire), lancée à la fin des années 1990, regroupait l’ensemble des stratégies de la politique étrangère de Pékin visant à renforcer les investissements et l’expansion économique et financière sur la scène mondiale, et les expressions « he ping jue qi (le développement pacifique, ) » et « he xie shi jie (le monde harmonieux, ) », proposées par Hu Jintao, ont alors été mobilisées par Pékin de manière à conceptualiser son modèle d’émergence sur la scène internationale par l’appel à des valeurs universelles liées à la paix et à la réciprocité. Xi Jinping, lui, incorpore une mission de restauration de la gloire passée de la Chine et de la nation chinoise à son concept de « zhong guo meng (rêve chinois, ) » en 2012 pour redéfinir les objectifs diplomatiques chinois à l’ère de la mondialisation.
Dans son discours, Xi Jinping plaide en faveur d’une diplomatie dite « zhong guo te se da guo wai jiao (la diplomatie de grande puissance propre à la Chine74, ) » en 2014 (Xinhua, 2014, § 8). Selon Li Keqiang, Premier ministre du gouvernement chinois, cette diplomatie de grande puissance propre à la Chine cherche à « lever bien haut l’étendard de la paix, du développement, de la coopération et de la solution gagnant-gagnant » (K. Li, 2016, p. 14). Les chercheurs chinois interprètent cette initiative politique ordonnée par la direction du Parti-État comme le signe que « la Chine s’approche avec confiance du centre de la scène mondiale » (Xu Q., 2017, § 1).

Le discours sur le « rêve chinois » dans la diplomatie publique : acceptation, performativité et diffusion d’une expression

Dans son discours lors de la 12e séance d’étude du Bureau politique du XVIIIe CCPCC77, Xi Jinping expose sa nouvelle stratégie de diplomatie publique pour répandre le « rêve chinois ». Selon lui, les actions communicationnelles de la diplomatie publique chinoise sont orientées par les intérêts politiques du Parti, c’est-à-dire que la diplomatie publique participe d’abord à la gouvernance du Parti dans la vie politique et sociale ainsi qu’à la censure de l’opinion publique domestique pour sécuriser la valeur et la culture qualifiée de « socialiste ». Ensuite, la diplomatie publique est menée par le gouvernement, les organisations publiques chinoises voire les citoyens chinois qui sont encadrés par le Parti-État pour « déployer le soft power de la culture chinoise et diffuser [subtilement] les valeurs de la Chine et de sa modernisation », notamment « le socialisme à la chinoise » dans les pays étrangers (Discours prononcé le 30 décembre 2013, cité de Xi, 2014c, p. 194). À travers une série d’activités relationnelles et des discours, Pékin cherche à présenter de manière uniformisée et harmonieuse un visage pacifique, amical et avenant du pays devant les publics étrangers. Il tend également à contrebalancer les perceptions d’une Chine dominatrice, conquérante et dangereuse, soucieuse de son seul essor économique (Q. Zhao, 2012; Q. Zhao & Lei, 2015).
Dans sa demande adressée aux hauts fonctionnaires chinois dans le domaine propagandiste, Xi suggère l’avènement des « nouvelles rhétoriques, valables pour les Chinois et les étrangers », pour parler du développement de la Chine et de la culture chinoise dans le processus de la diplomatie publique (Xi, 2013a, §3). Il vise à intégrer une stratégie de la « construction du pouvoir discursif » (hua yu quan jian she fang lüe, ) dans le déploiement du soft power chinois (Tan, 2016, p. 2).
En général, l’expression chinoise hua yu quan ( ) se traduit littéralement par l’expression française « pouvoir discursif ». Selon Michel Foucault (2009), « le discours n’est pas simplement ce qui traduit les luttes ou les systèmes de domination, mais ce pour quoi, ce par quoi on lutte, le pouvoir dont on cherche à s’emparer » (p.12). Les politologues chinois mobilisent l’idée de Foucault pour conceptualiser le pouvoir discursif chinois selon trois aspects : 1) le discours est considéré comme un porteur du pouvoir dans le contexte social, c’est-à-dire que le discours participe à la répartition du pouvoir dans la société civile et favorise l’établissement des relations sociales (Hailong Liu, 2013) ; 2) le discours est vu comme un porteur du pouvoir structurel, car il se transforme dans la société civile en habitude, convention ou institution ; 3) le discours défend les fondements du pouvoir ; il s’agit de la construction du sens et de la production de la vérité (Tan, 2016, p. 4; Xiao Wang, 2010, p. 58‑59; Q. Zhuang, 2007, p. 94).
Selon Giddens (2002), « le développement des États converge nécessairement avec la formation de modes de discours qui façonnent de manière constitutive le pouvoir d’État »78(p. 210). Dans le contexte de l’État moderne, « la capacité de différents groupes à mobiliser des discours pour la formulation des politiques ou des programmes sociétaux est vitale pour exprimer les intérêts communs et promouvoir les politiques et les programmes dans le domaine public »79 (Giddens, 2002, p. 211). La notion hua yu quan (pouvoir discursif, ) intégrée dans le soft power chinois n’est pas seulement désignée comme une capacité de diffuser les valeurs traditionnelles, la culture et la civilisation chinoises dans la communauté internationale, elle renvoie surtout au fait de médiatiser la politique, les valeurs et l’idéologie du Parti-État chinois à travers les discours dans les actions de communication (Tan, 2016; Xiao Wang, 2010).
Les efforts communicationnels menés par le PCC dans la construction du pouvoir discursif sur la scène internationale se décrivent alors comme « l’objectif central de la diplomatie publique chinoise qui contribue à la mise en scène d’un nouvel ordre international propre à la Chine » (Tan, 2016, p. 12; Hongming Zhang & He, 2015, p. 19). Il s’agit de mettre en lumière des « éléments culturels corrects » (Hartig, 2016, p. 165) dans la rhétorique politique, les récits stratégiques et la pratique du storytelling afin de légitimer l’expansion (géo-)politique et économique de la Chine (Z. A. Huang & Hardy, 2019).
Comme le dit la description de Xi, « les civilisations se diversifient et s’enrichissent à travers les échanges et l’inspiration mutuelle qui constituent un moteur important pour le progrès de l’humanité, la paix et le développement »80 (2018d, p. 312). Dans son dessein de la diplomatie de grande puissance propre à la Chine, Xi conceptualise le « rêve chinois » comme « le plus grand dénominateur commun conjuguant les efforts unis de la nation chinoise et la plus sincère volonté du peuple chinois de contribuer à la paix et au développement de l’humanité »81 (2018h, p. 194). Pour ce faire, les tâches essentielles de la diplomatie publique à la chinoise résident dans le fait « d’intensifier la précision et l’explication des valeurs de la Chine contemporaine, d’étendre la plateforme et le vecteur de la communication internationale, afin que ces valeurs imprègnent les communications et échanges internationaux dans tous leurs aspects » (p.194). Les stratégies s’inscrivant dans la politique étrangère chinoise relatives aux pratiques de diplomatie publique de l’ère de Xi tendent non seulement à proclamer l’émergence chinoise en tant que l’une des grandes puissances mondiales et l’un des grands pays responsables, elle entend également accentuer l’attractivité du pays dans tous ses aspects par des stratégies et moyens de communication « de plus en plus ouverts et conviviaux » afin de faire circuler l’espoir et la vitalité offerts par le développement chinois (p.196).

La diplomatie publique vers les pays africains : une communication « stratégique » ?

Pour les chercheurs chinois en communication politique (cf. K. Zhao, 2015, 2019; Q. Zhou, 2010, 2018), l’initiative de Xi Jinping en diplomatie publique est considérée comme un effort national pour la mise en scène des actions de la communication qualifiée de stratégique » envers les publics étrangers. La communication « stratégique » ne décrit pas un type précis d’actions de communication, de publics ou d’objectifs, mais plutôt l’importance de la coordination de l’ensemble des actions, ce qui suppose donc « une approche à 360 degrés » (Keller-Bacher & Zerfass, 2019, p.16). Il s’agit d’utiliser de manière calculée et proactive l’ensemble des récits, des formes et des vecteurs communicationnels pour renforcer la gestion des relations entre la Chine et les publics visés, promouvoir les politiques et les plaidoyers du gouvernement chinois, faire connaître les éléments attrayants issus de la culturel et de la civilisation chinoise, et, enfin, pour renforcer sa crédibilité et sa réputation à l’échelle internationale (Q. Zhao & Lei, 2015).
L’Afrique est considérée comme la destination de choix où le gouvernement chinois promeut son modèle de développement économique et vérifie la performance de sa stratégie de diplomatie publique (Batchelor & Zhang, 2017; X. Zhang, Wasserman, & Mano, 2016). Dans le deuxième document officiel de La politique de la Chine à l’égard de l’Afrique, publié le 4 décembre 2015, le terme de « communauté de destin » est repris et développé par Xi Jinping pour décrire les relations actuelles entre la Chine et l’Afrique. L’ensemble des expressions rhétoriques et politiques chinoises font appel à la racine historique du « lien d’amitié » entre les peuples chinois et africains, de la période antique à l’ère contemporaine (cf. Chapitre I, pp. 24
– 25). Une trentaine d’années après l’ère maoïste, des expressions comme « bons amis dévoués, bons partenaires solidaires et bons frères loyaux » (Xinhua, 2015, § 4), sont remobilisées par Pékin pour préconiser une nouvelle fois « l’amitié profonde » entre la Chine et l’Afrique (cf. Chapitre I, pp. 42 – 43). Cependant, par rapport à la période maoïste, l’objectif de Pékin est cette fois de se défendre contre les critiques de la néo-colonisation chinoise en Afrique.
Inspiré par les concepts de « monde harmonieux » et de « communauté de destin » proposées par son prédécesseur, Xi Jinping a développé le terme de « communauté de destin pour l’humanité » en 2017 dans le but de mettre en avant la responsabilité du gouvernement chinois pour la défense de l’ensemble des valeurs universelles pour toute l’humanité, à savoir la paix, le développement, l’équité, la justice, la démocratie et la liberté » (Xi, 2018a, p. 651). Le discours du chef de l’État chinois évoque de manière implicite la valeur de la coexistence et de l’interdépendance des civilisations et intègre le « rêve chinois » dans sa vision de l’harmonie mondiale. Il s’engage à promouvoir les opportunités de la modernisation offertes par le développement chinois et les contributions de la Chine dans l’évolution pacifique de la communauté internationale des dernières décennies.
Cette vision de la « communauté de destin pour l’humanité » est aussi mise en mots à travers les expressions rhétoriques de Pékin envers l’Afrique concernant la coopération gagnant-gagnant » et les « bénéfices mutuels »82, cherchant à légitimer le modèle de la présence chinoise sur le continent africain (C. Wu, 2015). Dans ce cadre, les « opportunités du développement et de la modernisation menées par l’expansion chinoise » sont considérées comme tant le thème principal de la diplomatie publique à la chinoise en Afrique (Hongming Zhang & He, 2015, p. 16). Selon la rhétorique officielle du PCC, la Chine et l’Afrique œuvreront à réaliser une coopération gagnant-gagnant et un développement commun, à enrichir leurs relations de nouveaux contenus et à leur donner une impulsion sans cesse renouvelée » (Xinhua, 2015, § 4).
La mise en œuvre de la diplomatie publique permet à Pékin de propager de manière globale et durable ses expressions rhétoriques sur le continent africain et en même temps de défendre son expansion (géo-)politique et ses intérêts économiques. Cet effort communicationnel contribue également à la mise en scène d’un nouvel ordre international proposé par le gouvernement chinois. Comme l’analyse de Hongwu Liu, chercheur militant du PCC, la communication stratégique du gouvernement chinois au sujet de sa coopération avec les pays africains permet non seulement de conceptualiser le « modèle chinois du développement pacifique » et de présenter au monde entier « la forme à la chinoise de la coopération gagnant-gagnant », mais aussi de « bouleverse[r] et dévaloriser les structures et normes économiques selon lesquelles les pays occidentaux dominent le monde » (2016, p. 14).

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Table des matières

LISTE DES ABRÉVIATIONS, DES DÉNOMINATIONS ET DES EXPRESSIONS POLITIQUES CHINOISES
INTRODUCTION. L’AFRIQUE DÉFINIE PAR LES DIRIGEANTS CHINOIS COMME « TERRAIN EXPÉRIMENTAL » DE DÉPLOIEMENT DU SOFT POWER : « L’ÂGE D’OR » DE LA CHINE-AFRIQUE
Une coopération sino-africaine contemporaine marquée par des « résultats remarquables » et par leur médiatisation
L’essor de la Chine sur le continent africain : entre opportunités et risques
L’Institut Confucius, un vecteur-clé du déploiement du soft power chinois en Afrique
Une recherche articulée autour des concepts de diplomatie publique, de soft power et de wai xuan
(propagande externe)
Plan de la thèse
SECTION I. DE LA PROPAGANDE (XUAN) À LA COMMUNICATION (CHUAN) : LA DIPLOMATIE PUBLIQUE À LA CHINOISE ET SA MISE EN OEUVRE EN AFRIQUE
Repères chronologiques sur l’histoire des relations entre la Chine et l’Afrique (ère maoïste)
Repères chronologiques sur l’histoire des relations entre la Chine et l’Afrique (ère post-maoïste)
CHAPITRE I. « SE FAIRE DES AMIS, UNIR TOUTES LES FORCES SUSCEPTIBLES D’ÊTRE UNIES » : LA GENÈSE DE LA DIPLOMATIE PUBLIQUE À LA CHINOISE SUR LE CONTINENT AFRICAIN
I. Les premières prises de contact officielles à partir de la fondation de la Chine socialiste en 1949
II. La « diplomatie du peuple » : une forme et une conceptualisation rudimentaire de la diplomatie publique chinoise en Afrique
III. La « diplomatie du peuple » en Afrique : la propagande maoïste axée sur « l’aide économique et technique »
III.1. L’établissement des antennes de l’agence de presse Xinhua en Afrique : des représentations diplomatiques officieuses
III.2. La propagande par le biais de l’art et du sport pendant la Révolution culturelle
III.3. La propagande en Afrique dans le cadre de « l’aide économique et technique »
IV. Les victoires de la « diplomatie du peuple » de l’ère maoïste
CHAPITRE II. WAI XUAN : LA DIPLOMATIE PUBLIQUE CHINOISE À L’ÈRE POSTTIAN’ANMEN
I. Le massacre de la place de Tian’anmen et les « vingt ans de gloire économique » de la Chine- Afrique : le dualisme du mot wei ji (risque/opportunité)
II. Le renouveau de la doctrine du wai xuan et la sinisation du soft power dans la communication diplomatique chinoise
II.1. La définition et la conception chinoises de la diplomatie publique
II.2. La propagation du concept de soft power du monde académique vers la sphère politique
II.3. L’intégration des concepts de soft power et de diplomatie publique dans la doctrine officielle du PCC
III. La diplomatie publique à la chinoise : une pratique « intermestique » ?
CHAPITRE III. LA DIPLOMATIE PUBLIQUE À LA CHINOISE ENVERS LES PAYS AFRICAINS : VERS UNE COMMUNICATION « STRATÉGIQUE »
I. Les orientations stratégiques de la présence chinoise en Afrique
I.1. L’émergence du concept de « communauté de destin »
I.2. La « diplomatie de grande puissance propre à la Chine » : une doctrine imprégnée par un objectif de diffusion d’une vision idéalisée de la Chine, le « rêve chinois »
I.2.1. Le discours sur le « rêve chinois » dans la diplomatie publique : acceptation, performativité et diffusion d’une expression
I.2.2. La diplomatie publique vers les pays africains : une communication « stratégique » ?
II. La communication « stratégique » et la diplomatie publique à la chinoise
II.1. La diplomatie publique à la chinoise : une forme paradoxale de wai xuan associant des pratiques
de relations publiques et de communication « stratégique »
II.1.1. État de l’art sur les relations publiques
• Aux sources des quatre modèles des relations publiques
• Diplomatie publique et relations publiques internationales : une forme spécifique de la communication publique ?
II.1.2. L’intégration du concept de relations publiques dans la diplomatie publique à la chinoise 89
• La théorie des Sunshine public relations
• Le guanxi dans les modèles théoriques chinois des relations publiques internationales .. 91
• Le modèle de la gestion des relations dans la diplomatie publique à la chinoise
II.1.3. La communication dite « stratégique » dans la diplomatie publique à la chinoise
II.1.4. Le rôle de l’information dans la diplomatie publique
II.2. « Raconter concrètement les histoires chinoises » : un instrument pour diffuser le « rêve chinois »
II.2.1. Les récits : une « machine à former les esprits »
II.2.2. Les « histoires de la Chine » : une arme de « l’offensive de charme chinoise »
II.2.3. Le storytelling : au coeur du pouvoir de persuasion
III. L’Institut Confucius en tant que vaisseau amiral de la diplomatie publique chinoise
III.1. La genèse et les objectifs de la création de l’Institut Confucius
III.1.1. Les institutions culturelles comme relais de la mise en oeuvre des politiques culturelles
III.1.2. L’Institut Confucius : jalons historiques et description des objectifs
III.1.3. Aux origines du choix du nom « Confucius » pour une institution culturelle chinoise
III.2. La survalorisation dans le discours doctrinal du rôle de l’Institut Confucius dans la diplomatie publique à la chinoise en Afrique
IV. L’adoption de l’Institut Confucius de l’Université de Nairobi comme principal terrain d’enquête
V. Les hypothèses structurantes du projet de recherche
SECTION II. MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE
I. Le choix d’une méthodologie pluraliste
I.1. Le parti pris méthodologique du pluralisme
I.2. Les objectifs de la recherche et les méthodes d’enquête
I.2.1. Le travail de veille et l’état de l’art sur les travaux scientifiques en études chinoises
I.2.2. Une ethnographie organisationnelle intensive
I.2.3. Les entretiens semi-directifs
I.2.4. L’enquête par questionnaire
II. Un dispositif d’enquête marquée par ses dimensions internationales et par la mise en avant des relations personnelles sur le terrain
II.1. Les facteurs de complexité propres liés au périmètre de la recherche et de l’enquête
II.2. Autobiographie scientifique et réflexive du chercheur eu égard à son positionnement face au terrain
II.3. Les relations humaines de proximité avec les membres des équipes de l’Institut Confucius de l’Université de Nairobi et de l’Université normale de Shanghai
II.4. La négociation de l’accès au terrain en contexte culturel chinois
III. Le corpus recueilli in fine en rapport avec les partis pris méthodologiques
III.1. Le déroulement et les apports de l’observation ethnographique et des entretiens réalisés à l’Institut Confucius de l’Université de Nairobi
III.2. Le déroulement et les apports de l’observation ethnographique et des entretiens réalisés pendant le camp d’été de l’Institut Confucius à l’Université normale de Shanghai
III.3. Le cas spécifique de l’entretien directif réalisé avec un haut fonctionnaire du Hanban
IV. Normes déontologiques et réflexion éthique sur la relation au terrain
IV.1. Repères conceptuels
IV.2. Des principes rigoureux de précaution, de reconnaissance et de réassurance des personnes rencontrées et interviewées
V. Un cadrage théorique transversal et pluridisciplinaire
V.1. L’analyse cognitive des politiques publiques pour appréhender les processus décisionnels et les référentiels politiques
V.2. Les approches stratégiques et systémiques pour analyser les activités en réseau au sein et autour de l’Institut Confucius
V.3. L’approche socio-sémiotique et l’analyse de discours
V.4. L’approche quantitative et l’analyse statistique des questionnaires
SECTION III. L’INSTITUT CONFUCIUS AU SERVICE DE LA DIPLOMATIE PUBLIQUE À LA CHINOISE EN AFRIQUE
CHAPITRE IV. PRÉSENTATION DE L’INSTITUT CONFUCIUS
I. Une ambition politique
II. Des missions para-diplomatiques
III. L’expansion de l’Institut Confucius et les craintes afférentes
IV. L’Institut Confucius en Afrique : vers un réseau global ?
CHAPITRE V. L’ENSEIGNEMENT DU CHINOIS À NAIROBI : LA MISE EN OEUVRE D’UNE STRATÉGIE BASÉE SUR L’ENGAGEMENT DANS LES ACTIVITÉS QUOTIDIENNES
I. Description de l’Institut Confucius de l’Université de Nairobi
II. La censure et l’autocensure au sein de l’Institut Confucius de l’Université de Nairobi
II.1. Un premier filtrage par le biais du recrutement des enseignants
II.1.1 L’évaluation politique et idéologique
II.1.2 L’évaluation des talents artistiques
II.1.3 La « zheng shen » : enquête politique et contrôle administratif des dossiers candidats préretenus
II.2. La « classe préparatoire » de politique internationale organisée par le Hanban : des éléments de langage parfaitement formalisés et ouvertement prescriptifs
II.3. Les mécanismes d’autocensure dans les activités de travail à l’Institut Confucius
II.3.1. La déclinaison du centralisme démocratique dans la gestion de l’Institut Confucius
II.3.2. La dimension collective des activités professionnelles et privées du personnel
III. Les activités de communication stratégique de l’Institut Confucius à Nairobi : communiquer pour engager ?
III.1. Les soubassements théoriques et doctrinaux de la communication stratégique
III.1.1 Une gestion stratégique des relations interpersonnelles
III.1.2. Une demande d’engagement intellectuel, physique et affectif au service de la diplomatie publique
III.1.3. Des « relations publiques constructives », les lunettes roses du storytelling
III.2. La mise en oeuvre sur le terrain des doctrines chinoises de la communication stratégique
III.2.1. La participation collective à des activités culturelles pour créer des sympathies
III.2.2. Une communication de l’implicite (« han xu ») cousue de fils invisibles
III.2.3. L’attractivité des clubs artistiques et culturels auprès des publics étudiants
III.2.4. La co-animation d’événements par les Chinois et les Kényans
III.2.5. La socialité mondaine et les rencontres politiques sino-kényanes prestigieuses pour mettre en valeur l’horizontalité des relations sociales en régime socialiste
III.3. Les activités pédagogiques et leurs « à-côté » promus comme leviers de la communication stratégique
III.3.1. L’objectif de « gagner » les étudiants à la cause chinoise
II.2.2. Le storytelling en constant filigrane des activités pédagogiques routinières
• Les histoires racontées par les employés chinois
• Les histoires racontées par les employés kényans
III.3.3. Les récompenses nombreuses, attractives et systématisées : la conception chinoise du don/contre-don
• Le système des bourses
• Le concours « Han yu qiao ??? »
• Le voyage pédagogique en Chine
CHAPITRE VI. LES RÉSEAUX AU SERVICE DU RÉCIT NATIONAL CHINOIS
I. La coopération sino-étrangère facilitée et approfondie grâce à l’Institut Confucius
I.1. Les logiques de co-entreprise
I.2. Les coopérations inter-organisationnelles et interpersonnelles au sein et autour de l’Institut Confucius
I.2.1. Les logiques et réseaux de coopération des universités publiques chinoises
I.2.2. Les logiques et réseaux de coopération articulés autour de la conférence annuelle de l’Institut Confucius
II. La coordination entre le Hanban, les universités chinoises, les gouvernements locaux et les partenaires commerciaux
III. Le rôle important d’animation culturelle et sociale joué par l’Institut Confucius au sein de l’Université de Nairobi
III.1. Les activités de l’Institut Confucius de l’Université de Nairobi avec ses partenaires chinois au Kenya
III.2. Les activités de l’Institut Confucius de l’Université de Nairobi avec ses partenaires kényans
CHAPITRE VII. « TRAVAILLONS ENSEMBLE POUR UNE COMMUNAUTÉ DE DESTIN ET UN DÉVELOPPEMENT COMMUN » : LA DOUCEUR VELOUTÉE DES DISCOURS DIPLOMATIQUES AU SERVICE DU SOFT POWER CHINOIS
I. L’Institut Confucius dans les discours institutionnels « intermestiques » du PCC et du gouvernement chinois
II. L’Institut Confucius et les relations sino-africaines depuis les années 2000
II.1. L’Institut Confucius au coeur de la politique africaine du gouvernement chinois
II.2. L’Institut Confucius et la doctrine de la « communauté de destin »
CONCLUSION ET DISCUSSION. LES ACTIVITÉS PÉDAGOGIQUES ET CULTURELLES D’UN INSTITUT CONFUCIUS : LA DIPLOMATIE PUBLIQUE À LA CHINOISE, UNE FORME COMMUNICATIONNELLE « HYPER-STRATÉGIQUE » ?
I. Le niveau micro : gestion des relations et récits stratégiques
II. Le niveau méso : interactions et interdépendance des divers acteurs dans le réseau de l’Institut Confucius
III. Le niveau macro : environnement politique et diplomatique sino-étranger
IV. La forme communicationnelle « hyper-stratégique » de la diplomatie publique à la chinoise …
V. Évocation de projets et perspectives de recherche
V.1. Comparer l’Institut Confucius et d’autres centres culturels
V.2. Étudier les effets des actions de l’Institut Confucius
V.3. Examiner l’affirmation de discours critiques à l’international vis-à-vis de l’Institut Confucius et
de la diplomatie publique à la chinoise
V.4. Effectuer une veille sur la diplomatie publique en Afrique en lien avec la crise sanitaire de Covid-
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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